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2. La mesure de l’économie non observée : des méthodes aux résultats

2.1.   Les méthodes

2.1.1.   Les méthodes indirectes

2. La mesure de l’économie non observée : des méthodes aux résultats

Cette section présente les méthodes qui peuvent être appliquées sur des champs plus ou moins  larges, du travail dissimulé à l’économie non observée. Si les méthodes indirectes font le plus  souvent référence aux champs les plus larges, les méthodes directes, et notamment les enquêtes, se  concentrent plus spécifiquement sur le travail dissimulé. 

2.1. Les méthodes

Compte tenu du caractère occulte de l’objet étudié ainsi que des divergences en matière de  définition, la mesure de l’économie non observée est par nature complexe. Cette difficulté tend à  faire  émerger  différentes  méthodes  d’évaluation,  chacune  présentant  son  lot  de  limites. 

Globalement, on peut distinguer deux grands types d’approches : les méthodes indirectes (ou  macroéconomiques), d’une part, et les méthodes directes, d’autre part. 

2.1.1. Les méthodes indirectes

Les méthodes indirectes consistent à évaluer l’économie non observée en mesurant, non pas les  activités dissimulées elles‐mêmes, mais les « traces » que celles‐ci laissent dans l’économie. Il s’agit 

      

34 ‐ Hessin D.J., Elffers H., Roben H.S.J. et Webley P. (1992), «Does Deterrence Deter ? Measuring the Effect of 

Deterrence on Tax Compliance in Field Studies and Experimental Studies», in : J.Slemrod (éd.). Why People Pay  Taxes :Tax Compliance and Enforcement. University of Michigan Press, 291‐305. 

‐ Alm J., Sanchez I. et De Juan A. (1995), «Economie and Non‐Economie Factors in Tax Compliance», Kyklos, 

48(1), 3‐18 

35 Baldry J.C. (1987) « Income Tax Evasion and thé Tax Schedule : Some Expérimental Results», Public Finance,  42(3), 357‐383. 

donc de recourir à des agrégats observables pertinents de façon à inférer une estimation de  l’inobservé.  

2.1.1.1. L’approche comptable

Cette  approche repose sur l’idée que l’identité « recettes  = dépenses » doit  être vérifiée en  comptabilité nationale. Or, les dépenses sont en général supérieures aux recettes. L’écart entre les  deux agrégats est alors supposé imputable aux activités non déclarées. 

Dans ce type de méthode, les recettes et les dépenses sont estimées à partir de diverses sources. Les  écarts peuvent donc être liés à d’autres facteurs que les activités dissimulées, telles que des erreurs  de mesure (les dépenses sont en général estimées par le biais d’enquêtes), des omissions ou des  ajustements comptables. 

2.1.1.2. L’approche monétaire

L’approche monétaire repose sur l’idée que les transactions liées aux activités dissimulées sont  réglées en espèces. Les méthodes sous‐jacentes à cette approche visent à construire des relations  entre les phénomènes monétaires et le PIB, sur la base d’hypothèses assez restrictives. Toute  évolution  inexpliquée  s’écartant  de  ces  relations  est  alors  supposée  traduire  l’évolution  de  l’économie souterraine. Bien évidemment, ce raisonnement est particulièrement fragile dans un  contexte d’innovations financières. 

Une première méthode, dite méthode du ratio d’avoirs liquides36, repose sur l’hypothèse que le ratio  entre  les  avoirs  liquides  et  les  dépôts  ne  dépend  que  de  la  fiscalité  de  l’environnement  réglementaire. Une deuxième méthode — méthode des transactions37 — suppose que la vitesse de  circulation de la monnaie est constante dans le temps. Une troisième méthode, celle de la demande  monétaire38, consiste à estimer la sensibilité de la demande de monnaie à la fiscalité sur la base  d’une équation mettant en relation la part du stock de numéraire dans la masse monétaire et le taux  d’imposition, la part des salaires dans le revenu national, des intérêts sur les dépôts à terme et le  revenu réel des habitants.  

