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Conclusion de la Partie 1

3.3 Le couvert végétal, un facteur primordial et prédominant

L’état du couvert végétal est l’ultime facteur à la fois « naturel » et anthropisé qui doit

être analysé lors de l’étude des risques de pertes en terre. Dernier abordé, il demeure

néanmoins le plus important à prendre en compte dans le bassin versant de la Doubégué. En effet, dans une situation dite « naturelle » (domination des formations « naturelles » de type savane arbustive, savane arborée, forêt claire, et formations ripicoles), et malgré la pauvreté de sols, le couvert végétal permet une bonne protection contre l’action érosive des pluies et du ruissellement. Dans un contexte de faible pente, « le handicap » pédologique est ainsi contenu par l’intermédiaire de la végétation. Or, depuis une vingtaine d’années, une régression du

couvert végétal est en cours. Nous pouvons alors supposer qu’il s’agisse du principal facteur

responsable de l’accroissement de l’érosion.

Le couvert végétal est essentiel à prendre en compte car il a de multiples influences sur le climat, à la surface du sol, dans le sol lui-même, ainsi que sur son régime hydrique. Par ailleurs, combiné au sol, il conditionne la morphogenèse. La végétation joue un rôle

prépondérant par l’intermédiaire de sa biomasse aérienne, souterraine, et des différents

La réduction du couvert végétal expose le sol aux agents de la dégradation que sont les pluies, le ruissellement, et le vent. De plus, en réduisant la capacité de renouvellement de la matière organique, ces processus érosifs entraînent une baisse permanente des éléments

nutritifs nécessaires à la production et influencent l’état physique du sol (encroûtement,

érosion, compactage de l’horizon superficiel, mortalité des végétaux s’accentuant de proche en proche) (HIEN et al., 1996).

La morphologie du couvert végétal est également importante. Ainsi, les possibilités

d’écoulement le long des tiges peuvent favoriser l’infiltration, ou au contraire participer au

déchaussement des pieds et à la formation de griffes comme lors de la culture du maïs. Quant aux racines, elles empêchent l’eau d’emporter le sol du premier horizon et de creuser des

réseaux de rigoles. Le couvert végétal favorise donc l’écoulement préférentiel le long des

racines et permet un apport de matière organique.

Dans le contexte géomorphologique et climatique du bassin versant de la Doubégué, le couvert végétal est primordial, car il absorbe une partie de l’énergie cinétique des précipitations et permet de réduire le battage au sol. Il constitue donc un écran essentiel à

l’impact des gouttes de pluies. Un couvert végétal bien développé garantit donc une

protection du sol contre l’érosion par l’effet splash et le ruissellement. Néanmoins, il faut

tenir compte des différents calendriers temporels d’occupation ou de recouvrement du sol. Ainsi, le rôle protecteur est fonction du taux de ce dernier au moment des pluies érosives. Selon ELWELL et STOCKING (1976, cité par AUZET, 1987), ce seuil est de 30 %. Nous avons déjà évoqué ci-dessus, les différences de protection selon le type de culture (période de

croissance, taux de recouvrement, date de récolte). L’action protectrice peut être également

réalisée par des débris végétaux ou mulchs. Ainsi, l’expérience menée par MEYER et

MANNERING (1967, cité par LUDWIG, 2000) sur un sol nu et un sol couvert de 2,5 t/ha de résidus a montré une réduction de 40 % du ruissellement. Néanmoins, il serait faux de penser

que toute protection serait identique. En effet, l’efficacité plus ou moins grande dépendra de

la nature des résidus et de leur taux de recouvrement. Lorsqu’ils sont laissés sur place, une partie est consommée par les animaux divaguant dans les champs. Et, le plus souvent, dans le bassin de la Doubégué, les résidus sont peu laissés sur les parcelles. Ils sont principalement ramassés pour être placés dans la fosse fumière ou utilisés pour la cuisine. La question de

l’accès au bois de chauffe, aux brindilles est cruciale dans la région comme dans l’ensemble

du pays et obligent les populations à utiliser ces résidus de récoltes et non à les laisser sur place pour la protection des sols. Il convient de réfléchir à la réduction de ces prélèvements par la mise en place de foyers améliorés, de systèmes agroforestiers, de système de plantations. Afin de préserver le capital sol des espaces cultivés, il est essentiel de maintenir ces résidus et de les enrichir à l’aide fumure, d’engrais naturels (neem). De plus, les activités

