• Aucun résultat trouvé

Un roman politique dans la postmodernité ?

ENTRE LA POLÉMIQUE ET L’IMPASSE

2.1 Spécificités génériques. Vers un roman du dissensus

2.1.1 Un roman politique dans la postmodernité ?

Dans ses créations, Andrés Sorel reprend une ligne de création littéraire très proche de celle des philosophes des Lumières, notamment Voltaire et Diderot et le du roman du XVIIIe

siècle, dans la mesure où elle tend à la critique sociale et noue des liens étroits avec la philosophie politique. Une ligne qui représente un continuum de la modernité, et qui exprime une relation conflictuelle avec la postmodernité, car elle est fortement anticapitaliste et loin du retour à soi, à la sphère de l’intime et à l’individualisme narcissique caractéristiques de la

1 « Espace ouvert, le roman est un réceptacle capable de contenir la pluralité : il est le lieu de l’hétérogène par excellence. Espace paradoxal, le roman peut dire l’infini dans le fini de son signifiant ». Jean-François Carcelen, « L’hétérogène dans le roman espagnol (1975-2000) », dans Annie Bussière-Perrin (Éd.), Le roman espagnol actuel. Pratiques d’écriture (Tome 2), 1975-2000, Montpellier, CERS, 2001, p. 37-64. Citation p. 38.

97

littérature espagnole à partir des années 19801. Même si l’on assiste chez Sorel à des choix esthétiques formels qui ont été fort utilisés, mais non inventés, par le roman postmoderne, comme la métafiction, l’autofiction, le fragment ou la désacralisation, son récit met en évidence l’existence d’idées et de valeurs qui tentent d’échapper au relativisme contemporain. La méfiance vis-à-vis du pouvoir en place et la critique profonde des forces répressives de l’État, le fait de considérer les médias comme manipulateurs des esprits et la mise en question en somme du système néolibéral – notamment sa capacité à réduire les esprits en esclavage – et de la puissance de la société de marché, éloignent radicalement son récit de toute connivence avec la logique postmoderne – qui aujourd’hui n’est que la manifestation culturelle de la mondialisation, une façon de reproduire le système capitaliste tardif2. De plus, le refus de la culture de masse au profit d’un certain élitisme culturel, la substitution de l’hédonisme par une forte idée du collectif, ainsi qu’un certain élan utopique sont des caractéristiques idéologiques présentes dans les textes de Sorel, qui éloignent sa création des paramètres postmodernes. Autrement dit, l’écrivain en utilise certaines formes tout en en récusant le fond idéologique. En effet, dans la complexité de son écriture émerge toujours l’idée d’une croyance en des valeurs comme la vérité ou la justice. La recherche sur le passé et la mémoire historique s’opposent à l’ici et maintenant de la postmodernité. Mais une idée clé chez Sorel, qui le différencie considérablement de la postmodernité, est justement sa volonté de ne pas se limiter à interpréter la société mais de la transformer à travers la culture, pour gloser la célèbre citation de Karl Marx relative à la tradition philosophique qui l’avait précédé. C’est en effet une écriture de l’espoir, dans le sens où il y a certainement une volonté ferme et latente, une sorte d’élan, vers l’utopie révolutionnaire – la libération des esprits du joug du pouvoir –, même si elle n’opère qu’à travers l’implicite et le non-dit.

1 Sur le roman espagnol de cette époque, l’écrivain Antonio Martínez Menchén et le professeur Jesús Felipe Martínez Sánchez signalent : « Los autores de esta década recuperarán géneros más o menos arrumbados o considerados de menor categoría en otras épocas (el histórico, el policíaco, la novela de aventuras, la autobiografía imaginaria, el folletín o incluso el erotismo descarnado), pasando de unos a otros motivos temáticos sin más razón aparente que el dictado de la moda o de la crisis ideológica de los últimos tiempos que lleva a una literatura light

en lo filosófico y en lo político, pero sólida en su construcción narrativa y de gran riqueza verbal. Esta preocupación por los aspectos formales en detrimento de la reflexión crítica e ideológica sobre los aspectos más conflictivos y candentes del mundo actual ha hecho que algunos críticos hablen de Neomodernismo (o Postmodernismo) para referirse a la literatura de estos años ». Dans A. Martínez Menchén et J. F. Martínez Sánchez, La narrativa española contemporánea, Madrid, Akal, 1992, p. 121.

