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La typologie des emprunts

CHAPITRE 2. L’EMPRUNT LEXICAL ET LE FRANÇAIS AU MAGHREB

2.1. Le contact des langues dans les pays du Maghreb

2.1.3. La typologie des emprunts

On peut parler d’emprunt quand « un signe s’installe dans un système linguistique en étant emprunté à un autre, sans subir de modifications formelles.» (F. Gaudin et L. Guespin, 2000: 295). L’emprunt est, pour Gaudin et Guespin, «constitué par une dénomination exogène, un xénisme, qui est présent dans le lexique français.» Pour qu’un terme emprunté s’implante dans une langue, il convient de distinguer plusieurs phases. Lorsque le terme réfère à des lieux existant au Maghreb et pas en France ou lorsqu’il désigne une réalité socio-économique non française : c’est un xénisme. Il est certes utilisé mais renvoie à une réalité non française. L’emprunt, selon L. Deroy, est la phase ultérieure, celle de l’adoption véritable par la généralisation et l’intégration au point où le terme n’est plus perçu comme terme étranger.

L’identification d’un maghrébisme, ou particularité du français au Maghreb par comparaison avec le français de référence, s’est faite donc à partir principalement d’un élément important : la forme. L’examen des particularités permet de distinguer deux formes de lexies: lexies à forme française et lexies à forme non française. Sous la première catégorie se regroupent toutes les particularités d’origine gallo-romane qui font partie du fonds lexical du français et dans la seconde toutes les lexies autres que

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celles citées. Ces lexies sont constituées d’emprunts aux langues locales. L’emprunt dans les inventaires lexicaux au Maghreb se signale de diverses manières:

1) A l’écrit : par des signes typographiques (des guillemets, caractères gras ou italiques, parenthèses, crochets) ou par une note explicative en bas de page pour les romans ou mise entre parenthèses ou en apposition après le mot.

Nous illustrons cette caractéristique présente dans ces quatre lexiques maghrébins.

Algérie

J’étais en train de faire «eddars» (le prêche), j’ai vu un homme entrer avec un sachet. (Liberté, 10-11/10/1997).

Maroc

De toute façon, que l’initiative vienne de l’épouse ou du mari, c’est toujours la femme qui se rend chez le ‘attar (l’herboriste) pour acheter une substance aphrodisiaque et qui cuisine le plat. (Naamane-Guessous, 1995 : 235).

Mauritanie

Ainsi se composait ce qu’on appelait un goum, littéralement une levée, du même mot que le Christ utilisa pour la jeune fille morte, « epheta koumi ». (Féral, 1983 : 127).

Tunisie

J’ai vu dans les décombres mon kadroun [genre de gandoura aux manches brodées, généralement tissée en laine de mouton blanche ou noire] de laine pourpre. (Ghachem, 1989 : 99).

2) A l’oral : par une traduction ou une périphrase équivalente. Algérie

Les douaniers ont saisi cinq kilos de chira chanvre indien. (Canal Algérie). Maroc :

La brigade anti-stup a arrêté plusieurs revendeurs de chit haschich. (Radio Télévision marocaine, 14/04/1995).

36 2.1.3.1. Les formes des emprunts

Pour les différents emprunts résultant des échanges inter systémiques propres au marché linguistique maghrébin le linguiste A. Allati (1995 : 154) distingue deux types :

a) Formes simples

L’emprunt (arabe et / ou berbère) est pris tel quel : sans signe particulier mais surtout sans modification des structures morphologiques.

Algérie

Ces veillées durent jusqu’à l’heure de l’imsak. (El Moudjahid, 15 /06/1984). Cela, outre la popularité dont il jouit auprès des partisans de la réhabilitation de tamazigh. (L’Authentique, 12/03/1997).

Maroc

Les propos de cette harka étaient soigneusement choisis. (Lamalif, 9 : 1981). Ces entrelacs et ces lignes évoquaient irrésistiblement l’alphabet tifinagh. (Khair-Eddine, 112 : 1984).

