• Aucun résultat trouvé

Les types de décisions concernées

Le droit français et le droit koweïtien prévoyaient au départ des règles similaires sur le type de décisions concernées par le pourvoi en cassation.

Le droit koweïtien pose que seules les décisions sur le fond sont susceptibles de pourvoi. En principe, en vertu de l’article 17 de la loi n° 40/1972 relative au pourvoi en cassation, les

décisions avant dire droit ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi. Cet article prévoit une exception pour les décisions mettant fin à la procédure.

Le droit français appliquait les mêmes règles. En effet, la chambre criminelle considérait qu’ « en toutes matières, le pourvoi n’est recevable contre les décisions préparatoires ou

d’instruction qu’après le jugement ou l’arrêt définitif, hors le cas où l’ordre public et l’intérêt

d’une bonne administration de la justice exigent qu’il en soit autrement »310. Toutefois, le Code de procédure pénale a assoupli cette règle. Il prévoit que le pourvoi est désormais recevable pour les décisions avant dire droit. Il est d’usage de distinguer deux types de décisions susceptibles de pourvoi en cassation : les décisions sur le fond (§ 1), qui tranchent le principal et les décisions avant dire-droit ou décisions sur incident (§ 2). Commençons par l’étude des premières.

§ 1 : Les décisions sur le fond

En droit français, Les décisions sur le fond sont des jugements qui statuent sur l’objet même du procès. Il s’agit des décisions qui donnent au procès sa solution définitive311, sauf exercice des voies de recours, en statuant sur l’objet même de l’action312. En matière pénale, ce sont les jugements qui, sur l’action publique, reconnaissent la culpabilité du prévenu ou prononcent sa relaxe313 ou l’acquittement314, et ceux qui, sur l'action civile, allouent à la partie civile des dommages-intérêts ou la déboutent de sa demande. Ces décisions ont pour effet de dessaisir le juge qui les a rendues.

Les jugements qui tranchent en totalité le litige, soit en prononçant ou en refusant de prononcer une peine, soit en accordant ou en refusant d’accorder des dommages-intérêts sont qualifiées de décisions sur le fond315. Ainsi, la décision pourra ne trancher qu’une partie du

310 Cass. crim., 28 déc. 1959, Bull. crim., n°586.

311 Pour le droit koweïtien, V. Cass. pénale, 27 Mars 2001, n°188/2000.

312 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 30, Pourvoi en cassation - Décisions susceptibles d'être attaquées et conditions du pourvoi. - Pourvois contre les décisions sur le fond, par A. Maron, Octobre 2009, n°2 et s.

313 Concernent toutes les juridictions autres que la cour d’assises, Cass. crim., 8 fév. 1977, 7790100, Bull. crim. 1977, n° 46.

314 Concernent la cour d’assises, J. Pradel, Op. cit., n°935, p. 854.

litige, certains éléments du litige restant encore en suspens316. C’est le cas des décisions qui statuent sur l’action publique et l’action civile, mais sursoient à statuer concernant le préjudice en ordonnant une mesure d’instruction, notamment une expertise317, le moyen critiquant l’expertise n’étant toutefois pas immédiatement recevable318. Ces décisions sont donc des décisions sur le fond immédiatement susceptibles de pourvoi.

Sont aussi considérées comme des décisions sur le fond, celles qui, bien que ne mettant pas fin au procès, se prononcent sur le principe de la culpabilité. Le pourvoi en cassation est donc immédiatement recevable, comme par exemple le renvoi à une audience ultérieure pour qu’il soit statué sur l’action civile319, ou l’arrêt après s'être prononcé sur la culpabilité, qui ajourne le prononcé de la peine en application de l’article 132-60 du Code pénale320.

En droit koweïtien, les décisions sur le fond correspondent aux jugements définitifs qui contiennent une déclaration de culpabilité ou un acquittement. En cas de déclaration de culpabilité, la décision doit préciser la peine ou la dispense de peine321. C’est une décision définitive de sorte que le tribunal est dessaisi de tout pouvoir de juridiction. La décision éteint donc le lien juridique d’instance et a autorité de la chose jugée dès son prononcé. À la différence du droit français, le droit koweïtien impose, pour que le pourvoi en cassation soit recevable, que l’affaire soit jugée dans sa totalité322.

Les décisions sur le fond ne sont pas les seules à pouvoir faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Sous certaines conditions, sont également susceptibles d’un tel recours les décisions avant dire droit.

