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Le basilecte des élèves arabisants

CHAPITRE 4. LES VARIETES DE FRANÇAIS AU MAGHREB

4.2.2. Les variétés de français au Maroc

4.3.1.2. Le basilecte des élèves arabisants

Cette variété intermédiaire, d’après B. Ould Zein, entre le basilecte et le mésolecte est parlée par une population constituée d’arabisants. Il s’agit des élèves et étudiants qui ont choisi l’option arabisée du système éducatif mauritanien pour qui le français était enseigné comme première langue étrangère. Ces derniers ont suivi ce cursus puis l’ont interrompu en cours de route pour des raisons diverses. La variété en question relève, pour Pierre Dumont, de l’interlangue au double point de vue « psycholinguistique (par le recours aux règles de la langue maternelle) et linguistique (les productions sont dans ce cas jugées défaillantes).» (in B. Ould Zein et al., 1997 : 55).

Le linguiste mauritanien voit en elle une variété de français en extension et l’attribue aux «orientations et faiblesses du système éducatif qui voit s’accroître le nombre d’arabisants ayant une connaissance très réduite du français.» (1997 : 55).

Pour attester ce qu’il dit, ce linguiste cite Ould Cheikh : «depuis que l’arabe a été proclamé langue nationale et officielle, on constate un net recul de la langue de Molière et une altération sensible de son usage. Les Mauritaniens prennent de plus en plus de liberté avec cette langue. A l’oral, les locuteurs s’expriment en « petit nègre » à la radio, à la télévision, dans les bureaux et dans la rue, sans la moindre gêne.» (1997 : 55). C’est le français utilisé par les jeunes d’aujourd’hui dans les situations langagières qui se présentent à eux.

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Elle concerne les locuteurs ayant suivi un cursus scolaire assez long durant lequel une place importante a été accordée au français. Ce sont des personnes qui ont effectué leurs études avant l’arabisation de l’enseignement dans le pays ou des jeunes appartenant à la communauté négro-mauritanienne qui ont suivi les études dans la filière bilingue.

Cette variété de français fonctionne selon certains linguistes comme une norme endogène qu’ils s’efforcent de décrire en se limitant à sa dimension lexicale.

4.3.3. La variété acrolectale

Conforme en tout point au français de France, cette variété de français reste, en situation formelle, l’apanage d’un nombre très réduit de locuteurs, représenté par des hauts cadres du pays, formés dans les universités françaises. Si les locuteurs de cette variété tentent de se conformer au phonétisme des natifs, ils sont de suite pris, par le reste de la population, pour des aliénés à la culture française.

L’usage de cette variété est très limité car les locuteurs lui préfèrent la variété mésolectale moins marquée socialement.

4.3.4. L’alternance codique

L’alternance codique en Mauritanie fait succéder des énoncés en français et en langues nationales, (la hassaniya ou les langues négro-mauritaniennes), l’expression du bilinguisme se fait donc par ce mélange de langues en présence dans le paysage linguistique avec le français. L’alternance est facilitée par les interférences du français dans les langues locales, au niveau lexical s’entend. S.O. Diagana note que « toutes les langues locales ont subi et continuent de subir l’influence du français. On en veut pour preuves les multiples mots d’emprunt français que l’on retrouve en soninké, en pulaar, et en wolof ou en hassaniyya ; et ce dans les divers domaines de la vie. […] Chacune des langues locales, en empruntant les mots français, les adapte à ses propres règles phonétiques, syllabiques, morphosyntaxiques ou sémantiques.» (B. Ould Zein, 1997 : 57).

Le discours métissé est naturel pour un locuteur bilingue mauritanien. Le français est donc réservé aux termes techniques et à tout ce qui reste étranger à la réalité de ce pays.

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4.4. Tunisie

En Tunisie l’utilisation du français a des particularités que Naffati se représente selon un double continuum :

a) Continuum intralinguistique

Il renferme une variété haute, l’acrolecte, proche du français de la Métropole et produit par les bilingues dits occidentalisés, le mésolecte, variété médiane utilisée essentiellement par les bilingues de la classe moyenne (variété qui s’érige à l’écrit en norme locale selon l’auteur) et le basilecte, variété basse, parlé par ceux qui ont appris des notions élémentaires du français.

b) Continuum interlinguistique

Il est à l’origine de la formation des mélanges arabe / français. Le champ d’emploi de ces variétés varie selon les spécialistes en fonction des codes : écrit et oral. A l’oral, l’expression passe du français basilectal à l’acrolectal sans omettre aucunement le mésolectal et l’alternance codique arabe / français.

