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Les propriétés de la prédication secondaire dépictive

Les dépictifs expriment un état dont il est asserté qu’il s’applique à un participant (au moins) pendant le temps de référence de l’événement encodé par le prédicat principal. Dans (2a), par exemple, il est asserté que les carottes étaient fraîches au moment de leur achat par Jones. En revanche, le résultatif en (2b) exprime un état interprété comme résultant de la situation encodée par le prédicat principal :

(2) a. Jones bought the carrotsi freshi. b. Jones boiled the carrotsi softi.

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Par contraste avec les dépictifs, les modifieurs épithètes ne sont pas liés de cette manière au cadre temporel établi par le prédicat principal (c’est-à-dire, le temps de référence (Topic Time), où la proposition est jugée vraie). Leur fonction est différente, celle d’élargir la référence des expressions nominales en les faisant plus descriptives ou restrictives. Cette différence de fonction est formellement reflétée par la structure en constituants : les modifieurs font partie du groupe nominal, tandis que les dépictifs font partie du groupe verbal :

(3) Carol drinks [black coffee]NP vs. Carol [drinks [her coffee]NP black]VP

Du point de vue de la structure en constituants qui les contiennent, les dépictifs s'apparentent aux adverbiaux (‘Jones left the party angrily.’), avec la différence principale que les adverbiaux modifient la prédication dans sa totalité au lieu d’attribuer une propriété spécifique à l’un des participants de l’événement dénoté par le prédicat principal. S’il ne fait aucun doute que Jones était en colère au moment de quitter la soirée en (1), cette phrase ne dit rien sur la manière dont il est parti (sa colère a pu transparaître ou pas du tout dans la manière dont il est parti), en revanche, le focus principal de

‘Jones left the party angrily’ est uniquement sur la manière de son départ (tandis qu’il a pu rester parfaitement calme).

En anglais et dans beaucoup d’autres langues, la différence sémantique entre dépictifs et adverbes est reflétée morphologiquement. Dans beaucoup d’autres, dépictifs et adverbes ne se distinguent pas formellement, comme, par exemple, fast en anglais, ou comme en allemand, où l’équivalent de (1) serait traduit par wütend (‘furieux/furieusement’), qui permet à la fois, en fonction du contexte, une lecture dépictive et une lecture adverbiale. Dans ces cas, l’orientation participant est considérée comme un trait principal pour distinguer les prédicats dépictifs des adverbiaux qui sont exclusivement orientés événement, bien qu’il existe de nombreux cas où la distinction sémantique entre dépictifs et adverbiaux n’est pas aussi claire que pour angry vs. angrily. Halliday 1967 note, par exemple « that in certain instances [the distinction] may be largely neutralized », comme dans son exemple ‘She sells them cheap.’ vs. ‘She sells them cheaply.’

Quant aux constructions résultatives, la question de la relation temporelle entre les deux prédicats (verbe et résultatif) est moins « intéressante » que pour les constructions dépictives. Le résultatif exprime un état interprété comme le résultat de la situation (state of affaires) encodée par le prédicat principal, comme en (2b). Dans les résultatives, il est clair que la situation décrite par le prédicat secondaire ne peut pas précéder l’événement (eventuality) décrit par le prédicat primaire, verbe principal. Dans les dépictifs, le schéma temporel de la relation entre les deux prédicats est moins tranché (ou plus sous-spécifié) dans le sens que l’état dénoté par le dépictif peut être vrai déjà (longtemps) avant le début de l’événement hôte (et peut rester vrai (longtemps) après la fin de l’événement hôte), étant donné que la seule condition est un simple chevauchement des intervalles temporels où s’appliquent le prédicat primaire et le prédicat secondaire.

Suite à Halliday 1967, les expressions dépictives et résultatives sont considérées dans la littérature ensemble comme des prédicats secondaires. Les dépictifs et les résultatifs ont en commun leur nature prédicative, d’où le terme « prédicat secondaire ». Le prédicat secondaire encode un état dont il est asserté qu’il s’applique à l’un des arguments (son contrôleur/hôte) du prédicat principal,

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qui est l’objet direct dans les phrases en (2). Mais si le dépictif désigne l’état de choses qui tient au même temps que la situation encodée par le prédicat principal, le résultatif désigne l’état de choses qui est résultat ou conséquence de la situation encodée par le prédicat principal.

