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Un mécanisme de planification parfaitement incertain

Annexe 1 : Caractéristiques des 7 profils typologiques de stations dans le massif alpin

C. L’énergie solaire

II. Un mécanisme de planification parfaitement incertain

À titre liminaire, on peut s’interroger sur la thèse ici retenue de l’exclusion de la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles lorsque le territoire est

11 C.E., 15 mai 1992, « Commune de Cruseilles », requête n° 118573.

12 Par exemple, C.A.A. Marseille, 6 octobre 2011, « Association FRENE 66 », requête n° 09MA03240. 13 C.A.A. Marseille, 30 août 2001, « Association FENEC », requête n° 98MA00513.

14 C.A.A. Lyon, 18 juillet 2000, requête n° 96LY02821.

15 C.E., 4 juillet 1994, « Commune de Vaujany », requête n° 129898.

16 C.A.A. Bordeaux, 8 février 2010, « Association UMINATE 65 », requête n° 09BX00896, note M. Sousse, Environnement, 2010, n° 99.

couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé (l’absence d’approbation rendant applicable la procédure de droit commun, même si les services étatiques répugnent à instruire une telle demande en présence d’un schéma en cours d’élaboration). Elle ressort certes de la lecture des articles L. 122-8 et L. 145-11 et 12 du code de l’urbanisme qui semblent exclure la possibilité de délivrer une autorisation au titre des unités touristiques nouvelles lorsque le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, ce que confirme la doctrine administrative17. Mais cette position n’est pas unanimement partagée18.

Ainsi, en présence d’un schéma de cohérence territoriale, c’est le document d’orientation et d’objectifs du schéma qui régit l’implantation des unités touristiques nouvelles sur le territoire concerné (L. 122-10 C. urb.). Faire du schéma de cohérence territoriale le vecteur de la réglementation des unités touristiques nouvelles n’est pas sans cohérence, au vu de la dynamique propre et du projet qu’incarne le schéma. On peut néanmoins penser que cette compétence a été attribuée en somme par défaut au schéma de cohérence territoriale. Il suffit pour cela de rappeler qu’antérieurement à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, le tourisme n’est pas directement un objet saisi par le schéma de cohérence territoriale. Et depuis, il fait certes partie des objectifs des politiques publiques fixés par le plan d’aménagement et de développement durable (L. 122-1-3 C. urb.) mais aucune disposition du document d’orientation et d’objectifs ne lui est spécifiquement consacrée (hors celle relative aux unités touristiques nouvelles).

En réalité, cette immixtion de la problématique des unités touristiques nouvelles dans les schémas de cohérence territoriale depuis 2005 doit se comprendre comme permettant aux collectivités territoriales montagnardes d’exercer de nouvelles responsabilités au sens de l’article 1er de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 modifié pour l’occasion. Le but est ouvertement de mettre un terme à la main mise de l’état en la matière. Mais, au regard de l’objectif de protection des espaces montagnards, cette réforme n’a de sens que pour autant que les schémas de cohérence territoriale présentent les mêmes garanties, de fond et de forme, que le mécanisme antérieur d’autorisation.

Au fond, la situation doit être distinguée selon la nature de l’unité touristique nouvelle. S’agissant des unités touristiques nouvelles de massif, le schéma de cohérence territoriale doit en définir la localisation, la consistance et la capacité globale d’accueil et d’équipement, ce qui permet a priori un encadrement suffisant. En revanche, s’agissant des unités touristiques nouvelles de département, le schéma ne fait qu’en fixer les principes d’implantation et la nature. L’extrême souplesse de la formule ouvre la porte, sous couvert d’un habillage sémantique adéquat, à la réalité d’une déréglementation, sachant que la seule règle qui semble s’imposer est alors l’article L. 145-3-IV du Code de l’urbanisme.