A l’écrit, le mésolecte et l’acrolecte dominent. Dans ce paysage linguistique toutes les variétés excepté l’acrolecte, subissent l’influence de l’arabe dialectal, langue du substrat ; cette influence peut être positive quand elle facilite l’apprentissage du français dans le contexte scolaire mais négative par des interférences.

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En Tunisie, tout comme pour les autres pays du Maghreb, les trois grandes variétés traditionnelles du français sont en présence dans le marché linguistique local, plus l’alternance codique.

4.4.1. La variété basilectale

Sous cette variété, sont rangées les variétés du français instables, propres à des locuteurs ayant appris le français sur le tas ou victime d’une scolarité interrompue très tôt.

Derbal définit parfaitement dans sa thèse ce français des analphabètes adultes et Naffati reprend dans son ouvrage certaines analyses de trois niveaux différents :

a) Aux niveaux phonologique et phonétique, on relève des erreurs interférentielles conséquemment à l’apprentissage d’un français auditivement qui a engendré une mauvaise perception de certains phonèmes. A titre d’exemple, la confusion de voyelles nasales inexistantes en arabe peut aller selon l’auteur jusqu’à l’erreur sémantique.47

b) Au niveau morphosyntaxique, le basilecte se caractérise aux yeux des linguistes à la fois par l’interférence avec le substrat et par la simplification des structures, telle l’absence du pronom personnel sujet dans les exemples de ce type : (je) dis la vérité à cause de la famille. (H.Naffati et al, 2004 : 76).

c) Au niveau lexical, le basilecte se singularise par la pauvreté relative du vocabulaire, la présence de calques sémantiques de l’arabe, les nombreuses confusions avec la langue du substrat.

4.4.2. La variété mésolectale

Elle concerne des locuteurs qui ont suivi un cursus scolaire long et qui ont continué à la pratiquer après leur scolarité dans leur vie professionnelle ou autre. La norme endogène est identifiée par les usagers de cette variété. A l’oral, certaines caractéristiques de cette variété de français sont perceptibles par les spécialistes:

a) Du point de vue phonétique

Au niveau vocalique, ce qui revient le plus c’est la réalisation du r, [r] pour le discours masculin et [R] pour le discours féminin. Ces deux points, à eux seuls, font l’objet, selon Caubet, de motivations extra-linguistiques qui font que le locuteur

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tunisien, tout comme d’ailleurs le locuteur maghrébin, se comporte différemment selon qu’il est avec un de ses compatriotes ou un étranger.

b) Du point de vue morphosyntaxique

Des spécificités de ce français mésolectal sont observables mais elles restent, de toutes façons, peu nombreuses. Par exemple, H. Naffati relève une incertitude sur l’emploi des prépositions qui dépendent du verbe (ex. se borner sur). (2004 :79).

c) Du point de vue lexical

Ce français affirme sa spécificité par rapport au français de référence. C’est par ses apports lexicaux, les tunisismes, qu’il constitue une norme endogène du français. Il révèle une créativité unique qui nécessite une recherche analysant de suite les ressources lexicologiques du français tunisien.

C’est pour décrire ce lexique que des travaux de recherches ont été initiés, et qui ont abouti à la réalisation de l’inventaire des particularités lexicales du français utilisé en Tunisie.

4.4.3. La variété acrolectale

Elle est l’apanage d’un nombre limité de locuteurs de niveau élevé représentant l’élite sociale. Cette variété adopte le français de référence comme norme. Elle est utilisée à l’écrit dans « les documents officiels, professionnels ou techniques mais aussi dans la presse pour les rubriques « nobles ». ( H. Naffati et A. Queffélec, 2004 : 80).

A l’oral, Queffélec cité dans H. Naffati, est convaincu que l’acrolectal « n’est plus employé qu’en situation formelle dans des circonstances limitées, impliquant souvent la présence de partenaires francophones étrangers (discours de bienvenue, discussions de travail, conférences académiques, etc. » ; son usage est surtout théorique. (2004 : 80).

4.4.4. L’alternance codique

Considérée comme une référence sur le sujet, la thèse de Foued Laroussi (1991) reprise par H. Naffati, lors de la description du français en Tunisie, a mis au jour trois types d’alternance de codes en Tunisie: