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4. Les champs pour lesquels l'information reste encore très insuffisante

4.3.   L’économie collaborative

4.3.2.   Un phénomène encore mal mesuré

Plateformes collaboratives

(crowdfunding, centrales d’achat, connaissance partagée)

Ex. KissKissBankBank, Wikipedia)

Plateformes d’emploi

(vente de B&S produits par des travailleurs collaboratifs)

Ex. Leboncoin, Blablacar, Uber, Airbnb       Plateformes digitales  

(moteurs de recherche, réseaux sociaux, applications de télécommunications en ligne…)

Ex. Google, Facebook, Skype

Source : d’après IGAS (2016).

 

‐ les opérateurs de services organisés, qui fournissent des prestations standardisées délivrées par 

des professionnels (ex. : Uber) ; 

‐ les plateformes de jobbing qui permettent aux particuliers de bénéficier de services à domicile (ex :  SuperMano) ; 

‐ les coopératives électroniques qui déclinent les modes de production, de consommation et de 

distribution collaboratifs de l’économie sociale et solidaire (ex. : La Ruche Qui Dit Oui !) ; 

‐ les places de marché qui sont des plateformes de (re)vente de biens physiques, neufs ou d’occasion  (ex. : Price Minister, Etsy) ; 

‐ les plateformes de freelances qui apparient une offre et une demande de prestations de services à  haute valeur ajoutée (ex. : Hopwork) 

‐ les plateformes de micro‐travail qui mettent en relation, principalement sur le plan international,  une offre et une demande de micro‐tâches dématérialisées (ex. : Amazon Mechanical Turk). 

Une plateforme comme Leboncoin est mixte, associant ventes d’objets d’occasion, hébergement,  locations, cours particuliers, etc. 

4.3.2. Un phénomène encore mal mesuré

L’économie collaborative est difficile à saisir pour les systèmes statistiques. Dans le cas de la France,  les bases de la comptabilité nationale ne permettent pas d’isoler facilement les données concernant  les  plateformes  collaboratives.  Elles  ne  correspondent  à  aucun  code  d’identification  dans  la  classification sectorielle des entreprises (code APE) et toutes ne sont pas classées parmi les portails  internet. Les bases fiscales ne fournissent pas plus d’information : les transactions électroniques sont 

soumises à la TVA sans particularité et les revenus des « collaborateurs », lorsqu’ils sont déclarés,  sont noyés dans le revenu imposable global des ménages. Les prélèvements sociaux ne permettent  pas non plus d’identifier ces revenus (Amar et Viossat, 2016). 

4.3.2.1. Les tendances du travail indépendant et de la pluriactivité ne permettent pas encore de conclure à un essor massif de l’économie collaborative

Malgré ces difficultés, plusieurs études ont cherché à mesurer l’ampleur de l’économie collaborative. 

Les activités concernées s’exerçant fréquemment sous un statut d’indépendant isolé et constituant  souvent des activités d’appoint, la mesure des travailleurs indépendants n’employant aucun salarié,  ainsi que des travailleurs pluriactifs, constitue une première voie d’entrée dans la mesure du  phénomène.  L’observation  de  l’évolution  du  travail  indépendant  ne  donne  pas  de  résultats  probants : aux États‐Unis, la part du travail indépendant dans l’emploi total décroît légèrement  depuis 2005 et se maintient entre 10 % et 12 % depuis 2000. En Europe, la part du travail  indépendant sans salarié augmente légèrement dans certains pays mais la dynamique est antérieure  à l’essor de l’économie collaborative (France, Royaume‐Uni). Pour ce qui est de la pluriactivité, sa  part est stable aux États‐Unis depuis 2011, après une période de baisse. Dans plusieurs pays  européens, une légère inflexion dans les tendances apparaît toutefois sur la période très récente et  est donc plus à même de correspondre aux transformations qui entourent l’économie collaborative :  le recul de la pluriactivité s’est interrompu en Espagne et en Italie tandis que sa progression  s’accélère en France et en Allemagne. Plus précisément, l’augmentation du nombre de pluriactifs  dont le second emploi est un emploi d’indépendant sans salarié a progressé plus vite que l’ensemble  des pluriactifs au Royaume‐Uni, en Espagne et en France, la tendance étant pour cette dernière  particulièrement marquée. À ce stade, il serait toutefois imprudent d’en tirer des conclusions : la  catégorie  des  indépendants  est  hétérogène  (professions  libérales,  commerçants,  auto‐

