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La télicité des achèvements de degré indépendante et dépendante du contexte

2.2 Les propriétés des achèvements graduels héritées des propriétés des échelles associées à

2.2.3 La télicité des achèvements de degré indépendante et dépendante du contexte

différentielle n’est pas explicitée par du matériel linguistique ouvertement réalisé, mais doit être déduite d’une manière ou d’une autre. Elle peut l’être en fonction de la structure scalaire de la base adjectivale de l’achèvement de degré. Cependant, parfois les facteurs contextuels peuvent annuler le résultat calculé à partir de la structure scalaire de l’adjectif de base.

Nous avons déjà vu que les adjectifs appartiennent à deux classes en fonction de la structure de l’échelle à laquelle ils apparient leurs arguments. La première classe est celle des adjectifs à échelle fermée qui ont une échelle avec la valeur maximale, où la maximalité est relative à la polarité de l’adjectif (par exemple, pour l’adjectif positif full, la valeur maximale correspond au point le plus haut de l’échelle de volume, tandis que pour l’adjectif négatif empty, c’est le point le plus bas de cette

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échelle). Les adjectifs à échelle fermée comme straight, empty et dry s’opposent aux adjectifs à échelle ouverte comme long, wide et short. Empiriquement les deux classes d’adjectifs se distinguent par leur (in)compatibilité avec certains types d’adverbes, comme, par exemple, complètement qui renvoie explicitement à un point terminal. Même si intuitivement il paraît que les adjectifs négatifs comme short, narrow ou slow ne sont pas à échelle ouverte (puisqu’il semble que l’absence de dimension, de largueur ou de vitesse doivent compter comme les points les plus bas des échelles respectives), ces adjectifs ne sont pas compatibles avec le modifieur orienté vers le point terminal complètement, ce qui indique que ces adjectifs utilisent les échelles sans valeurs maximales (qui seraient pour ces adjectifs, en réalité, des valeurs minimales). Les degrés auxquels ces adjectifs apparient leurs arguments ne peuvent que se rapprocher de plus en plus près du point zéro sans jamais l’atteindre, ce qui est illustré, par exemple, par le fait que completely slow ne peut pas signifier ‘stationary’.

La distinction entre le caractère ouvert ou fermé de l’échelle de l’adjectif de base joue un rôle primordial pour l’(a)télicité des achèvements désadjectivaux. La présence d’une limite haute ou basse est un facteur déterminant : si l’échelle associée à l’adjectif possède une valeur maximale ou minimale, la valeur différentielle pour mesurer le changement (forcement jusqu’à la fin de l’échelle étant donné qu’il n’y a pas de DP de mesure réalisé) subi par l’argument affecté peut être délimitée et donc identifiée.

Hay et all. 1999 soutient qu’un verbe télique est dérivé d’un adjectif à échelle fermée, tandis qu’un verbe atélique d‘un adjectif à échelle ouverte. Le contraste en (125) illustre ce point : le verbe to lengthen manifeste un comportement atélique puisque l’échelle associé à l’adjectif long n’a pas de borne, mais le verbe to straighten a un comportement télique étant donné que l’échelle associée à straight est fermée par une borne lexicale inhérente à l’adjectif :

(125) a. Kim is lengthening the rope. ⇒ Kim has lengthened the rope.

b. Kim is straightening the rope. =/⇒ )Kim has straightened the rope.

Les adjectifs à échelle fermée fournissent donc un possible point de référence – le point terminal de leur échelle, ce qui rend le prédicat télique, mais parfois si le contexte fournit une borne, c’est-à-dire, un standard de comparaison saillant, le verbe dérivé d’un adjectif à échelle ouverte sera néanmoins télique. Les facteurs contextuels peuvent intervenir et annuler le calcul pour délimiter la valeur différentielle sur la base du caractère ouvert ou fermé de l’échelle associée à l’adjectif dont dérive le verbe, comme par exemple en (126), où ce n’est pas la structure scalaire de l’adjectif de base qui détermine la délimitation de la valeur différentielle, mais nos connaissances encyclopédiques des propriétés des pantalons et des stores.

