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II. DEUXIÈME PARTIE : Le signalement par le médecin généraliste

2. TYPOLOGIE DES SIGNALEMENTS

Le médecin généraliste a la possibilité de faire en théorie deux types de signalement.

2.1Un signalement judiciaire

Il s'agit de la transmission écrite d'informations directement au Procureur de la République ou à son substitut au sein du tribunal de grande instance du département de résidence de la victime. Ce type de signalement est réservé́ aux sévices ou privations physiques, sexuels ou psychiques constatés ou présumés. (CP art 226-14)

Le Procureur a par la suite plusieurs alternatives possibles : il peut demander une enquête pénale par la gendarmerie ou la police afin de confirmer ou infirmer un délit ou un crime, saisir le juge des tutelles afin de mettre en place une mesure de protection juridique s'il l'estime nécessaire, transmettre l’affaire au Conseil départemental pour mener une enquête sociale ou classer le signalement sans suite en l’absence de preuves suffisantes.

2.2Un signalement administratif

Il correspond à la transmission d'informations par écrit aux autorités administratives, la CRIP (Cellule de Recueil, d'Evaluation et de Traitement des Informations Préoccupantes) pour les mineurs en danger ou le Président du Conseil départemental pour les majeurs vulnérables hors d'état de se protéger. Ces autorités administratives vont réaliser une évaluation médico-sociale

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de la situation de la personne vulnérable et proposer des mesures de protection et d'aide adaptées. Elles ont en outre la possibilité́ de réaliser un signalement au Procureur si la gravité de la situation l'exige.

En cas d'urgence, il est possible de contacter directement par téléphone ces autorités mais un courrier écrit devra toujours compléter le contact téléphonique. [55]

2.3Une procédure encore floue

Contrairement à la protection de l'enfance qui a été́ repensée et clarifiée avec la loi du 5 mars 2007, la procédure de signalement des personnes âgées maltraitées reste encore assez floue après étude de la littérature et des textes de loi.

Les CRIP, Cellules de Recueil des Informations Préoccupantes, ont été créés en 2007, dans le cadre de la loi réformant la protection de l’enfance. L’objectif de ces cellules implantées dans chaque département est de recueillir, analyser et traiter toutes les « informations préoccupantes » concernant des mineurs en danger ou en risque de l’être, transmises par les professionnels travaillant avec des enfants, par exemple professeur, assistante sociale, médecin ou infirmière scolaire. [68]

L’information préoccupante est définie dans le code de l’action sociale et des familles par l’article L 226-3 :

L'information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d'un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif,

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intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être. [69]

Après évaluation de la situation du mineur par une équipe pluridisciplinaire, des aides et un accompagnement socio-éducatif sont proposés à l’enfant et sa famille.

Concernant les personnes âgées, le Conseil National de l'Ordre précise que seul un signalement judiciaire au Procureur de la République peut être réalisé en cas de sévices ou de privations graves au domicile. [55] Pourtant, certains départements ont étendu la capacité d'action des CRIP aux majeurs vulnérables, comme la Loire en 2009, le Loir et Cher ou la Sarthe par exemple, constituant ainsi une alternative au signalement judiciaire réservé́ aux cas les plus graves. D’autres départements comme l’Essonne, ont créé une structure spécifique appelée CRIPPAH, Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes pour les Personnes Agées et Handicapées, permettant aux médecins de signaler toute situation suspecte.

Toutefois, les CRIP semblent aujourd’hui encore au stade d’expérimentation pour les personnes âgées. Par ailleurs, le Conseil de l’Ordre ne mentionne ni le 3977, ni le réseau ALMA, ni les conseils départementaux.

2.4Le 3977 et le réseau ALMA, alternatives au signalement ?

En cas de difficultés face au signalement, le médecin généraliste a la possibilité́ d’appeler le numéro national 3977 afin d'obtenir des conseils et des précisions sur la procédure. Toutefois, la Fédération 3977, que nous avons contactée par mail, n'a pas vocation à réaliser un signalement aux autorités judiciaires ou administratives, elle peut guider le généraliste dans ses démarches mais ne se substitue pas à son action.

Lorsqu’un professionnel contacte le 3977, les informations concernant la potentielle situation de maltraitance sont transmises à la cellule départementale, représentée le plus souvent par

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une association du réseau ALMA. Dans les départements où il n’existe pas d’antenne ALMA, comme la Charente ou l’Ile et Vilaine, des cellules d’écoute spécifiques, rattachées au département, ont été créées.

Après analyse de la situation par les référents locaux, lorsqu’il existe un « péril imminent », la cellule départementale a la possibilité d’effectuer un signalement au procureur de la République et d’alerter les services de police ou de gendarmerie. En pratique, les associations ALMA ont plutôt tendance à accompagner et appuyer les démarches si besoin, notamment de signalement, réalisées par les structures sociales comme les CLIC.

Lorsqu’il n’existe pas de risque vital immédiat pour la personne âgée, des informations supplémentaires sont recueillies auprès de l’entourage familial, amical, professionnel et des aides sont proposées à la personne âgée et sa famille. ALMA a la possibilité de contacter les structures sociales du secteur afin de mettre en place des actions de soutien et d’aide pour la victime. L’accord de la personne âgée doit toujours être recherché avant de lancer une quelconque procédure. [4]

Malheureusement, le 3977 reste encore trop peu connu et utilisé par les médecins de soins primaires, comme en atteste le rapport d'activité́ 2016 de la Fédération 3977 [11] : parmi les appelants, seuls 8 % sont des professionnels. Les médecins semblent également avoir peu recours au réseau ALMA, comme en atteste la répartition des appelants dans le rapport d’activité 2015 d’ALMA Paris par exemple [19] :

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Source : Rapport d’activité 2015, ALMA Paris

Et la France ne semble pas être un cas isolé : en Belgique, les professionnels arrivent en 3ème position des appelants de la ligne spécialisée Respect Séniors entre 2009 et 2013, et au Québec, en 2010-2011, les professionnels ne représentent que 4,5 % des appelants de la ligne

Aide Abus Ainés. [70]

Donc face à une situation de potentielle maltraitance d’une personne âgée, deux possibilités s’offrent au médecin généraliste, concernant le signalement :

- En cas de péril imminent, un signalement doit être adressé au Procureur de la République et la police ou la gendarmerie alertées.

- Dans les autres cas, un signalement au Président du Conseil départemental peut être réalisé directement par le médecin. La structure départementale dédiée pourra par la suite réaliser une évaluation médico-sociale de la situation et proposer des aides adaptées.

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En cas de difficultés face au signalement, le médecin généraliste peut contacter le 3977 ou l’association ALMA du département, si elle existe, qui réalisera par la suite une « enquête » plus approfondie en collaboration avec les structures médico-psycho-sociales du secteur.