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Le phénomène d’endogamie et de reproduction socioprofessionnelle a déjà été démontré pour les Fernández de Madrigal et les Dáez de la Calle. Il s’agit maintenant de voir si ce cas était isolé : existe-t-il d’autres familles de fonctionnaires dans les secrétariats ? Le monde des commis constitue-t-il un petit cercle où les fils prennent la place des pères ?

• Les López de Echaburu : en 1615, Bartolomé entre au Conseil, comme commis entretenido du secrétariat de Nouvelle Espagne, après avoir passé dix ans dans les papiers du Conseil de l’Inquisition. En 1639, il est toujours à ce poste44. En 1647, il succède à Juan Díez de la Calle au poste de second

42 Diego de Herrera Medrano, commis du secrétariat du Pérou, tombé malade pendant un an, reçoit le soutien

financier du Conseil car « il convient d’aider ceux qui exercent dans les secrétariats, ainsi pour la confiance qu’on leur donne comme pour la brièveté de leur gages (...) » A.G.I., Indif. Gen., 766, Sonseil 17/11/1649. Une aide similaire est accordée à don Diego de Carvallido Losada, malade pendant quatre mois. A.G.I., Indif. Gen., 767, Conseil, 14/6/1651.

43 A.G.I., Indif. Gen. 767, Conseil, 31/10/1651, « se halla ymposibilitado de continuar ni cumplir con su

obligacion con lo que a gastado de su patrimonio para poder servir como deve siendo neçesario dar a los oficios dote competente con que se sustenten los que los tienen... »

commis45. Entré en 1629 au Conseil, don Pedro López de Echaburu est nommé en 1646 second commis du secrétariat du Pérou46, puis premier en 1660, il meurt en 1676. Nous ne connaissons pas le degré de parenté entre ces deux hommes.

• Les López de Letona y Mendoza. Don Diego est premier commis du secrétariat de Nouvelle Espagne depuis 1632, il meurt en 1647. En 1649, don Fernando López de Letona entre comme commis entretenu dans le même secrétariat ; en 1657, il passe au Conseil des Flandres. Ici encore nous ne connaissons pas le degré de parenté entre les deux hommes.

• Relevons la forte présence des Basques. Les patronymes d’outremonts peuplent les secrétariats du Conseil des Indes : López de Hernani, López de Letona, López de Echaburu, Layseca Alvarado, Ubroaga, Bribiesca. Phénomène visible dans tous les Conseils où les Basques constituaient de « véritables groupes de pressions, dont les membres, très souvent liés par la parenté, se faisaient omniprésents dans l’univers administratif que formaient les gratte-papiers du palais. »47

Finalement, tous les commis ne peuvent afficher une présence familiale au Conseil. « La herencia por merced »48, dénoncée par Schäfer, existe mais elle est loin d’être

systématique. Malgré le principe de continuité de père en fils dans les années de service, seuls les Fernández de Madrigal/ Díez de la Calle conservent les postes clés pendant un siècle. La progression dans les carrières est variable suivant les individus : Francisco Fernández de Madrigal passe d’aspirant à premier commis en moins de neuf ans, alors qu’il avait fallu 23 ans pour Juan Díez de la Calle. Don Joseph Martinez de Grimaldo attend dix-huit ans avant de passer de second à premier commis alors que Diego de Carvallido y Losada, six ans seulement. Deux facteurs expliquent ces écarts : le premier repose sur le fait que la montée d’un échelon a lieu avec le décès d’un supérieur, or la longévité des commis est remarquable ; le deuxième montre que plusieurs commis bénéficient d’un traitement de faveur et progressent plus vite grâce à leurs appuis comme Francisco Fernández de Madrigal avec Gabriel de Alarcón. Le monopole de certains verrouille les velléités d’ascension des autres : on a vu que des fonctionnaires terminaient

45 A.G.I., Indif. Gen., 436, L. 14, f. 31

46 A.G.I., Indif. Gen., 456, L. A27, f. 9-11, 1646-09-26, (Zaragoza), Real Cédula a Pedro López de

Echaburu, dándole título de oficial segundo de la secretaría del Perú, en lugar de José de Estensoro.

