1. Définitions et contexte
1.2. Les sources de données sur le travail dissimulé : des acteurs du contrôle aux
1.2.2. Les données issues de la lutte contre le travail dissimulé
Dans le cadre de ses obligations au titre des engagements internationaux, la DGT publie chaque année un rapport à destination de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce bilan, qui dispose d’une annexe fournie, apporte des éléments sur l’activité des agents de l’inspection du travail.
9 Voir aussi l’Annexe 4.1.
Toutefois, comme mentionné dans les quatre derniers rapports, les résultats ne sont pas exhaustifs en raison d’actions de boycott de la saisie liées à des mécontentements sociaux.
En 2015, selon les données remontées et publiées dans ce rapport, les agents ont enregistré 201 586 interventions qui ont donné lieu à 167 422 suites à intervention (83 %). Parmi elles, 128 872 (77 %) ont constaté au moins une infraction. Le dispositif de suivi statistique de l’activité de l'inspection du travail permet de recenser les références juridiques citées par les agents de contrôle. Au total, on dénombre 642 062 références aux textes associées aux interventions enregistrées, dont 22 758 sur le thème du travail illégal, soit 4 %. Néanmoins, comme expliqué par la DGT, « ce faible pourcentage, constant au cours des années, n’est pas significatif de l’importance réelle de la lutte contre le travail illégal car il a pour cause le simple fait que les articles du Code du travail relatifs au travail illégal sont en nombre beaucoup plus restreint que ceux relatifs aux autres thèmes ». A contrario, le pourcentage de références au travail illégal dans les PV de verbalisation s’établit à 29 % (Tableau 2). L’approche statistique par les références apparaît donc biaisée.
Le fichier TADEES
Chaque année, la Direction générale du travail publie un bilan de la verbalisation du travail illégal qui s’appuie sur les données du fichier « TADEES », lequel est alimenté dans chaque département par les secrétaires des Comités restreints de LCTI des Codaf, à partir de l’exploitation de fiches standardisées d’analyse de procès‐verbaux renseignés par les agents de contrôle des différents services (cf. Figure 1).
Les informations issues du fichier TADEES permettent notamment d’établir des statistiques par service de contrôle, par origine du contrôle (initiative du service, Codaf, dénonciation, plainte…), par secteur d’activité et catégorie juridique de l’établissement, par catégorie d’infraction (dissimulation d’activité, dissimulation d’emploi salarié, emploi d’étrangers sans titre de travail…) et par type d’infraction (défaut d’immatriculation, de déclaration sociale ou fiscale, de DPAE, de fiche de paie …).
Des éléments sont aussi fournis sur le nombre de travailleurs concernés.
Cette source, qui a un caractère déclaratif, n’est toutefois pas exhaustive. Elle est notamment tributaire de la disponibilité des secrétaires départementaux et de la qualité de la transmission des
Tableau 2 : Répartition thématique des références remontées dans le suivi d’activité de l’inspection du travail en 2015
Références sur l'ensemble des interventions
Références sur les
suites à interventions Références sur les PV
Travail illégal 22 758 4% 21 852 4% 29%
dont travail dissimulé (yc fraude à la PSI) 14 667 2% 20%
Santé sécurité 362 161 56% 338 552 65% 46%
Relations collectives de travail 107 991 17% 40 825 8% 3%
Relations individuelles de travail 62 118 10% 47 755 9% 4%
Organisation du temps de travail,
rémunération 65 473 9% 56 262 11%
10%
Emploi formation 9 063 1% 3 312 1% 1%
Non classé 12 498 11 733 3
Total 642 062 100% 520 291 100% 100%
Source : DGT
informations par les différents corps d’inspection. Par ailleurs, elle ne renseigne, par définition, que les contrôles ayant donné lieu à procès‐verbal.
Bilan du PNA sur les secteurs prioritaires
La DGT publie chaque année une enquête sur l’activité de contrôle des agents compétents en matière de lutte contre le travail illégal. L’enquête collecte les données relatives aux contrôles des secteurs prioritaires définis par le PNLTI (BTP, HCR, agriculture, sécurité privée, spectacles vivants et enregistrés, transports…). Elle est renseignée par l’ensemble des administrations et services impliqués dans la lutte contre le travail illégal, hors police et gendarmerie. Elle complète l’analyse de la verbalisation issue du fichier TADEES.
La déclaration préalable au détachement (SIPSI)
Toute entreprise souhaitant détacher des salariés en France doit en principe transmettre une Déclaration préalable de détachement (DPD) à l’inspection du travail dont dépend le lieu de la prestation, avant le début de celle‐ci.
