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Planche photos 7 : Evolution de la quantité d’eau et du couvert végétal dans le bassin versant de la Doubégué

4.2 Réalisation et résultats

4.2.1.3 Un secteur médian de plus en plus mis en culture : 1995

Ainsi, à partir de la fin des années 1980, la perspective de la mise en eau du barrage couplée à la possibilité de se voir reconnaître une occupation de fait, suite aux défrichements (issus de la RAF), ne fait qu’accroître les migrations, et par conséquent les défrichements des vallées fertiles (Béga, Doubégué, etc.). Ces migrants viennent principalement de trois provinces plus ou moins proches le Yatenga, le Sanmatenga, et le Namentenga ; auxquels s’ajoutent des migrants venus de Koupéla (Kouritenga), de Kombissiri (Bazéga), et de Zorgho

(Ganzourgou). Ils s’adjoignent aux cultivateurs, originaires quant à eux de la région

surpeuplée de Garango - Béguédo - Boussouma, ouvrant des hameaux de culture vers le sud en direction des vallées. Des migrations dues aux cultures saisonnières à l’intérieur même de la zone Bissa ont également été observées depuis les secteurs de Ounzéogo, de Zabo, de Loanga en direction de la brousse de Zangola (Lego et Bagré), et de Sasséré et de Pata.

Fig. 33 : État de l’occupation des sols dans le bassin versant de la Doubégué en 1986 Sources : Spot, IGB

En définitive, en 1995, on observe une double évolution de l’occupation des sols

opérée en seulement 9 années dans le bassin versant de la Doubégué. D’une part, la mise en

culture a gagné du terrain principalement dans la zone médiane. D’autre part, la mise

eau du barrage de Bagré a entraîné l’ennoiement de nombreux espaces « naturels »

(savane arborée, forêt claire, et des formations ripicoles) du secteur aval (Fig. 34).

Dans le secteur amont, la mise en culture s’est accrue et les formations « naturelles »

ont été « grignotées » à quelques exceptions près (Belcé). Davantage de champs sont visibles aux alentours de Loanga, de Ouéloguen, et de Tenkodogo. Cette dernière ville s’est étendue et sa population a poursuivi sa progression de 23 331 à 31 4666 habitants. Ouéloguen a connu la plus forte progression (15 % par an) passant de 744 à 1969 habitants, et Loanga a atteint 3569 habitants. De nombreux secteurs de champs foncés sont devenus des cultures permanentes en particulier dans la région nord et sud-ouest de Tenkodogo.

Dans la partie médiane, trois villages ont également manifesté une croissance importante : Zaka, Zano et Basséré dont les populations ont respectivement augmenté de 538 à 994, de 983 à 1726, et de 351 à 691 habitants. Cet espace a connu les évolutions les plus importantes. Il a été fortement mis en culture, et les formations « naturelles » restantes sont principalement de la savane arbustive. Cette dernière s’observe le long des différents affluents (Bissane, Yayo, Kukunane). Par ailleurs, certains milieux de formations ripicoles demeurent le long du Lango, du Yayo, alors que les berges de la Doubégué n’en portent quasiment plus. La différence entre les deux rives existe toujours. La mise en culture domine encore en rive

droite. Elle est moindre en rive gauche, bien qu’elle se soit fortement accrue en direction de

Koama, et le long de la RN 16 (Séla, Boura, Gouni Peul). Boura a connu une très forte progression entre 1975 et 1996 passant de 410 à 1538 habitants. Enfin, des espaces dégradés apparaissent au niveau de Bassaré, du sud de Dazé et de Gouni Peul.

Le secteur sud du bassin versant de la Doubégué présente une dégradation du couvert végétal. Ainsi, la forêt claire a laissé place à la savane arborée dont une partie a été remplacée par la savane arbustive. Il existe toutefois encore des îlots de forêt claire. Par ailleurs, l’emprise humaine s’est accrue au niveau de Bagré, de Pata, de Douka, et de Kalakoudi principalement sous la forme de champs foncés. Avec la mise en eau du lac de barrage de Bagré, cette localité a connu une croissance exceptionnelle, passant de 5 174 à 13 100 habitants, principalement en raison des promesses faites sur les conséquences positives de

