Un contexte physique peu favorable
1.1.1 Le Burkina Faso dépendant du Front Inter Tropical
1.1.1.1 Le FIT synonyme de précipitations
Dans la zone intertropicale, les températures variant peu, les saisons sont réglées par la
répartition des pluies. L’unique période pluvieuse coïncide avec le déplacement de l’équateur météorologique (à différencier de l’équateur géographique) qui accompagne le passage du
soleil au zénith. Il se traduit en surface par un marais barométrique qualifié de dépression équatoriale : le Front Intertropical (FIT) pour la région ou encore ZCIT (Zone de Convergence Intertropicale). Dans cette zone de dépressions de la ZCIT (où convergent les alizés), les masses d’air « s’heurtent » et donnent naissance à des précipitations majeures discontinues : des lignes de grains d’Est en Ouest.
La distribution des pluies, des températures et de l’humidité de l’air est alors soumise
au déplacement annuel de deux masses atmosphériques bien distinctes qui s’affrontent le long
du FIT (Fig. 4). La première est constituée d’un air boréal, continental, chaud, sec subsident
de N.E à E venant des hautes pressions sahariennes : le Harmattan. Il s’agit d’un anticyclone
permanent dans les hautes couches de l’atmosphère. La seconde correspond à un air maritime,
tiède et très humide de S.O provenant des hautes pressions océaniques (anticyclone de
Sainte-Hélène) de l’Hémisphère Sud, responsable de la mousson. Ainsi, le balancement et le
déplacement du FIT sont liés aux mouvements apparents du soleil et au renforcement
successif des centres d’action de chacun des deux hémisphères. Il occupe sa position la plus
méridionale en janvier (5 - 6° N). Puis, à partir de février - mars, il remonte lentement vers le nord, et occupe sa position la plus septentrionale à la fin août : 20ème parallèle. Enfin, au début du mois de septembre, il « redescend » vers le sud pour rejoindre sa position de janvier.
L’installation de la saison humide est donc plus progressive (2 à 3 mois) que son retrait en
Fig. 4 : Les migrations du FIT en Afrique de l’Ouest
Source : Universalis, 1988
1.1.1.2 La mousson africaine et les lignes de grains résultantes : moteur des précipitations
La climatologie régionale s’explique donc par les contrastes de température et
d’humidité entre les masses d’air océaniques et continentales à l’origine de la mousson :
principale source des pluies au Burkina Faso et plus largement en Afrique de l’Ouest. La mousson est une réponse de l’atmosphère aux contrastes thermiques méridiens qui opposent un océan à faible amplitude thermique annuelle et une surface continentale qui s’échauffe et
se refroidie plus rapidement et fortement. Ainsi, les précipitations sont issues des flux
d’humidité transportés par l’alizé maritime de l’Atlantique Sud, dévié au passage de
l’équateur qui prend le nom de mousson. Cette dernière est définie soit par « une circulation
d’ouest, plus ou moins généralisée dans les basses couches de la zone intertropicale en
relation avec le décalage latitudinale entre l’équateur météorologique et géographique (notion d’alizé dévié par la force de Coriolis et aspiré par des dépressions thermiques sahariennes d’été) et qui de vent d’Est dans son hémisphère d’origine devient à composante
Ouest) ; soit par une circulation d’Est, de la moyenne troposphère, associée à l’oscillation
thermiques au-dessus de substrat à comportement radiatif très différents : jets d’Est.
(FRÉCAUT ET PAGNEY, 1983). En réalité, les deux définitions se complètent.
Il est également essentiel de rappeler le caractère unique de la mousson africaine
comparée à la plus connue, celle indienne. L’élément central est la répartition zonale des
précipitations qui en découle, couplée plus ou moins fortement à celle de la végétation. En
effet, d’une part on se situe dans les basses latitudes, la force de Coriolis est donc faible ;
d’autre part, les reliefs sont peu importants, n’ayant en définitive qu’une influence marginale
sur cette circulation régionale. L’orientation Est/Ouest de la côte bordant le Golfe de Guinée
n’explique qu’en partie cette distribution zonale de la végétation ; la conception climacique de
souligner l’impact que les sociétés humaines ont eu sur l’évolution des couvertures
pédologiques et végétales. Ces dernières sont ainsi « plus proches d’anthroposystèmes ou de
paysages culturels – au sens de « kulturlandschaft » - que de systèmes écologiques »
(POMEL, 2002). Ainsi, il ne faut pas oublier que l’homme est un agent important et que son action a été et est toujours particulièrement déterminante dans les régions de savanes
Par ailleurs, l’un des faits majeurs du climat tropical à saisons alternées est
l’irrégularité interannuelle des précipitations. Ainsi, la mousson peut être plus ou moins vigoureuse selon l’ampleur du gradient d’énergie statique humide qui est sous la dépendance de facteurs globaux tels que la température de surface, les océans, la dynamique des autres moussons (notamment celle indienne agissant en amont d’un point de vue de la circulation tropicale), et locaux (principalement la modification de la couverture végétale dans la région depuis les années 1950).
