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CHAPITRE 3. LES LANGUES EN PRESENCE AU MAGHREB ET LEURS

3.1. Algérie

3.1.4. Status et corpus

3.1.5.1. Le corpus

3.1.5.1.1. Appropriation linguistique : acquisition et apprentissage

Le français est essentiellement appris à l’école vers l’âge de 9 ans, dès la 4e

année fondamentale ou, depuis 2004 la deuxième année et la troisième année aujourd'hui. L’appropriation ne relève pas seulement d’un apprentissage pendant le cours de français. Nous y ajouterons une acquisition en dehors de toute situation scolaire, dans des situations d’exposition très variables. Selon les milieux sociaux et géographiques et dans des villes comme par exemple Alger, Oran, Constantine et Annaba, les possibilités d’acquisition du français sont plus grandes que dans des villes plus petites telles Biskra, Batna, etc. lesquelles villes sont dans des situations bien meilleures que les villages ou le monde rural où l’acquisition de cette langue ne se réalise pas souvent dans les conditions suffisantes pour permettre aux enfants algériens de l’apprendre comme peuvent le faire leurs semblables résidant dans les villes.

En ce qui concerne l’arabe standard son apprentissage se fait dès la première année à l’école primaire en tant que langue et comme médium des disciplines figurant dans le système éducatif algérien. Peu d’enfants l’apprennent avec les parents à l’inverse de l’arabe dialectal et /ou du berbère dont l’acquisition en tant que langues maternelles se fait en dehors de l’institution scolaire.

Quant à l’anglais, il est enseigné depuis 2004 à partir de la première année moyenne, à raison de trois heures hebdomadaires et relève surtout d’un apprentissage similaire à celui de la langue française.

3.1.5.1.2. Vernacularisation et véhicularisation Arabe dialectal et berbère

L’appropriation des langues vernaculaires, l’arabe dialectal et berbère ou tamazight «concerne respectivement 80% et 20% de la population et se réalise dans une situation de plurilinguisme» où les idiomes en présence «entretiennent des relations d’interdépendance, d’interférence et de complémentarité. » (Y. Derradji in A.Queffélec et al., 2002, 86).

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Il convient de faire remarquer que les berbérophones natifs acquièrent, pour une grande partie, l’arabe dialectal en raison de sa présence dans la plupart des interactions verbales. Par contre, les arabophones natifs acquièrent le berbère uniquement pour s’insérer dans le groupe, la famille, l'usine, l'équipe,…Seulement 2 % de la population algérienne, estime H.H. Mostari (2004 : 77), acquiert le français comme première langue alors que beaucoup d’autres Algériens placés dans un environnement marqué par la langue française plus ou moins parfaitement se l’approprient en même temps que leur langue maternelle, arabe dialectal ou tamazigh. L’appropriation du français en plus d’une ou des deux langues parlées dans le pays, correspond à la situation que rencontre l’enfant avant sa scolarisation.

En conclusion, Y. Derradji dans A.Queffélec inscrit cette appropriation du français dans « une hétérogénéité simple, naturelle, particulière au plurilinguisme algérien ; induite par les événements historiques spécifiques au pays, elle correspond à la situation que rencontre naturellement l’enfant algérien dans sa socialisation linguistique. » (2002, 86).

Scolarisé, cet enfant se trouve confronté à l’apprentissage d’une troisième langue et parfois d’une quatrième langue absente de son environnement immédiat. L’ordre initialement posé de langues l’une à côté de l’autre, chez l’enfant, va être perturbée par l’arrivée d’autres langues comme l’arabe standard avec un statut que d’aucuns trouvent fortement coercitif et l’anglais, à la demande des parents et à la place du français, au niveau de l’institution scolaire. On peut avec Y. Derradji parler de juxtaposition de langues pour l’enfant algérien ou d’une addition de langues à statuts différents que l’enfant découvre précocement.

Dans sa recherche Y. Derradji (2002 : 87) illustre la situation linguistique de l’enfant algérien avant et après sa scolarisation qui débute à l’âge de six ans:

a)

Langue maternelle Langue 2 Langue 3 arabe dialectal français arabe standard

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Berbère arabe dialectal français arabe standard

Après quelques années de sa scolarisation : b)

Langue maternelle Langue 2 Langue 3 Langue 4

arabe dialectal français arabe standard anglais

Langue

maternelle Langue 2 Langue 3 Langue 4 Langue 5

Berbère arabe

dialectal français

arabe

standard anglais

Cette situation linguistique soumet donc l’enfant, selon l’auteur de cette répartition linguistique, à une socialisation linguistique double dont la première est à la fois familiale, culturelle, naturelle et la seconde institutionnelle.

