• Aucun résultat trouvé

4. Les champs pour lesquels l'information reste encore très insuffisante

4.3.   L’économie collaborative

4.3.3.   Économie collaborative et risques de travail dissimulé

Au‐delà des ambigüités réglementaires, courantes dès lors que se développent de nouvelles activités,  plusieurs caractéristiques de l’économie collaborative accroissent les risques de fraude, que celle‐ci  concerne le travail et/ou le paiement des prélèvements obligatoires. 

Le brouillage de la frontière entre professionnels et particuliers 

L’économie collaborative encourage la production par des particuliers, sans toutefois exclure les  professionnels. Les deux catégories se retrouvent donc côte à côte sur les plateformes, et il est  d’autant plus difficile de les distinguer que le caractère professionnel d’une activité, s’il apparaît dans  différentes branches du droit (droit fiscal, droit social, droit du travail, code du commerce…), ne fait  pas l’objet d’une définition légale unifiée. La reconnaissance de ce caractère professionnel a pourtant  des implications en matière de fiscalité – tous les revenus sont imposables mais selon différents  régimes  – et  en  matière  sociale –  immatriculation,  exigence  de  qualification  pour  certaines  professions, affiliation à un régime de sécurité sociale, assujettissement aux prélèvements sociaux. Le  brouillage de la frontière constitue donc un risque important en matière de contournement –  intentionnel ou non – des règles sociales et fiscales. Ce contournement des règles peut se recouper  avec des situations de travail dissimulé, notamment en cas d’absence d’immatriculation à un registre  professionnel et/ou d’affiliation à un régime de sécurité sociale.  

Le brouillage des frontières entre activités marchandes et non marchandes 

Les plateformes collaboratives brouillent également les frontières entre les activités marchandes et  non marchandes. Certaines plateformes développent des services consistant à partager des frais  entre particuliers, sans générer de profit. La distinction entre partage de frais et profit revêt une  importance : le premier n’est pas, contrairement au second, soumis au prélèvement fiscal ; de la  même façon, l’activité, selon qu’elle est associée au premier ou au second, sera considérée ou pas  comme du travail « marchand », avec des obligations sociales différentes. Or, la distinction entre  partage de frais et profit peut s’avérer difficile. Sont parfois réunis sous une même plateforme les  deux types d’activité. Si le site Blablacar affirme dans sa charte de fonctionnement que l’activité de  covoiturage qu’il organise correspond à un partage de frais et doit donc être facturée selon des  règles précises, d’autres plates‐formes, comme SuperMarmite (préparation de repas) laissent les  offreurs libres de fixer les prix, en mentionnant toutefois les différences entre activité lucrative et  non lucrative ainsi que les obligations qui en découlent. En pratique, la distinction s’avère parfois peu  opérationnelle : par exemple, comment déterminer si la revente d’objets d’occasion sur Leboncoin  permet au vendeur de réaliser un profit ? Est‐ce que la location d’un appartement ne relève pas en  partie du partage des frais fixes ? Ce problème est antérieur à l’économie collaborative mais se pose 

avec elle à une échelle beaucoup plus grande. Il concerne particulièrement la question du travail  dissimulé.  

Une économie « informelle » 

De façon plus générale, l’économie collaborative développe une économie que l’on peut qualifier  d’« informelle », ce  qui  accroît les  risques de  contournement  des  règles  sans intentionnalité  reconnue : les transactions se déroulent la plupart du temps dans un cadre informel (domicile,  espace public…), éloigné de celui dans lequel se pratique habituellement le travail ; la pratique 

« récréative » des activités est souvent mise en avant par les plateformes à travers les valeurs de  convivialité et de partage. Ces éléments accroissent la probabilité que les activités ne soient pas  identifiées à du travail par ceux qui les pratiquent. Le contournement des règles n’est alors pas  intentionnel mais relève d’un hiatus entre le cadre informel de l’économie collaborative et les  représentations collectives en matière et travail et d’emploi. 

Des caractéristiques qui accroissent les intentions de fraude 

D’autres caractéristiques de l’économie collaborative facilitent les comportements de fraude et  accroissent donc les intentions de fraude : 

‐ les transactions, très nombreuses, portent souvent sur des montants faibles, et concernent  potentiellement un très grand nombre de personnes, certaines n’effectuant que des transactions  ponctuelles ;  

‐ jusqu’à la fin 2016, les plateformes avaient très peu d’obligations quant à la transmission de  données aux administrations sur les transactions passant par elles. Les documents relatifs au budget  2016 comportent toutefois des dispositions sur ce sujet (cf. infra) ; 

‐ de nombreuses plateformes permettent aux usagers l’anonymat ; 

‐ certaines plateformes et prestations sont localisées ou s’effectuent hors du territoire. 

Ajoutons, enfin, que l’économie collaborative se développe particulièrement dans des secteurs déjà  plus exposés que d’autres à la fraude, tels que la vente d’occasion, les services à la personne et les  locations meublées. 

