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I. PREMIERE PARTIE : Maltraitances des personnes âgées au domicile

3. TYPOLOGIE DES MALTRAITANCES

Une première classification des maltraitances, citée plus haut, a été́ proposée par le groupe de travail sur les violences des personnes âgées au sein de la famille, lors du Conseil de l'Europe en 1992. Par la suite, les recherches et enquêtes auprès des victimes et des professionnels de santé́ ainsi que des services sociaux ont permis d'affiner cette classification.

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Aujourd'hui, on distingue classiquement les 7 types de maltraitance suivants [5] [9] :

1- Maltraitances physiques

Elles correspondent à des coups et blessures infligés à la personne âgée, de façon volontaire, pouvant aller jusqu’ au meurtre. Ce sont les maltraitances les plus visibles et les plus facilement repérables.

2- Maltraitances psychologiques

Plus insidieuses, elles sont souvent associées à d'autres types de maltraitances. On peut citer à titre d'exemple les insultes, le chantage, les menaces y compris d'institutionnalisation, la privation de tout contact avec la famille et les amis, l'infantilisation et le tutoiement pouvant mener à une déshumanisation et une objectification de la personne âgée. L'abandon, l'absence de communication et d'affection volontaires constituent des négligences psychologiques.

3- Maltraitances financières et matérielles

Elles sont parmi les maltraitances les plus fréquentes chez la personne âgée, en augmentation constante depuis plusieurs années, mais souvent difficiles à identifier pour le professionnel de santé. Une enquête réalisée par la FIAPA (Fédération Internationale des Associations de Personnes Agées) dans 4 pays européens (France, Belgique, Espagne, Italie) en 2007, dans le cadre du programme DAPHNE II, dispositif de la Commission européenne visant initialement à lutter contre toute forme de violence à l’encontre des femmes et des enfants, s'inquiète « d’une progression alarmante de malversations financières à la personne âgée au domicile et en établissement ». [10]

Dans son rapport de mission sur les maltraitances financières à l'égard des personnes âgées, demandée par la secrétaire d'Etat en 2017, le Pr Alain Koskas, gérontologue et psychanalyste,

31 propose la définition suivante :

« Tout acte commis sciemment en vue de l’utilisation ou de l’appropriation de ressources financières d’une personne vulnérable à son détriment, sans son consentement ou en abusant de sa confiance ou de son état de faiblesse physique ou psychologique »

En France, le rapport d'activité́ annuel de 2016 de la Fédération 3977 contre la maltraitance indique que les sévices et exploitations financières représentent le deuxième type de maltraitance le plus fréquent chez la personne âgée vivant au domicile, après les maltraitances psychologiques. [11] Le rapport européen de 2011 de l’OMS sur la prévention de la maltraitance confirme cette tendance à l'échelle européenne avec 6 millions d'aînés statistiquement touchés par des malversations ou négligences d'ordre financier. [12]

Un rapport du Québec datant de 2007, a recensé quelques exemples de maltraitances financières identifiées par les professionnels de santés, services sociaux et travailleurs du secteur financier [10] :

« - (...) voler de l’argent appartenant à l’aîné́, ses chèques de pensions ou d’autres biens

- faire pression pour qu’elle donne de l’argent ou fasse quelque chose même après avoir dit non

- ne pas respecter le droit de la personne âgée de prendre ses propres décisions

- ne pas donner accès à de l’argent appartenant à une personne âgée

- céder la maison à ses enfants en échange de promesses de soins, puis voir l’entente ignorée

- contrefaire la signature d’une personne âgée sur ses chèques de pension ou des documents juridiques

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- ne pas permettre le déménagement de l’aîné́ dans un établissement de longue durée afin d’avoir toujours accès à son revenu de pension »

Le rapport de commission du Pr Koskas pointe également deux mécanismes spécifiques pouvant être à l’origine de maltraitances financières [10] : d'une part, l'influence abusive, correspondant à une subversion de la volonté́ de la personne, qui subit une forme de pression, coercition ou emprise la conduisant à prendre des décisions qui ne correspondent pas à sa volonté́. L'influence abusive, dans sa forme extrême, peut conduire à l'emprise mentale : l'auteur utilise des moyens de pression ou sujétion qui induisent une dépendance psychologique de la personne âgée, avec des préjudices graves pour cette dernière. L'auteur a une « emprise » totale sur l'individu et le conduit à prendre des décisions qu'il n'aurait pas prises autrement.