2 Voir à ce propos l’entretien avec Fredric Jameson « Posmodernidad y globalización », Archipiélago, nº 63, 2004, p. 105-118, ainsi que sa critique de la postmodernité dans F. Jameson, Le postmodernisme ou La logique culturelle du capitalisme tardif, Paris, Beaux-Arts de Paris, 2011.

98

Dans un premier temps, il faudrait analyser le concept, encore assez problématique, de « roman politique »1. Sur cette question, le professeur Emmanuel Bouju utilise le terme de « fiction politique » :

La « fiction politique » ne constituerait pas un genre singulier du récit de fiction mais emprunterait à des modèles pragmatiques multiples, en en variant les champs d’application : conditions politiques structurelles (épopée capitaliste, expansion des régimes autoritaires, transitions démocratiques, etc.), idéologies (jacobinisme, libéralisme, républicanisme, fascisme, anarchisme, communisme, etc.), données micro-politiques (scandales, spéculation, manipulation de l’information, etc.), voire tension entre éthique idéaliste et esthétique du matérialisme (réalisme du Second Empire, « torrent démocratique », société de consommation ou du spectacle, révolution de l’information numérique, etc.)2.

Néanmoins, pour Maryse Bertrand de Muñoz, le roman politique est un sous-genre du « roman idéologique », dont il prend quelques caractéristiques, et également du « roman social » : « La novela política se acerca tanto a la novela ideológica – en la cual se quiere preconizar una idea, un ideal, una tesis, a menudo al detrimento de lo propiamente novelesco – como a la novela social, en el sentido de querer no sólo testimoniar sino denunciar una situación que aparece intolerable »3. En revanche, le « roman politique » de Sorel n’aborde pas, comme le souligne Maryan Guisy pour le XIXe siècle, une logique qui tournerait autour de l’intrigue électorale, même si cela pourrait sans doute constituer une forme légitime du genre. Pour elle, il s’agit d’« exposer la cuisine électorale de façon dramatique », c’est-à-dire les manœuvres, l’ambition politique, la mesquinerie, les irrégularités électorales, la théâtralisation, les pratiques frauduleuses, les conséquences du scrutin sur la municipalité, et les intrigues sentimentales qui l’entourent. Chez Sorel, on trouve rarement une place pour les préfets, les députés ou les candidats aux élections, car il n’est pas question de manipulation électorale par temps démocratiques, mais d’aborder le caractère illégitime d’un pouvoir obtenu par la force du

putsch, et surtout de la violence politique que cela implique à long terme. Dans ses romans défilent néanmoins des dictateurs, des militaires, et des politiciens plus ou moins autoritaires, mais aussi des repentis, des écrivains, des témoins, des victimes, des anciens, qui ont en commun leur condition de vaincus d’une guerre ou d’un système politique. En revanche, on dira avec Maryan Guisy que le roman politique a l’intérêt de « dévoiler des mécanismes cachés,

1 Pour le professeur Emmanuel Bouju, « si l’on est prompt à désigner ce qu’une fiction “a de politique” », on est plus embarrassé pour reconnaître en quoi cette dimension politique pourrait définir en propre une telle fiction ». E. Bouju, « La fiction politique : hypothèses », Raison Publique, 04/05/2014. En ligne [ http://www.raison-publique.fr/article695.html]. Consulté le 21/01/2016.

2Ibid.

3 M. Bertrand de Muñoz, « La subversión del lenguaje en la novela política. El caso de algunos textos de la guerra de España », Actas del XII Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas, 21-26 de agosto de 1995, Birmingham, Vol. 5, 1998, págs. 21-28. Citation p. 21.

99

de démonter des rouages, de faire découvrir par exemple au lecteur les “dessous” et l’“envers” d’une campagne électorale »1.

