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Deux types fondamentaux de constructions résultatives : les résultatifs à contrôle et à

2.3 Le modèle méréologique de l’(a)télicité appliqué aux constructions résultatives

2.3.1 Deux types fondamentaux de constructions résultatives : les résultatifs à contrôle et à

Néanmoins, selon Wechsler 1997, 2005, il existe une explication indépendante du contraste entre (145c et d), répétés ici, sans invoquer la DOR.

(145) a. John hammered the metali flati. b. The wateri froze solidi.

c. *The dogi barked hoarsei. d. The dog barked itselfi hoarsei. e. Mary ran the solesi off her shoesi.

Cette explication repose sur la distinction entre deux types de construction résultative : le groupe résultatif peut prédiquer à propos d’un argument du verbe, comme en (145a et b), ou à propos d’un non-argument, comme en (145d et e), où itself et the soles ne reçoivent pas de thêta-rôle du verbe.

Effectivement, ces DPs ne peuvent pas apparaître en position d’objet que dans la construction résultative : *’Mary ran the soles’ ou *’The dog barked itself’, même si, par ailleurs, c’est-à-dire avec d’autres objets, ces verbes peuvent être employés transitivement.

Le résultatif avec le faux pronom réfléchi en (145d) et l’objet non-sélectionné en (145e) sont des exemples de la construction résultative à marquage casuel exceptionnel (E(xceptional)C(ase)M(arking)), c’est-à-dire, le cas où le sujet de prédication du XP résultatif n’est pas un argument sémantique du verbe, contrairement aux exemples (145a et b), qui sont des constructions résultative à contrôle, où le sujet de prédication du XP résultatif est un argument sémantique du verbe. Cette distinction des constructions résultatives en deux groupes est faite par Simpson 1983 par analogie avec la distinction entre les prédicats à contrôle (‘John persuaded Mary to sing’) et les prédicats à marquage casuel exceptionnel (‘John expected Mary to sing’). Dans les constructions avec ces derniers, il s’agit d’une montée du sujet de la proposition infinitive vers la position d’objet (Subject-to-Object Raising°), notamment la position SpecArgOP de la matrice, comme, par exemple, dans l’analyse de Lasnik 1998, ou dans le spécifieur du V, sélectionné par le v*

de la matrice (Rouveret 2015).

Dans les constructions résultatives à contrôle, par exemple, dans to wipe the table clean, le DP the table est argument du verbe to wipe, tandis que dans les constructions résultatives à marquage casuel exceptionnel, par exemple, to run the soles off one’s shoes, le DP the soles n’est pas argument

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du verbe to run. Cela se voit clairement dans les patterns de conséquence nécessaire qui sont différents pour les résultatifs à contrôle par rapport à ceux à marquage casuel exceptionnel:

(147) Résultatifs à contrôle :

a. He wiped the tablei cleani.

He wiped the table.

b. The wateri froze solidi.

The water froze.

(148) Résultatifs ECM :

a. The dog barked itselfi hoarsei. =/

*The dog barked.

b. Mary ran the solesi off her shoesi. =/

*Mary ran the soles.

Ici, on peut se rappeler des contrastes analogiques entre les constructions à marquage casuel exceptionnel et les constructions à contrôle (objet), qui montrent que dans les premières, le sujet de la proposition infinitive n’est pas argument du verbe matrice. Par exemple, en (149a), dans les constructions à contrôle objet, l’incompatibilité entre un PRO et un explétif, contrôleur de ce PRO, contraste avec l’acceptabilité de l’explétif, en tant que sujet de la proposition infinitive, dans les constructions à marquage casuel exceptionnel en (149b):

(149) a. *I ordered/demanded/begged therei [CP PROi to be (no) riots].

b. We expected/believed [TP there [T’ to be riots]] (Lechner 2006 : ex. 3, 4)

De plus, les prédicats à contrôle objet permettent des constructions elliptiques, notamment les constructions appelées Null Complement Anaphora, illustrées en (150), où le site d’ellipse (ellipsis site) se trouve après le verbe suivi de l’objet et la partie élidée s’interprète comme l’infinitif précédant, antécédent de l’ellipse.

(150) Mary persuaded (/convinced/asked/ordered) Sam to leave,

but I don't think she has persuaded (/convinced/asked/ordered) Bill Δ Δ = to leave (Lechner 2006 : ex.8)

En revanche, les prédicats à marquage casuel exceptionnel n’autorisent pas de Null Complement Anaphora, ce qui est illustré en (151) :

(151) *Mary expected (/believed/imagined/reported/considered) Bill to be obnoxious, but I don't think she expected (/believed/imagined/reported/considered) Sam.

