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Définitions, méthodes, limites

Conformément aux articles 26 et 48 de la loi Grenelle 11

et à sa lettre de mission, le groupe de travail s’est fixé pour objectif d’identifier les aides publiques à caractère budgétaire, extra-budgétaire ou fiscal ayant un impact négatif sur la biodiversité, de les évaluer et de proposer des pistes de réforme.

Ce chapitre a pour but de préciser la démarche méthodologique du groupe de travail. Il explique le périmètre adopté pour définir une aide publique dommageable à la biodiversité. Il décrit ensuite la façon dont le groupe a procédé pour inventorier les aides et fait des propositions de réforme. Enfin, il s’attache à démontrer la complexité des relations entre une aide publique et l’état de la biodiversité.

1  Définitions

La notion d’aide publique dommageable à la biodiversité peut recouvrir des acceptions différentes. L’approche retenue ici se veut pédagogique : elle vise à accompagner le lecteur en partant de l’intuition la plus commune de ce qu’on appelle une aide publique pour le conduire en trois temps vers une acception plus économique et conceptuellement plus complète. Les éclairages théoriques puis empiriques proposés sont accompagnés d’exemples concrets pris le plus souvent dans le domaine environnemental.

1.1. Première définition : une aide publique est un transfert financier

de l’État ou des collectivités territoriales vers un agent privé

Au niveau international, en s’appuyant sur les doctrines élaborées par l’OMC2, on peut définir une aide publique comme un transfert financier d’origine publique (État, collectivités territoriales, établissements publics, personnes de droit privé financées sur fonds publics, etc.) qui confère un avantage au bénéficiaire.

(1) La loi Grenelle 1 stipule dans ces articles que le gouvernement fera « état, sur la base d’un audit, des mesures fiscales défavorables à la biodiversité et proposera de nouveaux outils permettant un basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux enjeux environnementaux », et plus généralement « qu’il présentera au Parlement une évaluation de l’impact environnemental des aides publiques à caractère budgétaire ou fiscal. Ces aides seront progressivement revues de façon à s’assurer qu’elles n’incitent pas aux atteintes à l’environnement ».

(2) Les « subventions spécifiques », au sens de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires annexé à l’accord GATT de Marrakech de 1994, sont définies comme une « contribution financière, allouée par les pouvoirs publics ou par tout organisme public du ressort territorial d’un État, qui confère un avantage ». Elles sont dites « spécifiques » car seules les subventions spécifiquement accordées à une entreprise, à une branche de production ou à un groupe d’entreprises ou de branches sont visées par cet accord.

En France, la doctrine juridique précise cette première définition en retenant au moins les trois éléments suivants pour qualifier une aide publique1 :

• la nature du financeur : personne publique (État, collectivités territoriales, établissements publics, groupements d’intérêt public) ou personne morale de droit privé liée à une personne publique par un lien organique (associations adminis- tratives), patrimonial (sociétés publiques, SEM) ou fonctionnel (gestion d’une activité de service public), voire fonds structurels européens et organisations internationales ;

• l’existence d’un bénéficiaire (pour distinguer une aide d’une mesure de politique générale non ciblée) ;

• la caractérisation de la relation donneur/bénéficiaire : impact comptable du transfert, caractère désintéressé (ou sans contrepartie équivalente), bénéfices directs ou indirects.

En conformité avec ces notions (internationales et juridiques), on peut mentionner que la mission d’audit de modernisation2

qualifie d’aide publique « un transfert de richesse d’un financeur public (ou privé recevant des fonds publics) vers un bénéficiaire, motivé par un objectif de politique publique et soumis au respect de conditions explicites ». Les catégories de bénéficiaires retenues ici seront aussi bien les entreprises ou les ménages que les personnes publiques elles-mêmes.

Notons que le transfert financier qui sera constitutif de l’aide publique pourra être aussi bien un transfert effectif de la personne publique au bénéficiaire (une subvention au sens usuel) qu’un renoncement à un transfert inverse du bénéficiaire à la personne publique (une exonération de taxe, par exemple, ou bien une dépense fiscale). En outre, le bénéficiaire direct de l’aide n’en est pas forcément le bénéficiaire final, une aide au producteur pouvant in fine bénéficier indirectement au consommateur.

Une telle définition permet déjà de couvrir un assez large spectre de dispositifs et d’instruments financiers – subvention budgétaire directe, exonération fiscale, crédit d’impôt, abattement fiscal, amortissement accéléré, tarifs d’achat, soutien des prix ou des revenus, remise de dette ou abandon de créance, octroi de garantie, prise de participation en capital, prêt à des conditions différentes de celles du marché, avance remboursable, rabais sur le prix de vente… – que l’on peut sommairement regrouper dans la nomenclature proposée par l’Union européenne (voir tableau et encadré suivants). D’autres critères de classement peuvent être proposés (budgétaire/non budgétaire, consommation/production, direct/indirect, etc.)3

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(1) Adapté de : Conseil d’orientation pour l’emploi (2006), rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques, 186 p.

(2) Mission d’audit de modernisation IGF-IGAS-IGA (2007), Rapport sur les aides publiques aux entreprises.