pastorales et agricoles ne doivent pas rentrer en compétition. Or, c’est ce qu’il se produit

actuellement. Elles fonctionnent de plus en plus comme « deux mondes séparés ». La mise en place de la zone pastorale n’a en rien réglé ces problèmes. Il existe toujours des éleveurs transhumants, et cet espace fermé ne permet pas le développement économique et social des pasteurs. Ces questions et les solutions relatives au manque de bois et à la relation agriculture/élevage seront développées au cours de la Partie 4.

Il existe un classement des formes de couvert végétal en termes de protection des sols

(et donc de la lutte contre l’érosion). Les meilleures sont la forêt et la « prairie ». Elles

limitent les échanges atmosphère/sol, protègent du rayonnement et du vent, des variations de

températures, maintiennent l’humidité, et permettent la vie microbienne. De plus, seules les

formations ligneuses conduisent à une perméabilité élevée.

Par ailleurs, le tapis herbacé à Hyparrhenia, rencontré dans la zone d’étude, joue un

rôle essentiel. Il protège mieux le sol en limitant l’érosion par un treillage dense. Ainsi,

l’extrême division du système racinaire fractionne les filets d’eau. La meilleure protection,

vis-à-vis des agents d’érosion atmosphériques s’opère lorsqu’il existe des herbacés sur deux

niveaux.

Au-delà des systèmes dits « naturels », le rôle des sols cultivés est lui aussi prépondérant. En effet, nous nous localisons dans une région où l’agriculture est l’activité

prédominante (essentiellement vivrière). Les différents écrits mettent en avant l’extension de

ces surfaces au détriment du couvert végétal «naturel ». Or, la plupart des sols cultivés sont peu ou pas couverts pendant la majorité de l’année. Au début de la saison des pluies, ils sont peu protégés, voire à nu. Les états de surfaces sont alors favorables à la formation et à la concentration du ruissellement. L’évolution de ces derniers est conditionnée par les situations climatiques et les techniques culturales appliquées. Les modes de défrichement jouent alors un rôle. S’il est manuel, sans destruction du racinaire, le sol pourra supporter l’agressivité climatique une à deux années. A l’inverse, s’il est mécanique, l’érosion et le ruissellement seront plus importants, surtout si la pente est forte.

De plus, suite à la mise en culture, on observe une diminution de la matière organique et des éléments fins des horizons superficiels. Au bout de 10 ans, l’horizon à la surface blanchit, la structure évolue vers une composition compacte accompagnée d’une croûte de

battance. En définitive, les rendements sont favorables pendant deux ans. Dans le cas d’un

rétablissement de l’équilibre biologique, cela peut se poursuivre pendant 4 à 6 ans. Le caractère chimique peut être stable pendant 10 ans. Cependant, le paysan abandonne, le plus

souvent, sa parcelle au bout de 4 - 5 ans. Lors de la régénération par jachère, il faut 5 à 7 ans

pour que les marques culturales disparaissent. Pour qu’elle soit réellement efficace, il est

préférable qu’elle dure 15 ans (idéal 30 ans). Pendant longtemps, la mise en jachère a permis

une amélioration de la porosité, de la structure des sols, un enrichissement organique, et le développement de graminées vivaces de savane (PRINCIPI, 1992). Cependant, actuellement cette pratique a fortement régressé. Dans le bassin versant de la Doubégué, rares sont les agriculteurs qui la pratiquent encore (résultats enquêtes, Robert, 2008 et 2009).

De nombreux travaux effectués sur les processus de dégradation des sols dans la région soudano-sahélienne mettent en évidence que la réduction du couvert végétal en constitue le point de départ (ROOSE, 1981 ; HOOGMOED et STROOSNIJDER, 1984, CASENAVE et VALENTIN, 1989). Le recul du couvert végétal affecte négativement l’état

édaphique des sols. La mortalité de la végétation s’accentue de proche en proche suite à

l’encroûtement, à l’érosion, et au compactage de l’horizon de surface. A partir de cet instant,

les relations de causes à effets sont si imbriquées qu’une spirale de dégradation se met

en place. A titre d’exemple, suite à la progression spatiale centrifuge des zones nues à partir

forêts galerie et les autres formations ripicoles. Or, ce sont des écosystèmes importants disposant d’une grande diversité biologique et d’un rôle stratégique de protection du lit du cours d’eau.

