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La difficile mesure du travail dissimulé dans le cadre des prestations internationales

4. Les champs pour lesquels l'information reste encore très insuffisante

4.4.   Le travail détaché et la pluriactivité

4.4.1.   La difficile mesure du travail dissimulé dans le cadre des prestations internationales

Sur l’implication des plateformes collaboratives dans le processus de collecte de l’impôt 

Les députés ont voté le 14 décembre 2015 l’obligation pour les plateformes d’informer leurs usagers  des sommes à déclarer. La transmission automatisée par les plateformes aux services fiscaux des  revenus des particuliers collaborateurs entrera quant à elle en vigueur au 1er janvier 201985. Ces  dispositions ne concernent pas directement le travail dissimulé mais les informations collectées par  l’administration fiscale peuvent donner les moyens de mieux contrôler les activités de l’économie  collaborative. 

Au vu des résultats des études disponibles, l’économie collaborative est encore peu développée. Son  faible poids économique n’incite pas à en faire un domaine prioritaire de la mesure du travail  dissimulé.  Deux  éléments  justifient  toutefois  qu’une  attention lui soit  accordée :  d’une  part,  l’économie collaborative est en très forte croissance et pourrait donc peser davantage dans les  années à venir ; d’autre part, elle concentre plusieurs facteurs favorisant la fraude fiscale et sociale  en général, et le travail dissimulé en particulier. L’enregistrement électronique des transactions sur  les plateformes offre par ailleurs des possibilités de contrôle.  

 

4.4. Le travail détaché et la pluriactivité

4.4.1. La difficile mesure du travail dissimulé dans le cadre des prestations internationales

De manière générale, compte tenu du caractère occulte de l’objet étudié, la mesure du travail  dissimulé est par nature difficile à appréhender. Celle liée au détachement ou à la pluriactivité est  encore plus complexe, notamment pour deux raisons. D’une part, les infractions sont souvent  difficiles à caractériser par les services de contrôle compétents, dans un cadre où le lieu de travail (le  pays d’emploi, où s’opère le contrôle) et le lieu de paiement des salaires (le pays d’envoi, où siège  l’entreprise qui exerce le détachement) sont dissociés. D’autre part, les informations statistiques sur  le sujet sont à ce stade limitées. 

      

85 Loi de finances rectificative pour 2016. 

Encadré 7 : Les règles sociales applicables aux activités de location de biens entre particuliers 

« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale [2016] prévoit […] que la location régulière de logements  meublés pour de courtes durées à destination d’une clientèle de passage, et incluant des services indissociables de la  mise à disposition du logement constitue une activité professionnelle. Pour ces activités, le seuil [de recettes annuelles] 

sera fixé au même niveau […] que celui qui est retenu pour appliquer le régime fiscal des loueurs en meublé (soit  23 000 euros de recettes annuelles). En deçà, les activités de locations restent considérées comme des revenus du  patrimoine et assujettis aux prélèvements sociaux sur le capital dans les mêmes conditions que l’impôt sur le revenu. 

Selon la même logique, un seuil d’affiliation pour des activités de locations de biens (voiture, notamment), sera quant à  lui fixé, par voie réglementaire, à un niveau qui pourra être de 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale de recettes  ou de chiffres d’affaires (soit 3 860 euros) ». 

Source : PLFSS 2016. Dossier de presse. 

4.4.1.1. Un cadre juridique et des procédures complexes

S’agissant des contrôles opérés par les Urssaf, les investigations menées par les inspecteurs du  recouvrement dans le cadre du détachement consistent à : 

• vérifier l’existence d’un formulaire A1 et l’authenticité des documents présentés (utilisation  notamment de la base Sirdar du Cleiss) ; 

• vérifier l’existence juridique de l’entreprise étrangère (utilisation des bases Ellipro et Orbis,  saisine du bureau de liaison concerné) ; 

• vérifier  la  situation  du  travailleur  au  regard  de  la  législation  sociale  (conditions  de  détachement, délivrance d’un certificat A1, modalités d’exercice de l’activité professionnelle,  matérialité du lien de subordination, activité substantielle de l’entreprise, etc.). 

L’inspecteur constitue ainsi un faisceau d’indices à partir duquel il fonde son intime conviction. La  caractérisation de la fraude est  compliquée  par le  fait que les  formulaires A1 peuvent être  communiqués à tout moment, y compris après l’opération de contrôle (jurisprudence de la CJUE). 

L’employeur doit en revanche faire avant le début de l’activité une déclaration préalable de  détachement, à l’inspection du travail du lieu de réalisation de la prestation. 

Si l’inspecteur Urssaf conclut à l’irrégularité du détachement, il engage alors une demande de retrait  du formulaire A1. La procédure est la suivante : 

1) L’Urssaf envoie un courrier circonstancié aux autorités étrangères, qui ont 3 mois pour répondre  (délai renouvelable une fois). C’est la 1ère phase de dialogue ; 

2) Si la réponse des autorités étrangères ne satisfait pas l’Urssaf, l’État (Direction de la sécurité  sociale ‐ DSS) peut entamer une 2ème phase de dialogue, ou bien saisir la commission administrative  pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui dispose de 6 mois pour concilier les points  de vue. 