entrepreneurs…) ; les pluriactifs, qui restent par ailleurs très minoritaires (entre 1 et 5 % des actifs  occupés), recouvrent également des situations variées. On ne peut donc isoler avec ces données des  transformations  correspondant à  l’essor  de  l’économie collaborative.  On  peut  néanmoins  en  conclure que nous sommes encore loin d’une société d’indépendants précaires cumulant plusieurs 

« petits boulots ». 

4.3.2.2. Les enquêtes directes permettent de mieux cerner le phénomène

Les enquêtes directes sur l’économie collaborative font mieux apparaître l’essor du phénomène. Les  chiffres avancés doivent toutefois être comparés avec une grande prudence car les champs retenus  varient fortement d’une étude à l’autre (Tableau 19). Certaines études considèrent l’ensemble des  plateformes numériques mettant en relation les offreurs et les demandeurs de biens ou services (ce  que Amar et Viossat (IGAS, 2016) nomment les « plateformes d’emploi »). Les plateformes de  financement participatif (crowdfunding) et de partage d’actifs immatériels comme la connaissance y  sont exclues du champ. D’autres (Huws et Joyce, 201679 ; Katz et Krueger, 201680 ; Hall et Krueger81,  2015) ne s’intéressent qu’aux plateformes sur lesquelles s’échangent des services directs aux        

79 Huws Ursula  et  S.  Joyce  Simon (2016),  Crowd  working survey,  Fondation for European  Progressive  Studies/University of Herdfordshire/Europa Global Union. 

80 Katz Lawrence F.  et Krueger Alan B. (2016), « The Rise and Nature of Alternative Work Arrangements in the  United States, 1995‐2015 », NBER Working Paper No. 22667, septembre. 

81 Hall Jonathan et Krueger Alan B. (2015), « An Analysis of Labor Market for Uber’s Driver‐Partners in the  United States”, Working Papers, Princeton University, janvier. 

personnes, généralement associées aux termes de crowdworking ou« plateformes de travail » (labor  platforms) : les plateformes de (re)vente de biens, neufs ou d’occasion, ou encore de location d’actifs  tels qu’un appartement (Airbnb) ou une voiture (Drivy) sont alors exclues.  

David Ménascé (2015) estime le nombre de personnes proposant leurs services sur les plateformes  d’échanges de biens et services en France à 200 000 environ (0,7 % de la population active), mais  d’après l’estimation de l’IGAS (2016) du volume d’affaires des plateformes, ce chiffre serait sous‐

estimé. L’IGAS estime qu’Airbnb, Uber et Hopwork totaliseraient à eux seuls environ 174 000  travailleurs collaboratifs, dont 140 000 hôtes Airbnb. Aux États‐Unis, Harris et Krueger (2015)82  estiment à une fourchette allant de 0,4 % à 1,3 % la proportion d’actifs américains travaillant via des  plateformes de travail en ligne. Katz et Krueger (2016) estiment cette proportion à 0,5 %83. Farell et  Greig (2016a, 2016b)84, à partir des rémunérations d’un échantillon aléatoire de 1 million de clients  de JP Morgan Chase évaluent la participation aux plateformes de biens et services en septembre  2015 à 1 %, soit dix fois plus qu’en 2012 (Tableau 19). Les taux de croissance des participants et des  rémunérations totales sur un mois donné en glissement annuel sont très importants au cours de la  période étudiée, notamment pour les plateformes de travail (supérieurs à 300 % entre octobre 2013  et  novembre  2014  pour  la  participation,  et  presque  toujours  supérieurs  à  400  %  pour  les  rémunérations).  