47 BARRIOS Feliciano, « El gobierno de la Monarquía en el reinado de Felipe IV », in Alcalá-Zamora y

Queipo de Llano José (coord.), Felipe IV. El hombre y el reinado, Madrid, 2005, p. 145-146

leur carrière comme troisième commis. Par ailleurs, ces postes sont de moins en moins recherchés, les retards de paiements récurrents deviennent problématiques. On constate que de nombreux commis obtiennent des offices supérieurs avec des salaires de subalternes : en 1659, Juan Ochoa de Ipina est promu second commis avec les gages d’un troisième, même cas en 1660 pour Diego de Segura ou Diego Enrique en 166349.

À la fin du XVIIe siècle, une génération d’héritiers sait qu’elle peut bénéficier d’une aide ou du prestige des ancêtres : plusieurs années après le décès d’un parent, ils perçoivent les gages et les émoluments. Les archives abondent en demandes de ce genre : en 1663, la veuve et les héritiers de Juan Díez de la Calle bénéficient d’une grâce de 29 852 maravédis pour les services rendus par le patriarche en plus des 66 496 maravédis de gages dus pour la période allant du 1er janvier 1662 à la date du décès de Juan (15 juin 1662) et de 19 141 maravédis d’aide dus au même Juan pour la même période. Six ans plus tard, Lorenza de Velasco, la veuve, reçoit 30 ducats d’aide50.

Pour conclure avec les secrétariats, Juan Díez de la Calle appartenait donc à une entité administrative en construction qui atteignit son régime de croisière vers 1650. Cette cellule est le théâtre des relations professionnelles quotidiennes entre les officiers subalternes, infra-letrados, à la recherche de promotion. Toutefois, quelques uns végètent et se contentent d’un salaire plutôt confortable pour le niveau de vie de l’époque. L’implantation familiale est indéniable mais elle ne constitue pas le seul mode de recrute- ment, et le renouvellement des employés est indéniable. Appartenant à une institution prestigieuse, certains commis, à l’instar de Juan Díez de la Calle, pouvaient profiter de la présence de personnages puissants pour obtenir un meilleur statut.

Nous ne disposons pas de témoignage personnel de Díez de la Calle ou d’un commis exprimant son sentiment sur ses conditions de travail. Néanmoins, un document évoque l’intérêt de notre personnage pour son statut comparativement à ses homologues français. Une « Relation de la manière dont les secrétaires du Roi [de France] usent de leurs offices » explique le découpage territorial des quatre principaux secrétariats d’État. Díez note que le secrétaire choisit personnellement ses commis auxquels Louis XIII ne donne aucun gage : « il leur fait des grâces tous les deux ans à la demande des secrétaires et ils gardent les profits de leurs affaires ordinaires »51. Au XVIIe siècle, des similitudes existent entre les départements ministériels des grandes monarchies européennes : l’obtention de

49 A.G.I., Contaduría 206, R. 2

50 A.G.I., Indif. Gen., 440, L. 25, f. 3, Real disposición 17/12/1668

51 B.N.M., Ms 3010, f. 198v., « haceles mercedes entre año pidiendolas los secretarios para ellos y tienen

grades universitaires n’étaient pas nécessaires, la formation se faisait sur le tas, les carrières étaient longues, ils sont les clients de leur ministre, des dynasties de commis se perpétuent de père en fils ou de beau-père en gendre, des solidarités se tissent entre commis par le jeu des mariages, la protection d’un patron peut accélérer les carrières. En Angleterre, des clerks apparaissent également dans la documentation comme les « gratte- papiers » des secrétaires d’État52.

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Le Conseil des Indes abrite bien d’autres personnages plus ou moins en contact avec les secrétariats : d’une part, les petits officiers de la comptabilité, du greffe ou encore les huissiers et, d’autre part, les conseillers eux-mêmes, personnages prestigieux pour la plupart letrados. Tous se croisent et se connaissent plus ou moins. Dans cette société de cour, chacun garde la distance que lui impose son rang : les grands commis des secrétariats peuvent toutefois espérer approcher les conseillers lorsque les deux secrétaires sont absents, ils les suppléent et entrent à leur place le temps d’une séance53. La barrière n’est pas complètement étanche d’autant que, exceptionnellement, certains commis terminent conseillers.

En 1631, Antonio de León Pinelo recense cinquante-trois offices au Conseil des Indes dont le salaire est supérieur à 50 ducats54. En 1645, Díez de la calle en compte soixante-quatre. Cela représente un personnel conséquent55.

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