De plus, la dégradation des sols, en particulier dans les espaces sylvo-pastoraux, est un phénomène dont l’évolution peut compromettre à moyen terme la viabilité des systèmes de production ruraux dans cette zone, et plus généralement dans les régions similaires (cf. chap. 4). Ainsi, la priorité accordée aux espaces cultivés par les programmes de conservation des eaux et des sols se justifie par le seul souci de sécurité alimentaire à court terme. Cependant

en « oubliant » la protection directe de la « brousse » c’est l’ensemble du système agro

-pastoral qui est menacé (HIEN et al. 1996).

MIETTON, en 1986, avait déjà mis en évidence le rôle fondamental du couvert végétal, parmi les facteurs conditionnels du ruissellement, en travaillant sur des parcelles expérimentales dans le bassin de la Volta Blanche (ex. Nakambé). En effet, les plus fortes

concentrations étaient mesurées en début d’hivernage (valeurs supérieures à 50 et

100 t/km2/an), lorsque les parcelles cultivées ont leur sol à nu. Comme le souligne ROOSE, il

existe, en terme d’érosion un rapport de 1 à 10 entre la savane et la culture, et de 1 à 100 entre la savane et la parcelle nue.

Enfin, le couvert végétal présenté ici englobe les formations dites « naturelles » et les cultures qui peuvent également être une forme de protection des sols. Or, on a démontré qu’il existe une différence entre ces deux formes de couvert végétal. Ainsi, il peut rapidement

exister une ambiguïté lors de l’emploi de ce terme. Toutefois, dans la suite de notre écrit, afin

d’éviter cette dernière, nous emploierons le terme de couvert végétal comme formations « naturelles ».

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Le couvert végétal est l’élément clé dans la protection contre l’érosion. Par sa présence, il protège les sols fragiles du bassin versant de la Doubégué de l’agressivité des pluies et ralentit le ruissellement. Il s’agit du principal paramètre à prendre en compte et sur

lequel il faut agir. En effet, il existe une hiérarchie des facteurs conditionnels au

ruissellement. Dans notre région d’étude, le principal est alors le couvert végétal (et donc l’occupation des sols), puis la nature des sols et enfin la pente.

Par ailleurs, l’agent naturel de l’érosion est essentiellement l’eau dans le bassin versant de la Doubégué. L’agent éolien n’est qu’un relais. Toutefois, ses marques sont

visibles comme les arbres dessouchés.

Ainsi, plusieurs agents jouent un rôle dans l’érosion d’un milieu. L’agressivité des

pluies de la région est un des principaux agents morphodynamiques. Elle est à l’origine du principal problème qu’est l’effet splash et dont les conséquences négatives s’observent

surtout au début de la saison des pluies. Il attaque alors les zones agricoles laissées à nu, les sols nus, et les pistes. Son action entraîne souvent la mise en place d’une croûte de battance à l’aspect lisse et glacé actionnant les ruissellements. De plus, dans un contexte de péjoration

climatique la végétation est davantage affectée, et sa capacité de résistance affaiblie.

Cependant, c’est l’agent anthropique qui a principalement contribué à la régression du

Le ruissellement existe sous différentes formes. D’abord diffus, lié aux pluies de la ZCIT, puis en nappe conduisant à une ablation généralisée. La forme de glacis et ce mode de ruissellement sont en réalité en grande partie liés. Quant au ruissellement concentré, il

s’observe davantage en bas de versant, le long des pistes et des routes goudronnées.

Cependant, il varie selon le type de sol et surtout selon le mode d’occupation. L’agent anthropique se retrouve une nouvelle fois au cœur des problématiques concernant les facteurs

naturels de l’érosion. Mais il en est également la première victime. En effet, les conséquences

du ruissellement agissent sur la sphère naturelle et humaine par l’érosion des sols cultivés, la diminution de la recharge de la nappe souterraine, l’augmentation des débits instantanés et

des crues dévastatrices, et la contamination des eaux et des nappes alluviales par les matières en suspension.