En ce qui concerne la forme, la mise en place du schéma de cohérence territoriale est subordonnée à l’avis de la commission spécialisée du comité de massif

17 Circulaire du 29 janvier 2008 relative aux unités touristiques nouvelles en montagne, point 3.1. 18 évoquant la solution contraire, voir H. Coulombié, C. Le Marchand, « Droit du littoral et de la

(L. 122-8 C. urb., pour la forme, on remarquera que la procédure consultative est ici plus strictement encadrée que dans le cadre de la procédure d’autorisation, puisque le silence vaut avis favorable au terme de trois mois). Par ailleurs, le schéma est soumis à l’exigence d’une évaluation environnementale (L. 121-10 C. urb.) et à une évaluation des incidences au titre de Natura 2000 (R. 414-19 C. env.), ce qui pose quelques problèmes pratiques. En effet, même s’agissant des unités touristiques de massif, il est difficile de procéder à l’évaluation de leur incidence à l’échelle du schéma, car cela crée à l’évidence une distorsion d’échelle (évaluation du schéma, évaluation de l’unité touristique nouvelle contenue dans le schéma). Or, tant au titre du comité de massif qu’au stade de l’évaluation environnementale, l’état, qui n’avait plus son mot à dire, reprend alors la parole au titre de la procédure consultative et, en aval, du contrôle de légalité. Et la demande d’évaluation de l’unité touristique nouvelle dans le schéma de cohérence territoriale tend finalement à retrouver dans l’idéal les mêmes informations que celles requises dans le dossier d’autorisation. Mais cette évaluation encore possible pour les unités touristiques nouvelles de département est impossible à assumer s’agissant des unités touristiques nouvelles de département, puisque le schéma peut avoir une approche très peu prescriptive. De ce fait, le risque contentieux (et l’opposition du contrôle de légalité) peut se déplacer de l’autorisation unité touristique nouvelle vers le schéma de cohérence territoriale lui-même.

En présence d’un schéma de cohérence territoriale, l’environnement normatif est finalement moins contraignant mais bien plus incertain. Les communes devront ainsi approuver leurs documents locaux d’urbanisme en faisant le pari que les choix retenus, lorsqu’ils dérogent notamment aux dispositions de l’article L. 145-3-III du Code de l’urbanisme, sont bien dans le champ des principes arrêtés par le schéma de cohérence territoriale. Question qui pourra être posée tardivement (et recevoir une réponse plus tardive encore), au moment de la contestation de la contestation des autorisations d’urbanisme. Les conséquences d’une irrégularité sont ici potentiellement plus importantes qu’en cas de refus d’une autorisation d’unité touristique nouvelle.

Finalement, la nouvelle forme d’encadrement des unités touristiques nouvelles est sans doute, pour les porteurs de projet, moins complexe et dérogatoire que la procédure d’autorisation antérieure. Elle génère toutefois plus d’insécurité pour les documents et autorisations d’urbanisme, notamment pour le schéma de cohérence territoriale lui-même, dont la légalité sera ainsi, compte tenu des enjeux recherchés plus souvent, par voie d’action ou d’exception.

Au rang des inconvénients du nouveau dispositif, il faut souligner sa rigidité qui ferait presque regretter aux porteurs de projet le mécanisme d’autorisation. Certes, le schéma de cohérence territoriale peut être modifié pour intégrer un ou plusieurs projets d’unité touristique nouvelle sur demande du préfet sollicité par la commune ou le groupement de commune concerné. Mais, en l’état, le préfet n’est pas dans une situation de compétence liée vis-à-vis de cette demande et s’il s’en fait le relais, cette demande ne s’impose pas au syndicat mixte (en effet, la compétence communale ou intercommunale interdit a priori la qualification de projet d’intérêt général en vertu de l’article R. 121-3 du code de l’urbanisme et donc la procédure de modification ou de révision de l’article L. 122-15-1 C. urb. Parallèlement, la

procédure de déclaration de projet de l’article L. 126-1 du Code de l’environnement paraît difficilement envisageable en l’espèce au vu d’obtenir la modification du schéma en application de l’article L. 122-15 C. urb.). Et, si l’état avait le devoir de se prononcer au vu d’impératifs juridiques, le syndicat mixte est lui dépositaire d’un projet d’aménagement… Un refus d’autorisation d’unité touristique nouvelle ne pouvait être motivé qu’au regard des dispositions du code de l’urbanisme, là où le schéma de cohérence territoriale porte un projet politique d’aménagement qui peut justifier par son seul parti pris d’écarter un projet, sans autre justification…