La DPD fournit des informations sur :
‐ l’entreprise détachante (raison sociale, immatriculation, forme juridique, activité, coordonnées), ses dirigeants (nom) et son représentant en France (nom et coordonnées) ;
‐ l’identité du donneur d’ordres (nom et adresse) ;
‐ la prestation (activité, lieu, dates de début et de fin) ;
‐ les horaires de travail (début, fin) et le nombre de jours de repos ;
‐ l’hébergement collectif (adresse), le cas échéant ;
‐ les salariés détachés (nom, prénom, date de naissance, nationalité, date du contrat de travail, qualification professionnelle, emploi occupé en France, rémunération brute).
Ce formulaire a été enrichi en 2016 (cf. Annexe 3.3), notamment en ce qui concerne les informations sur le donneur d’ordres (SIRET et activité), et complété d’informations sur les frais liés au détachement (voyage, nourriture, hébergement).
Jusqu’en 2016, l’information était collectée par les Direccte et consolidée par la DGT. A compter du
1er octobre 2016, en vertu de la loi n°2015‐990 du 6 août 2015, les DPD doivent obligatoirement être
transmises par voie dématérialisée via l’application SIPSI, à l’instar du système belge Limosa. Outre la constitution d’une base de données exhaustive à jour interrogeable par les corps de contrôle mobilisés dans la lutte contre la fraude, cette obligation permet de renforcer et fiabiliser le suivi statistique du détachement. Les données publiées jusqu’alors par la DGT (Tableau 3) montrent en effet de fortes évolutions dont il est difficile de distinguer ce qui relève d’une véritable hausse du détachement de ce qui est lié au process de collecte des données.
Les données de la DGT montrent en outre qu’en 2015 :
‐ le BTP (34 %), les entreprises de travail temporaire (27 %) et l’industrie (14 %) concentrent les trois‐quarts des déclarations ;
‐ 75 % des déclarations sont effectuées par 7 pays de l’Union européenne, le trio de tête étant formé de l’Espagne (14 %), la Pologne (14 %) et le Portugal (13 %) ;
‐ 83 % des salariés détachés sont des ouvriers.
Tableau 3 : déclarations préalables au détachement et salariés détachés déclarés Déclarations reçues Salariés détachés déclarés Nombre Evol. N/N‐1 Nombre Evol. N/N‐1
2005 6 455 26 466
2006 10 121 57% 37 924 43%
2007 17 116 69% 68 071 79%
2008 31 122 82% 95 261 40%
2009 34 910 12% 105 490 11%
2010 38 790 11% 111 320 6%
2011 45 502 17% 144 411 30%
2012 59 922 32% 169 613 17%
2013 67 096 12% 212 641 25%
2014 73 593 10% 228 649 8%
2015 81 420 11% 286 025 25%
Source : DGT (SIPSI et déclarations papier)
1.2.2.2. L’Acoss et les Urssaf 10
Le corps de contrôle des Urssaf procède à deux principaux types d’actions : les contrôles comptables d’assiette (CCA) et les opérations de lutte contre le travail illégal et plus spécifiquement contre le travail dissimulé. Contrepartie naturelle du système déclaratif, le CCA vise à vérifier l’exactitude des montants déclarés par les cotisants11. Il peut en ce sens se définir comme le contrôle sur place d’une entreprise dont la situation est vue dans sa globalité. Les investigations portent sur l’ensemble de la législation ; elles peuvent donner lieu à des régularisations en faveur de l’Urssaf (redressement) ou en faveur de l’entreprise (restitution). Le CCA constitue une mission essentielle des services de contrôle. En effet, 80 % du temps consacré au contrôle par les inspecteurs a concerné ce type d’action en 2015. Il représente en outre 65 % du montant des redressements. Néanmoins, ces dernières années, la lutte contre le travail illégal est devenue un axe majeur des politiques publiques et par voie de conséquence de celle de la branche recouvrement : en 2015, le montant total des redressements issus de la LCTI représente 29 % de l’ensemble des régularisations, contre 15 % en 2010.
