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Biodiversité, biodiversités : de quoi s’agit-il ?

1  Un capital exceptionnel mais menacé

1.1. Biodiversité, biodiversités : de quoi s’agit-il ?

Trois grandes étapes ont marqué l’évolution du concept de biodiversité si l’on considère l’étude de la diversité du vivant comme les prémisses du concept.

Bien que l’étude de la diversité du vivant apparaisse dès l’Antiquité, ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle que la discipline connaît un véritable essor. Au cours de ce siècle, des jalons scientifiques tels que la classification de Linné, la théorie de l’Évolution, puis l’apparition de la génétique et enfin de l’écologie marquent le développement d’un concept patrimonial de la biodiversité support de l’Évolution (Le Roux et al., 20081).

(1) Le Roux X., Barbault R., Baudry J., Burel F., Doussan I., Garnier E., Herzog F., Lavorel S., Lifran R., Roger-Estrade J., Sarthou J.-P., Trommetter M. (éd.) (2008), Agriculture et biodiversité. Valoriser les synergies, Expertise scientifique collective INRA, 114 p.

La deuxième étape se situe dans les années 1980, lorsque le terme même de biodiversité apparaît puis est popularisé lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. La notion de biodiversité est alors définie comme un ensemble de trois niveaux d’organisation du vivant 1

:

• la diversité écologique (ou diversité des écosystèmes) ;

• la diversité spécifique (diversité des espèces ou interspécifique) ; • la diversité génétique (diversité intra-spécifique).

La présente décennie constitue une troisième étape dans l’évolution de la notion avec le développement de l’écologie fonctionnelle et, en parallèle, une conception utilitariste de la biodiversité dans laquelle la biodiversité est le support de services écosystémiques. Le rapport du Millennium Ecosystem Assessment de 2005 promeut cette approche. Elle est également reprise dans l’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire (EM, 2005)2, qui propose quatre catégories de services écosystémiques dépendant de l’état de la biodiversité :

• les services d’approvisionnement (aliments, eau douce, médicaments dérivés des plantes, etc.) ;

• les services de régulation (filtration des polluants par les zones humides, régulation du climat par le biais du stockage du carbone et le cycle hydrologique, pollinisation et protection contre les catastrophes naturelles, etc.) ;

• les services culturels (activités récréatives, valeurs spirituelles et esthétiques, éducation, etc.) ;

• les services de soutien (formation des sols, photosynthèse et cycle des nutriments).

Le rapport TEEB sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité3

s’en inspire également en analysant la valeur de la biodiversité essentiellement à partir de la traduction économique des services rendus par les écosystèmes.

Le groupe de travail a ainsi défini la biodiversité comme la diversité des espèces (faune, flore, champignons et micro-organismes), de leurs gênes, des écosystèmes ainsi que de leurs interactions, notamment entre espèces.

Au sein de la biodiversité, le groupe distingue deux composantes : l’une, qualifiée de « remarquable », correspondant à des entités (gènes, espèces, habitats, paysages) que la société a identifiées comme ayant une valeur intrinsèque, même si elle est difficilement quantifiable, justifiant l’attachement collectif à sa préservation ; l’autre, qualifiée de « générale » (ou « ordinaire »), n’ayant pas de valeur intrinsèque identifiée comme telle mais qui, par l’abondance et les multiples interactions entre ses entités,

(1) Cette définition est reprise dans la Convention pour la diversité biologique ou Convention de Rio signée en 1992 : « La variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre les espèces, ainsi que celle des écosystèmes » (article 2 de la CDB).

(2) EM – Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire (2005), Millennium Ecosystem Assessment, General Synthesis Report, Island Press, Washington D.C.

(3) TEEB (2010), L’Économie des écosystèmes et de la biodiversité : Intégration de l’Économie de la nature. Une synthèse de l’approche, des conclusions et des recommandations de la TEEB.

contribue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production des services qu’y trouvent nos sociétés.

Les contributions de la biodiversité à la vie et au bien-être des hommes, aussi appelées « services écosystémiques », sont indispensables à la vie sociale et aux activités économiques, à travers la fourniture des aliments, de combustibles et de matériaux de construction ; la purification de l’air et de l’eau ; la stabilisation et la modération du climat de la planète ; la modération des inondations et des sécheresses ; la génération et le renouvellement de la fertilité des sols ; le maintien des ressources génétiques qui contribuent à la sélection variétale des cultures et des animaux d’élevage, produisent des substances utilisables notamment comme médicaments et procurent des bienfaits récréatifs, esthétiques et culturels (Millennium Ecosystem Assessment, 20051

).

Les services écosystémiques résultent principalement des interactions entre organismes vivants. Ces interactions façonnent les milieux et les flux physiques, chimiques et biologiques au sein des écosystèmes. La purification de l’air ou de l’eau, le stockage du carbone, la fertilité des sols sont autant de services résultant de l’interaction des organismes avec leur environnement. À chaque type d’écosystème (forêt, zones humides, prairies, coraux, etc.) correspondent des fonctions et des services différents, eux-mêmes dépendants de l’état de l’écosystème, des pressions qui s’exercent sur lui mais également de l’usage qu’en font les hommes2.

Deux variables majeures permettent d’apprécier la biodiversité : l’abondance et la variabilité. L’abondance détermine directement la quantité de services produits pour l’homme ; dans un stock de poissons, c’est plus l’abondance qui compte que la diversité génétique ou spécifique) et sa probabilité de maintien. Dans la crise de la biodiversité actuelle, au-delà de l’extinction, c’est la raréfaction qui pose un problème considérable. La variabilité est un facteur majeur du potentiel d’adaptation de la biodiversité et donc de sa survie.

L’importance de la biodiversité ne se réduit donc pas à celle des espèces protégées, autrement dit à la « biodiversité remarquable », dont les éléments sont souvent bien identifiés. Il est également nécessaire de maintenir la « biodiversité ordinaire », qui correspond à l’activité d’organismes n’ayant pas de valeur singulière perçue comme telle mais qui, par leur abondance et leurs multiples interactions, contribuent à des degrés divers (parfois de manière indispensable même si leur rôle n’est pas reconnu) au fonctionnement des écosystèmes et à la production de services écosystémiques3

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