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I. PREMIERE PARTIE : Maltraitances des personnes âgées au domicile

6. CONSEQUENCES SUR LA SANTE DES PERSONNES AGEES

Les conséquences des maltraitances sur la santé des personnes âgées sont multiples et altèrent considérablement leur qualité de vie. Compte tenu de la vulnérabilité́ liée au vieillissement physiologique et aux pathologies chroniques, les séquelles chez les personnes âgées peuvent être graves et durables.

6.1 Répercussions physiques

Les symptômes physiques sont les plus facilement repérables par le médecin généraliste, mais peuvent être difficiles à rattacher à une maltraitance en raison des modifications physiologiques liées au vieillissement et de la fréquence de certaines pathologies chez le sujet âgé́. Par exemple, l'ostéoporose peut avoir pour conséquences de multiples fractures et les hématomes sont très fréquents chez la personne âgée, notamment sous anticoagulant ou en cas de chutes à répétition. Il est donc primordial d'être prudent dans l'analyse des symptômes constatés.

Voici une liste non exhaustive des principales manifestations physiques qui peuvent être constatées [16] [33] [34] :

- Des hématomes multiples, souvent d'âge différent, prédominant sur le visage, le cou, les membres supérieurs et le dos, de grande taille, souvent supérieurs à 5cm

- Des traces de contention, au niveau des poignets et des chevilles

- Des brûlures et des abrasions

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- Des fractures multiples, notamment des fractures spiroïdes des os longs, des fractures de la mâchoire et des zygomatiques

- Des dents cassées, des lésions endo buccales

- Une hémorragie sous conjonctivale ou du corps vitré

- Des lésions des organes génitaux externes, des infections sexuellement transmissibles à répétitions, un saignement vaginal ou anal inexpliqué́, pouvant témoigner de violences sexuelles

- Des ulcères de décubitus, en lien avec un manque de soins

- Une déshydratation ou une dénutrition inexpliquée médicalement, pouvant être secondaires à des négligences passives ou actives

- Une apparence négligée, une mauvaise odeur, un manque d'hygiène

- Des exacerbations à répétitions d'une maladie chronique malgré́ un plan de soins établi

- Un nomadisme médical

- Un délai anormalement long avant de consulter

La plupart de ces signes étant non spécifiques, l'interrogatoire de la personne âgée et de son aidant s’il existe, est primordial afin de distinguer une blessure accidentelle d'une maltraitance, comme l’expliquent Hoover et Polson dans un article paru en 2014 dans le journal American Family Physician. [33]

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6.2 Répercussions psychologiques

Tous les types de maltraitances ont un impact psychologique grave, dominé par l'anxiété́ et la dépression [16]. Peuvent être associés également des modifications du comportement alimentaire et des troubles du sommeil, une attitude passive, un repli sur soi et un évitement de tout contact physique, oculaire ou verbal avec les soignants [6]. La personne âgée ressent souvent un sentiment de honte, de culpabilité́ et de peur qui l'empêchent de s'exprimer et de dénoncer les violences, commises dans la majorité́ des cas par un membre proche de la famille pour lequel elle a de l'affection et de l'amour.

Le Pr Debout, lors de son discours devant le Conseil National de l’Ordre des Médecins en 2002, explique également que la régression est l’un des symptômes de la maltraitance chez le sujet âgé. [2]

Lorsque la souffrance psychique est extrême, la dépression peut mener au suicide et la France occupe la deuxième place après l'Autriche concernant le taux de suicides chez les personnes de plus de 65 ans, selon le rapport Violences et Santé de Sambuc. [9]

Par ailleurs, selon les données statistiques de l’INSERM en 2004, le taux de suicide est particulièrement élevé chez les personnes âgées, jusqu’à six fois plus élevé après 85 ans par rapport aux 15-24 ans. [35] Ainsi, sur les 12000 décès par suicide par an en France, 20 % concernerait des personnes âgées de plus de 65 ans, comme l’indique la psychiatre universitaire Nadine BAZIN. [36]

Lorsque l'on interroge les personnes âgées victimes de maltraitances, comme dans l'enquête qualitative hollandaise de 2016, elles soulignent principalement les conséquences psychologiques des violences : le stress, l'anxiété́ et la dépression. Elles expliquent notamment se sentir en partie responsables de la situation car elles sont dans l'incapacité́ de

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faire cesser les violences, ce qui conduit à une auto-dépréciation et une faible estime de soi. [30]

Le médecin généraliste doit donc penser à évoquer une maltraitance devant tout syndrome dépressif marqué inexpliqué ou des modifications soudaines du comportement sans cause organique retrouvée.

6.3 Facteur de mortalité́ et d'hospitalisation

Les maltraitances des personnes âgées sont associées à une surmortalité́ et un taux plus élevé́ d'hospitalisation et d'institutionnalisation [7] [16]. Une étude de cohorte a été́ réalisée aux Etats-Unis par Mark Lachs, dans le Connecticut, à partir de 1982, chez 2812 personnes âgées de plus de 65 ans vivant à leur domicile. Elles ont été́ suivies pendant une période de 13 ans avec la réalisation de courbes de survie comparatives, en fonction de la présence ou de l’absence de maltraitances. Les résultats ont montré́ une mortalité́ toute cause confondue plus importante chez les personnes âgées victimes de maltraitances : 13% des victimes de négligence et 9% des victimes de sévices seulement sont vivantes à la fin du suivi contre 40 % pour les personnes âgées non maltraitées, soit une mortalité deux à trois fois plus élevée chez les personnes âgées maltraitées. [37]

Les répercussions des maltraitances des séniors peuvent donc être dramatiques et nécessitent une attention particulière de la part de tous les professionnels de santé́, notamment le médecin généraliste.

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