En vertu du principe de coopération loyale, l’affiliation au régime visé par le formulaire est présumée  régulière. Le certificat lie les institutions et les juridictions du pays d’emploi tant qu’il n’a pas été  retiré ou déclaré invalide par l’institution qui l’a délivré. 

La procédure peut donc être longue. Il n’est pas rare qu’elle atteigne 2 ans alors que les missions de  détachement ont une durée moyenne de l’ordre de 2 mois. Le caractère imprécis du Règlement  européen donnant lieu à interprétation, les divergences d’appréciation des faits et de leur analyse,  l’ancienneté des faits – de nature à faire obstacle au rétablissement rétroactif de la législation  applicable  au  regard  des  prestations  et  des  cotisations  –  conduisent  souvent  à  l’absence  d’aboutissement des demandes. 

Au regard de l’évaluation du travail dissimulé, se pose la question de déterminer à partir de quel  moment on peut considérer qu’il y a « travail dissimulé ». En effet, en l’absence de reconnaissance  d’une situation par l’institution émettrice, on ne peut considérer le travail dissimulé ou la fraude à  l’assujettissement à la sécurité sociale française comme établie et indiscutable, tout comme on ne  peut tenir pour certain le montant du préjudice invoqué. 

4.4.1.2. Des données limitées

Le suivi du travail détaché et de la pluriactivité 

Avant de chercher à mesurer la fraude au détachement ou à la pluriactivité, il convient de  s’intéresser  au  suivi  statistique  lui‐même.  A  ce  titre,  deux  sources  de  données  peuvent  principalement être mobilisées : les déclarations préalables au détachement, collectées par la  Direction générale du travail, et les formulaires A1, recensés dans la base SIRDAR du Centre de  liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale (Cleiss) et qui font également l’objet  d’une collecte statistique annuelle par la Commission européenne auprès de l’ensemble des Etats  membres.  Ces  deux  sources  fournissent  des  résultats  qu’il  n’est  pas  évident  de  réconcilier,  notamment en raison d’une non exhaustivité manifeste (cf. sections 1.2.2.2 et 1.2.2.4). 

Le suivi de la fraude au détachement ou à la pluriactivité 

La mesure de la fraude nécessite de disposer d’informations sur les cas de fraude détectés. Or il  n’existe pas aujourd’hui de suivi global de la fraude au détachement ou à la pluriactivité.  

La fraude transnationale selon les Urssaf 

Les redressements opérés par les Urssaf au titre de la fraude au détachement ou à la pluriactivité  sont quant à eux identifiés par deux chefs de redressement LCTI relatifs à la mobilité internationale. 

Selon l’Acoss, en 2015, parmi les 5 610 contrôles ciblés de LCTI, 48 ont donné lieu à tel un  redressement, pour un montant de 16,3 M€, soit un peu moins de 4% du montant total des  redressements réalisés par les Urssaf au titre de la LCTI en 2015. 

Il convient toutefois de signaler que : 

 ces informations englobent tout ce qui est lié à la fraude transnationale et ne permettent  donc pas d’identifier, par exemple, la fraude au détachement (même si elle en représente  une très large majorité) ; 

 le système d’information ne permet d’identifier la fraude transnationale que lorsque l’action  donne lieu à un redressement car il existe un chef de redressement associé ;  

 le principe même de la non‐conformité de la législation appliquée aux travailleurs (et donc la  pertinence du redressement) peut être contesté par l’institution étrangère à laquelle ces  derniers sont affiliés, étant rappelé que les formulaires A1 émis par celle‐ci sont opposables  tant qu’ils n’ont pas été retirés. 

Les sanctions prononcées dans le cadre des inspections du travail 

Différentes lois86 ont récemment renforcé l’arsenal juridique pour sanctionner les fraudes au  détachement. En particulier :  

‐ Le défaut de déclaration préalable de détachement est, en vertu de l’article L.1264‐1 du Code  du travail, passible d’une amende administrative de 2 000 € au plus par salarié détaché  (4000 € en cas de réitération sous un an), avec un plafond  de 500 000 euros. 

      

86 Loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale « loi Savary »), loi du 6 août 2015  pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances (« loi Macron »), loi du 8 août 2016 relative au travail, à la  modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (« loi El Khomri », dite « loi  travail »). 

‐ Le  maître  d’ouvrage  ou  le  donneur  d’ordres  s’expose  aux  mêmes  sanctions  administratives  s’il fait défaut à son obligation de vigilance. En outre, à défaut de s’être vu  remis par le prestataire une copie de la DPD, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est  dans l’obligation de transmettre lui‐même une DPD subsidiaire (via le portail SIPSI à compter  d’avril 2017). 

Entre juillet 2015 et décembre 2016, 1037 amendes administratives ont été prononcées pour un  montant de 5,4 millions d’euros et une trentaine de chantiers ont été arrêtés. 60 % de ces amendes  ont été notifiées aux prestataires, le reste aux donneurs d’ordres et, dans une moindre mesure, aux  maîtres d’ouvrage.