En effet, dans les romans de Sorel, il y a une volonté ferme de faire de la politique par le biais de l’écriture. C’est une parole qui tend à intervenir socialement depuis un positionnement concret, à donner une image éthique particulière du monde et de la société, et qui aborde des questions historiques et politiques : les guerres, le fascisme, le communisme, la clandestinité, les inégalités sociales, l’expérience concentrationnaire, l’immigration, etc. L’écrivain a toujours défendu cette relation :

Creo que siempre se da esta relación, incluso cuando se aclara lo contrario, se da literatura política. Considero que una literatura que no fuera política o que no tuviera ideas sería, exclusivamente, aquélla en la que un escritor se limitara a tomar de mil libros la primera línea de ellos, sin hacer un problema de montaje. En el momento que el escritor está seleccionando, eligiendo, aunque sea en clave surreal, a través de los sueños, está interpretando su propia circunstancia y la propia circunstancia de los que le rodean. Otra cosa es que la literatura deje de ser literatura y se convierta en panfleto político2.

D’abord, on doit définir ce que l’on entend par le substantif « politique », qui vient du grec πολιτικός, qui veut dire en espagnol « civil, relativo al ordenamiento de la ciudad o los asuntos del ciudadano ». C’est-à-dire le fait d’organiser le vivre-ensemble, afin d’éviter ou de limiter les inégalités entre les citoyens. Le DLE définit le concept comme « Actividad del ciudadano cuando interviene en los asuntos públicos con su opinión, con su voto, o de cualquier otro modo »3. Au sujet de l’expression « de cualquier otro modo », on pourrait dire à travers la littérature. Dans la définition du dictionnaire espagnol, on arrive à trouver une place pour le citoyen qui n’appartient pas forcément à la classe politique, alors que dans le Trésor de la langue française, la politique est définie comme « Art de conduire les affaires de l’État, science et pratique du gouvernement de l’État »4. On observe donc que la définition française donne moins de place à la participation citoyenne que la définition espagnole, et qu’elle associe, voire réduit, la politique aux affaires de l’État et, sous-entendu, aux hommes politiques. Cette dichotomie nous mène à distinguer entre « la » politique, c’est-à-dire la cuisine

gouvernementale, l’institutionnel, la loi, la police, l’ordre, et dans un sens plus large, « le »

1 Maryan Guisy, « Le roman politique, ou le retour de l’intrigue », Romantisme, nº 135 (1/2007), p. 37-48. Citations p. 40 et 37. En ligne [http://www.cairn.info/revue-romantisme-2007-1-page-37.htm]. Consulté le 21/01/2016.

2 Pepe Iglesias, « Andrés Sorel reflexiona sobre la Humanidad en su última novela », El Correo de Andalucía, 06/11/1990, p. 41.

3Diccionario de la Lengua Española, article « Político,a ». En ligne [http://dle.rae.es/?id=Ta2HMYR]. Consulté le 21/01/2016.

4 Trésor de la Langue Française Informatisé, article « Politique ». En ligne

100

politique, c’est-à-dire le pouvoir de la communauté, le processus d’émancipation, l’égalité, le conflit, comme le font les philosophes Jacques Rancière et Chantal Mouffe1. En définitive, deux termes véritablement antagoniques. Dans ce pouvoir politique exercé par le citoyen, on pourrait placer, à son échelle, le pouvoir de la littérature et de l’écrivain. Mais pour revenir au concept de « roman politique », on a affaire à une création artistique qui parle du politique, qui dévoile et dénonce les enjeux du pouvoir, mais de nature politique aussi au sens où elle génère une polémique au sein de la communauté de la critique, à tel point que chez Sorel cette polémique se traduit par l’ignorance ou l’invisibilité totales.

On peut tout à fait partager la définition du concept de « roman politique » de la chercheuse Anne-Laure Bonvalot, qu’elle applique aux romans de Belén Gopegui, Isaac Rosa et Alfons Cervera. Pour Bonvalot, le roman politique tend à être considéré par la critique canonique comme un genre de « mauvaise qualité littéraire », une catégorisation qui cache au fond la finalité non avouée d’« exclure les discours alternatifs ». La chercheuse signale ainsi avec justesse que le roman politique met en question « les présupposés du discours dominant ». De plus, elle conclut que cette esthétique pourrait être considérée comme une « écriture de la subalternité », entre autres, dans la mesure où elle « dérange le lecteur sur le plan idéologique » et « porte une réception conflictuelle et polémique »2. Cette catégorisation s’avère très efficace à l’heure de définir les caractéristiques du roman politique d’Andrés Sorel, puisque l’on a affaire à des personnages secondaires, anonymes, anti-héros parfois subversifs, parfois victimes exemplaires. Quant au lecteur, on a évoqué auparavant la méfiance vis-à-vis du lecteur-consommateur de littérature populaire et l’introduction diégétique du personnage du lecteur, figure qui essuie toute sorte de moqueries de la part des autres personnages dans La carverna del comunismo. En effet, rien que par la thématique de ses romans, Sorel met sur le devant de la scène une série de conflits encore non résolus de l’Espagne contemporaine – notamment la gestion de la mémoire historique des victimes du franquisme, du nazisme et du communisme, l’indépendantisme nationaliste de l’ETA ou le drame de l’immigration africaine en Europe – qui visent à bouleverser la nature consensuelle du discours dominant.