3.1.5.1.3. Apprentissage

En 1999, la population scolarisée âgée de 6 ans à 15 ans était estimée à 89,98%38 taux d'une classe d'âge qui passe pour être parmi les plus importants d’Afrique. En 2003, le Conseil des Ministres approuve un projet de loi proposé par la Commission Nationale de la Réforme du Système Educatif instituant l’introduction du français dès la deuxième année du cycle primaire et l’anglais dès la première année du cycle moyen. Ce texte de loi connaîtra un léger réaménagement quelques temps après, et ce en introduisant le français à partir de la 3e année sur les cinq années que compte le cycle primaire. (H.H. Mostari, 2004 : 315).

En revanche, l’apprentissage du français est du type institutionnel, « assuré surtout par des structures éducatives scolaires et universitaires». (Y. Derradji in A.Queffélec et al., 2002 : 88). On relève aussi, l’apprentissage du type informel assuré par les médias francophones, la famille…

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Statistiques dans Mostari Hind Hamel, (2004). La Grille LAFDEF 2004 : mode d’emploi. Algérie. in Situations linguistiques de la francophonie. Etat des lieux, Réseau Observation du français et des langues nationales, A.U.F.,p. 314.

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Avant l’application de la dernière réforme du système éducatif algérien, le pourcentage de la population scolarisable qui suivait un cycle primaire plus un cycle moyen de 3 ans et enfin un cycle secondaire de 3 ans, était estimé à 62,5%. (H.H. Mostari, 2004 : 315). Les efforts entrepris par l'Etat en matière d'éducation ont permis une amélioration des conditions de scolarisation. Ainsi un taux de scolarisation record a été enregistré pour la tranche d'âge 6-15 ans : de 74% en 2000 à 95,68%39 en 2009/ 2010. Nous remarquons donc un taux important par rapport aux capacités d’accueil inhérentes à l’institution scolaire algérienne contrainte à un perpétuel développement de ses capacités en construisant de plus en plus d’établissements. A titre indicatif, dans son bilan annuel la Présidence de la République, nous apprend que pour la rentrée scolaire de septembre 2010, « le parc infrastructurel du secteur de l'éducation comprendra : 24.765 établissements scolaires, dont 17.952 écoles primaires, 4.961 collèges d'enseignement moyen et 1.852 lycées. Ces infrastructures sont appelées à accueillir un effectif global de 8.176.700 élèves, enregistrant ainsi une croissance de 2,71%, tous cycles confondus. » (Algerieinfo/national)

3.1.5.1.4. Compétence linguistique

Il est de règle d’évaluer la compétence linguistique du sujet parlant le français, langue seconde, par « les déductions que l’on peut tirer des modes d’enseignement de cette langue ou des données statistiques concernant les sujets scolarisés qui ont suivi un enseignement de français de n années. » (Y. Derradji in A.Queffélec et al., 2002 : 96). Dans le cas du contexte plurilingue algérien, la notion de compétence linguistique en français s’appuiera obligatoirement « sur une évaluation des niveaux possibles que l’on rencontre respectivement dans chaque champ linguistique. » (Y. Derradji in A.Queffélec et al., 96-97). L’enseignement de cette langue a depuis 1962 été, comme le perçoit Y. Derradji, altéré par l’histoire coloniale ; les séquelles ne se sont pas entièrement estompées. Nous y ajoutons la non prise en compte dans l’enseignement du français des « aptitudes de compétences de communication en langue maternelle du sujet parlant. » (2002 : 96-97).

Pour surmonter ces difficultés, il nous restait qu’à rejoindre Y. Derradji pour tenter de résoudre à bien le problème de la notion de compétence en s’interrogeant sur

39Audiences du Président 2010, (Présidence-Education nationale-Evaluation), Algerieinfo/national mardi 07 septembre 2010.

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« l’efficience d’une compétence linguistique en L2 (le français) … qui ne permet pas la réalisation d’une interaction langagière entre deux actants sociaux (…) et sur la qualité communicative des « contenus » des divers niveaux dégagés… » (2002 : 96-97). Dégagé un niveau linguistique sur le seul fait du nombre d’années de scolarité reste insuffisant, d’autres compétences peuvent s’y insérer. Les compétences idéologiques et culturelles conjuguées à la compétence linguistique constituent comme le reconnaît Y. Derradji «l’environnement social contraignant dans lequel le locuteur est amené à produire / recevoir un discours.» (2002 : 96-97).