En  même  temps,  l’enregistrement  électronique  des  transactions  sur  la  grande  majorité  des  plateformes – Leboncoin fait office d’exception – offre des possibilités de contrôle. 

4.3.3.2. Quelques clarifications et avancées réglementaires récentes

Sur le partage de frais 

L’administration fiscale a clarifié en 2016 la notion de partage de frais dans le cadre d’une activité de  co‐consommation (ex. : covoiturage) en précisant les conditions dans lesquelles l’exonération à ce  titre pouvait être appliquée (Encadré 6). 

 

Sur le caractère professionnel des activités de location de biens 

Le PLFSS 2016 a clarifié les règles applicables aux activités de location de biens entre particuliers en  retenant comme critères à la fois la régularité de la location et un seuil de recettes annuelles  (Encadré 7). Une disposition oblige également les plateformes à informer leurs utilisateurs des règles  sociales et fiscales applicables. 

Encadré 6 : La clarification de la notion de partage de frais

Première condition : revenus perçus dans le cadre d'une "co‐consommation" entre particuliers 

Les revenus réalisés par un particulier au titre du partage de frais qui peuvent bénéficier de l'exonération sont  ceux perçus dans le cadre d'une "co‐consommation", c'est‐à‐dire d'une prestation de service dont bénéficie  également le particulier qui la propose, et non pas seulement les personnes avec lesquelles les frais sont  répartis. 

N'entrent pas dans le champ de la "co‐consommation" et donc de l'exonération, les revenus qui sont perçus par  des personnes morales, ni les revenus qui sont perçus par des personnes physiques dans le cadre de leur  entreprise ou en lien direct avec leur activité professionnelle. 

Ne bénéficient pas non plus de cette exonération les revenus tirés par un contribuable de la location d'un  élément de son patrimoine personnel comme, par exemple, la location de son véhicule de tourisme ou la  location, saisonnière ou non, de sa résidence principale ou secondaire. 

Deuxième condition : nature et montant des frais 

Les revenus réalisés par un particulier au titre du partage de frais qui peuvent bénéficier de l'exonération  s'entendent des revenus, perçus dans le cadre d'une "co‐consommation", qui n'excèdent pas le montant des  coûts directs engagés à l'occasion de la prestation objet du partage de frais, part du contribuable non comprise. 

Cette condition relative au montant perçu doit être appréciée strictement : le montant perçu ne doit couvrir que  les frais supportés à l'occasion du service rendu, à l'exclusion de tous les frais non directement imputables à la  prestation en question, notamment les frais liés à l'acquisition, l'entretien ou l'utilisation personnelle du ou des  bien(s), support(s) de la prestation de service partagée. 

En outre, les frais partagés ne doivent pas inclure la part de la personne qui propose le service. En effet, les  notions de partage de frais et de "co‐consommation" supposent que cette personne supporte personnellement  sa propre quote‐part de frais et ne bénéficie d'aucune forme de rémunération, directe ou indirecte, au titre de la  prestation qu'il rend et dont il bénéficie en même temps. En d'autres termes, le contribuable qui propose une  prestation dont il partage les frais compte pour une personne dans le calcul des frais à partager. 

Lorsque le revenu réalisé excède le montant du partage de frais, il est imposable au premier euro. 

[Activités concernées] 

Peuvent notamment bénéficier de la présente exonération les revenus tirés du partage de frais dans le cadre des  activités suivantes, qu'elles soient ou non réalisées par l'intermédiaire de plates‐formes Internet : 

‐ co‐voiturage ; 

‐ sorties de plaisance en mer ; 

‐ organisation de repas (ou "co‐cooking"). 

Source : DGFIP, Bulletin officiel des finances publiques-impôts.

 

Sur l’implication des plateformes collaboratives dans le processus de collecte de l’impôt 

Les députés ont voté le 14 décembre 2015 l’obligation pour les plateformes d’informer leurs usagers  des sommes à déclarer. La transmission automatisée par les plateformes aux services fiscaux des  revenus des particuliers collaborateurs entrera quant à elle en vigueur au 1er janvier 201985. Ces  dispositions ne concernent pas directement le travail dissimulé mais les informations collectées par  l’administration fiscale peuvent donner les moyens de mieux contrôler les activités de l’économie  collaborative. 

Au vu des résultats des études disponibles, l’économie collaborative est encore peu développée. Son  faible poids économique n’incite pas à en faire un domaine prioritaire de la mesure du travail  dissimulé.  Deux  éléments  justifient  toutefois  qu’une  attention lui soit  accordée :  d’une  part,  l’économie collaborative est en très forte croissance et pourrait donc peser davantage dans les  années à venir ; d’autre part, elle concentre plusieurs facteurs favorisant la fraude fiscale et sociale  en général, et le travail dissimulé en particulier. L’enregistrement électronique des transactions sur  les plateformes offre par ailleurs des possibilités de contrôle.