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Les limites du principe de protection des terres nécessaires aux activités agricoles

Annexe 1 : Caractéristiques des 7 profils typologiques de stations dans le massif alpin

A. Les limites du principe de protection des terres nécessaires aux activités agricoles

Ce premier principe de l’article L. 145-3 est parfaitement révélateur des tensions évoquées dans l’introduction entre les objectifs contradictoires d’aménagement et de protection de la loi de 1985. Il convient tout à la fois de protéger une utilisation agricole historique de l’espace montagnard sans empêcher tout développement vers des activités nouvelles par nature génératrices d’urbanisation. L’article I s’essaie à ce difficile exercice. Saisi de cette question le juge ne pouvait sans doute que souligner les limites de la protection ainsi posée. Revenons d’abord sur l’article lui-même et son évolution tourmentée.

Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières doivent être préservées. Mais la nécessité de préserver ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Le texte institue une dérogation cependant : les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés.

La loi Bosson du 9 février 1994 a assoupli le texte initial de 1985 en créant une autre exception à la protection des terres par une possibilité d’urbanisation étendue par la loi Solidarité et renouvellement urbains du 2 juillet 2003. Peuvent être également autorisées, par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard, la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière. L’exception on le voit reste limitée. Elle concerne la seule restauration de chalets d’alpage ou bâtiments d’estive. La procédure est aussi lourde puisqu’elle suppose un accord spécifique du

préfet après avis de la commission des sites. La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a encore apporté une précision pour limiter les conséquences de cette possibilité.

Laissons à ce stade les dérogations ou exceptions et revenons au droit commun du principe de protection des terres en cause. La question s’est évidemment posée de l’interprétation de ces dispositions et notamment de la notion de terres nécessaires aux activités agricoles. Le juge administratif est amené à vérifier que cette condition est bien remplie.

Le texte lui-même invite à apprécier les caractéristiques précises des terrains concernés en tenant compte de leur rôle et place dans les systèmes d’exploitation locaux. Le juge peut ainsi être appelé à vérifier l’utilisation ou l’affectation éventuelle des terrains à une activité agricole. Dans une de ses premières décisions rendues sur l’application de cette notion en date du 5 janvier 1994 M. Cribier (129646), le Conseil d’état constate ainsi qu’un terrain ne présente pas les critères nécessaires : il est en partie boisé et en partie en friche et ne fait pas l’objet d’une exploitation agricole. Il n’est pas établi qu’il soit à vocation agricole, pastorale ou forestière. Cette absence de caractère agricole peut être renforcée par sa localisation en continuité de l’urbanisation même si les deux questions sont évidemment distinctes. C’était aussi le cas dans cette affaire dès lors que ledit terrain était situé à proximité immédiate de plusieurs parcelles de la commune de La Roche-sur-Foron et d’une parcelle de la commune de Saint-Sixt supportant des habitations et desservies par des voies d’accès et par des réseaux d’eau et d’électricité. Il ne se situait donc pas en rupture de continuité avec les bourgs et villages existants.

Au-delà des caractéristiques propres du terrain il faut apprécier aussi son importance relative dans le système agricole local. Ainsi même un terrain présentant de réelles caractéristiques agricoles peut être de manière légale destiné à une autre affectation dès lors que la commune concernée dispose de surfaces agricoles très importantes par ailleurs. La solution résulte notamment d’une décision du Conseil d’état Commune de Cipières du 10 juin 1998 (168718) rendue sur ce point à propos de l’institution d’un emplacement réservé en vue de la création d’une aire de stationnement et d’équipements sportifs. On retrouve la même approche de prise en compte d’une situation globale à l’occasion d’un contentieux de déclaration d’utilité publique dans une affaire déjà citée, la décision du Conseil d’état du 21 mars 2001

Société Euroraft (209459). Le projet de déviation en cause avait pour effet de faire disparaître 5,3 hectares de prairies alors que la surface agricole totale de la commune concernée était d’environ 260 hectares. Ce projet ne pouvait, dans ces conditions, être regardé comme portant à la nécessité de préserver les terres agricoles une atteinte excessive par rapport à l’objet de l’opération.

Finalement les limites mêmes du principe sont clairement exposées dans la décision publiée au recueil Lebon du 6 février 1998, Commune de Faverges (161812) rendue à propos de la révision d’un plan d’occupation des sols. Les prescriptions de l’article L.145-3 du code de l’urbanisme ne sauraient être regardées comme interdisant de classer, dans un plan d’occupation des sols, des terres agricoles dans des zones réservées à des activités économiques autres que l’agriculture ou l’habitat. Toutefois elles impliquent de n’admettre l’urbanisation de ces terres que pour satisfaire des

besoins justifiés et dans une mesure compatible avec le maintien et le développement des activités agricoles, pastorales et forestières.

Cette limite du principe conduit parfois le juge à une appréciation très globale de la situation, notamment dans le contentieux des plans locaux d’urbanisme. C’est ce qu’avait fait le Conseil d’état dans sa décision déjà citée du 7 décembre 1990

Commune d’Ampus (110508). Il constate que la répartition du territoire communal opérée par le plan d’occupation des sols contesté qui prévoit une zone NC réservée aux activités agricoles représentant 19,8 % du territoire, soit autant que la surface cultivée, une zone naturelle qui recouvre 70,8 % du territoire et préserve les sites inscrits et classés, ne méconnaît pas les dispositions de l’article L. 145-3-I et II du code de l’urbanisme.

Toutefois ce principe même relatif reste utile.

Il est sanctionné y compris comme il a déjà été vu pour annuler un permis de construire contraire à ces dispositions. Dans la décision précitée du 9 juillet 1997

M. Morand (123341), le Conseil d’état le retient pour annuler un permis de construire un chalet d’habitation ne relevant donc d’aucune des hypothèses limitativement prévues par l’article L. 145-3. Le domaine d’élection de son application est bien sûr le contentieux des actes réglementaires locaux, plans d’occupation des sols et plans locaux d’urbanisme.

Ensuite l’application des autres principes de l’article L. 145-3 est conditionnée par lui. Il appartient en effet à l’administration, sous le contrôle du juge, de le concilier avec les autres posés par la loi Montagne notamment avec celui de l’urbanisation en continuité.

Cette conciliation nécessaire est ainsi posée par une décision du Conseil d’état du 22 septembre 1997, Commune d’Eygliers (137416). Il résulte en effet de la combinaison des dispositions du I, du II et du III de l’article L.145-3 du code de l’urbanisme que l’urbanisation des communes de montagne doit être réalisée en continuité avec les bourgs et villages existants sauf si la création d’un nouvel espace urbanisé est nécessaire pour permettre la réalisation des objectifs énoncés aux I et II dudit article et notamment pour maintenir et développer les activités agricoles, pastorales et forestières. En l’espèce, si le projet de lotissement avait pour conséquence de créer une nouvelle zone urbanisée en dehors des bourgs et villages existants, sa localisation sur un terrain caillouteux, pentu, non irrigable et de faible valeur agricole permettait de préserver des terres plus proches du bourg, mais de meilleure qualité agricole. Le plan d’occupation des sols n’est dans ces conditions pas illégal.

Enfin le contentieux des exceptions révèle une lecture stricte de celles-ci. Ce contentieux porte notamment sur les refus de dérogations opposés par les préfets. Par exemple, dans une décision M. Zardo du 7 mars 2011, la Cour administrative d’appel de Lyon confirme la légalité d’un refus du préfet de la Haute-Savoie. La demande de reconstruction de ce qui était présenté comme un ancien chalet d’alpage ne respectait pas l’implantation du bâtiment initial et ne pouvait donc être regardée comme une reconstruction à l’identique, condition nécessairement posée même de manière implicite par le texte. Le préfet peut aussi fonder son refus de reconstruction d’un ancien chalet sur l’atteinte au patrimoine existant comme le juge un autre arrêt de la cour de Lyon du 9 novembre 2010, Ministre de l’écologie.

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