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Conclusion de la Partie 1

3.1 L’action prédominante du ruissellement, relayée par le vent

3.1.1 L’agressivité des pluies, le point de départ

L’érosion pluviale dépend de la hauteur, de l’intensité, de l’énergie cinétique, et de la

répartition des pluies. L’énergie cinétique des gouttes de pluie est proportionnelle à la hauteur

de leur chute (ELLISON, 1944 ; FEODOROFF, 1965), à la taille de ces gouttes (diamètre), et

à leur vitesse de chute (HUDSON, 1957). Il existe divers indices d’agressivité des pluies :

l’indice d’érosivité de Hudson (KE), l’indice d’érosivité des pluies de Wischmeier (R), etc.

L’énergie cinétique est déterminée à partir de formules empiriques. Elle est liée aux différents

types d’averses. Dans la zone d’étude, elles sont de quatre types (PRINCIPI, 1992) :

- de lignes de grain : forte intensité de durée brève mais forte : goutte de 5 - 6 mm de

diamètre et 20 à 100 mm en quelques dizaines de minutes ;

- de la ZCIT : dues à des systèmes nuageux type cumulonimbus. Volume de

200 mm en 36 h ;

- des flux de la mousson stabilisée : volume très faible 20 - 30 mm, diamètre moyen.

- de convection : brève, grosses gouttes, intensité moyenne. Si la région est sensible

à l’érosion, comme c’est le cas dans la zone de la Doubégué, ces précipitations

sont agressives.

Les conséquences des précipitations dépendent également de la nature du sol, lu couvert végétal, de la pente, et de l’emprise anthropique.

3.1.1.1 L’importance de l’effet splash sur des sols pauvres et cultivés

Ces régions soudaniennes sont particulièrement affectées par un phénomène qui se

produit essentiellement au début de l’hivernage: l’effet splash. Ce dernier s’opère sur des sols

peu couverts. Ainsi, on pourra assister à l’éclatement de la goutte d’eau sous forme de

gouttelettes plus petites rebondissant, si la libération de l’énergie cinétique d’une goutte d’eau, à son point d’impact sur le sol, est suffisante, et suivant son importance et les

caractéristiques de ce sol. L’action battante et l’humectation provoquent alors la

désagrégation des éléments superficiels (VALENTIN, 1985). En d’autres termes, les impacts

des pluies entraînent un taraudage des agrégats et un rejaillissement, ou splash, des

gouttelettes et des petites particules. On qualifie les pluies d’érosive si l’intensité pluviale

maximale instantanée est supérieure à 75-120 mm/h. Ces valeurs sont souvent observées dans cette région notamment au début et en fin de saison des pluies. Les fortes intensités désagrègent la structure du terrain où les argiles sont séparées du reste et sont prises en solution par la lame d’eau se formant à la surface selon le type d’averse. Dans le bassin versant de la Doubégué, les teneurs en argiles sont faibles (cf. 3.2.1.2). Cette action de prise

en solution a alors d’autant plus d’impact. Le peu de particules « riches » est exporté vers

l’aval (les cours d’eau), appauvrissant davantage les sols. Les éléments les plus grossiers

sont, eux, déplacés par les chocs successifs, et restent plus ou moins en place selon la pente. Il s’opère donc un tri de tous les éléments se redistribuant à la surface du sol. Quant aux fentes de retrait, elles sont souvent colmatées par les matériaux.

Ainsi, BOLLINE (1975) a mis en évidence que plusieurs dizaines de tonnes par hectare et par an peuvent être détachées lors d’actions sur des sols nus. Néanmoins, les

distances de transport liées à l’effet splash sont minimes (quelques décimètres). En effet, le

transport est sélectif. Il s’opère alors un tri du matériel, une migration verticale dans l’eau

d’infiltration, et un transport latéral sous l’impact des gouttes de pluie. L’effet splash affecte

principalement les particules fines et les micro-agrégats. Il est à noter que ces derniers ont tendance, en retombant, à être piégés par les éléments plus grossiers et à fermer les macrospores.

Ainsi, suite à l’impact des pluies, la structure de certains sols peut être détruite. Cette action affecte la majorité des sols présents dans le bassin versant de la Doubégué. Leur surface évolue donc progressivement passant d’un état fragmentaire, poreux, meuble à une croûte structurale (quelques millimètres d’épaisseur) où certains fragments restent distincts. Elle devient davantage compacte, et la vitesse d’infiltration de l’eau s’abaisse. Puis, les particules détachées par le splash vont se déposer à des vitesses différentes pour former une surface lisse que l’on appelle croûte sédimentaire ou croûte de battance qui peut être épaisse

de quelques centimètres. L’aspect du sol est alors lisse et « glacé ». A ce stade, l’infiltrabilité

forment. Issue de cette action, la pellicule diminue l’infiltration au profit du ruissellement qui

augmente rapidement29. En 1984, BOIFFIN (Fig. 29) résume alors les stades de dégradation

de la surface du sol sous l’action des pluies en trois phases.

Fig. 29 : Les stades de dégradation de la surface du sol sous l’action des pluies Source : d’après Boiffin in Berville, 2002

Dès que la valeur des précipitations instantanées est supérieure à la possibilité « i » d’infiltration du sol, un ruissellement diffus se met en place. Ce phénomène peut être lié à l’intensité des précipitations. Cependant, son origine, le plus souvent, est à relier à l’effet

splash qui a éclaté les agrégats et colmaté les pores. Le ruissellement sera donc d’autant plus

important qu’une croûte de battance se sera formée (Fig. 30). Ces croûtes de battance

apparaissent principalement au début de la saison des pluies, et peuvent atteindre 10 cm. Nombreuses sont celles que nous avons pu observer sous différents types d’usage de sol

(maïs, mil…) au cours de notre terrain en juillet et au début du mois août (photo 20). En

théorie, la battance est caractéristique des sols limoneux. Néanmoins, elle existe également au niveau des sols sableux dominants dans le bassin versant de la Doubégué.

Fig. 30 : Diminution de l’infiltrabilité du sol en fonction de Photo 20 : Croûte de battance formée sur une l’extension d’une croûte de battance parcelle de culture de coton le 16 juillet Source : d’après Eimberck in Berville, 2002 Cliché : E. Robert, 2009

29Dans certains cas, de larges zones de terres peuvent restées sèches alors qu’un ruissellement se produit, au-dessus d’elles,

3.1.1.2 L’agressivité des pluies en début d’hivernage

L’importance du détachement des particules du sol par la pluie dépend de son efficacité (intensité et volume de précipitation). La fréquence d’apparition et le temps de retour des averses vont également jouer un rôle. La capacité de détachement des pluies intenses est supérieure à celles des pluies fines.

Ainsi, au début de l’hivernage, dans la région de la Doubégué, l’intensité des pluies

joue le rôle prédominant. Les sols sont en grande majorité à nus. Ils subissent alors

l’agressivité pluviale. Au fur et à mesure que la saison des pluies s’installe, la répétition des

évènements météorologiques, dont certains durent pendant plusieurs heures, devient le

principal facteur d’érosion. A partir de la mi-août, une partie des champs mis en culture se

verdit. A cette période de l’année, il s’agit des parcelles de maïs et d’arachide. En termes de

protection des sols, il existe une nette différence entre ces deux cultures : les arachides étant des plantes davantage couvrantes, et présentant une meilleure protection du sol que le maïs

(photo 21). Toutefois, les parcelles cultivées en maïs sont moins soumises à l’agressivité des

pluies que les champs qui connaîtront plus tard la croissance de leur culture (sorgho, haricot, niébé, coton, et en dernier lieu le mil).

Le couvert végétal « naturel » subit également cette évolution mais l’impact est

nettement plus faible, et plus restreint temporellement car l’herbe reverdit plus rapidement. Dès la seconde moitié du mois de juin, les secteurs non mis en culture présentent des teintes dont le vert est la couleur dominante (photo 22). Toutefois, il existe des différences selon le type de formation végétale. Ainsi, les lambeaux de forêts galeries sont plus faiblement affectés au cours de l’année. L’impact est alors croissant jusqu’aux secteurs en herbe. Cependant, le sol étant à chaque fois protégé par la végétation, les conséquences sont faibles.

