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I. PREMIERE PARTIE : Maltraitances des personnes âgées au domicile

8. QUEL ROLE POUR LE MEDECIN GENERALISTE ?

8.1 Dépister

Le médecin généraliste est un interlocuteur privilégié de la personne âgée, parfois même son seul contact extérieur. Il demeure donc un acteur indispensable pour le repérage des facteurs de risque ainsi que d’éventuels symptômes de maltraitance.

L’équivalent de l’Ordre des Médecins aux Etats Unis déclarait déjà en 1992 [49] :

« Les médecins sont idéalement placés pour jouer un rôle important dans la détection, la gestion et la prévention des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés. » (American Medical Association)

Actuellement il n’existe pas de recommandation pour un dépistage systématique : les obstacles cités dans la littérature sont le risque de faux positifs [12], la présence de l’agresseur lors du dépistage [12], la fréquence des troubles cognitifs [16], la barrière de langue ou

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culturelle [16] et l’absence de preuve solide concernant les bénéfices et potentiels effets négatifs pour les personnes concernées selon le US Preventive Services Task Force [50]. Toutefois, de nombreux outils de dépistage ont été développés et validés pour aider les professionnels à mieux repérer ces situations.

Parmi eux, l’Elder Abuse Suspicion Index (EASI), crée par MJ. Yaffe en 2008, Professeur de médecine générale à l’Université Mac Gill de Montréal, est le seul outil validé en soins primaires [51]. Il s’agit d’un questionnaire rapide, durant moins de deux minutes, comportant 6 questions fermées : les 5 premières questions sont destinées à la personne âgée et explorent les différents types de maltraitances dont elle a pu être victime au cours des douze derniers mois, la sixième question est destinée au médecin. Une réponse positive ou plus aux questions 2 à 6 doit alerter le médecin généraliste sur un risque de maltraitance et l’inciter à réaliser une évaluation approfondie de la situation, en faisant appel à différents professionnels du champs médical, social, voire juridique. L’EASI est disponible en plusieurs langues sur le site internet du Département de médecine générale de l’Université de Mc Gill, voici la version traduite en français ci-dessous :

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EVIDENCE D’ABUS SELON DES INDICATEURS (©) EASI

(Elder Abuse Suspicion Index (©) EASI)

Questions de l’EASI

Q1. – Q.5 doivent être posé au patient(e); Q6. est répondu par le mé-decin.

(Au cours des 12 derniers mois)

1) Avez-vous dépendu de quelqu’un pour une des actions suivantes : Prendre votre bain ou douche, vous habiller, faire vos commissions, faire vos transactions bancaires, ou vos repas ?

OUI NON

N’a pas répon-du

2) Est-ce que quelqu’un vous a empêché(e) de vous procurer de la nourriture, des vêtements, des médicaments, des lunettes, des appareils auditifs, de l’aide médicale, ou de rencontrer des gens que vous vouliez voir ?

OUI NON

N’a pas répon-du

3) Avez-vous été dérangé(e) par les paroles de quelqu’un qui vous ont fait sentir honteux

(se) ou menacé(e)? OUI NON

N’a pas répon-du 4) Quelqu’un a-t-il essayé de vous forcer à

signer des papiers ou à utiliser votre argent

contre votre volonté ? OUI NON

N’a pas répon-du 5) Est-ce que quelqu’un vous a fait peur, vous a

touché d’une manière que vous ne vouliez

pas, ou vous a fait mal physiquement ? OUI NON

N’a pas répon-du 6) L’abus envers une personne âgée peut être

associé à des manifestations telles que: de la difficulté à maintenir un contact visuel, une nature retirée, de la malnutrition, des prob-lèmes d’hygiène, des coupures, des ecchy-moses, des vêtements inappropriés, ou des problèmes d’adhérence aux ordonnances. Avez-vous remarqué de telles manifestations aujourd’hui ou au cours des 12 derniers mois?

OUI NON Incertain

© Le Elder Abuse Suspicion Index (EASI) s’est vu délivrer les droits d’auteur par l’Office de la protection intellectuelle du Canada (Industrie Canada) le 21 février 2006. (Numéro

d’enregistrement: 1036459)

Mark J. Yaffe, MD, Université McGill, Montréal, Canada Maxine Lithwick, MSW, CSSS Cavendish, Montréal, Canada Christina Wolfson, PhD, Université McGill, Montréal, Canada

Source : Department of Family Medecine, Mc Gill , Montréal, Canada (https://www.mcgill.ca/familymed/research/projects/elder)

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Si cet outil permet au généraliste de suspecter une maltraitance, il comporte aussi des limites : une faible sensibilité (47 %) et la possibilité d’être réalisé uniquement chez les personnes âgées ayant un score MMSE supérieur ou égal à 24. Or, les troubles cognitifs sont un facteur de risque majeur de maltraitance comme nous l’avons vu.

D’autres outils ont été développés mais ne sont pas validés en médecine générale. On peut citer par exemple la Hwalek-Sengstock Elder Abuse Screening Test (H-S/EAST), la Vulnerability To Abuse Screening Scale (VASS) qui sont des auto questionnaires destinés aux personnes âgées ou encore le Caregiver Abuse Screen (CASE), auto questionnaire destiné aux aidants. D’autres échelles permettent de dépister les symptômes de maltraitance, comme par exemple l’Elder Assessment Instrument (EAI). Enfin, d’autres tests comme l’Indicators Of Abuse Screen (IOA) permettent de dépister les facteurs de risque de maltraitance chez la personne âgée et son aidant, mais nécessitent une évaluation longue au domicile, par du personnel entraîné. Certains outils de dépistage sont présentés en annexes 6 et 7. (p 198-199) La Société Scientifique de Médecine Générale en Belgique recommande, devant l’association de multiples facteurs de risque de maltraitance chez un sujet âgé, de réaliser un dépistage avec l’EASI. Si ce dernier est positif, une évaluation approfondie doit être menée par une équipe pluridisciplinaire, afin de confirmer ou infirmer la ou les maltraitances. [52]

Afin de pouvoir repérer ou suspecter une forme de maltraitance chez un sujet âgé à risque, le médecin généraliste doit connaître et penser à rechercher les indicateurs spécifiques des différents types de maltraitance, qui sont synthétisés par l’OMS dans son rapport mondial sur la Violence et la Santé [6] :

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Source : Rapport Mondial sur la violence et la santé, OMS, Genève, 2002