Les chercheurs britanniques Huws et Joyce (2016) ont supervisé une enquête sur l’économie  collaborative dans plusieurs pays européens. En limitant le champ aux plateformes de travail, ils  trouvent des ordres de grandeurs très significativement supérieurs : 21 % des adultes interrogés dans  le cadre de leur enquête au Royaume‐Uni (24 % des femmes et 33 % des 25‐34 ans) auraient cherché  à travailler via des plateformes de travail en ligne l’année précédant l’enquête. 11 % en auraient  trouvé et une proportion importante d’entre eux (24 %) en retireraient plus de la moitié de leurs  revenus. En Autriche, la part des crowdworkers (réguliers et occasionnels) atteindraient même selon  cette enquête près d’un quart de la population active. Les personnes travaillant via les plateformes  au moins une fois par mois sont toutefois moins nombreux (entre 4 et 9 %). Toutefois, bien que les  auteurs ne considèrent dans cette enquête que les plateformes de travail en ligne, ils n’excluent pas  celles qui fonctionnent selon le principe du partage de frais, à l’instar de Blablacar : la question de  savoir si le covoiturage est un travail rémunéré ou une activité non marchande est laissée à  l’appréciation des sondés. 

Il est difficile de comparer rigoureusement les résultats de ces enquêtes. Outre les écarts dans le  champ des activités retenues, les périodes de référence de l’activité ne sont pas les mêmes (un mois  pour Farell et Greig, deux mois pour Katz et Krueger, une année ou bien chaque mois ou semaine sur  une année pour Huws et Joyce). Enfin, les méthodes de sondage sont différentes : les enquêtes de  Huws et Joyce ont concerné des effectifs restreints (1 000 à 2 000 personnes, et même de l’ordre de  400 pour certaines questions, contre 1 million de personnes pour Farell et Greig) et peuvent  comporter un biais lié à l’administration du questionnaire, effectuée via Internet sur une période de        

82 Harris Seth D., Krueger Alan B. (2015), « A proposal for Modernizing Labor Laws for Twenty‐First‐Century  Work: The ‘Independent Worker’ », Working Paper, The Hamilton project, décembre. 

83 Cette estimation repose sur un champ comparable à celle de Harris et Krueger (2015) pour les activités  retenues, mais la méthodologie est différente (cf. Tableau 16). 

84 ‐ Farell Diana, Greig Fiona (2016a), “Paycheks, Paydays and the Online Platform Economy”, JP Morgan Chase 

& Co. Institute, février. 

‐ Farell Diana, Greig Fiona(2016b), “The Online Platform Economy: What is the Growth Trajectory?”, JP Morgan  Chase & Co. Institute, mars. 

temps restreinte (moins d’une semaine). Il est possible que les personnes les plus « connectées » et 

réf.  États‐Unis  Plateformes de  travail 

0,4 – 1,3 % (a)     États‐Unis  Plateformes de  travail 

1,8‐7 Md€ (b)  (travail +capital)  Estimation d’une commission  moyenne sur les transactions. 

a. Part de la population active ayant travaillé via une plateforme collaborative au cours d’une période donnée (en %)  b. Volume d’affaires des plateformes 

c. Part des individus gagnant plus de 50 % de leurs revenus via des plateformes collaboratives  

(*) Cette estimation est dérivée d’une catégorie plus large répondant de façon affirmative à la question suivante : « On  either your main job or a secondary job, do you direct selling to customers ? ». On demande ensuite à cette population s’ils  travaillent via un intermédiaire, puis via un intermédiaire en ligne. L’expression « direct selling » peut être sujette à des  interprétations différentes de la part des répondants (la présence d’un intermédiaire peut entraîner une réponse négative  à la question). 

(**) Le champ retenu est celui des plateformes de travail en ligne. Le travail doit être rémunéré, donc seules les activités  marchandes sont prises en compte. Néanmoins, l’inclusion du partage de frais est laissée à l’appréciation des sondés,  selon qu’ils considèrent l’activité comme source de rémunération ou pas. 

4.3.2.3. De premières évaluations de l’Insee sur les hébergements touristiques

L’Insee a publié en février 2017 de toutes premières évaluations des nuitées en hébergements  touristiques proposés par des particuliers via des plateformes internet (Franceschi, 2017), fondé sur  l’interrogation de plateformes Internet sur les transactions conclues par leur intermédiaire. 