l’ouvrage (périmètres rizicoles, pêche, vente, etc.). Le secteur de Zabo est également en cours

de modification, des espaces ont été défrichés. Ce dernier village a connu une importante croissance de 1925 à 3321 habitants (6,5 % par an). A l’inverse, le secteur de Ouanagou

semble encore préservé36, tout comme les abords de la Doubégué. L’autre rive présente une

physionomie différente. La savane arbustive a pris place dans la zone ouest. La mise en culture s’est accrue au sud de Ounzéogo, de Kou, et en direction de Zabatorla (remplacement des champs foncés). Et des sols dégradés sont apparus à Ounzéogo, Kou et Soné. Enfin, des champs foncés ont été mis en place dans le secteur aval du bassin versant du Day Sousouro et dans la région de Zabo.

36

La croissance démographique de ce village est faible 1,5 % par an contre 3,5 % par an en moyenne dans le bassin versant (recensement 2006).

Fig. 34 : État de l’occupation des sols du bassin versant de la Doubégué en 1995 Sources : Spot, IGB

4.2.1.4 1986 - 1995 : une anthropisation croissante

La répartition des formations ripicoles a été profondément bouleversée entre 1986 et 1995 (Fig. 35). Une part non négligeable, localisée au sud du bassin versant de la Doubégué, a été ennoyée lors de la mise en eau du barrage. En 1986, ce type de formation s’observait depuis la confluence avec le Tcherbo jusqu’à Zabo. La Pona, la Kila et la Kukunane étaient

aussi bordées de forêts galeries, alors qu’elles n’existaient déjà plus dans sa partie amont

(Zabo-Loanga-Tenkodogo), exception faite de Lango et du Yayo. En définitive, en 1995, les affluents de la partie aval ne sont plus concernés par la présence de ce type de formations. Ces

dernières sont principalement circonscrites aux bas-fonds. Cette occupation n’est donc plus

que ponctuelle. Les formations ripicoles ont alors fortement régressé en une décennie. Leur

surface s’est réduite de 2,0 % en 1986 à 0,55 % en 1995 (Tab. 17).

Au cours de cette période, d’autres formations végétales ont subi une régression. La

forêt claire a connu un recul important de sa répartition passant de 7,1 % à 1,5 %. Une large partie a été ennoyée et une autre s’est muée en savane arborée (essentiellement dans la partie aval). La savane arborée a également régressé de 32,8 % à 13,5 %. Quant à la savane arbustive, sa régression est très faible de 26,8 % à 25,4 % (Tab. 17). En réalité, le terme de

dégradation du couvert végétal serait plus exact. En effet, une dégradation s’est opérée de la

forêt claire en savane arborée, et de la savane arborée en savane arbustive. Ce processus s’observe particulièrement au nord et à l’ouest de Bagré (formations ripicoles et forêt claire dégradées en savane arborée), entre Ouanagou et Kalakoudi, et au nord-ouest de Ouanagou. Ainsi, au niveau de ces deux derniers secteurs, la savane arborée s’est transformée en savane arbustive. Toutefois, deux zones d’enrichissement apparaissent. La première est circonscrite à un secteur compris entre Douka et Pata. La seconde est beaucoup plus étendue et localisée dans la région aval de la Doubégué en rive droite. Dans la partie amont du bassin versant de la Doubégué, les types de formations végétales déjà rares en 1986, le sont toujours en 1995. Toutefois, la savane arbustive s’est étendue de part et d’autre de la Doubégué (secteur Loanga, Belcé, Ouéloguen).

Ce recul et cette dégradation des formations naturelles doivent être reliés à une réalité (le déboisement). Ainsi, au début des années 1990, plus de 95 % des ménages utilisaient le

bois avec des foyers simples comme source d’énergie (taux national de 80 %) (DREP-CE :

Direction Régionale de l’Economie et de la Planification du Centre-Est).

Néanmoins, l’évolution la plus importante concerne la mise en culture permanente

qui est passée de 11,6 % à 26,5 % soit une progression de plus de 128 % (14,3 % par an) (Tab. 18). Cette mutation est importante dans la région de Kou, à Ounzéogo, et à Bado. De même, la rive droite médiane a connu une mise en culture presque totale. Elle est plus modérée au niveau de la Bissane. En rive gauche, les secteurs de Koama, de Boura et de Gouni Peul ont également connu une mise en culture permanente. Enfin, en amont, cette évolution est visible à Loanga, à Ouéloguen, à Belcé, aux alentours de Tenkodogo, et dans la région localisée au nord de cette dernière ville.