D'autre part, la dérive sectaire, définie comme « un dévoiement de la liberté́ de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte aux droits fondamentaux, à la sécurité́ ou à l’intégrité́ des personnes, à l’ordre public, aux lois ou aux règlements ». Un individu isolé ou un groupe organisé exerce une pression et un assujettissement physiques ou psychologiques de la personne âgée afin de la priver totalement de son libre arbitre et de briser tous ses repères, convictions et croyances, dans l’optique de profiter de ses biens ou de son argent.

4- Maltraitances sexuelles

Ce sont les moins fréquentes selon les études, mais il existe probablement une sous-estimation de ce type de maltraitance car la plupart des personnes âgées préfèrent se taire par honte, peur ou culpabilité́. Les femmes semblent plus touchées que les hommes par ce type de maltraitance.

33 pornographiques, des mutilations génitales ou un viol.

5- Violences médicamenteuses ou liées aux soins médicaux

Elles peuvent être exercées par des professionnels de santé́ ou l'entourage familial de la victime, de façon intentionnelle, ou involontaire. Elles peuvent correspondre à la prescription ou l'administration abusive de traitements médicamenteux, ou à l'inverse à un défaut de soins. Une situation fréquemment rencontrée en pratique clinique est par exemple l'administration abusive de neuroleptiques ou d'hypnotiques, chez une personne âgée souffrant de troubles cognitifs accompagnés de troubles du comportement. L'absence de soulagement ou un soulagement partiel de la douleur constitue également une forme de maltraitance médicamenteuse.

Ce type de violence est souvent répertorié́ dans la catégorie des négligences.

6- Négligences

Elles peuvent être actives, c'est à dire intentionnelles, ou passives c'est à dire sans intention de nuire, et sont particulièrement fréquentes chez le sujet âgé́, à domicile comme en institution. Le dictionnaire Larousse en donne les définitions suivantes [13] :

« Manque de soin, d'application dans l'exécution d'une tâche »

« Manque d'attention, de vigilance à l'égard de choses, d'événements »

Dans la littérature, elles sont décrites comme un manque de satisfaction des besoins élémentaires de la personnes âgée, comme l'alimentation, l'hydratation, la toilette, l'habillage ou l'administration de traitements et de soins. Sont également considérées comme négligences

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l'abandon de la personne âgée et le manque d'affection. Ces négligences peuvent avoir des répercussions graves sur la santé des personnes âgées, que nous détaillerons plus loin.

Nous avons volontairement exclu « l’autonégligence » du cadre de notre recherche car cette dernière présente des caractéristiques et une prise en charge spécifiques qui lui sont propres, tout comme le syndrome de Diogène, qui associe une tendance à l’accumulation d’objets, une négligence de l’hygiène corporelle et domestique et bien souvent un isolement social marqué. Ces troubles ne sont pas répertoriés dans les classifications des différents types de maltraitances que l’on retrouve dans la littérature.

7- Violation des droits fondamentaux

Les personnes âgées, comme n'importe quel autre citoyen, ont le droit au respect de leur dignité́ et de leur liberté́ de choix. L'article 16 du code civil affirme que « la primauté́ de la personne, interdit toute atteinte à la dignité́ de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ». [14]

La loi Kouchner du 4 Mars 2002 renforce l'obligation pour les professionnels de santé́ de respecter la volonté́ et le choix des patients et instaure le concept de personne de confiance, désignée par le patient. Cette personne prend les décisions relatives à la santé d’un individu s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté́. [15]

La charte des Droits et des Libertés de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance, créée en 1997 par la Fondation Nationale de Gérontologie, rappelle les droits élémentaires de la personne âgée vulnérable, qui doivent être respectés par l'ensemble des professionnels de la santé et toute la société́. Cette charte est disponible sur le site du Ministère des Solidarités et de la Santé. (Voir Annexe 3, p 195)

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Lorsque ces droits élémentaires sont violés, la personne âgée est donc victime d'une forme de maltraitance.

A titre d’exemples, nous pouvons citer :

- L’institutionnalisation forcée

- L’enfermement, la contention physique non justifiée

- La privation de contacts avec la famille, les amis

- L’interdiction de voter, de participer à une action culturelle, de pratiquer sa religion.