Notre attention, lors de l’étude des risques de pertes en terre, se portera logiquement sur les

parcelles mises en culture suite à des déboisements et à des défrichements.

Photo 21 : Champ d’arachides présentant une bonne Photo 22 : Espace « naturel » reverdit dès le 30/06/09 protection contre l’agressivité des pluies du mois

d’août (le 10/08/2009)

Clichés : E. Robert, 2009

Néanmoins, hors du cadre annuel, sur une période plus longue, la péjoration climatique s’est accompagnée d’une dégradation du couvert végétal suite à la modification progressive des espèces, principalement lors des phases difficiles de reconquête, après les défrichements.

3.1.1.3 Un risque érosif amplifié

La péjoration climatique, et donc la réduction des totaux pluviométriques, affectant

cette région depuis les années 1960 n’ont pas modifié l’agressivité des pluies. En effet, cette

réduction concerne davantage les phénomènes orageux dans le corps même de la mousson, que les lignes de grains (cf. 1.1). Or, ce sont ces dernières qui sont les plus érosives. Elles se caractérisent par une forte agressivité, surtout si le sol est nu. Elles représentent 40 % des précipitations annuelles (MIETTON, 1988). A la fin des années 1980, MIETTON a mis en évidence, lors de l’étude des pluies maximales d’avril, de mai, et de juin (période du passage des lignes de grains) que les valeurs centennales, considérées comme exceptionnelles,

s’observaient plus souvent. La loi de Gumbel permet d’estimer la récurrence des

évènements jugés exceptionnels. Nous avons présenté les résultats de MIETTON publié dans sa thèse en 1988 afin de montrer les chiffres correspondant à ces valeurs exceptionnelles se produisant davantage et accroissant le risque érosif dans la région de Tenkodogo (Tab. 7).

La durée de retour renseigne également sur la vitesse actuelle d’évolution des modelés

(Tab. 8). La moitié de l’agressivité des pluies s’exerce de la période mars - avril au mois de

juillet, lorsque le sol est quasiment dépourvu de couvert végétal (espace en reconquête) ou à

nu en vue d’être cultivé. Le risque érosif est alors le plus élevé. Or, entre 1986 et 2007, le

rapport entre les espaces « naturels » et les secteurs cultivés s’est inversé (cf. 4.2). Au début

de la saison des pluies, il y a davantage de sols sans protection végétale. Le risque érosif tend

donc à s’accroître spatialement dans le bassin versant de la Doubégué.

P5 P10 P100

Avril Mai Juin Avril Mai Juin Avril Mai Juin

Tenkodogo 33,9 54,3 50 45,3 67,7 61,7 81 110 98,4

Tab. 7 : Pluies journalières maximales mensuelles (mm) en début d’hivernage (Loi de Gumbel) Source : d’après Mietton, 1988

Durée de retour 5 ans 10 ans 100 ans

Pluies (mm) Mai (région Centre) 44,7 56,1 91,9

Juin (région Centre) 46,6 56,7 90,5

Tab. 8 : Fréquence des pluies journalières maximales en mai et juin dans le Centre du Burkina Faso Source : d’après Mietton, 1988

Comme le soulignait MIETTON (1988), « les précipitations sont le principal agent

morphodynamique du domaine des savanes ». Le type de végétation prédominant dans le

bassin de la Doubégué étant la savane arbustive (cf. 4.2), les pluies sont donc l’agent

morphodynamique le plus important pour les espaces « naturels ». Toutefois, elles affectent également des superficies laissées à nu car mises en culture de façon permanente. Les pluies

sont le point de départ du processus érosif. Leurs fortes intensités instantanées s’associent à

des changements observés à la surface du sol (croûte de battance). Cette combinaison est à l’origine de la naissance de ruissellements qui auront un impact dominant sur les secteurs anthropisés.