Même si les dépictifs et les résultatifs partagent certaines caractéristiques, leurs propriétés syntaxiques et sémantiques suffisamment disjointes suggèrent de leur attribuer des configurations différentes. Si, à travers les langues, les dépictifs sont construits uniformément comme des adjoints syntaxiques contrôlés, les résultatifs ne sont pas de prédicats secondaires dans le sens stricte comme le sont les dépictifs, mais (se comportent comme) des prédicats complexes : les groupes résultatifs sont compléments dans la projection verbale basse (sœurs du V).

Sur la base d’une importante étude translinguistique, Himmelmann et Schultze-Berndt 2004 proposent sept critères caractéristiques de la prédication secondaire dépictive :

a) Une construction contient deux éléments prédicatifs séparée, le prédicat principal et le dépictif en relation de chevauchement temporel ;

b) Le dépictif est obligatoirement contrôlé, c’est-à-dire, il existe une relation formelle avec l’un des participants du prédicat principal, par le contrôleur, qui n’est pas exprimé séparément comme un argument du dépictif ;

c) Le dépictif prédique à propos de ce contrôleur, son sujet de prédication ; cette prédication est partiellement indépendante de la prédication primaire de la phrase, c’est-à-dire, le dépictif ne forme pas un prédicat complexe ou périphrastique avec le prédicat principal ; d) Le dépictif n’est pas un argument du prédicat principal, il n’est donc pas obligatoire ;

e) Le dépictif ne forme pas de constituant commun avec son contrôleur, par contraste avec un épithète ;

f) Le dépictif n’est pas tensé, c’est-à-dire, il n’est pas marqué par un temps de référence indépendant, ni par une modalité (même si les participes adjectivaux et adverbiaux, c’est-à-dire les catégories hybrides verbales-adjectivales/adverbiales, peuvent être marqués aspectuellement) ;

g) Le dépictif fait partie de la même unité prosodique que le prédicat prinicpal.

Prédicats secondaires dépictifs vs adverbes de manière orientés vers le participant

La perspective translinguistique et comparative fait apparaître le problème de la distinction entre les dépictifs et les adverbes de certains types, qui sont d’habitude considérés comme deux types distincts d’adjoints, mais la frontière entre lesquels n’est pas clairement définie. Il suffit de comparer les exemples anglais en (4) qui, tous les deux, seront traduits par l’exemple allemand en (5) :

(4) a. Claire left the room angry.

b. Claire left the room angrily.

(5) Claire hat wütend das Zimmer verlassen.

Ainsi, si en anglais il y a un contraste formel entre la construction dépictive et un adverbe, ce contraste n’existe pas en allemand. La différence entre l’anglais et l’allemand ne se réduit pas à la manifestation morphologique : les locuteurs d’allemand ne considèrent pas (5) comme une

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proposition ambiguë, mais plutôt simplement vague quant à la différence de sens qui existe entre les exemples (4a et b) de l’anglais.

Schultze-Berndt et Himmelmann 2005 montrent qu’un nombre de types d’adjoints, ceux appelés dépictifs, circonstanciels, certains adverbes orientés de manière (notamment, les adverbes de manière orientés participant) et adjoints libres « faibles » (par opposition aux adjoints libres « forts ») partagent un grand nombre de propriétés et forment un seul domaine pour la comparaison translinguistique. Elles utilisent le terme « adjoint orienté participant » (participant-oriented adjunct) pour toute cette classe d’adjoints.

On trouve, typiquement, l’orientation vers un participant dans des exemples standard des adjoints dépictifs, c’est-à-dire, ceux exprimant un état ou une condition physique, mentale ou émotionnelle du participant à une situation (par exemple, angry, alive, hungry, drunk, raw, hot, etc.).

L’orientation vers un participant est une caractéristique principale partagée par les adverbes orientés et les prédicats secondaires. Les adverbes orientés participant – agentifs et transparents - sont deux sous-types des adverbes de manière, qui se divisent, par ailleurs, en quatre sous-types (selon Geuder 2000): de manière pure, transparents, agentifs et résultatifs (à ne pas confondre avec les prédicats résultatifs secondaires). Les quatre sous-types sont illustrés en (6-9), où le même adverbe peut apparaître dans plus d’une fonction :

(6) a. John shouted at them angrily. (manière pure)

b. John answered the question stupidly. (manière pure) c. John read the review slowly (manière pure)

(7) John angrily read the review. (transparent) (8) John stupidly answered the question. (agentif) (9) They loaded the cart heavily. (résultatif)

En (7 – 9), les adverbes de manière ne transmettent pas exclusivement la manière avec laquelle l’action est exécutée, dans le même sens que les adverbes de manière pure en (6). Dans, au moins (7) et (8) les adverbes de manière transmettent en plus des appréciations concernant l’un des participants de l’événement : en (7), John était furieux au moment de lire le journal et en (8), c’était stupide de sa part de répondre à la question. Dans ce sens, ce sont des adverbes orientés participant et non des adverbes de manière pure, qui sont exclusivement orienté événement.

Les adverbes agentifs, ou orienté sujet, comme stupidly en (8), sont syntaxiquement des adverbes sentence-level. L’orientation agentive de l’adverbe devient claire dans la paraphrase ‘It was stupid of John to answer the question.’, où cette évaluation de l’agent se base sur une classe de comparaison qui inclut des événements alternatifs possibles, comme de ne pas répondre à la question, de garder le silence, de refuser de répondre, etc. En revanche, quand le même adverbe est employé en tant qu’adverbe de manière pure en (6b), la stupidité n’est pas attribuée à John, mais à sa façon de répondre à la question, en comparaison avec d’autres façons de répondre à la même question. Ces

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différences d’interprétation sont clairement liées aux différentes positions de l’adverbe (préverbale vs. finale).

Même si les adverbes agentifs sont orientés participant, ils se distinguent des dépictifs sémantiquement : les dépictifs ne transmettent pas d’évaluation de l’action de l’agent et peuvent, par conséquent, être orientés vers d’autres participants de l‘événement (par exemple, ‘John drank his coffee hot.’). Les dépictifs ne sont jamais interprétés comme attribuant une propriété à toute la situation. C’est pourquoi ‘John answered the questions drunk’ ne peut pas être paraphrasé par ??’It was drunk of John to answer the qestion.’ Ces différences dans la portée sont liées à la position dans la phrase : les adverbes agentifs sont préverbaux ou à l’initiale de la phrase, tandis que les dépictifs suivent le prédicat. Dans d’autres langues, par exemple, en allemand, les adverbes agentifs ont, en plus, un suffixe dédié (-weise).

Ainsi, s’il est relativement simple de distinguer les adverbes agentifs des dépictifs, le deuxième sous-type des adverbes de manière orientés participant, ceux appelés transparents dans Geuder 2000, sont plus proches des dépictifs que les adverbes agentifs. Par exemple, angrily en (7) n’est pas un adverbe de manière pure (comme, par exemple, slowly dans ‘John read the review slowly’) puisqu’il n’indique pas exclusivement la manière de lecture, mais en outre décrit un état émotionnel du sujet lors de la situation de lecture. C’est pourquoi il ne peut pas être paraphrasé par ‘John read the review in an angry manner’. Dans ce sens, il est proche du dépictif dans ‘John left the party angry.’

Il y a néanmoins une différence sémantique perceptible entre les dépictifs et les adverbes transparents qui concerne la relation établie entre l’état de choses dénoté par le prédicat principal et la condition dénotée par l’adjoint orienté participant. Pour les dépictifs, la relation est un simple chevauchement temporel. Dans l’exemple en question ‘John left the party angry vs. angrily’, le départ de John n’est pas nécessairement lié autrement que temporairement à son état émotionnel, tandis que pour les adverbes transparents, il reflète, en plus, un lien factuel plus profond, de dépendance casuelle ou motivationnelle, ce qui explique que ces adverbes manifestent toujours l’orientation vers l’agent.

Dans le cadre de la sémantique davidsonienne, où les verbes ont une variable événementielle et les adverbes sont analysés comme des prédicats d’événements, la différence de sens entre to read the review slowly et to leave the party angry se voit en (10), où ces vP/VPs ont des représentations qui font une distinction claire entre l’orientation vers l’événement de l’adverbe et l’orientation vers le participant de l’adjectif :

(10) a. read(e) (x, review) & slow(e) (manière pure) b. leave(e) (x, party) & angry(x) (dépictif)

Il faut néanmoins noter que même si ces représentations explicitent la différence de sens entre les deux, la représentation en (10b) est simplifiée parce qu’elle reflète seulement l’orientation participant du dépictif angry, sans représenter la relation entre les deux prédicats, primaire (verbe+objet) et secondaire (dépictif), notamment celle de chevauchement temporel. Par conséquent, elle n’explique pas pourquoi les prédicats individual-level ne peuvent pas fonctionner comme dépictifs (par exemple, *’John left the party clever’.)