En effet, le couple terminologique « roman politique » est absent des dictionnaires de littérature espagnole. Cependant, le Diccionario de literatura mexicana. Siglo XX, apporte une définition de « novela política » qui répond bien à celle qui construit notre auteur :

1 Voir Jacques Rancière, Aux bords du politique, Paris, Folio, 2004 et Chantal Mouffe, Le politique et ses enjeux : pour une démocratie plurielle, Paris, La Découverte/MAUSS, 1994.

2 Voir Anne-Laure Bonvalot, Formes nouvelles de l’engagement dans le roman espagnol actuel : Alfons Cervera, Belén Gopegui, Isaac Rosa, thèse de doctorat, dirigée par Jean-François Carcelen, Université Paul Valéry-Montpellier 3, 2014, p. 485 et ss.

101

En estas obras, el escritor se compromete con la política actual del país, ya sea para explicar alguna situación determinada o para satirizar, protestar o denunciar hechos como la violencia política, la corrupción, la infiltración de grupos extranjeros en el país, la manipulación o el chantaje de los políticos, las amenazas o torturas del régimen, así como el anhelo por una situación mejor1.

À notre sens, le roman politique est celui qui traite des dictatures, des guerres, des régimes politiques. Il privilégie la mise en place de figures historiques charismatiques (chez Sorel : Franco, Staline, Carrillo, Weyler, etc.) ainsi que les affrontements entre dominants et dominés. Ces romans constituent une remise en question du passé et de ses implications sur le présent. De plus, ils servent à approfondir notre vision des personnages historiques, en dévoilant leurs traits les plus intimes. Même si Sorel cherche toujours à se documenter en détail sur le lieu, sur le personnage et sur le contexte historique : il ne faut pas oublier que le côté fictionnel est néanmoins présent, l’auteur proposant une récréation de la réalité qui part du réel lui-même. Dans El falangista vencido y desarmado, on assiste ainsi à la fin du chapitre 4 – intitulé « El General Paciente » – à une lettre fictive de Franco adressée à son père, à mi-chemin entre l’aveu et le règlement de comptes, qui cherche à démasquer les frustrations et les complexes intimes du dictateur, ainsi que la relation conflictuelle entre les deux. De la même façon, à côté des personnages historiques fictionnalisés, l’auteur fait une large place à ceux que le philosophe Jacques Rancière appelle les sans parts. Pour l’auteur, « la politique se présente-t-elle comme l’énonciation d’un tort, la profération d’une revendication par ceux qui sont sans parts dans le décompte des voix »2. En suivant sa théorie sur ce qu’est la politique, on pourrait donc admettre que les romans d’Andrés Sorel, en raison du développement privilégié des personnages anonymes, victimes, oubliés, invisibles et vaincus (les sans part) sont bel et bien des romans politiques. On songe notamment aux populations défavorisées qui vivent dans des hameaux reculés de la Sierra de Jaén dans Crónica de un regreso, aux témoignages des immigrés africains anonymes dans Las voces del Estrecho ou bien au personnage-victime de K le mineur dans La caverna del comunismo et de K le musicien juif dans Último tango en Auschwitz.

Le roman politique de Sorel engendre une rébellion contre l’ordre établi et une réaction envers toute forme de nonchalance3. En ce sens, des poètes critiques comme Enrique Falcón ont souligné la nature aproblématique du roman espagnol actuel :

1 Armando Pereira (Coord.), Diccionario de literatura mexicana, Mexico, UNAM, 2004, p. 351.

2 Cité par Marie De Gandt, « Subjectivation politique et énonciation littéraire », Labyrinthe, nº 17, 2004, p. 87-96. Citation p. 87. En ligne [http://labyrinthe.revues.org/178]. Consulté le 22/01/2016.