Enfin, de manière assez surprenante, on peut noter, sur cette question de la procédure de modification du schéma sur demande du préfet en vue d’intégrer un ou plusieurs projets d’unités touristiques nouvelles, quelques discordances ou redondances entre les articles L. 145-12 et L. 122-8 du code de l’urbanisme. Ainsi, le premier ne vise que la modification du schéma, là où le second évoque une modification ou une révision. L’article L. 145-2 du code de l’urbanisme prévoit que la demande du préfet intervient après avis de la commission spécialisée du comité de massif. Mais l’article L. 122-8 du code de l’urbanisme dispose pour sa part que le projet de modification ou de révision (et non la demande du préfet) est soumis pour avis soit à la commission spécialisée du comité de massif, s’il porte sur au moins une unité touristique nouvelle dite de massif, soit, dans les autres cas, à la commission départementale des sites. Une lecture littérale des textes aboutit donc à solliciter deux fois le ou les organismes consultatifs d’état.

En définitive, en ces temps où la simplification du droit est devenue une mode, la disparition programmée de la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles ne laissera guère de regrets. Mais il n’est pas sûr que le choix du schéma de cohérence territoriale comme vecteur de la politique d’aménagement touristique de la montagne soit le plus pertinent en l’état. L’outil est intrinsèquement lourd et complexe et se prête mal à des opérations purement locales qui peuvent se trouver de ce fait dépourvue d’encadrement juridique. Inversement, certaines opérations peuvent avoir une incidence significative sur l’équilibre du schéma de cohérence territoriale et méritent sans doute mieux qu’une approche globale. Enfin, l’inclusion dans un schéma de cohérence territoriale n’est pas une garantie absolue d’un développement durable. À défaut de remède miracle, la solution pourrait être un compromis entre mécanisme d’autorisation et planification. Pourrait relever du schéma de cohérence territoriale une planification réellement détaillée des opérations significatives (unités touristiques nouvelles de massif, sans que leur définition soit considérée comme intangible), laquelle pourrait être ainsi positive mais aussi simplement négative pour les unités touristiques nouvelles de département (exclusion par exemple de certains équipements sur certains secteurs). Les autorisations d’urbanisme nécessaires à la réalisation d’unités touristiques nouvelles de département, dans la mesure où elles sont possibles au regard du schéma de cohérence territoriale, seraient ensuite soumises pour avis conforme au syndicat mixte en charge de la gestion du schéma de cohérence territoriale ou de l’état, selon les préférences girondines ou jacobines de chacun. Enfin, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, on s’abstiendra de suggérer la modification d’une formule dont les qualités et les défauts ont au moins le mérite d’être connus.

LerôLedeLA servitude

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LoimontAgne

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grégory moLLion

Maître de conférences en droit public à la Faculté de droit de l’Université Grenoble 2

avocat au barreau de Grenoble

La propriété et le sol ne se partagent pas aisément, à plus forte raison en montagne. L’on sait pourtant que le droit de propriété est divisible, et que ses éléments constitutifs peuvent être dévolus à des personnes différentes entre lesquelles les prérogatives du propriétaire se trouvent réparties. C’est ainsi que la loi relative au développement et à la protection de la montagne dite « loi montagne » a instauré un mécanisme de partage de l’usage – de la propriété ? – de terrains susceptibles d’intéresser le développement touristique. On l’appelle dans le langage courant la servitude montagne. Distincte des servitudes propres au droit privé étant définies comme une « une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire »1, l’idée était en 1985 de permettre à une personne publique responsable d’une activité touristique de grever un fond servant d’un droit de passage et/ou d’aménagement.

En théorie, la servitude de droit privé profite au propriétaire d’un fond dominant, et pour ce qui concerne l’objet de cette étude, ce devrait être celui de la personne publique. Cependant, on s’est rapidement aperçu que les « canons » du droit privé ne trouvaient pas totalement application dans un système consistant pour une commune à imposer une servitude de passage d’une remontée mécanique. La personne publique à l’origine de la servitude n’en bénéficiait, en effet, pas réellement au titre d’un fond dominant en particulier, mais plutôt, comme une servitude administrative, au nom de l’intérêt général.