Par ailleurs, les secteurs aval sont dans une situation intermédiaire. Des défrichements se sont opérés afin de mettre en place des champs foncés. L’installation de nouvelles populations pour la mise en culture, combinée à une demande en bois croissante et à l’amplification de la présence des éleveurs a contribué à une pression accrue sur la savane

arborée. Ce phénomène s’observe également dans la région du village de Bagré, à Niambo, à Kalakoudi, à Pata, à Douka et dans la zone aval du bassin de la Day Sousouro. Ce type d’occupation a connu une progression importante de 14,9 % à 24,8 %. De plus, entre 1990 et

1997, l’espace correspondant actuellement à la zone pastorale de la Doubégué a connu une

dégradation de 48 % (SOGREAH et Sahel Consult).

Les sols dégradés se sont accrus de 3,6 % à 5,1 % (Tab. 17). Ils s’étendent sur 12

secteurs. Il s’agit en rive gauche de Niambo - Kalakoudi, de Dazé - Zabo, de Gouni Peul, de

Zano ; et en rive droite de Soné - Kou, de Minda, de Ounzéogo, de Kabri, de Ouéloguen, de Téogo, de Tenkodogo, et entre Sasséma et Bassaré.

Le secteur médian droit présente une évolution assez complexe. Ainsi, à Kabri, alors qu’une zone est récupérée, une nouvelle est apparue plus au sud. Ce phénomène s’observe également entre le Lango et le Boundoudi. A l’inverse, Zabatorla, Sasséma, Ouéloguen et le sud-ouest de Tenkodogo ont connu une diminution de ce type de sols dégradés.

Les sols dégradés en 1986 ont pu être abandonnés et « redonnés » à la nature. Cependant, il semble que la véritable explication soit que des actions aient été pratiquées afin

de regagner ces terres ; comme le souligne le fait qu’ils correspondent à des espaces cultivés

en 1995. Parallèlement, aux alentours de ces anciens types de sols, la mise en culture s’est

poursuivie entraînant une dégradation trop importante et l’abandon de nouvelles terres. Ces

observations doivent être mises en parallèles avec les prises de conscience anciennes de certains villages. Dès les années 1980 et les années 1990 des actions de CES (Conservation des Eaux et des Sols) ont été pratiquées. Ainsi, dès le milieu des années 1980, le village de Sasséma a mis en place des cordons pierreux. Ces actions se sont accrues à partir du milieu des années 1990. De même à Zaka, les premières opérations ont été réalisées dès les années 1970. Elles ont perduré et des groupements de diguettes s’y sont développés (milieu des années 1980). Des cordons pierreux ont également été réalisés à Guella, à Kabri, et à Sébrétenga (milieu et fin des années 1980). Suite aux résultats observés en 1995, ces actions ont donc joué un rôle décisif dans cette régression. La proximité de la piste reliant Tenkodogo à Lergo (axe important pour la circulation) et de la ville de Tenkodogo a facilité la mise en place de ces actions. Toutefois, la réceptivité de la population demeure le facteur déterminant. En conclusion, entre 1986 et 1995, le bassin versant de la Doubégué a connu de

profonds bouleversements, au nombre de quatre. Il s’agit tout d’abord de l’arrivée massive

de migrants Peul et Mossi de différentes provinces du Nord et du Centre. La région a

également connu un accroissement naturel fort de 22,3 ‰ (entre 1980 et 1995), soit un

doublement de la population en 25 ans. Ainsi, aux conflits entre agriculteurs, et entre

agriculteurs et éleveurs, s’est combinée une pression démographique entraînant une

pression foncière et une surexploitation des terres. Les cultivateurs ont dû chercher plus loin de nouvelles parcelles cultivables. Les fortes densités des zones nord (taux supérieurs à

500 hab/km2 pour l’espace formé par Garango - Béguédo - Boussouma) ont poussé les

agriculteurs à ouvrir des hameaux de cultures vers le sud (Lenga, Yakala, Lergo…). Par ailleurs, des mutations économiques et politiques ont affecté la région. La RAF a entraîné des défrichements hâtifs, et la crainte d’une pénurie de terre est apparue suite aux événements politiques sous régionaux ouest - africains (peur du retour massif des Bissa depuis la Côte

d’Ivoire37). L’ultime bouleversement a été la mise en eau du lac de barrage de Bagré. L’extension de la mise en culture a alors été particulièrement importante en rive gauche médiane.