En 2015, les Urssaf ont déposé 130 329 rapports de contrôle, dont 73 124 contrôles comptables d’assiette (sur place, en entreprise) et 7 239 actions d’actions LCTI ; le reste de l’activité étant principalement orienté sur des contrôles partiels d’assiette sur pièces (Tableau 4). Ces contrôles ont donné lieu à 1,34 Md€ de redressements, dont 462,5 M€ au titre de la LCTI 12, et 189 M€ de restitutions aux entreprises. S’agissant plus spécifiquement de la LCTI, 88,7 % des contrôles menés ont abouti à un redressement. Sur les 7 239 actions LCTI, 5 610 sont des actions ciblées des Urssaf et 1 629 sont issues de l’exploitation des PV partenaires. S’agissant des actions ciblées, 4 996 ont porté sur des cotisants du régime général, 614 sur des travailleurs indépendants. 3 % des contrôles LCTI ciblés sur les entreprises du RG, totalisent 50 % des montants redressés sur ce champ et moins de 11 % des contrôles concentrent 80 % des redressements. Il importe aussi de mentionner les 54 518 actions de prévention et de recherche que réalisent les services de contrôle des Urssaf pour
10 Voir aussi l’Annexe 4.2.
11 En 2015, la branche Recouvrement a encaissé 488,8 Md€ dont 337,7 Md€ ont été acquittés directement auprès des Urssaf, l’autre partie étant collectée par la Caisse nationale, l’Acoss.
12 Ce montant inclut 15,4 M€ de redressements pour travail illégal réalisés dans le cadre d’actions CCA.
sensibiliser les entreprises aux enjeux de la LCTI et assurer un niveau de présence sur l’ensemble du territoire/du fichier cotisant. Par nature, ces contrôles préventifs n’ont pas vocation à générer de redressement ; ils peuvent toutefois, au regard des situations de fait rencontrées, aboutir à une action LCTI ciblée, avec redressement.
La majeure partie du suivi statistique des contrôles opérés par le réseau des Urssaf est assurée via un entrepôt de données centralisé (Pléiade/Sidéral). Cet entrepôt, alimenté par les données collectées en Urssaf, fournit en particulier pour chaque contrôle des informations sur le type d’action (contrôle comptable d’assiette, contrôle LCTI…), la période de contrôle, le montant des cotisations contrôlées, le montant de redressement éventuel ventilé selon des chefs de redressement. En outre, l’identification de l’entreprise contrôlée (SIREN) permet d’établir des statistiques selon le secteur d’activité, la zone géographique ou toute autre caractéristique de l’entreprise présente dans les fichiers des Urssaf, ce qui exclut de fait les entreprises non immatriculées (dissimulant leur activité).
Certaines données ne sont toutefois pas implémentées dans le système et font donc l’objet de remontées ad hoc. C’est notamment le cas du suivi des redressements effectués au titre de la solidarité financière ou de celui des demandes de retraits de certificat A1. C’est aussi le cas des informations spécifiques aux contrôles aléatoires LCTI (cf. section 3.2).
1.2.2.3. La MSA 13
Les caisses de la MSA sont chargées du recouvrement des cotisations et du versement des prestations aux assurés relevant du régime agricole. Les actions de contrôle opérées par la MSA portent donc sur ces deux champs.
En 2015, 6 684 contrôles de travail dissimulé ont été réalisés sur le secteur agricole, dont 803 ont donné lieu à un redressement. Le montant total redressé dans ce cadre s’établit à 13,90 M€14, soit
13 Voir aussi l’Annexe 4.3.
14 En 2015, les cotisations du régime agricole représentent 10,1 Md€ dont 2,9 Md€ au titre des non‐salariés.
Tableau 4 : Synthèse des contrôles Urssaf en 2015
Nombre de siren contrôlés (1) 73 124 7 239 47 203 1 809 954 130 329 Nombre de siren contrôlés et
redressés (2)
48 994 6 419 11 388 388 456 67 645
Fréquence redressement (2)/(1) 67,0 % 88,7 % 24,1 % 21,4 % 47,8 % 51,9 % Montant des régularisations (en €) 1 047 260 320 447 124 747 11 329 362 942 501 21 020 205 1 257 695 135 dont redressements (en €) 872 832 703 447 124 747 9 321 898 917 182 8 113 501 1 338 328 031 dont restitutions (en €) 174 427 617 0 2 007 464 25 319 12 906 704 189 367 104 Régularisation moyenne par siren
redressé (en €)
21375 69 659 995 2 429 46 097 22 584
Régularisation moyenne par siren contrôlé (en €)
14 322 61 769 240 521 22 034 11 722
* y compris les contrôles issus de l’exploitation de PV des partenaires Source : Acoss ‐ Urssaf
69 % des redressements de cotisations, et 45 % du total des chiffrages réalisés sur l’ensemble des champs couverts par la MSA (Tableau 5).
