• Aucun résultat trouvé

Les constructions résultatives semi-idiomatiques en his/her/... way et avec un « faux »

2.5 Syntaxe – l(exicale) des constructions résultatives complexes

2.5.4 Les constructions résultatives semi-idiomatiques en his/her/... way et avec un « faux »

« faux » pronom réfléchi

En revenant au sujet de notre préoccupation initiale, à savoir la Restriction sur l’Objet Direct, après avoir appris comment le recours à l’opération de conflation peut expliquer la formation de différents types de construction résultative, nous pouvons regarder comment l’approche syntaxique-l peut élucider les contre-exemples apparents à la DOR, notamment ceux où un groupe résultatif semble prédiquer à propos du sujet d’un verbe transitif. Nous allons d’abord voir qu’en réalité le « faux » pronom réfléchi est loin d’être un faux puisqu’on peut lui attribuer un rôle thématique, comme à tous les autres objets non-sélectionnés des constructions résultatives complexes. L’analyse syntaxique-l permet de voir que la DOR s’applique aussi aux constructions résultatives (presque) idiomatiques en his/her way, qui semblent également poser problème à la contrainte DOR puisque dans cette construction le groupe prépositionnel résultatif semble prédiquer à propos du sujet à cause d‘une relation sémantique transparente entre le sujet et l’objet direct. Ces constructions seront analysées ensemble avec les phrases du type ‘John laughed himself silly’ comme des structures causatives transitives où les objets non-sélectionnés (his way et himself) sont interprétés respectivement comme thèmes du changement d’état ou de lieu.

Mateu 2005 soutient, contre Simpson 1983, que l’objet réfléchi en (259) ne doit pas être analysé comme un simple élément de substitution, un tenant-lieu syntaxique, inséré pour être en conformité avec la DOR. Ce « faux » pronom réfléchi a le même thêta-rôle que les objets non-sélectionnés du verbe inergatif to laugh en (259b) et du verbe transitif to eat employé comme inergatif en (259c), notamment celui de figure dans la projection de l’élément Path/Result en (260) :

(259) a. John laughed himself silly.

b. The Germanic audience laughed the Romance actor off the stage.

c. They drank the pub dry. (Mateu 2005 : 62 (15))

Au lieu d’être un simple tenant-lieu syntaxique, la fonction sémantique de himself en (259a) est claire puisque son thêta-rôle correspond à sa position, à savoir celle du spécifieur interne dans la structure argumentale complexe en (260).

117

(260) (Mateu 2005 : 63 (16))

Tous les exemples en (259) comportent des verbes inergatifs (ou employés comme inergatifs), d’où il faut conclure que le verbe subordonné impliqué dans le processus de conflation présenté en (260) doit être inergatif, et non inaccusatif. Les exemples construits en (261) avec des verbes inaccusatifs sont agrammaticaux. Pourquoi les verbes inaccusatifs sont exclus dans ce type de construction ? (261) a. *The river froze the fish dead.

b. *The ice melted the floor clean. (Mateu 2005 : 57 (3)) La structure argumentale impliquée dans ces exemples n’est pas bien formée puisque le spécifieur interne dans (262b) reste non légitimé. Les dérivations générées indépendamment en (262 a et b) représentent les structures argumentales d’un changement d’état, version causative (‘The river killed the fish.’/’The ice cleaned the floor.’) en (262a), et d’un changement d’état, version inchoative (‘The river froze.’/’The ice melted.’) en (262b). L’opération de conflation (compris comme un mouvement de tête, à partir du complément adjectival le plus bas) doit toujours utiliser et évacuer tout le matériel lexical de la structure argumentale subordonnée, mais dans (262b) le spécifieur the river/the ice n’est pas affecté par l’opération de conflation, qui laisse ces DPs en spécifieur derrière non légitimés (les spécifieurs ne sont jamais affectés par le processus de conflation).

(262) a. b. (Mateu 2005 : 64 (18))

118

Il y a donc une restriction syntaxique de principe que les prédicats subordonnés impliqués dans une opération de conflation ne sont jamais inaccusatifs. En revanche, cette condition d’exhaustivité (la structure subordonnée doit être « vidée ») est remplie quand l’opération de conflation affecte une structure argumentale subordonnée inergative en (260), où et la tête verbale inergative, et son complément nominal sont affectés par l’opération de conflation. Ainsi, seuls les verbes inergatifs ou les verbes transitifs inergativisés peuvent fonctionner comme des prédicats syntaxiques-l subordonnés.