(126) a. The tailor lengthened my pants.

b. Kim lowered the blind. (Hay et all 1999 : 136 (28)) Nous savons de l’expérience qu’il existe une longueur maximale standard pour les pantalons et une hauteur minimale où on peut considérer les stores comme étant abaissés. Par conséquence, la valeur différentielle peut être délimitée et les prédicats deviennent téliques, même si leurs adjectifs de base ont des échelles ouvertes :

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(127) a. The tailor is lengthening my pants. =/⇒ The tailor has lengthened my pants.

b. Kim is lowering the blind. =/⇒ Kim has lowered the blind (Hay et all 1999 : 136 (29)) Que ce sont nos connaissances extralinguistiques qui sont exploitées devient clair quand on change les objets des verbes en (126) et les prédicats deviennent atéliques en (127). S’il existe une longueur conventionnelle pour les pantalons, il n’y pas de longueur standard pour un trajet du travail au domicile ; s’il y a une limite pour abaisser les stores, on peut baisser le chauffage indéfiniment. Ainsi, puisqu’il n’y a pas de moyen de délimiter la valeur différentielle, les achèvements de degré basés sur les adjectifs aux échelles non-bornées, sont atéliques :

(128) a. The traffic lengthened my commute.

b. Kim lowered the heat. (Hay et all 1999 : 137 (30)) (129) a. The traffic is lengthening my commute. ⇒ The traffic has lengthened my commute.

b. Kim is lowering the heat. ⇒ Kim has lowered the heat. (Hay et all 1999 : 137 (31)) Il faut néanmoins noter que l’identification de la valeur différentielle pour mesurer explicitement le changement subi par l’argument affecté résulte dans ces cas d’une implicature conversationnelle, qui peut être annulée :

(130) The tailor lengthened my pants, but not completely. (Hay et all 1999 : 137 (32)) Cette implicature émerge grâce à la maxime de quantité : l’interprétation la plus informative de ‘They straightened the rope’ est celle où la corde a été étirée complètement. L’effet de l’implicature consiste à imposer sur la prédication une interprétation de l’action accomplie (completely-like interpretation), déclenchant l’inférence d’une mesure délimitée du changement. La non-redondance de la phrase ‘They straightened the rope completely’ montre que la télicité déterminée contextuellement résulte d’une implicature.

Si aucun matériel ouvertement réalisé n’impose pas de limite à la valeur différentielle, c’est précisément cette implicature conversationnelle qui génère les interprétations téliques des achèvements de degré. Nous avons déjà vu que l’ambiguïté aspectuelle, illustrée à nouveau en (131), est un trait caractéristique de cette classe de verbes :

(131) a. The soup cooled in an hour.

b. The soup cooled for an hour. (Hay et all 1999 : 138 (32)) L’ambiguïté apparaît seulement dans les cas où la valeur différentielle doit être déduite contextuellement puisque c’est seulement dans ces cas que l’implicature conversationnelle peut émerger. La phrase ‘The soup cooled’ est la plus informative avec une interprétation télique en (131a), à savoir, que la soupe s’est refroidie à un certain degré saillant, notamment celui de la température ambiante. L’acceptabilité de l’adverbial duratif for an hour s’explique par le fait que l’implicature de la télicité est suspendue précisément par le modifieur, résultant en une interprétation atélique de la phrase, à savoir que la soupe s’est refroidie à un degré non-spécifié.

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L’implicature ne peut pas être suspendue si un DP de degré délimite expressément la valeur différentielle :

(132) a. The soup completely cooled in an hour.

b. ?? The soup completely cooled for an hour.

c. ?? The soup cooled 5 degrees for an hour. (Hay et all 1999 : 138 (35)) Puisque dans les exemples (132b et c) la télicité n’apparaît pas grâce à une implicature, mais grâce aux conditions de vérité associées au DP de degré, l’adverbe duratif ne peut plus annuler.

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