C’est pour cette raison que, faute de fond dominant, la qualification de servitude de droit privé ne pouvait qu’être refusée par la cour de cassation lors d’un litige relatif à l’installation d’un téléski2. Dans ce contexte, le législateur de 1985 a dû intervenir lors de l’édiction de la loi montagne afin d’instituer une servitude communément appelée « servitude montagne ». Il s’agissait en fait de dépasser cet obstacle théorique incontournable, et d’imaginer un dispositif hybride facilitant la reconnaissance d’une servitude indispensable à l’aménagement des domaines

1 C. civ. art. 637.

2 Civ. 3e, 12 déc. 1984, JCP 1985, II, 20411, note Goubeaux, RTD civ. 1985, 741, obs. Giverdon et Salvage-Gerest.

skiables. Le développement de la montagne nécessitait, comme l’a montré ce texte si particulier, des aménagements conceptuels donnant naissance à des régimes juridiques dérogatoires tels que l’objet de la présente étude3.

Par le mécanisme désormais présent au sein du code du tourisme4, la personne publique bénéficiaire de la servitude détient des prérogatives équivalentes à celle du propriétaire d’un fond dominant, lesquelles sont accrues par rapport à celles que lui confère son seul droit de propriété. La loi Montagne est donc à l’origine d’une servitude d’utilité publique destinée à faciliter la réalisation d’équipements touristiques à finalité sportive en montagne, par un mécanisme plus souple tendant à se substituer –  parfois5  – à la servitude de survol6, et se trouve complétée par l’existence d’une servitude de passage pour les chalets d’alpages7.

Cette servitude spécifique ne va pas sans interroger le juriste à l’heure du bilan. Bien entendu, son application s’est développée en dépassant les pratiques anciennes consistant en des accords verbaux ou autres arrangements, et en sécurisant les conditions d’installation d’une remontée mécanique. Mais l’impact de la servitude montagne a été démultiplié au fil des ans et des lois successives, pour générer une forme de déspécialisation du mécanisme originellement instauré pour les remontées mécaniques. La servitude facilite ainsi durablement la réalisation d’une partie des aménagements nécessaires aux activités touristiques et donc l’urbanisation de la montagne (manque toutefois la possibilité d’installer une gare d’arrivée ou de départ, ce qui permettrait de gagner en cohérence). Cet élargissement du champ d’application – à l’excès ? – n’est pas sans poser la question de la cohérence, voire de la légalité du système. Subissant une déspécialisation (I), la servitude montagne a gagné en substance mais perdu en cohérence. Par ailleurs, le mécanisme porte à débat s’agissant du statut des biens concernés, qu’il s’agisse du terrain d’assiette comme des biens éventuellement établis en surface (II).

3 Dossier. Loi Montagne de 1985, 25 ans d’un parcours enneigé, Juristourisme, n° 140, mars 2012. 4 C. Tourisme., art. L. 342-18 à L. 342-26.

5 Pour un survol inférieur à une distance de 20 mètres d’une habitation, elle reste utile. CAA Lyon, n° 07LY01637, 22 déc. 2009 Claudine A.

6 Il convient d’indiquer qu’un autre régime de servitude est susceptible de s’appliquer en montagne, même s’il devient plus rare : la servitude de survol au profit des téléphériques institués par la loi du 8 juillet 1941. Cette servitude est instituée au seul profit des téléphériques et à partir d’une hauteur de 50 mètres au-dessus du niveau du sol, à condition que les terrains ne soient ni bâtis ni fermés de murs ou de clôtures équivalentes. Cette servitude de survol doit être annexée aux PLU mais n’a pas à figurer dans le règlement ou la cartographie des PLU. Pour pouvoir s’appliquer, il n’est pas nécessaire, à la différence de la servitude de passage, de délimiter dans le PLU des zones ou des secteurs venant se superposer aux zonages d’urbanisme Le propriétaire conserve le droit de se clore ou de bâtir à condition de respecter ces servitudes et de maintenir la liberté d’accès du personnel de la ligne, dans la mesure exigée par l’exploitation. (sur cette servitude, CAA Lyon, 22 déc. 2009, Préfet de Savoie : req. no 07LY01637).

7 Art. L. 145-3 du code de l’urbanisme. Publiée au bureau des hypothèques elle peut interdire l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limiter son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur de l’article L. 362-1 du code de l’environnement. Elle constitue une décision administrative distincte, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. CAA Lyon, 19 mai 2011, Mme Nadine A., n°09LY01441.

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