A première vue, les « résultatifs inaccusatifs » en (263) semblent se présenter comme des contre-exemples pour la restriction syntaxique en question : il s’agit des verbes inaccusatifs prétendument en tant que prédicats subordonnés dans les constructions résultatives :

(263) a. The potatoes fried crisp.

b. The juice froze solid.

c. The lobster boiled soft. (Mateu 2005 : 64 (20))

Mais il ne s’agit pas de « vrais », mais de « faux » résultatifs » dans le sens de Rapoport 1999 : ces XPs résultatifs – crisp, solid, soft – sont ajoutés aux prédicats qui impliquent lexicalement la réalisation d’un état résultant (contrairement aux verbes de manière pure) et ne font que spécifier cet état. Ces XPs résultatifs sont mieux analysés comme des adjoints modifieurs de l’état final encodé par le verbe. Par conséquent, ces phrases ne peuvent pas être considérés comme des contre-exemples à la restriction syntaxique contre les verbes inaccusatifs en tant que prédicats subordonnés dans une opération de conflation. Les exemples en (263) serait mieux analysés comme une structure inaccusative de base avec un adjoint modifieur de l’état résultant.

Les exemples de ce qu’on appelle construction en way (his/her/... way-construction), qui ont également été invoqués comme ne pas respectant la Restriction DOR, sont présentés en (264) : (264) a. Morris joked his way into the meeting.

b. Pat pushed her way through the crowd. (Mateu 2005 : 67 (29)) Selon Mateu 2005, le groupe PrepP directionnel obligatoire de la construction en way doit être analysé comme prédiqué à propos du NP way, malgré l’impression que ce PrepP résultatif est prédiqué à propos du sujet à cause d‘une relation sémantique transparente entre le sujet et l’objet direct qui peut être interprété comme un NP possédé de manière inaliénable (puisque le sujet lie obligatoirement l’objet). Si cet objet n’a aucune existence ou signification propres, cela signifie, à son tour, que cette construction résultative contredit la DOR.

La construction en way a un composant de sens causatif, ce qui en fait une construction causative transitive qui exprime un changement volontaire et provoqué, autrement dit, causé, de lieu, ce qui permet de faire de l’objet his/her way un élément porteur de sens. Pour Mateu 2005, dans cette construction, il s’agit d’une tête verbale inergative subordonnée, dans une structure interprétée aspectuellement comme une activité making (a) joke(s) en (265b), qui est conflated dans une tête verbale nulle de la structure principale transitive en (265a), résultant en structure argumentale complexe en (266), interprétée comme un accomplissement.

119

(265) a. b. (Mateu 2005 : 69 (31))

Essentiellement, grâce au statut de « satellite » (qui ne peut pas, par définition, conflate) de la tête P(ath) into, la tête transitive nulle à la base de la structure transitive en (265a) peut être réalisée phonologiquement grâce au contenu phonologique fournit par la tête V2, essentiellement la racine JOKE, adjointe à la tête V1 en (266) :

(266) (Mateu 2005 : 70 (32))

Étant donné la structure en (266) pour la construction en way, il devient clair qu’elle n’enfreint pas la DOR puisque le XP résultatif n’est pas prédiqué à propos du sujet externe (Morris), mais à propos du sujet interne (his way), dans le spécifieur de la projection P(ath)P avec la tête into. Erteschik-Shir and Rapoport (2004) proposent une analyse similaire pour les constructions en way en (264). Pour elles, une interprétation agentive des sujets résulte de la projection d’une structure causative transitive d’accomplissement, où le sujet est agent d’une certaine activité (de joking ou de pushing) rendue télique par l’objet quantifié his/her way associé avec un trajet vers le but exprimé par le groupe prépositionnel (into the meeting ou through the crowd).

Il faut noter le parallélisme entre la construction en way et les constructions résultatives complexes du type John laughed himself silly, également causatives transitives. Les deux objets directs (his way et himself) sont interprétés comme thèmes du changement d’état ou de lieu, tandis que les groupes résultatifs (into the meeting et silly) sont interprétés comme encodant le but.

120

Documents relatifs