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Les emprunts aux langues locales

CHAPITRE 1. LES PARTICULARITES LEXEMATIQUES DANS LE

1.2. Les emprunts aux langues locales

Tout commence par l’emploi d’un mot d’une des langues locales dans le système linguistique français; ensuite s'impose la nécessité à lui appliquer toutes les ressources propres à la langue d’accueil.

Le français au Maghreb s’enrichit au contact des réalités exprimées par les langues locales l’arabe, le berbère, la hassaniya et les langues nationales mauritaniennes auxquelles il emprunte les lexies qui lui sont nécessaires. Les emprunts au berbère et aux langues négro-mauritaniennes dans les pays maghrébins sont peu nombreux; par contre, les emprunts à l’arabe abondent dans le discours des sujets parlants, tant à l’écrit qu’à l’oral. Ces pays connaissent tous les problèmes de

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variétés de langue arabe, il n’a pas toujours été aisé pour les descripteurs maghrébins de déterminer avec exactitude la variété d’arabe prêteuse.

Ces emprunts se caractérisent soit par :

- La réalité socioculturelle de chaque pays qu’ils dénotent. Cette réalité est ignorée complètement des locuteurs natifs de français de France et méconnue des locuteurs des autres pays maghrébins voisins.

- La nuance sémantique que renferme en son sein un emprunt resté inconnu pour des termes communs, de prime abord, à toute la communauté maghrébine.

- Les emprunts pouvant recevoir à priori un équivalent en français, celui-ci est souvent, « peu précis » voire même «ambigu».

Dans le cas du Maghreb, le français tel qu’il est utilisé présentement s’est enrichi des idiomes locaux au point où les locuteurs intègrent de nombreux mots arabes ou autres pour « exprimer et dénoter un vécu ou une réalité qui ne peuvent pas être désignés par une lexie appartenant originellement à la langue française. » (Y. Derradji in A. Queffélec et al. 2002 : 133). Notons que l’emprunt lexical aux langues concurrentes dans le contexte maghrébin se fait:

-A l’arabe classique, langue liturgique du Coran et de l’Islam, elle est la langue de la religion de la grande majorité de la population maghrébine.

-A l’arabe standard, langue utilisée dans tous les secteurs de l’Etat (administration, domaine officiel, école…), les mass médias, la production littéraire, etc.; en définitive là où n’est pas toléré l’usage des variétés dialectales.

-A l’arabe dialectal, idiome commun aux Maghrébins, avec bien entendu ses variétés respectives à chaque pays de cette aire ; il assure en l’occurrence la communication à grande échelle. Les termes ancrés dans la culture locale des pays respectifs proviennent pour leur majorité de ces dialectes.

-Au berbère, attesté au Maghreb depuis la préhistoire, et dont l’usage traduit la volonté des sujets bilingues de sauvegarder leur identité (linguistique et culturelle).

- enfin, aux langues négro-mauritaniennes utilisées par une frange importante de la population mauritanienne.

1.2.1. L’emprunt à l’arabe classique

Langue liturgique, l’arabe classique sert à transposer des réalités religieuses, les termes relatifs à la religion proviennent donc essentiellement de cette langue, toutefois

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certains termes peuvent se rapporter à d’autres domaines. Nous illustrerons notre propos par des attestations relevées des quatre inventaires lexicaux maghrébins.

a) Coran et Islam :

Le Français en Algérie (2002 : 235)

Qu’est-ce que ce parti qui se réclame de l’islam et de charia, le droit canon musulman.

Le Français en Tunisie (2004 : 120)

A l'instar du monde musulman la Tunisie célèbre la fête de l'Achoura demain, mardi.

Le Français au Maroc (2000 : 139)

Il ne reste plus que trois jours avant l'Aïd Adha! Le Français en Mauritanie (1997 : 99)

Les griffes de la mort l’agrippèrent alors qu’il se préparait à prier le dohr.

2-Autres domaines:

Le Français en Algérie (2002 : 383)

Ses yeux verts sont fortement soulignés au khôl. Son visage dépourvu de moustaches porte une grande barbe.

Le Français en Tunisie (2004 : 119)

Sa théorie de la Açabiya, de la cohésion sociale, est la clé de voûte de son rapport fondamental.

Le Français au Maroc (2000 : 175)

La démocratie est la forme la plus adéquate de la choura. Le Français en Mauritanie (1997 : 134)

Il avait mis spontanément son enfant à la médersa de Boutlimit entre 1923 et 1929.

1.2.2. L’emprunt à l’arabe dialectal

Les emprunts à cette variété de langue concernent en premier lieu la vie socioculturelle des Maghrébins; il arrive aussi qu’ils alimentent subsidiairement le champ de la religion musulmane.

a) Vie socioculturelle :

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Ils avaient même proposé d'organiser une touiza pour s'aider mutuellement à réaliser des habitations pour leur famille.

Le Français en Tunisie (2004 : 192)

Pour l'utiliser Dada s'installait confortablement étendait ses jambes et actionnait le fouet dont le long manche en bois passait verticalement à travers les planches trouées.

Le Français au Maroc (2000 : 155)

Le beldi y côtoie le roumi dans une parfaite harmonie. b) Religion musulmane:

Le français en Algérie (2002 : 431)

Le mrabet conquit l’âme des tribus targuies. Le Français en Tunisie (2004 : 126)

Au nom de toute la chaîne je vous souhaite une nouvelle fois aïd mabrouk! Le Français au Maroc (2000 : 141)

Depuis le week-end, dernier et jusqu’au jour de l’Aïd essaghir, c’est la fièvre des achats dans les kissariat de Casablanca.

1.2.3. L’emprunt au berbère

Tout en étant rares dans la presse, les berbérismes dans le français d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, sont cantonnés dans le domaine identitaire et culturel ou de l’environnement.

Le Français en Algérie (2002 : 551)

Depuis les temps immémoriaux, yennayer constitue une fête populaire à travers toute l'Afrique du Nord.

Le français au Maroc (2000 : 213)

On dansait le haïdous, on mangeait des mets de fête. Le Français en Tunisie (2004 : 128)

Malgré tout, la langue des amazighs existe encore. 1.2.4. L’emprunt à la hassaniya

Les régions, où cette variété d’arabe est utilisée, concernent la Mauritanie et le sud du Maroc. Néanmoins les termes provenant de la hassaniya sont surtout présents dans Le Français en Mauritanie (1997).

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L’argent est devenu le fondement de toute famille mauritanienne, me dit un jeune étudiant étranger qui avait une autre imagination sur la patrie de la Draa et du thé vert. (1997 : 96).

Au courage guerrier devait s’opposer la couardise des griots […] à la sahwa (pudeur) des hassan. (1997 : 154).

1.2.5. L’emprunt aux langues négro-mauritaniennes

Ce sont des langues utilisées en Mauritanie et dans les pays limitrophes de la Mauritanie. On relève dans le français en usage local des lexies issues des langues comme le wolof, le poular et le soninké…

Le Français en Mauritanie (1997 : 78)

El Hor jette un regard curieux sur des vieux qui, devant une échoppe de bana-bana, boivent impassibles, un verre de thé.

Le Français en Mauritanie (1997 : 98)

Ailleurs sur ses champs de diéri, elle travaille seule.