Mauritanie

Une jeune fille en melehfa sert un thé marocain. Départ pour une visite guidée de la ville. (Le Calame, 12/07/ 1993).

Tunisie

Ils invitent les fidèles à participer à la prière de l’istisqà implorant la miséricorde de Dieu Très Haut pour qu’il attire sur les régions du pays souffrant de la sécheresse, des pluies bienfaisantes. (La Presse, 17/10/ 1994).

b) Formes complexes

- Formes arabes à structures morphologiques complexes. Algérie

La pluie tombe plus fort. Dieu a exaucé des enfants de l’Algérie. Al Hamdou – Lillah ! (El Moudjahid, 25/11/1995).

Maroc

Nos vœux déférents vont à S. M. Hassan II, Amir Al Mouminine aux pèlerins. (Libération, 22/04/ 1994).

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Les puisatiers gagnent 7,50 f et, pour le seul Trarza, les nomades ont versé un million au Beït-el-Mal en 1932. (Puigaudeau, 1936/1992 : 108).

Tunisie

Leurs familles se sont vu remettre des paquets de denrées alimentaires à l’occasion, de l’aïd el fitr. (Le Renouveau, 19/02/ 1995).

2.1.3.2. Les transformations des emprunts

Il arrive aussi à l’emprunt, arabisme pour notre cas, de subir des transformations conformes au système d’accueil telles ces formes construites à partir des radicaux arabes.

- algérianismes

La ténacité de l’intégrisme dans son entreprise de hidjabiser la femme, d’en faire une alliée dans l’œuvre de destruction culturelle renforce sa combativité. (L’Hebdo. Libéré, 161, 27/04/ - 03/05/1994).

- marocanismes

Prenant appui sur un petit établi, armé d'un lourd marteau, le zelligeur taille ses pièces en un mouvement régulier. (L'Opinion, 6/5/92).

Ces journées visent l’établissement d’un diagnostic sur la situation actuelle de l’arganeraie nationale. (Le Matin du Sahara, 8/10/1995).

- mauritanisme

Le noyau du Tidjanisme Maure se trouve au Tagant dans la tribu des Idaaouli. (Marchesin, 1986 : 58).

- tunisisme

-Si seulement nos jeunes ne perdaient pas leur temps à traîner dans les rues et à biznesser tout le jour! (Tunis Hebdo, 5/8/00).

Le recensement de ces variantes lexicales a mis au jour des mots voyageurs qui s’étendent ou débordent l’espace maghrébin en réapparaissant dans le français de référence où les dictionnaires de langue comme Robert, Larousse et bien d’autres les

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ont adoptés et ce depuis fort longtemps par exemple6 bled, caïd, fellagha, gourbi, harki, imam, oued, zouave …

- Bled n.m.

1. En Afrique du Nord, intérieur des terres, campagne.

2. (1951) fam. Lieu, village éloigné, isolé, offrant peu de ressources. - Caïd n.m.

1. En Afrique du Nord, fonctionnaire musulman qui cumule les attributions de juge, d’administrateur, de chef de police.

2. fam. Chef de bande. Personnage considérable dans son milieu. - Fellaga ou fellagha n.m.

Partisan du soulèvement contre l’autorité française pour obtenir l’indépendance de son pays pendant l’époque coloniale en Afrique du Nord.

- Gourbi

1. Habitation rudimentaire en Afrique du Nord. cabane, hutte. 2. Par ext. Milit. Abri de tranchée ( cagna).

3. Fam. Habitation misérable et sale cambuse, taudis. - Zouave n.m.

1. Anciennement Soldat algérien d’un corps d’infanterie légère indigène formé en 1830.

Par anal. Zouave pontifical : membre de la garde du pape.

2. (1886) Fam. Faire le zouave, le malin, crâner; par ext. faire le pitre, le guignol; perdre son temps.