L’échantillon de plateformes internet a été établi en collaboration avec l’Union nationale pour la  promotion de  la  location de  vacances  (UNPLV) et Gîtes de France  et couvre les principales  plateformes ; il est très largement représentatif. Dans ces plateformes, on ne suit que l’activité de  location  de logements de particuliers. La couverture  de  cet  échantillon pourrait être encore  complétée. En effet, les données agrégées de certaines enseignes ne sont pas encore disponibles ou  ne peuvent pas donner lieu à une estimation des nuits effectivement réalisées. 

Ces centrales ont deux modes principaux de commercialisation. Le principal concerne les logements  effectivement facturés par la centrale et pour lesquels le suivi est donc certain. Le deuxième mode  concerne les mises en relation entre propriétaires et clients potentiels. Pour les réseaux concernés,  cette dernière composante est retraitée par chaque enseigne en appliquant un coefficient de  concrétisation (de 3 % à 12 %) qu’elle réestime régulièrement par sondage. La part des nuitées  estimées est non seulement minoritaire, mais nettement décroissante dans le temps. L’incertitude  liée à l’estimation de cette proportion a donc un impact assez limité sur les résultats.  

Les données mensuelles collectées auprès de ces enseignes sont ensuite agrégées ; elles permettent  de  calculer  la  fréquentation  des  logements  et  de  la  ventiler  selon  l’origine  de  la  clientèle  (résidents/étrangers) ou l’emplacement du logement (Île‐de‐France/province). 

Au‐delà d’une meilleure connaissance quantitative du phénomène des locations entre particuliers via  Internet (ce mode de fréquentation représente ainsi 16 % du total des nuitées passées par des  touristes), cette démarche a permis de nuancer substantiellement le diagnostic sur l’évolution  conjoncturelle de la fréquentation d’hébergements touristiques en France (Tableau 20). Alors que la  seule prise en compte des logements professionnels indique un repli de la fréquentation entre 2015  et  2016  (‐ 1,3 %),  l’ajout  des  logements  particuliers  loués  via  des  plateformes  donne  une  fréquentation toujours en hausse (+2,6 %). Le recul de la fréquentation étrangère, amorcé depuis les  attentats de 2015, serait en outre atténué par la prise en compte des locations entre particuliers via  les plateformes (‐3,9 % entre 2015 et 2016 au lieu de ‐5,2 %). 

 

Tableau 20 : Fréquentation des hébergements touristiques en millions de nuits * voyageurs  Période  Logements professionnels Logements particuliers 

des plateformes  Total 

2015  406,4  58,9 465,3 

2016  401,0  76,5 477,5 

Evolution  ‐1,3 %  +29,9 % +2,6 % 

Sources : Insee, enquêtes de fréquentation des hôtels, campings et AHCT (autres hébergements collectifs touristiques) et estimations sur données d'enseignes (adhérentes à l'UNPLV ou à Gîtes de France).

 

Pour autant, le champ couvert par cette opération pilote reste perfectible, il pourrait notamment  être élargi en intégrant d’autres plateformes ainsi que les flux directs (hors plateformes) entre  propriétaires  et  touristes,  ou  via  des  intermédiaires  « traditionnels »  comme  les  agences  immobilières ou les offices de tourisme. Ces intégrations conduiraient à relever les niveaux. Elles 

réduiraient sans doute les taux de croissance globaux, en raison des substitutions intervenues entre  flux directs et flux via les plateformes. Enfin, il est vraisemblable que ces flux hors plateformes  deviennent  de  plus  en  plus  minoritaires.  À  l’intérieur  du  champ  actuel  des  plateformes,  la  connaissance de l’offre reste délicate. Elle évolue constamment tant en matière d’intégration de  nouveaux logements que  de  dates  de  disponibilité. C’est le  cas  surtout  pour les logements  résidentiels ouverts au tourisme pour quelques semaines de vacances seulement. Par ailleurs, il n’est  pas possible de retraiter les doubles comptes constitués par des logements offerts sur plusieurs  plateformes, voire également via d’autres canaux.  

4.3.3. Économie collaborative et risques de travail dissimulé