La nomenclature de l’Union européenne relative aux aides d’État (aide publique)

Catégories Aide budgétaire Dépense fiscale

Groupe A : Aide intégralement transférée au bénéficiaire Subvention Prime

Bonification d’intérêt obtenue directement par le bénéficiaire Commande publique

Crédit d’impôt

Abattement fiscal, exonérations Réduction de cotisations sociales Mesure équivalente à une subvention

Taux réduit Dégrèvement

Déduction du revenu avant impôt Groupe B :

Prise de participation

Prise de participation sous toutes ses formes

(y. c. conversion de dette) Groupe C :

Intérêt économisé par le bénéficiaire pendant la mise à disposition du capital transféré Prêt à taux réduit Prêt participatif Avance remboursable Report d’impôt Groupe D : Garanties

Garanties : montant couvert par des régimes de garanties ; pertes en découlant, déduction faite des primes versées

Source : adapté de Commission européenne1

Quelques exemples d’aides publiques

Subvention directe : l’exemple de l’agriculture et de la pêche

La plupart des aides directes à destination des agriculteurs sont organisées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Les instruments de soutien des prix mis en place à l’origine ont été progressivement remplacés par une augmentation des aides directes aux agriculteurs. Ces aides sont de différents types : en premier lieu le droit à paiement unique (principale aide en termes de montant versé, indépendant de l’activité de production), des aides liées aux produits (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, prime compensatrice ovine, etc.) ou encore des aides en faveur du développement rural (compensation de handicaps naturels, mesures agro-environnementales, etc.). De même, dans le cadre de la politique de la pêche, on trouve des aides à la modernisation de la flotte, des aides aux équipements des infrastructures portuaires, des mesures de compensation liées à des handicaps géographiques (insularité) ou à des aléas environnementaux (mortalité d’huîtres), etc.

Réduction d’impôt : investissement locatif Scellier

Pour soutenir l’investissement locatif, le dispositif « Scellier » en vigueur depuis 2009 permet au contribuable de bénéficier d’une réduction d’impôt de 20 % lorsqu’il achète un logement neuf et qu’il s’engage à le louer nu à usage principal du locataire pendant une durée minimale de neuf ans. Ainsi, sous ces conditions, un investissement de

(1) Voir notamment le rapport de la Commission européenne relatif aux aides d’État au secteur manufacturé, COM 1998, 18 septembre 1998. Le rapport mentionne également deux autres types d’aides, aides matérielles et aides juridiques, que nous ne développons pas ici.

300 000 euros permettra de bénéficier d’une réduction d’impôt total de 60 000 euros, soit 6 666 euros par an pendant neuf ans.

Prêt à taux réduit : prêt à taux zéro + Depuis le 1er

janvier 2011, l’État a mis en place un prêt à taux zéro + pour soutenir les ménages qui souhaitent devenir propriétaires, cet instrument fusionnant les dispositifs antérieurs du prêt à taux zéro, du Pass foncier et du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt. Le prêt à taux zéro + est un prêt dont les intérêts sont pris en charge par l’État, sans frais de dossier, pour l’achat d’une première résidence principale (réservé aux personnes n’ayant pas été propriétaires de leur résidence principale depuis au moins deux ans). Le coût de l’aide publique associée à ce dispositif correspondra à la somme actualisée des écarts entre les mensualités d’un prêt à taux zéro et les mensualités qui seraient dues au titre d’un prêt « normal ».

Amortissement accéléré

Pour encourager le développement d’un secteur d’activité ou le renouvellement de l’appareil de production, une aide publique peut consister à permettre un amortissement accéléré des investissements productifs. Ce faisant, on allège les coûts sur les premières années du cycle d’investissement, années où l’assise financière de la nouvelle activité est potentiellement fragile ou le retour sur investissement encore incertain. Corrélativement, la base taxable à l’impôt sur les sociétés s’en trouve diminuée d’autant, ce qui affecte négativement les recettes de cet impôt en année courante. Ce dispositif a par exemple été mis en place au Canada au bénéfice des entreprises se lançant dans l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta. En France, un tel dispositif a existé jusqu’en 2011 pour les matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables acquis par les entreprises, ainsi que pour les équipements destinés à l’épuration des eaux industrielles ou à la réduction de la pollution atmosphérique : ces équipements pouvaient bénéficier d’un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de leur mise en service.

Barème kilométrique pour les frais de déplacement déductibles du revenu imposable Dans un souci de simplification à l’égard des contribuables qui déduisent leurs frais professionnels pour leur montant réel, l’administration fiscale publie chaque année un barème kilométrique permettant, à partir du kilométrage parcouru pour raisons professionnelles et de la puissance fiscale du véhicule utilisé, une évaluation aisée des frais de déplacements professionnels exposés, ainsi qu’un barème forfaitaire des frais de carburant permettant de déterminer les dépenses de carburant pouvant être déduites. Ces barèmes sont très favorables aux propriétaires de véhicules de puissance fiscale élevée qui consomment relativement plus de carburant et sont donc plus émetteurs de gaz à effet de serre, voire d’autres polluants atmosphériques. À titre d’exemple, pour une même distance parcourue de 40 km par jour, une personne utilisant un véhicule peu polluant (3 CV) se voit rembourser la somme de 2 671 euros par an en application du barème kilométrique. Ce remboursement s’élève à 4 028euros si le véhicule utilisé se situe au seuil de déclenchement du malus et à 4 823 euros s’il s’agit d’un véhicule très polluant (16 CV). Le « surcoût » des déplacements occasionnés par l’usage de véhicules très consommateurs de carburant est ainsi financé par la collectivité alors que l’acquisition et l’utilisation de ces véhicules relève en partie de convenances personnelles. En outre, ces déplacements, par les émissions supplémentaires de CO2 qu’ils induisent (par rapport à des véhicules moins

émetteurs pour une même distance), sont sources de coûts sociaux supplémentaires, que la collectivité n’a a fortiori pas de raisons de financer.

1.2. Deuxième définition : une aide publique est une action

gouvernementale de nature à conférer un avantage en termes

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