Par ailleurs, les sols de la région, naturellement pauvres et fragiles, résistent

difficilement à l’action des pluies et du ruissellement. Ils sont essentiellement sableux. Afin de garder leur faible fertilité et productivité, il faut associer des techniques de rotations, de

protection, d’enrichissement. Une nouvelle fois l’agent anthropique doit jouer un rôle afin de préserver ces sols. Or, dans l’immédiat, le constat est inverse, et l’impact est davantage néfaste qu’il n’est bénéfique. Quant à la pente, il s’agit ici de prendre davantage en compte

sa longueur que son inclinaison (inférieure en grande majorité à 3 %). Ainsi, dans un contexte de faible pente, « le handicap » pédologique est alors contenu par l’intermédiaire de

la végétation. En effet, c’est la réduction du couvert végétal qui expose le sol aux agents de

la dégradation que sont les pluies, le ruissellement, et le vent.

En définitive, le facteur prédominant est l’état de couvert végétal. Afin de connaître les zones les plus affectées par la diminution du couvert végétal et donc menacées par un risque de pertes en terre, l’évolution de ce couvert végétal depuis les années 1980, et par

conséquent l’occupation des sols, doivent être étudiés. Son analyse diachronique permettra

de mieux comprendre les processus en jeu dans le bassin versant de la Doubégué, et aidera à la mise en place de solutions concrètes à des endroits spécifiques et stratégiques.

Chapitre 4 :

La régression du couvert végétal : l’impact de l’agent

anthropique

Le Pays Bissa a connu de profondes mutations au cours du XXème siècle. Toutefois, elles se sont accrues au cours des années 1980, 1990 et au début des années 2000. Le point d’origine est l’éradication de l’onchocercose suite aux actions de l’AVV. L’arrivée, pendant la décennie 1980 de nouvelles populations fuyant les conséquences de la sécheresse, associée à une croissance démographique forte ont amplifié ces changements. Les années 1990 ont quant à elles été marquées par la mise en eau du barrage de Bagré. Une partie des terres a été ennoyées et de nombreuses surfaces ont été défrichées pour la mise en culture et pour répondre à la demande en bois de chauffe. Il ne faut également pas oublier le contexte politique suite à la mise en place de la RAF. On a alors assisté à une extension des surfaces anthropisés depuis les interfluves « saturés » vers les vallées. Enfin, le contexte climatique a

aussi joué un rôle. La région a connu, comme la majorité de l’espace burkinabé, une réduction

de ces totaux pluviométriques, principalement au cours des années 1970 et 1980. La péjoration climatique affectant en partie la végétation, les espèces les plus fragiles ont eu du

mal à résister. Les types d’essence présents ont évolué vers des plantes poussant en domaine

plus sec. La régression du couvert végétal s’est alors opérée dans un contexte de

péjoration climatique et de mutation anthropique.

Afin de valider ces hypothèses, il convient alors d’étudier l’évolution du couvert

végétal et l’emprise des activités humaines par télédétection, via une analyse diachronique. En effet, la connaissance de l’état actuel de l’occupation des sols mais également son évolution

(direction, régression, extension, taux de croissance, etc.) est essentielle lors de l’étude des

risques de pertes en terres et en eau. Ainsi, il faut identifier les zones affectées par l’évolution

régressive du couvert végétal et les espaces les plus dégradés qui doivent être protégés. La télédétection combinée aux SIG permet de réaliser ces travaux. L’étude diachronique constitue la première étape dans la réalisation d’un état des lieux du bassin versant de la

Doubégué face au risque érosif. Il est essentiel de s’interroger sur l’évolution de cette région,

afin de mieux en saisir les enjeux. A-t-elle toujours connu ce type de végétation ? Quelle était

l’extension des surfaces cultivées ? De nouveaux sols dégradés sont-ils apparus ? Y a-t-il des

zones davantage affectées par ces derniers ? Dans un second temps, on s’interrogera sur la

vision de la population de ces processus. Elle complètera notre étude de l’évolution du couvert végétal et de l’occupation. La mise en relation de ces deux méthodologies est

essentielle afin d’avoir la vision la plus exhaustive possible des phénomènes en jeu dans le

bassin versant de la Doubégué, de leur évolution, de la localisation des espaces les dégradés, etc.