Ainsi, il s’agit d’une période pendant laquelle les conditions d’accès à la terre ont été

modifiées. En effet, l’idée de pénurie de terre apparaît à la fin des années 1980, alors

qu’auparavant, les habitants habitaient une région où la brousse abondait. Des changements

climatiques se sont également opérés au cours de cette décennie et demie. D’une part, ils sont

l’une des causes de l’arrivée massive de migrants fuyant les sécheresses des années 1970

(1972 – 1973) et du début des années 1980 (1983 –1984). D’autre part, ils ont également eu

des conséquences dans la région, soulignées par la régression des totaux pluviométriques (cf. 1.1.3.1).

La combinaison de facteurs anthropiques et climatiques explique donc l’évolution

de la région. La prise en compte uniquement de l’un ou de l’autre paramètre conduirait à une explication partielle des modifications apparues sur le paysage et reconnues par les

populations du bassin versant de la Doubégué. Toutefois, l’impact humain semble

prépondérant38. Le rapport entre les formations « naturelles » et l’occupation humaine s’est

alors inversé : 41,0 % pour les formations « naturelles » et 51,9 % pour l’occupation humaine

à laquelle il faut ajouter les sols dégradés (5,1 %) et l’habitat (1,8 %). Les formations « naturelle » ont connu une double mutation : une régression de 27,7 % et une dégradation

soulignée par la prédominance de la savane arbustive au cœur de ces dernières (Tab. 17).

L’étude des cartes d’occupation des sols de 1986 et de 1995 met en avant une double

progression de la mise en culture : de l’amont vers l’aval du bassin versant de la

Doubégué, et des interfluves en direction de la vallée de la Doubégué (surtout en rive droite). De plus, la rive gauche porte davantage de formations « naturelles » que celle de droite. Description 1986 1995 2007 Superficie (ha) % Superficie (ha) % Superficie (ha) % Plans d’eau 25,33 0,05 425,57 0,84 546,09 1,08 Forêt claire 3 586,17 7,08 780,21 1,54 571,37 1,13 Formations ripicoles 1 007,98 1,99 278,65 0,55 22,48 0,44 Savane arborée 16 613,88 32,80 6 834,43 13,49 5 521,57 10,92 Savane arbustive 13 574,76 26,80 12 868,38 25,40 7 367,15 14,57 Habitat 582,50 1,15 901,80 1,78 1 218,59 2,41 Champs foncés 7 526, 90 14,86 12 564,04 24,80 11 022,91 21,80 Sols cultivés 5 890,84 11,63 13 435,81 26,52 20 427,79 40,40 Sols dégradés 1 843,74 3,64 2 573,68 5,08 3 665,88 7,25 Total 50 652,1 100 50 662,57 100 50 363,83 100

Tab. 17 : Evolution de l’occupation des sols dans le bassin versant de la Doubégué. Sources : Spot

37À partir du milieu des années 1990, Henri Konan Bédié a développé le concept d’ivoirité. On assiste alors à un retour

important de burkinabé vers leur pays d’origine : une dizaine de milliers. Cependant, l’Etat avait craint que cela concerne

davantage de burkinabés : un à deux millions.

38En effet, lors des sécheresses des années 1970 et 1980, les populations Peul ont souvent fui en raison d’un déséquilibre

entre la disponibilité des ressources et le niveau de prélèvements. La pression anthropique est alors bien souvent la cause principale des migrations.

Fig. 35 : Evolution diachronique de l’occupation des sols dans le bassin versant de la Doubégué entre 1986 et 1995

La décennie 1980 - 1990 a donc été témoin de profonds bouleversements comme le résume Armelle FAURE en 1994 : « toute la région Bissa s’est transformée d’un territoire de vastes forêts

peuplées d’animaux sauvages en une zone d’occupation permanente et d’activités agricoles et

pastorales intenses ».