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I. PREMIERE PARTIE : Maltraitances des personnes âgées au domicile

7. STRATEGIES DE PREVENTION ET DE LUTTE CONTRE LA MALTRAITANCE

7.6 Promotion de la culture de bientraitance

Depuis les années 2000, l'Etat tente de mettre en place une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les maltraitances des personnes âgées en s'appuyant sur certaines lois et plans d'action. Parallèlement, on assiste à l'émergence de la culture de la bientraitance, qui vise à assurer le bien-être de l'usager, au-delà̀ des simples soins médicaux, dans le respect de ses droits et de ses choix personnels.

7.6.1 L’opération pouponnière

Le concept de bien-traitance naît en France à la fin des années 70, suite à l’« opération pouponnière » pilotée par Simone Veil, alors ministre chargée des affaires sociales. [47] Cette intervention part du constat que les enfants accueillis dans les pouponnières souffrent d'une grande détresse psychique, malgré́ un confort matériel. Les professionnels de la petite enfance se sont donc lancés dans une recherche active de moyens permettant d'assurer une continuité́ dans le développement de l'enfant, en l'aidant à construire son identité́, tout en respectant son histoire de vie et sa singularité́. Le trait d'union alors utilisé pour le terme bien-traitance correspondait à l'union entre tous les professionnels impliqués dans la prise en charge de ces enfants. Cette opération a ainsi permis d'humaniser les structures accueillant ces enfants.

70 7.6.2 Origines de la bientraitance

Plusieurs concepts ont contribué́ à la construction de la notion de bientraitance. Ils sont précisés dans les recommandations professionnelles de l’ANESM de 2008 [47] :

- Ainsi, dès 1979, le rapport Belmont mentionne le concept de Bienfaisance, considéré́ comme l'un des trois principes éthiques fondamentaux de la recherche médicale. Il correspond à l'obligation pour les chercheurs de ne pas faire de tort, de maximiser les bénéfices tout en en minimisant les dommages possibles pour les sujets humains, dans le cadre d’une recherche scientifique.

- La Bienveillance correspond à l'intention positive des professionnels avec le souci de faire du bien à l'autre.

- Donald Winicott, pédopsychiatre, parle lui de « mère suffisamment bonne » pour désigner la capacité d'adaptation de la mère à un enfant donné, à un instant donné. - La sollicitude, développée par le philosophe Paul Ricoeur, est une attitude visant à

rétablir un équilibre dans une relation dissymétrique avec une personne considérée plus faible et fragile, dans l'optique d'instaurer une relation respectueuse de l’autre. - Le « Care » ou « prendre soin » est un concept développé́ dans des études

anglosaxonnes puis francophones, qui renvoie à la capacité à s'adapter aux besoins singuliers d'une personne, à un instant donné afin de lui apporter une réponse personnalisée

- Enfin, Axel Honneth, philosophe et sociologue allemand, a développé́ une réflexion sur la reconnaissance sociale. Il explique l'importance d'être considéré́ positivement par le corps social, par l'intermédiaire de l'attention affective, un accès égal aux droits et l'estime sociale, afin d'avoir une bonne image de soi et développer toutes ses capacités. Cette réflexion fait écho à la nécessité́ de changer le regard négatif porté sur

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les personnes âgées, afin d'éviter leur exclusion sociale et leur marginalisation, qui favorisent probablement les comportements maltraitants.

7.6.3 L’Agence Nationale de l'évaluation et de la qualité́ des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)

L'ANESM est une agence nationale créée en 2007 par la loi de financement de la sécurité́ sociale, succédant au Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale. Ses objectifs sont d'élaborer des guides de bonne pratiques professionnelles destinés aux personnels des établissements et services accueillant des personnes âgées, handicapées ou mineurs, d'aider au contrôle de la qualité́ de leurs prestations et permettre leur évaluation externe tous les 5 ans par un organisme extérieur, habilité par l’agence. [47]

Par ailleurs, l'agence assure le développement et la diffusion de la culture de bientraitance au sein des établissements accueillant des personnes âgées, tels les EHPAD ou les résidences autonomie.

Depuis le 1er Avril 2018, l'ANESM collabore avec la HAS pour l'élaboration et la diffusion de ses recommandations de bonnes pratiques.

L'ANESM propose la définition suivante de la bientraitance [47] : il s'agit d'une « culture qui vise à promouvoir le bien-être de l'usager, en gardant à l'esprit le risque de maltraitance ». C'est une recherche continue de la personnalisation et de l'individualisation de la prestation, en respectant les droits et l'autonomie des personnes âgées. La bientraitance est une « manière d'être, de dire et d’agir », dans le respect des choix du patient et de ses refus.

Afin d'assurer le bien-être de la personne âgée, nous devons remettre en cause et questionner en permanence nos pratiques, que ce soit en tant que médecin généraliste en ville ou dans un

72 EHPAD.

Cette définition de la bientraitance s'inscrit dans le cadre des établissements accueillant des personnes âgées (EHPAD, résidences autonomie, UHR...) mais pourrait également s'étendre à la prise en charge au domicile.

7.6.4 Plan de développement de la Bientraitance et renforcement de la lutte contre la maltraitance

Le 14 Mars 2007, le ministère délégué́ à la sécurité́ sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille a élaboré́ dix mesures concrètes, visant à promouvoir la bientraitance et renforcer les mesures déjà̀ existantes de lutte contre la maltraitance [48] :

- Création de l'ANESM

- Démarche d'amélioration de la qualité́ des prestations dans les établissements d'accueil des personnes âgées, avec mise en place d'auto-évaluations obligatoires et de contrôles externes tous les 5 ans.

- Diffusion de guides de bonnes pratiques, formation et soutien psychologique des soignants

- Augmentation des effectifs dans les établissements accueillant des personnes âgées - Amélioration du cadre de vie des résidents

Ces cinq premières mesures visent à développer et renforcer la bientraitance dans les établissements accueillant des personnes âgées, mais d'autres mesures ont été́ mises en application afin de lutter plus efficacement contre la maltraitance, y compris au domicile :

- Faciliter le signalement des cas de maltraitance, par l'extension des antennes d'écoute locales du réseau ALMA et une campagne d'information du grand public pour mieux

73 faire connaître le numéro d'appel national

- La désignation d'un « correspondant maltraitances » dans chaque DDASS, ayant pour

rôle de conseiller et informer les personnes déclarant un cas de maltraitance et coordonner les suites des déclarations de plainte. Il s'assure également de la cohésion des actions de lutte contre la maltraitance à l'échelle locale.

- L'augmentation des inspections des établissements par les inspecteurs des affaires sanitaires et sociales et les médecins inspecteurs de santé publique

- Veiller à l’application des sanctions et renforcer le suivi des contrôles

- Extension des compétences du Comité National de vigilance aux personnes

handicapées