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Un système complexe de relations de causalité

3  Tentative de caractérisation du lien de causalité entre aides publiques et biodiversité

3.3. Un système complexe de relations de causalité

Théoriquement, une fois les indicateurs identifiés et renseignés, les relations entre ces indicateurs doivent être connues afin d’être en mesure de valider un éventuel lien de causalité entre une aide publique et l’état de la biodiversité.

Après avoir présenté le principe général de caractérisation des liens de causalité, cette section essaie de décrire, de la façon la plus synthétique possible, le système de relations entre les différents types d’indicateurs.

Principe général

L’objectif ici est de définir une ligne directrice pour pouvoir affirmer ou non l’existence d’un lien entre une aide publique et l’état de la biodiversité à partir d’indicateurs tels que ceux proposés précédemment.

Les liens entre indicateurs sont simplement normalisés par un signe négatif ou positif : • négatif pour signifier que l’indicateur en amont diminue l’indicateur en aval ;

• positif pour indiquer que l’indicateur en amont augmente l’indicateur en aval.

Le schéma suivant illustre ce principe.

Toute la difficulté réside dans la capacité à isoler une relation entre deux indicateurs toutes choses égales par ailleurs. L’évolution d’un indicateur dépend en effet d’un grand nombre de paramètres, certains pouvant figurer parmi les indicateurs sélectionnés. Ces paramètres ont chacun leur propre impact, positif ou négatif, sur l’indicateur à expliquer. Distinguer une relation dans un système de relations comme celui-ci n’est donc pas chose aisée.

Par ailleurs, selon la disponibilité de l’information, trois cas de figures sont possibles :

• les relations ont été étudiées à plusieurs reprises et une relation quantitative (élasticité) peut être établie. Il suffit alors d’observer le niveau de l’indicateur amont pour en déduire celui des indicateurs aval ;

• les relations sont connues à travers des études de cas ou à dire d’expert et le sens de la relation (positif ou négatif) fait consensus. Il est alors possible de déduire l’évolution des indicateurs aval à partir de celle de l’indicateur amont ;

• il n’existe pas de données et il est alors impossible de conclure quant à l’évolution des indicateurs. Indicateurs de pression Indicateurs d’état Indicateurs de force motrice Aides publiques +/- +/- +/-

La démarche est donc limitée, dans le meilleur des cas, à la caractérisation du sens de la relation (augmente ou diminue). La magnitude de la relation, i.e. l’ampleur de l’effet, est très rarement précisée, les liens de causes à effets étant, le plus souvent, insuffisamment documentés.

En appliquant ce principe à l’exemple du SNIT précité, même si les données ne peuvent être confirmées à ce jour, les relations suivantes peuvent être avancées pour l’artificialisation des habitats naturels :

• la mise en œuvre du SNIT devrait voir augmenter le nombre de kilomètres d’infra- structures de transport construits (relation entre aide publique et indicateur de force motrice) ;

• ces nouvelles infrastructures pourraient représenter de 150 km² à 300 km2 de surfaces artificialisées supplémentaires au total par rapport à la situation actuelle, les aménagements ou renforcements d’infrastructures existantes n’étant pas pris en compte (DGITM, 20101), de même que l’effet induit sur l’urbanisation, qui peut être sensiblement plus important2

(relation entre indicateur de force motrice et indicateur de pression) ;

• les zones Natura 2000 pourraient être concernées à hauteur de 12 % par les projets d’infrastructure (DGITM, 2010) et voir leur état de conservation se détériorer (relation entre indicateur de pression et indicateurs d’état de la biodiversité).

… et dans le cas du changement climatique :

• les nouvelles infrastructures de transport devraient produire une hausse de trafic (relation entre aide publique et indicateur de force motrice) ;

• selon l’avant-projet de SNIT, la hausse de trafic devrait être compensée par la baisse des émissions unitaires de gaz à effet de serre dues au progrès technique, un léger progrès supplémentaire étant dû à l’effet propre du SNIT. Le SNIT fait finalement apparaître une quasi-stabilité ou une très légère baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 (Autorité environnementale, 20113

). L’Autorité environnementale émet toutefois des réserves quant à ce bilan, notamment, parce qu’il ne prend pas en compte les émissions durant la phase chantier de la réalisation des projets4

, ou encore, parce que les modèles de prévision utilisés pour ces évaluations ne sont, a priori, pas valides pour évaluer les effets globaux d’un réseau avec modification globale des origines et des destinations, ou encore, parce que les prévisions de l’avant-projet de SNIT ne permettent pas d’apprécier si la capacité d’absorption de trafic (voyageurs et fret) par le réseau ferroviaire, après SNIT, est suffisante pour permettre un report modal beaucoup plus fort en vue de contribuer plus nettement à l’objectif de réduction de 20 % des émissions

(1) DGITM (2010), Avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport soumis à concertation, 9 juillet, 178 p.