316 F. Ferrand, Cassation française et révision allemande, PUF, 1ère édition, 1993, p.25.

317 Cass. crim., 18 déc. 1998, 9881391, Bull. crim., n°58.

318 Cass. crim., 15 fév. 1972, 7191792, Ibid., n°58.

319 Cass. crim., 7 avr. 1976, Ibid., n°106.

320 Cass. crim., 8 fév. 1977, 7790100, Ibid., n°46.

321 F. Alnaser Allah, A. Alsamak, Op. cit., p. 614.

§ 2 : Les décisions avant dire droit

Contrairement aux décisions sur le fond, les jugements avant dire droit sont ceux qui ne statuent pas sur le fond de l’affaire mais sur les incidents ou les exceptions soulevés au cours du procès pénal. Ils n’ont pas pour objet de trancher le litige, mais sont émis en préparation de la solution du procès. Ces décisions sont des jugements rendus par une juridiction avant qu’elle ne dise le droit sur la demande principale323.

Selon le législateur koweïtien, dans l’article 17 de la loi n° 40/1972 relative au pourvoi en cassation, si le principe en droit koweïtien est que le pourvoi en cassation n’est recevable que contre les décisions sur le fond qui mettent définitivement fin à la procédure, le législateur a cependant admis qu’un pourvoi en cassation pouvait être formé contre les décisions avant dire droit qui mettent fin à la procédure324, indépendamment de la décision sur le fond. Il en va ainsi des décisions avant dire droit concernant l’amnistie325 ou l’exception de prescription de l’action publique326.

Il existe deux cas de décisions avant dire droit qui mettent fin à la procédure et pour lesquels la possibilité de former un pourvoi est évidente. Le premier cas concerne l’impossibilité de porter l’affaire devant la juridiction compétente. Il s’agit en l’espèce de cas où l’exception d’incompétence est accueillie ou bien où l’incompétence de la juridiction saisie est relevée d’office327. Le second cas concerne l’impossibilité pour le demandeur d’interjeter appel. Cette impossibilité peut être due au rejet certain de l’opposition car l’arrêt rendu en première instance est contradictoire à signifier328. Elle peut aussi être expliquée par l’irrecevabilité de l’appel en raison du non-respect des délais pour agir329. L’objectif de la législation est de prendre en compte les conséquences de cette décision qui met fin au litige et qui dessaisi le juge. Le régime du pourvoi contre les décisions mettant fin à la procédure est le

323 M. Léna, v° « jugement », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2008, n°13.

324 Cass. pénale 22 Décembre 1997, n°137/97.

325 M. Alnowaibit, Op. cit., p. 773.

326 F. Alnaser Allah, A. Alsamak, Op. cit., p. 615.

327 Cass. pénale, 22 Décembre 1997, n°137/97.

328 Cass. pénale, 16 Mars 1987, n°69/1986.

même que celui du pourvoi formé contre les décisions sur le fond. Le recours peut être formé immédiatement sans qu’il soit besoin d’attendre la décision sur le fond.

Selon l’article 17 de la loi n° 40/1972 relative au pourvoi en cassation, les décisions avant dire droit qui ne mettent pas fin à la procédure, rendues par la cour d’appel lorsqu’elle examine l’affaire, ne peuvent jamais être examinée indépendamment des décisions sur le fond330, qu’elles soient préparatoires, instruction ou interlocutoires. Il existait dans le Code de procédure civile koweïtien, un article 116 qui prévoyait la possibilité d’un pourvoi contre des décisions avant dire droit ne mettant pas fin à la procédure. Toutefois, il était difficile de distinguer entre les décisions qui mettent fin et celles qui ne mettent pas fin à la procédure. C’est pourquoi le législateur koweïtien a décidé d’abroger, cet article et prévoit désormais, dans l’article 128 du Code procédure civile, l’impossibilité de former un pourvoi contre les décisions avant dire droit ne mettant pas fin à la procédure. Le législateur aurait dû étendre cette possibilité à la matière pénale. Au lieu de cela, il a tout simplement supprimé cette possibilité en matière civile.

En droit français, ces décisions dites « avant dire droit » sont sujettes à un régime particulier prévu aux articles 570 et 571 du Code de procédure pénale. En vertu de l’article 570 alinéa 1 du Code de procédure pénale, « le pourvoi en cassation est immédiatement

recevable si cette décision met fin à la procédure », sans qu’il soit besoin de procéder à une

quelconque formalité331, Si elle ne met pas fin à la procédure, la décision est susceptible de pourvoi, mais ce dernier sera examiné au même moment que le pourvoi relatif à la décision sur le fond332. Toutefois, le pourvoi contre la décision sur incident peut exceptionnellement être examiné immédiatement par la Cour de cassation si l’intérêt de l’ordre public ou d’une bonne administration de la justice est en jeu333. Il appartient au président de la chambre criminelle de contrôler si la décision met fin ou non à la procédure et si les intérêts supérieurs de la justice sont ou non impliqués.