Ces méthodes ont été abondamment  critiquées, notamment parce  qu’elles  reposent sur des  hypothèses non vérifiables, voire non justifiées.  

2.1.1.3. L’approche des inputs physiques

Cette approche considère qu’il existe une relation stable entre le revenu national et la consommation  d’un input tel que l’électricité, censée être un bon indicateur de l’activité économique. En d’autres  termes, il est supposé que le PIB évolue proportionnellement à la consommation électrique. Si cette  relation varie pour des raisons inexpliquées, on considère alors que cette évolution est liée à  l’économie souterraine. 

Cette  méthode,  appliquée  notamment pour l’estimation  de l’ENO dans les  pays  en  voie  de  développement, souffre d’importantes limites. En particulier, la consommation électrique peut        

36 Gutmann, P.M. (1977) «The Subterranean Economy», Financial Analysts Journal 34, pp. 26‐28. 

37 Feige, E.L. (1979) «How Big is the Irregular Economy? »,  Challenge 22(5), pp. 5‐13. 

38 Feige, E.L. (1980) « A New Perspective on Macroeconomic Phenomena », Netherlands Institute for Advanced  Studies, Wassenaar. 

connaître des variations indépendantes de l’activité souterraine, en lien par exemple avec le progrès  technique ou la modification des comportements en matière de consommation énergétique. Par  ailleurs,  toutes  les  activités  souterraines  ne  nécessitent  pas  une  consommation  d’électricité  singulière (par exemple les services à la personne). 

2.1.1.4. L’approche « Multiple Indicators Multiple Causes (MIMIC) »

L’approche MIMIC est une approche composite. Plutôt que de suivre un indicateur particulier, il  s’agit de prendre en considération une batterie d’indicateurs observables. L’économie non déclarée  est ainsi une variable latente inobservée que l’on peut approximer à l’aide de cet ensemble  d’indicateurs observables (argent liquide par habitant, temps de travail…), d’une part, et d’une  combinaison de variables causales également observables (notamment la fiscalité, la réglementation,  les perceptions envers les pouvoirs publics), d’autre part.  

Cette  méthode, notamment appliquée par  Friedrich Schneider  dans  une série de travaux  de  comparaisons internationales, ne permet que d’estimer la taille relative de l’économie souterraine  d’un pays. Le passage aux valeurs absolues nécessite de disposer de valeurs initiales, par exemple par  le biais de l’approche monétaire. Par ailleurs, les résultats issus de cette méthode s’avèrent très  sensibles aux variables introduites dans le modèle. 

2.1.1.5. Estimations économiques par croisement de sources

D’autres estimations de l’activité dissimulée ont également pu être produites, reposant sur le  croisement  de  sources  statistiques  diverses  (données  administratives  et  d’enquête  en  règle  notamment) et des hypothèses « économiques » venant pallier les informations non disponibles  dans les sources.  

Un exemple d’application de cette méthode est l’approche par le taux de participation au marché du  travail. Cette approche part de l’idée qu’un faible taux de participation au marché du travail peut  être synonyme  de travail  dissimulé. L’objectif  est donc  de mesurer l’écart  entre  le taux  de  participation au marché du travail officiel et le taux « réel », celui‐ci étant estimé via des enquêtes ad  hoc.  

L’approche retenue par les comptables nationaux d’Istat (Istituto Nazionale di Statistica) pour  évaluer l’ENO, parfois appelée « méthode italienne », en fournit un exemple intéressant (Encadré 3),  même s’il ne rend pas compte de toutes les tentatives de ce type qui ont pu être menées dans les  différents pays. 

Un autre exemple d’évaluation par croisement de sources est celui de l’estimation par la Dares du  travail dissimulé dans le secteur des services à la personne (cf. section 4.1.2.1).