(2) Les impacts induits sur l’urbanisme résidentiel, industriel ou tertiaire (zone d’activité à proximité des nœuds du réseau, impacts des modifications de la logistique, etc.) sont probablement la principale source d’impact sur la biodiversité, par l’intermédiaire de l’artificialisation des sols et de la perturbation des habitats. Le SNIT n’en fournissait aucune appréciation.

(3) Autorité environnementale (2011), Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur l’avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), n° Ae : 2010-32, 20 p.

(4) Une hausse des émissions a, par exemple, été mise en évidence par l’étude du bilan carbone de la LGV Rhin-Rhône du fait de l’augmentation des émissions pendant la phase de chantier (référence : www.bilan-carbone-lgvrr.fr/).

de GES d’ici à 2020 (relation entre indicateur de force motrice et indicateur de pression) ;

• les émissions de GES étant stables sur la période, on ne prévoit pas d’effet sur les indicateurs d’état de la biodiversité (relation entre indicateur de pression et indicateurs d’état de la biodiversité).

Les relations entre indicateurs de force motrice et indicateurs de pression

Selon Smet et Weterings (1999)1

, la relation entre le niveau d’une force motrice et celui d’une pression dépend de la capacité de l’activité anthropique à réduire ses effets sur les écosystèmes et la biodiversité. Autrement dit, plus la construction d’infrastructures de transport prend en compte les contraintes de fragmentation des habitats, d’émissions de substances polluantes, etc., moins elle augmentera le niveau des indicateurs de pression.

Par ailleurs, une force motrice peut influer sur plusieurs indicateurs de pression (voir la figure ci-dessous dans le cas du transport routier)…

…et un indicateur de pression peut être dépendant de plusieurs forces motrices (voir figure suivante pour la destruction et la détérioration des habitats).

(1) Smet E. et Weterings R. (1999), Environmental indicators: Typology and overview, op. cit.

Destruction et dégradation de l’habitat Pollution CO2et Climat ÉtatÉtat de la biodiversité Artificialisation Fragmentation km2  imperméabilisés/an t de Nox /an t de PM10/an t de HAP/an t de sels de salage Air Eau Sol t de pesticide/an t de CO2/an Km2 drainés Perméabilité de la  zone  anthropisée Espèces invasives Transformation t de métaux  lourds/an

Indicateurs de force motrice  Indicateurs de pression Indicateurs d’état

Intensité des  échanges com.  internationaux Involontaire

Transport 

routier

Enfin, une force motrice peut avoir des effets indirects. Par exemple, la construction d’une route peut entraîner le développement de nouvelles activités commerciales, industrielles et récréatives qui vont elles-mêmes constituer de nouvelles forces motrices.

Les relations entre indicateurs de pression et indicateurs d’état

Selon la disponibilité de l’information, la relation entre un indicateur de pression et un indicateur d’état peut se caractériser par l’un ou plusieurs des critères suivants : • possibilité de retour à un bon état de la biodiversité (notion de réversibilité) ; • forme de la relation (relation linéaire, relation de type « effet de seuil », etc.) ;

• temporalité de la relation (effets importants lors de la phase de chantier par exemple) ;

• situation géographique de la relation (les impacts sont très dépendants des caractéristiques du milieu).

Une pression peut également produire des effets indirects. C’est le cas de la fragmentation du parcellaire des exploitations situées aux abords d’une nouvelle route qui va entraîner une opération de remembrement. Cette opération va à son tour augmenter la détérioration des habitats.

Enfin, il existe des interactions entre pressions. C’est le cas du changement climatique sur le développement de certaines espèces invasives, ou encore de l’artificialisation sur le ruissellement des stocks de polluants présents sur les voies. Autres exemples intéressants :

• la transformation des habitats par le drainage peut produire des effets importants sur le cycle de l’eau (le drainage peut notamment perturber l’approvisionnement des nappes phréatiques, il peut aussi accélérer la pollution des rivières) ;

• les espèces invasives peuvent détériorer la qualité des habitats.

Destruction et dégradation de l’habitat Artificialisation Fragmentation km2 imperméabilisés/an km2drainés Perméabilité de la  zone anthropisée Transformation Transport  routier Agriculture Logement Activité  récréative (golf) ÉtatÉtat de la biodiversité

Les relations entre aides publiques et indicateurs de force motrice

On peut distinguer trois principaux types de relations :

• l’aide a un objectif non environnemental et encourage le développement d’une activité anthropique qui peut elle-même augmenter le niveau d’une (plusieurs) force(s) motrice(s) (exemple d’une raffinerie) ou, au contraire, réduire une (des) force(s) motrice(s) (exemple de certains types d’agriculture comme la polyculture élevage), ou même avoir un effet mixte ;

• l’aide a un objectif environnemental mais ne prend pas en compte la biodiversité. Elle peut alors avoir un effet neutre sur les forces motrices ou augmenter indirectement une force motrice (exemple des aides au photovoltaïque au sol) ; • l’aide a un objectif de biodiversité et va encourager des pratiques vertueuses.