La CCMSA dispose d’un observatoire national du contrôle, lequel recense par des flux mensuels l’ensemble des contrôles et des « anomalies » (une anomalie correspond à un contrôle ayant pour résultat soit un redressement de cotisations, soit une régularisation sans redressement) relevées par les agents de contrôle pour chaque caisse et pour les trois domaines suivants :
‐ cotisations (affiliation, assiette salaire employeur, cotisations des non‐salariés agricoles, et parcellaire) ;
‐ travail illégal et dissimulé ;
‐ prestations (famille, vieillesse, maladie, risques professionnels).
Ces flux mensuels sont générés à la suite de l’alimentation de l’outil de contrôle externe nommé
« J84 » permettant aux contrôleurs du réseau MSA d’enregistrer leurs contrôles, de leur création à leur clôture. Cet outil est en cours de rénovation afin d’intégrer des chefs de redressement permettent « une meilleure compréhension de la cause des redressements » (cf. annexe 4.3). En outre, s’agissant du suivi du travail dissimulé, certaines remontées ne sont pas automatisées et font formulaires A1 délivrés par des institutions étrangères dans le cadre de détachement ou de la pluriactivité de salariés en France, ainsi que les formulaires A1 émis par les institutions françaises au titre, pour l’instant, des salariés affiliés à la sécurité sociale française détachés à l’étranger ; les formulaires relatifs à la pluriactivité devront être intégrés dans la base SIRDAR ultérieurement.
La base SIRDAR est consultable par les corps de contrôle afin de vérifier l’authenticité des certificats A1. Elle n’est toutefois pas alimentée de manière totalement régulière et exhaustive, malgré les
15 Voir aussi l’Annexe 4.4.
Tableau 5 : synthèse des contrôles de la MSA en 2015
Nombre d'actions 6 684
Nombre de redressements / fraudes
détectées 803 890 2 327 715 113
dont employeurs 706 502 15
dont travailleurs indépendants 97 388 2
Nombre de salariés concernés 2 548
Montant des redressements / indus 13 898 611 6 216 401 5 529 558 3 685 489 1 319 604 Source : CCMSA ‐ DAMR
actions du Cleiss et de la Direction de la sécurité sociale auprès des organismes étrangers pour une transmission plus systématique de leurs formulaires, notamment par voie dématérialisée.
Le nombre de formulaires A1 émis par les pays de l’UE‐EEE‐Suisse au titre du détachement fait l’objet d’un rapport statistique annuel de la Commission européenne. La fiabilité des chiffres issus de ce rapport est également sujette à caution pour rendre compte du phénomène du détachement, en l’absence de caractère obligatoire du formulaire A1 et compte‐tenu de la source (déclarations des Etats membres).
Selon le dernier rapport de la Commission européenne16, 177 674 formulaires A1 ont été émis en 2015 par les pays de l’EEE‐Suisse au titre du détachement en France, soit 11,9 % de l’ensemble des formulaires A1 émis dans cette zone. A titre de comparaison, 418 908 formulaires A1 ont été émis pour un détachement en Allemagne. La France a quant à elle émis 130 468 formulaires au titre de salariés français détachés dans des pays de l’UE‐EEE‐Suisse.
Les 177 674 formulaires émis pour le détachement d’un salarié en France concernent 114 508 personnes différentes. 73 % de ces formulaires sont émis par 5 pays : la Pologne (17 %), le Portugal (16 %), l’Espagne (16 %), la Belgique (13 %) et l’Allemagne (12 %)
Le suivi des demandes de retraits des formulaires A1
Afin d’assurer un suivi exhaustif des demandes de retraits des formulaires A1, une copie de chaque demande est en principe transmise par l’Urssaf au Cleiss. Celui‐ci peut d’ailleurs être sollicité pour la traduction des documents ou pour un avis sur l’argumentaire associé à la demande. Toutefois, le caractère systématique de cet envoi étant récent, aucune donnée statistique n’est pour le moment diffusée. Le nombre de demandes de retrait fait aussi l’objet d’un indicateur de suivi mis en place dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion 2014‐2017 de l’Acoss. Ce décompte est assuré manuellement par un recueil semestriel d’informations auprès des Urssaf.
En revanche, compte tenu notamment de la lourdeur et de la longueur des procédures (cf. section 4.4.1.1), il n’existe pas de suivi des retraits effectifs de formulaires A1.