(Lechner 2006 : ex.9)

Les résultatifs à contrôle se distinguent des résultatifs ECM à plus d’un égard. Premièrement, les restrictions sur les occurrences des adjectifs de diverses classes dans les résultatifs à contrôle et sur celles dans les résultatifs ECM sont de nature différente. Les résultatives à contrôle sont sujet à des restrictions sémantiques sortales imposées par le verbe sur le groupe résultatif, ces restrictions sont encodées dans la position de l’argument d’état résultant (result state argument position) associée avec le verbe. Notamment, les résultatifs à contrôle doivent représenter un résultat

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canonique/normal/générique d’une action du type dénoté par le verbe (par exemple, le martèlement d’un objet est censé, normalement, soit changer sa position (into the ground), soit sa forme ou sa texture (flat/smooth/shiny), cf. (152a) ; les propriétés subjective comme safe ou beautiful sont inacceptables dans cette construction étant donné qu’ils ne sont pas liés intrinsèquement au martèlement) :

(152) a. John hammered the metal flat/ smooth/ (?)shiny/ into the ground /*beautiful/*safe.

b. Robert ran clear of the fire/free of the car/*exhausted.

c. *John laughed silly/off his chair.

d. *We yelled hoarse. (Wechsler 1997 : ex. 6, 7)

Ce lien très étroit entre le verbe et le prédicat résultatif a conditionné les analyses de cette construction comme une sorte de prédicat lexical complexe, par exemple hammer-flat, entre autres, par Dowty 1979. En (152b), le résultat normal associé avec l’action de courir consiste à se déplacer/se retrouver dans un endroit, mais non à devenir épuisé. Ainsi, les résultatifs locatifs ou de but (clear of the fire, free of the car) sont acceptables, tandis que le résultatif d’une autre catégorie comme exhausted ne l’est pas. Mais contrairement au verbe optionnellement télique to run qui dénote une relation avec des points finaux (endpoints) intrinsèques, les verbes to yell et to laugh sont exclusivement atéliqes (c’est-à-dire, n’ont pas d’endpoints intrinsèques), mais peuvent optionnellement acquérir des endpoints extrinsèques imposés, comme dans to laugh the speaker off the stage. Puisque les verbes to yell et to laugh n’ont pas d’endpoints intrinsèques, ils n’autorisent pas de résultatifs à contrôle.

En revanche, les résultatifs ECM n’ont pas ce type de restriction : l’action de courir n’aboutit pas canoniquement à l’état d’épuisement, le même raisonnement s’applique aux verbes to laugh et to yell:

(153) a. The joggers ran *(themselvesi) exhaustedi. b. We laughed *(ourselvesi) sillyi.

c. We yelled *(ourselvesi) hoarsei. (Wechsler 1997 : 311 (8))

Si des restrictions sur les résultatifs ECM existent, ces restrictions semblent être immotivées/arbitraires, puisque comme le montre l’exemple (154), un changement mineur dans le choix du verbe ou du groupe résultatif rend la phrase inacceptable. Il s’agit donc des collocations conventionnalisées.

(154) a. We laughed/??giggled the speakeri off the stagei.

b. We laughed the speakeri off the stagei/*embarrassedi. (Wechsler 1997 : 311 (9)) Le fait qu’un résultatif à contrôle doit représenter un résultat canonique de l’action du type dénoté par le verbe (ce que Wechsler appelle la Restriction sur le Résultat Canonique (Canonical Result Restriction, CRR): « A control résultative must represent a ‘canonical’ or ‘normal’ result state of an action of the type denoted by the verb ») explique le contraste entre les phrases *’The dog barked hoarse’ et ‘The dog barked itself hoarse’, où dans la deuxième le réfléchi est inséré pour rendre le

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résultatif hoarse acceptable puisqu’il n’existe pas de résultat canonique de l’aboiement, le verbe to bark étant atélique (sauf dans les cas où to bark est transitif (to bark an order), et télique, mais même dans ces cas, un pronom réfléchi ne fait pas partie de sa sélection).

La Restriction sur le Résultat Canonique a plusieurs corollaires. Puisqu’elle ne s’applique pas aux résultatifs à marquage casuel exceptionnel, leurs résultats indirects et accidentels peuvent ne pas être instantanés, c’est-à-dire, ils peuvent ne pas se développer/s’accumuler progressivement lors de l’activité dont ils résultent et ne pas suivre immédiatement la fin de cette activité, tandis qu’un résultat canonique doit obligatoirement être instantané, c’est-à-dire, il doit normalement commencer au fur et à mesure de l’activité à son origine et subvenir immédiatement à sa fin. C’est pourquoi les constructions résultatives hautement figuratives ou celles où la causalité est indirecte, ont la tendance d’appartenir au type ECM, comme, par exemple, ‘Cory painted himself into a corner’,

‘We laughed ourselves silly’, etc. De plus, contrairement aux résultatifs à contrôle, dans les résultatifs à marquage casuel exceptionnel l’événement principal et l’état résultant, n’étant pas forcement co-extensifs sur l’axe temporel, peuvent reçevoir des modifications temporelles indépendantes :

(155) Peter quickly read himself into an inferiority complex, after a few slow deliberate readings of his classmates’ theses. (Rappaport Hovav et Levin 2001 : 776)

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