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Une région entre pression démographique et diminution des disponibilités en ressources naturelles

Planche photos 6 : Systèmes de culture

2.6 Une région entre pression démographique et diminution des disponibilités en ressources naturelles

Dans la région du lac de barrage de Bagré, on estime que le seuil agro-démographique de l’utilisation des terres de la région est dépassé, enclenchant un processus de dégradation des ressources naturelles. Il s’agit de la relation entre la superficie en jachère et la superficie

en culture en dessous de laquelle les terres en cultures extensives ne se régénèrent plus. En

effet, dans ce milieu, la densité de population ne devrait pas dépasser 40 hab/km2. Or, en Pays

Bissa, elle est de l’ordre de 75 hab/km2

. Cet accroissement de la population au cours du XXème siècle, et tout particulièrement depuis les années 1980, a alors eu quatre conséquences majeures.

Premièrement, on observe une saturation de l’espace, avec pour corollaire la

dégradation des ressources naturelles, se traduisant par la destruction du couvert végétal comme nous allons le démontrer au cours de la Partie 2, et par une baisse de fertilité des sols. Les formations « naturelles » ont fortement régressé, remplacées par des espaces cultivés. De

plus, la jachère est en régression. Or, dans un espace où la majorité des producteurs n’ont pas

les moyens d’investir en intrants, elle assurait jusqu’alors la durabilité des systèmes de production.

Deuxièmement, les modifications du régime foncier ont aussi eu des conséquences, de même que la naissance de la crise agraire et foncière. Le système traditionnel reposant sur l’existence d’un chef de terre cadrait avec un système économique de subsistance. La terre n’était pas la contrainte limitante de la production. Mais, suite à l’accroissement de la population, le système de distribution/redistribution ne fonctionne plus. On a donc observé

une réduction de la souplesse d’adaptation du système foncier traditionnel. Elle se traduit

par une réduction voir une disparition de la jachère, une affirmation du droit de possession à l’intérieur des lignages, un morcellement des terres entre membres des lignages, et une multiplication des prêts et des emprunts de terres.

La troisième conséquence correspond à la crise agraire observée dans la région et plus largement dans le Plateau Central. Le travail sur les champs collectifs prédominait par rapport aux quelques champs individuels. Les jeunes ménages et les célibataires demeuraient sous le contrôle du chef de famille. Suite à l’introduction de l’économie de marché, ce système s’est trouvé perturbé. Le pouvoir des anciens a été de plus en plus contesté. Les chefs de famille se sont retrouvés dans l’obligation, bien souvent, de devoir céder une partie de leur temps ou terre à tout travailleur. L’éclatement des anciennes structures de production s’est alors opéré. Désormais, c’est à chacun, selon son travail, de satisfaire ses besoins personnels.

L’individualisme supplante peu à peu les valeurs de solidarité et d’entraide, et tend à

accélérer l’éclatement de la « grande famille ». L’ancienne structure est désorganisée et la

force de travail divisée est affaiblie. Le domaine collectif se scinde au rythme du fractionnement des lignages. Ainsi, le mouvement vers la recherche de l’autonomie s’est

traduit par l’extension des superficies cultivées au détriment des méthodes collectives et

relativement intensives de mise en valeur traditionnelles de terres. L’accroissement des besoins en terres va donc provoquer des changements dans la mise en valeur. On assiste à

une mise en culture continue, à la disparition de la jachère, ou encore à l’exploitation de

terres peu favorables à l’agriculture et sensibles à l’érosion. On observe une précarisation

de la tenure foncière et une dégradation des sols. Le prêt permet toutefois de remédier à

l’inégalité de répartition. Mais, le système des contrats ne permet pas aux producteurs

d’opérer des investissements et de développer des méthodes et des techniques d’amélioration. Enfin, on observe une forte migration des jeunes ne pouvant pas ou difficilement avoir accès aux terres du fait de leur nombre insuffisant. La conséquence est alors la perte des

actifs agricoles et donc une diminution du capital de travail entraînant de fait une remise en cause de la capacité productive de la région.

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La région du lac de barrage de Bagré a connu de profonds changements au cours du XXème siècle. Dans un premier temps, sous le poids de la colonisation française, ils ont

relevé du domaine purement anthropique. Puis, les évolutions ont été brutales sous l’effet

combiné de la « nature » et des hommes. En l’espace de deux décennies, la région de Bagré a

dû faire face à des modifications climatiques, perdurant encore actuellement mais dans des

proportions plus faibles. A ces mutations se sont associées l’arrivée de migrants d’ethnies

non originaires de la région et d’activités diverses, ainsi que des modifications dans le droit agraire (dans les années 1980), et la création d’une grande retenue d’eau (au début des

années 1990).

L’environnement du Pays Bissa a alors été profondément transformé. La dégradation

des terres, déjà observée au milieu des années 1980, n’a fait que s’aggraver ; et les

superficies cultivées n’ont fait que croître. Dans une logique de survie, les populations

organisées dans un système de petites exploitations familiales ne peuvent faire face. Un cercle

vicieux s’est alors peu à peu installé. Ainsi, on est en présence d’un milieu originel pauvre

subissant des perturbations climatiques associées à des bouleversements anthropiques ; ces actions humaines elles-mêmes victimes de ces dernières agissent sur l’environnement en

amplifiant le plus souvent les phénomènes de dégradation.

Il est alors intéressant de s’interroger d’une part sur la prise de conscience par les

populations de ces dégradations (perte de fertilité, modifications des lits des cours d’eau, régression du couvert végétal), et d’autre part sur la responsabilité des différentes activités

anthropiques. Il faudra également se questionner sur le rôle du gouvernement burkinabé qui semble peut prendre en compte l’action vitale qu’est le maintien de la fertilité des terres, et la

protection des eaux et des sols ; alors que l’un de ses objectifs premiers est de nourrir sa