Hind Hamel Mostari (2004) a proposé dans son article une répartition en trois niveaux de compétence des sujets parlants algériens, tandis que Y. Derradji en a, pour sa part, dans sa recherche opté pour une répartition en cinq niveaux de compétence. Pour notre part, nous avons fixé notre choix sur la répartition en cinq niveaux de compétence, ce choix s’explique par le fait que l’auteur de cette répartition a tenu compte et dans les détails les plus infimes de toutes les franges de la population algérienne. Les cinq niveaux adoptés par Y. Derradji (2002 : 97-98), que nous résumons pour cette recherche, se répartissent comme suit :

Niveau 0 Locuteur non francophone, il est ainsi monolingue arabophone

Niveau 1

Après avoir suivi 3 ans d’enseignement, le locuteur est capable de lire plus ou moins convenablement un texte, de le comprendre sommairement et de s’exprimer de manière très élémentaire

Niveau 2

Un locuteur ayant suivi 6 ans d’enseignement est en principe apte à lire des livres, à rédiger de courts textes et à s’exprimer convenablement. Niveau 3 Un locuteur en fin de cycle secondaire est prêt à poursuivre des études

supérieures essentiellement en langue française

Niveau 4

Concerne un locuteur algérien de plus 60 ans d’âge. Il a suivi des études supérieures dispensées uniquement en langue française. Il a surtout été formé dans le système éducatif colonial.

.

3.1.5.1.5. Production langagière

En Algérie, Y. Derradji remarque que « les productions langagières sont dominées par la prééminence de l’arabe dialectal sur les autres langues, l’utilisation du français dans une production langagière s’inscrit dans deux contextes d’emploi bien définis : si

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l’exercice d’une profession et les stratégies langagières du sujet parlant surimposent l’usage du français, la production langagière en français est alors très forte. Elle est très faible lorsque les contraintes situationnelles (institutionnelles et individuelles) laissent le terrain libre à la variété linguistique dominante (arabe et / ou tamazight).» (2002 : 100).

Les productions langagières des langues en présence par un sujet parlant sont donc sujettes à des contraintes situationnelles, institutionnelles, professionnelles et individuelles à telle enseigne que les locuteurs bilingues dans ce pays alternent entre l’arabe algérien (ou le berbère) et le français à des degrés divers.

Pour H.H. Mostari (2004 : 315) le berbère ou tamazight langue de 17,5% de la population est plus ou moins utilisé dans les contextes privés comme les échanges entre membres de la même famille ou originaires du même village.

Quant à l’arabe dialectal, variété linguistique dominante ou langue véhiculaire principale, est utilisé dans tous les échanges quotidiens. Cette variété d’arabe prédomine à l’oral et est la variété de la «communication et d’intercompréhension» des sujets parlants algériens reconnaît Y. Derradji. (2002 : 103).

L’utilisation du français dans une production langagière s’inscrit pour Y. Derradji (2002 : 100) dans deux contextes d’emploi clairement définis : forte dans le cadre professionnel et très faible lorsque des contraintes situationnelles imposent l’une des variétés linguistiques dominantes (arabe dialectal et /ou berbère).

3.1.5.1.6. L’anglais

L’anglais qui jouit du statut de 2ème langue étrangère après le français a toute sa place dans le système éducatif algérien. Il bénéficie aussi dans la population algérienne de sa réputation de langue des sciences et des techniques. L’exposition et la production en langue anglaise se réduisent surtout au cadre scolaire et universitaire. A l’université, le contact avec cette langue est le plus souvent un choix d’étudiants. Enfin, les productions langagières en anglais sont très fortes dans l’exercice d’une profession.

3.2. Maroc

Comme en Algérie, plusieurs variétés linguistiques sont présentes sur le marché linguistique marocain. Nous avons d'une part les langues locales représentées par le berbère ou tamazight et ses variétés dialectales (tarifite en usage dans la région du

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nord-est, tamazight utilisé dans la région centrale du pays et le tachelhite employé dans le sud-ouest) et l’arabe sous ses formes classique et moderne et enfin, l’arabe dialectal avec ses différents parlers régionaux.

Nous ajouterons à ces idiomes locaux les langues étrangères : l’anglais, langue de la technologie, de la finance et de l’économie, et l’espagnol, le français, présents depuis la colonisation.