Cette aide va alors réduire le niveau des forces motrices.

Lorsqu’une aide publique agit sur plusieurs forces motrices qui, elles-mêmes, peuvent influer sur plusieurs pressions et finalement sur l’état de la biodiversité, ou, lorsque plusieurs aides sont mises en œuvre simultanément et agissent sur plusieurs forces motrices, chacune de ces relations pouvant être positive ou négative, le résultat de l’ensemble de ces impacts sur la biodiversité est difficilement anticipable. L’interprétation d’une combinaison de relations nécessite, en effet, notamment, de bien connaître la magnitude des relations ainsi que les interactions entre forces motrices, pressions et biodiversité. Ces informations étant peu ou pas disponibles, les relations entre une aide et la biodiversité sont analysées individuellement.

Le périmètre géographique d’application d’une aide ajoute, en outre, une dimension de classification intéressante. Il permet de différencier les aides associées à une force motrice située sur :

• un milieu fragile ou rare (exemple de la Crau ou de la Camargue) ; • ou un milieu relativement pauvre (exemple de la Beauce).

L’effet d’une aide sur des forces motrices dépend, aussi, des conditions techniques, biophysiques et économiques de la région dans laquelle se situe l’agent ciblé par le dispositif. Il est bien sûr difficile de contrôler l’ensemble de ces paramètres. Néanmoins, à titre d’exemple, bien que la Beauce ait un intérêt certain pour la biodiversité avec des espèces menacées (telle l’outarde canepetière), de façon générale, la diversité des espèces en Camargue est plus importante et les effets d’une aide appliquée en Beauce sont considérés comme moins dommageables à la biodiversité qu’une même aide appliquée en Camargue, toutes choses étant égales par ailleurs.

En outre, une aide agissant sur un déterminant de force motrice, i.e. une aide indirecte, est prise en compte au même titre qu’une aide directement affectée à une force motrice. La figure suivante illustre la diversité des aides plus ou moins directes qui peuvent influer sur la consommation d’agrocarburants par habitant.

  Subventions sur l’offre de produits intermédiaires Subventions aux récoltes et à l’irrigation Subventions à l’énergie Terre Travail Capital Facteurs de production apportant de la valeur ajoutée

Entreprise de biocarburants

Produits dérivés

Biocarburants

Biens intermédiaires

Nourritures pour le bétail

Eau Energie Subventions aux facteurs de production Subventions aux intrants intermédiaires Consommate urs de ces produits dérivés Véhicules : Car, bus, camions. Subventions à l’achat de biocarburants Subventions au stockage et à la distribution Subventions à la production : * exonérations d’impôts liées au niveau de production * exemptions de taxes * support aux prix du marché (tarification douanière) Production Consommation Subventions à l’achat des véhicules Subventions à l’industrie  utilisant ces  produits dérivés   Subventions sur l’offre de produits intermédiaires Subventions aux récoltes et à l’irrigation Subventions à l’énergie Terre Travail Capital Facteurs de production apportant de la valeur ajoutée

Entreprise de biocarburants

Produits dérivés

Biocarburants

Biens intermédiaires

Nourritures pour le bétail

Eau Energie Subventions aux facteurs de production Subventions aux intrants intermédiaires Consommate urs de ces produits dérivés Véhicules : Car, bus, camions. Subventions à l’achat de biocarburants Subventions au stockage et à la distribution Subventions à la production : * exonérations d’impôts liées au niveau de production * exemptions de taxes * support aux prix du marché (tarification douanière) Production Consommation Subventions à l’achat des véhicules Subventions à l’industrie  utilisant ces  produits dérivés

Source : Presentation, OECD Workshop on estimating support to Fossil Fuels, Paris, 18-19 novembre, 2010

On peut voir dans cet exemple, qu’une seule aide est appliquée directement à la consommation d’agrocarburants (subventions à l’achat d’agrocarburants, en encadré rouge) alors qu’il existe de nombreuses aides indirectes : subventions à l’achat des véhicules adaptés, subventions au stockage et à la distribution, subventions à la production, subvention aux facteurs de production et aux intrants intermédiaires et subventions sur l’offre de produits intermédiaires.

Enfin, l’attention doit être portée sur les impacts des éventuelles substitutions générées par un dispositif d’aides. En reprenant l’exemple des biocarburants, passer du maïs à la betterave éthanol a sans doute un effet faible sur la biodiversité, alors que le passage de la forêt amazonienne à la canne à sucre a un impact majeur.

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