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Ainsi, dans certains de leurs emplois au moins, les adverbes de manière sont très proches des dépictifs. Il semble donc naturel que, dans certaines langues, les sens, proches, mais néanmoins différents, transmis par les dépictifs et les adverbes orientés participant ne soient pas distingués morphologiquement, contrairement à l’anglais ou la majorité des adverbes de manière se distinguent formellement des dépictifs par le suffixe -ly.

En allemand, par exemple, les bases exprimant les conditions psychologiques ou corporelles comme traurig ‘sad’, wütend ‘angry’, etc. ne distinguent pas morphologiquement entre emplois d’adverbe de manière et emplois de prédicat adjectival (primaire – attribut – ou secondaire – dépictif). Les deux emplois peuvent alors être distingués par des paraphrases qu’ils permettent : les dépictifs, mais pas les adverbes, peuvent être paraphrasés par une construction bi-clausale où l’élément correspondant au dépictif fonctionne comme un prédicat primaire. Ainsi, la phrase ‘Jones bought the carrots fresh.’

peut être paraphrasée par ‘The carrots were fresh (when Jones bought them)’. Par contraste, les adverbes peuvent être paraphrasés en transformant l’adverbe en prédicat principal d’une nominalisation: ‘Jones bought the carrots fast’ devient alors ‘The buying of the carrots (by Jones) was fast.‘ vs. ‘ ??The buying of the carrots (by Jones) was fresh.’

Néanmoins, le test des paraphrases, censé diagnostiquer la différence entre adjoints orientés participant (dépictifs) et adjoints orientés événement (adverbes) est faussé parce qu’il est possible de paraphraser l’adverbe dans ‘Jones bought the carrots fast’ par ‘Jones was fast (when he bought the carrots)’, par analogie avec la paraphrase de la construction dépictive ‘The carrots were fresh (when Jones bought them).’Puisque le même adjoint, comme dans ce cas fast, peut être interprété comme orienté participant et événement simultanément, le test des paraphrases peut donc être inefficace pour distinguer entre adjoint orienté participant et adjoint orienté événement (s’il n’y a pas de marquage formel qui les différencie).

A travers les langues, les constructions dépictives et adverbiales sont en compétition dans le sens que le même type de contenu peut être exprimé par une construction adverbiale dans certaines langues, mais par une construction dépictive dans d’autres. C’est pourquoi Schultze-Berndt et Himmelmann 2005, en s’appuyant sur une comparaison typologique, proposent qu’il existe un continuum entre les expressions où la visée vers un participant prévaut (par exemple, les expressions de condition physique) et les expressions qui visent avant tout l’événement. D’après elles, les expressions de manière se situent au centre de ce continuum et sont, par conséquent, encodées, dans certaines langues, par les adverbes (comme, par exemple, les adverbes orientés sujet en –ly de l’anglais), mais par les dépictifs dans d’autres. En outre, une langue peut choisir de ne pas faire distinction dans l’encodage formel des deux, comme l’allemand.

Prédicats secondaires dépictifs vs. prédicats secondaires circonstanciels

Les prédicats circonstanciels – un autre type des prédicats secondaires potentiellement indiscernables des dépictifs, mais qui représente néanmoins une construction distincte – ne se distinguent pas formellement non plus des dépictifs. Les exemples des prédicats secondaires circonstanciels conditionnels sont présentés en (11) : en (11a), il s’agit d’un prédicat circonstanciel conditionnel et en (11b), d’un prédicat circonstanciel concessif.

186 (11) a. I can’t work hungry./ Empty I can carry it.

b. Even dead I won’t forget. /Mary loves John, crazy as he is.