330 Cass. pénale, 1er Octobre 1998, n° 135/98.

331 B. Bouloc, G. Stefani, G. Levasseur, Op.cit., n°940, p. 945 ; Cass. crim., 10 juin 2009, 0981902, Bull. crim., n° 119.

332 J. Boré, L. Boré, v° « Cassation (pourvoi en) », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2013, n° 49.

Il convient donc de distinguer selon les deux hypothèses suivantes. En premier lieu, lorsque le pourvoi est dirigé contre une décision qu’on considère comme ayant mis fin à la procédure, si le président l’estime fondée, il transmet le dossier à la chambre criminelle qui statuera sur le pourvoi. S’il juge que la décision n’y met pas fin, il a la faculté, soit de déclarer le pourvoi irrecevable et rendre une ordonnance de non-admission, soit de déclarer le pourvoi recevable immédiatement s’il y va de l’intérêt de l’ordre public ou de la bonne administration de la justice334. En second lieu, si le pourvoi est formé contre une décision ne mettant pas fin à la procédure, en principe, le pourvoi ne devrait pas être recevable. L’objectif du législateur est d’éviter un ralentissement inutile du cours de la justice par des contentieux parallèles335 ou des pourvois purement dilatoires.

Or, prenant en considération les nécessités supérieures de la justice, la loi déroge à ce principe en posant des conditions restrictives336. En formant son pourvoi dans le délai normal, le demandeur doit déposer dans le même délai, au greffe de la juridiction dont émane la décision attaquée, une requête qui sera transmise par le greffier au président de la chambre criminelle. Au regard des nécessités de l’ordre public et de l’intérêt de la justice, soit il rejette la requête, et renvoie le dossier à la juridiction inférieure, soit il l’accueille et transmet le dossier à la chambre criminelle337. Sa décision qui est rendue dans les 8 jours suivant de la réception du dossier ne peut faire l’objet d’aucun recours. De la même manière que pour l’appel, et pour permettre au demandeur au pourvoi de présenter une éventuelle requête, la décision ne mettant pas fin à la procédure ne peut être exécutée pendant le délai du pourvoi. Si cette requête est déposée, l’impossibilité d’exécuter se poursuit jusqu’à la décision du président, lequel doit statuer dans les deux mois338.

La notion de décision juridictionnelle susceptible d’être frappée d’un pourvoi en cassation étant connue, il convient maintenant de nous intéresser à la seconde exigence, celle qui tient au fait que la décision doit avoir été rendue en dernier ressort.

334 B. Bouloc, G. Stefani, G. Levasseur, Op.cit., n°940, p. 945.

335 S. Guinchard, J. Buisson, Op. cit., n°2552, p.1420.

336 J. Pradel, Op. cit. n° 988, p.886.

337 J. Boré, L. Boré, Op. cit., n°15.115, p. 62.

S

ECTION

2 :

L

ES DECISIONS RENDUES EN DERNIER RESSORT

Il ressort des articles 567 et 591 du Code de procédure pénale français et de l’article 8 de la loi koweïtienne n° 40/1972 relative au pourvoi en cassation que les décisions des juridictions de jugement ne sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation que si elles sont rendues en dernier ressort. Cette règle constitue l’expression de la mission d’unification et d’interprétation du droit de la juridiction de cassation. Il serait en effet difficile de comprendre que la Haute juridiction puisse intervenir, tant qu’il restera une instance au cours de laquelle les erreurs de la précédente pourraient être corrigées.

En revanche, il est également difficile d’expliquer que l’on puisse retirer à la Cour de cassation des décisions qui sont en principe de son ressort. Il existe en effet des décisions rendues en dernier ressort, qui, à titre exceptionnel, ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi.

Le principe bien ancré en droit français et koweïtien est celui de la recevabilité du pourvoi contre les décisions rendues en dernier ressort (Sous-section 1). Il existe néanmoins des cas exceptionnels dans lesquels la voie de la cassation est limitée (Sous-section 2).

Sous-section 1 :

Le principe de recevabilité du pourvoi en cassation lorsque toutes les voies de