3 La romancière Belén Gopegui aborde d’une façon intéressante la relation entre littérature et politique : « Toda literatura es, se sabe, política; preguntarse sobre literatura y política en las actuales condiciones significa preguntarse si la literatura, como la política, puede hacer hoy algo distinto de traducir, acatar o reflejar el sistema hegemónico ». B. Gopegui, « Literatura y política bajo el capitalismo », Rebelion.org, 20/02/2006. En ligne [http://www.rebelion.org/noticia.php?id=26876]. Consulté le 21/01/2016.

102

Intimismo documental, poca ambición, guiños y coqueteos con las lógicas del poder, naturalismo sentimental, pereza intelectual, abandono de la plaza pública... La novela española de hoy ni rasca bien, ni rasca donde de veras pica1.

D’autres, comme l’écrivain Jorge Carrión, pensent que ce qui compte vraiment pour faire un roman politique, c’est justement l’intention de le faire : « LO QUE IMPORTA ES LA INTENCIÓN. Todo es – en un grado u otro – política. También las novelas. Algunas de ellas, no obstante, tienen intención política. Me parece que es ese concepto en el que merece la pena detenerse »2. Cet auteur cite aussi l’écrivain W. G. Sebald à propos du concept de restitution

dans le roman politique, que l’on considère comme un élément clé chez Sorel puisqu’il donne le droit à la parole à des gens inaudibles dans les médias :

« Hay muchas formas de escribir », escribió Sebald [en Campo Santo], « pero sólo en la literatura, por encima del registro de los hechos y de la ciencia, puede intentarse la restitución » […]. La palabra restitución es clave en la novela de intención política. Según el Diccionario significa « Volver algo a quien lo tenía antes. Restablecer o poner algo en el estado que antes tenía »3.

Quoi qu’il en soit, les romans de Sorel essaient d’éclairer et de dévoiler les points les plus noirs et épineux de la réalité d’un pays4, en cherchant un langage alternatif face au langage monolithique du discours dominant5. Dans ces romans circulent des discours idéologiques des personnages et du narrateur : des opinions, des visions du monde, des élucubrations, des hypothèses, des jugements de valeur, ainsi que des discours métalittéraires : le pouvoir de l’écrivain, de la littérature, sa fonction, sa façon d’écrire et le problème esthétique du comment écrire, les liens entre histoire et fiction, l’impossibilité d’exprimer la douleur à travers le récit, etc. Comme le souligne la chercheuse Alice Béja à propos de l’absence croissante du discours critique dans les institutions politiques actuelles et son replacement dans la fiction :

1 Cité par Peio H. Riaño dans « La novela política entre las palabras y las ideas », Publico.es, 13/03/2011. En ligne [http://www.publico.es/culturas/novela-politica-palabras-y-ideas.html] . Consulté le 22/01/2016.

2 Jorge Carrión, « Jorge Carrión: escribir una novela política », Elconfidencial.com, 28/07/2014. En ligne [ http://blogs.elconfidencial.com/cultura/tribuna-de-expertos/2014-07-28/decalogo-de-jorge-carrion-sobre-la-novela-politica_164654/]. Consulté le 22/01/2016.

3Ibid.

4Nombre d’écrivains se sont chargés d’aborder des thématiques sociales sensibles, dans le but de créer du débat. On songe par exemple à la mise en texte de la peine de mort chez Emilia Pardo Bazán dans La Piedra angular

(1891). Comme le souligne Dolores Thion, « […] en 1891 Pardo Bazán pergeñaba en que la novela se convirtiese en un elemento social que ejerciese influencia en la vida española, el universo de La Piedra angular está estrechamente vinculado a la realidad y a sus propias vivencias personales ». D. Thion Soriano-Mollá, « La Piedra angular de Emilia Pardo Bazán: fuentes e imágenes especulares de la sociedad », dans Dolores Thion Soriano-Mollá, Noémie François et Jean Albrespit (Éds.), Fabriques de vérité(s) : L’œuvre littéraire au miroir de la vérité, Vol. 2, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 201-212. Citation p. 204.

5 Sur la question du langage, véritable obsession chez Andrés Sorel, l’écrivain Isaac Rosa affirme : « El lenguaje