En définitive, c’est la migration du FIT (sous l’influence de dynamiques l’une continentale et l’autre maritime) qui détermine les périodes de pluies en Afrique de l’Ouest, et ainsi la pénétration de la mousson dans la zone soudanienne, lors de la remontée septentrionale du FIT. La première phase s’étend de février à mai. Située sur le Golfe de Guinée, la mousson va alors se propager vers le nord pour atteindre le Sahel Central (13°N). Pendant cette phase d’installation, les pluies sont intermittentes au Burkina Faso. Il s’agit des premières averses. A partir de juin, les précipitations s’accroissent, avant que ne débute la seconde phase. Cette dernière se caractérise par une brutale intensification des précipitations
touchant simultanément l’ensemble de la zone sahélienne. A cette période, l’épaisseur de la
mousson est maximale. Les formations nuageuses, plus instables, donnent lieu à des pluies beaucoup plus prolongées (juillet et août) au caractère continu symbolisant le centre de la saison des pluies. Au Burkina Faso, la mousson atteint alors une épaisseur de 2 000 m. Toutefois, entre la première et la seconde phase, on peut considérer qu’il existe une phase de stabilisation en mai et juin.
La mousson est alors à l’origine de deux principaux types de précipitations. Tout
d’abord les lignes de grains9
principalement observables lors du passage et du retrait de la mousson, et qualifiées également de tornades. Elles se déplacent d’Est en Ouest, se produisent
le plus souvent en fin d’après-midi et principalement pendant la nuit, et se décomposent en
trois périodes (BRUNET-MORET, 1986) :
- la préliminaire de courte durée, pendant laquelle l’intensité moyenne est de 10 à
30 mm/h
- le corps de la tornade qui dure de 5 à 20 min avec souvent un paroxysme de 5 à
10 min pendant lequel les intensités, déjà fortes (40 à 100mm/h), atteignent 150 à 200 mm/h ou plus ;
- la traîne de la tornade se déroulant pendant 30 min à 2 h, de faible intensité : 15 -
30 mm/h au début puis très vite elle diminue de 10 à 5 mm/h puis à 1 mm/h.
Il existe également un autre type d’averse qualifié de système orageux, moins intense que la précédente mais plus durable et fréquent.
1
Ce type de précipitation dont une part se déroule en début de saison pluvieuse est essentiel dans le processus érosif de la
région et par la même dans l’explication du risque de pertes en terre. C’est pourquoi il est essentiel de le présenter afin de
Néanmoins, depuis les années 1970, ce système climatique a été perturbé entraînant
la mise en place d’une sécheresse permanente. Les modifications ont affecté la seconde phase
de la mousson ; or, 90 % des pluies lui sont associées. Son affaiblissement est donc à l’origine
de la péjoration climatique affectant cette zone de l’Afrique. La présentation de ce phénomène
est importante afin de comprendre les conséquences, en particulier migratoires, qui ont affecté la région de Bagré et de la Doubégué. En effet, face à l’instauration de cette sécheresse persistante de nombreuses populations ont été obligées de se déplacer vers des régions plus propices en terme climatique. Un des enjeux de la gestion du risque érosif se situe alors dans la prise en compte de cet élément central. On se devait également de s’interroger sur
l’évolution du caractère érosif des lignes de grains dans ce contexte de péjoration climatique.
Ainsi, au cours du siècle dernier, la mousson africaine a subi ses plus fortes
perturbations posant un certain nombre d’interrogations : les causes sont-elles régionales
(déforestation, pression anthropique..), existe-t-il des facteurs globaux (réchauffement de
l’océan tropical), préfigure-t-elle des modifications profondes du système climatique liées en
particulier à l’augmentation des gaz à effet de serre ?