La distinction est, avant tout, sémantique, elle concerne le lien entre le prédicat primaire et le prédicat secondaire. Si la relation logique entre le verbe et le dépictif est exclusivement celle de (simple) chevauchement temporel, pour les circonstanciels, d’autres liens sémantiques, en plus du chevauchement temporel, peuvent être mentionnés, comme condition, concession ou spécification du temps de référence (‘As a child he lived in Paris.’). Par conséquent, les circonstanciels ne sont pas sous la portée de la négation, contrairement aux dépictifs. Si la négation d’un dépictif comme, par exemple, ‘They didn’t leave outraged.’ s’interprète (en fonction du contexte et de l’intonation) comme la négation d’un dépictif seul ou d’un dépictif plus le verbe, elle ne s’interprète pas comme la négation d’un seul prédicat principal, comme c’est le cas pour les circonstanciels, par exemple dans

‘As a young girl Sarah didn’t travel to Paris alone’. La portée de la négation dépend essentiellement de la position du prédicat dans la phrase : si les dépictifs se produisent dans la position finale, les circonstanciels se trouvent de préférence dans la position initiale. Ces différences dans les propriétés des dépictifs et des circonstanciels indiquent que c’est la partition en topique/focus qui est en jeu : les prédicats dépictifs, en portant l’accent principal de la phrase, font obligatoirement partie du domaine focal de la phrase (si seulement le domaine focal ne se limite pas au seul dépictif). En revanche, les circonstanciels portent la présupposition de l’énoncé : ils sont généralement non-accentués (à condition de ne pas être topiques contrastés) et, étant en position initiale de la phrase, avant le prédicat, sont en dehors de la négation phrastique.

Prédicats secondaires dépictives vs. adjoints libres phrastiques

Ce qu’on appelle les adjoints libres sont également orientés participant et partagent avec les dépictifs les dénotations d’une condition ou d’un état du participant qui se chevauchent temporellement avec la situation dénotée par le prédicat principal. Les exemples en (12) permettent d’illustrer la distinction entre les adjoints libres faibles et les adjoints libres forts :

(12) a. Standing on a chair, John can touch the ceiling.

b. Having unusually long arms, John can touch the ceiling.

Le plus souvent, l’adjoint libre fort ou faible est un groupe participial dans la position initiale. En (12a), l’adjoint ressemble à une subordonnée de condition restreignant l’interprétation du modal. En (12b), l’adjoint n’a pas de fonction restrictive, mais ressemble à une subordonnée de cause. La différence entre les adjoints libres forts et faibles concerne le sens de l’adjoint : si l’adjoint est un prédicat individual-level comme en (12b), alors ce prédicat est toujours fort ; seuls les prédicats stage-level comme en (12a) permettent des emplois faibles. L’adjoint fort est fort dans le sens qu’il est toujours la conséquence nécessaire (entailed) de la phrase (c’est-à-dire que John a les bras extraordinairement longs) si la phrase est vraie dans sa totalité, tandis que l’adjoint faible n’est pas nécessairement vrai (c’est-à-dire que John est debout sur une chaise) si toute la phrase est vraie.

Les adjoints libres forts sont donc un autre type des expressions orientées participant qui se différencient assez clairement des dépictifs et des circonstanciels par le fait qu’ils ne font pas partie de la même clause que le prédicat primaire, et, par conséquent, ne sont pas, à proprement parler, ni

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adjoints, ni prédicats secondaires. Contrairement aux dépictifs, ils sont toujours vrais, sous réserve qu’il leur manque un temps de référence (ils sont tenseless) et ils doivent s’appuyer sur celui de la matrice. Les adjoints libres faibles, en revanche, semblent être juste un autre terme pour les prédicats secondaires circonstanciels (sous réserve que la virgule par laquelle ces adjoints sont séparés n’est qu’une convention orthographique qui ne signale pas nécessairement une interruption prosodique). La distinction entre dépictifs à proprement parler et circonstanciels, les deux étant adjoints orientés participant, doit être considérée, comme nous l’avons vu, dans les termes de la partition de la phrase en focus et présupposition. Quand un prédicat secondaire fait partie de la portée nucléaire, comme dans ‘Jones usually drives home drunk’, il s’agit d’un dépictif à proprement parler. Quand un prédicat secondaire fait partie de la restriction (par exemple, dans ‘Drunk, Jones drives very dangerously.’) c’est un prédicat circonstanciel. De ne pas se trouver en focus est alors une propriété définitoire des prédicats secondaires circonstanciels, tandis que les dépictifs sont obligatoirement en focus.

Prédicats secondaires dépictifs vs. compléments prédicatifs nominaux et adjectivaux

Prédicats secondaires dépictifs vs. compléments prédicatifs nominaux et adjectivaux

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