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Les cas d’ouverture en droit koweïtien

La loi n°40/1972 relative au pourvoi en cassation a organisé les cas de recours en cassation et la procédure applicable. Ces cas sont contenus dans les dispositions de l’article 8 de cette loi selon lequel « le ministère public, le condamné, la partie civile et le responsable

civil peuvent former un pourvoi en cassation contre les décisions pénales rendues par la haute

cour d’appel si l’arrêt attaqué est fondé sur une violation de la loi ou une erreur

d’interprétation ou d’application de la loi ; ou si la nullité entache la décision ou si une nullité

de procédure affecte la décision ».

Les cas précités émanent de la notion générale de violation de la loi et permettent de distinguer deux types de pourvois. Il y a d’abord ceux qui reposent sur une violation de la loi, et qui englobe l’erreur d’interprétation ou d’application de la loi (§ 1). Il y a ensuite ceux qui concernent la nullité (§ 2), c’est-à-dire, ceux relatifs à la décision en tant que telle, mais aussi aux vices de procédure qui affectent la décision.

Le pourvoi en cassation ne peut être admis que dans les cas limitativement énumérés par la loi. Nous allons les aborder l’un après l’autre.

§ 1 : La violation de la loi

La Cour de cassation a pour rôle de veiller à ce que les faits prouvés devant la juridiction de fond soient qualifiés correctement, et que les faits qualifiés soient conformes à la loi. Elle a aussi pour rôle de veiller à ce que la juridiction du fond applique la loi correspondant à la qualification. Le contrôle de la violation de la loi s’opère lorsqu’il y a violation des règles de fond, qu’elles figurent dans le Code de procédure pénale ou dans

d’autres dispositions législatives189. En outre, le législateur koweïtien n’a pas seulement prévu la violation de la loi en tant que cas d’ouverture de pourvoi en cassation mais a aussi distingué entre l’erreur d’interprétation et d’application de la loi.

Une grande partie de la doctrine190 a critiqué, et à juste raison, cette distinction, et a considéré que la violation de la loi était une expression générale englobant aussi bien l’erreur d’interprétation que l’erreur d’application. Ainsi, lorsqu’il existe une erreur du juge dans le choix du texte à appliquer ou dans l’interprétation d’un texte, cette erreur constitue certainement une violation de la loi.

En pratique, nous sommes en présence d’un cas d’ouverture lorsque la cour d’appel prononce une sanction malgré l’existence d’un fait justificatif191, ou lorsqu’elle commet une erreur en n’appliquant pas la loi correspondant au fait192. Il peut s’agir d’une violation d’une loi de fond lorsque la cour applique une peine qui ne correspond pas au fait correctement qualifié. C’est le cas par exemple, lorsque la Cour dépasse le maximum ou le minimum de la sanction prévue par la loi193. Il peut s’agir également d’une violation de la loi lorsque la Cour prononce une sanction pour des faits qui ne correspondent pas à la définition légale de l’infraction. C’est le cas par exemple lorsque la Cour condamne une personne pour émission de chèque sans provision alors qu’il s’agit d’une lettre de change selon le Code de Commerce194. Nous pouvons enfin citer le cas de la violation d’une loi de forme, comme par exemple la dérogation à la compétence ratione loci195 et la mauvaise application d’un délai196.

La nullité de l’arrêt peut aussi constituer un cas d’ouverture au pourvoi en cassation.

189 A. Srour, la cassation pénale, Caire,Dar Al-Shourouq, 2ème édition, 2005, p.146.

190 M. Abou amer, L’erreur dans le jugement pénal, Alexandrie, Les publications universitaires, 1985, p. 307.

191 Cass. pénale, 4 Novembre 1996, n° 99/1996.

192 Cass. pénale, 7 Janvier 2003, n° 124/2002.

193 Cass. pénale, 2 Février 1987, n° 157/1986.

194 Cass. pénale, 7 Janvier 2003, n° 142/2002.

195 Cass. pénale, 22 Mai 2001, n° 5/2001.

§ 2 : La nullité

Les règles de forme sont essentielles car elles permettent aux juridictions d’appliquer correctement les règles de fond. En effet, l’arrêt n’est que le résultat de l’application d’un ensemble de procédures judiciaires prévues par le législateur, pour réaliser l’équilibre entre la liberté personnelle de l’accusé d’une part, et la protection de l’intérêt public et de la bonne administration de la justice, d’autre part. C’est essentiellement pour cette raison que le législateur a prévu la nullité comme sanction à la violation des règles procédurales. Il s’agit d’une sanction qui a pour résultat d’annuler les effets de la procédure, car ces derniers n’auraient pu exister si la loi procédurale avait été appliquée correctement197.

Le législateur koweïtien a donc distingué entre la nullité de la décision et la nullité des procédures sur lesquelles l’arrêt se base et a considéré qu’elles constituaient toutes les deux cas d’ouverture au pourvoi en cassation.

En premier lieu, la décision est nulle lorsqu’elle est entachée d’un vice substantiel, car la juridiction n’a pas appliqué correctement les règles de forme prévues par la loi, et qui permettent de rendre des décisions en matière pénale198. Il peut s’agir de la violation des règles gouvernant le débat (publicité, procès-verbal)199 , des règles gouvernant le délibéré ou le jugement (rédaction de l’arrêt)200, ou des règles relatives à la motivation201.

En second lieu, constitue un cas d’ouverture au pourvoi en cassation, la décision nulle en raison d’un vice de procédure. Il en va ainsi lorsque l’on est en présence d’un vice de procédure substantiel qui affecte la décision, c’est-à-dire, que le vice a une influence sur la décision du juge202. Au cas contraire, il ne peut s’agir d’un cas d’ouverture au pourvoi en cassation. Le vice doit donc concerner notamment les différentes phases de l’enquête203, de

197 F. Alnaser Allah, A. Alsamak, Op. cit., p. 736.

198 Ibid.

199 Cass. pénale, 8 Janvier 2002, n° 279/2001.

200 Cass. pénale, 1er Juillet 2003, n° 752/2001.

201 Le manque de raisonnement est en fait la cause la plus fréquente de pourvoi en cassation, R. Obeid, Les

principes des procédures pénales, Caire, Dar Al Nahda Al Arabiya, 11ème édition, 1989, p. 853.

202 A. Srour, Op. cit., p.250.

l’instruction et de jugement204, ou la publicité des décisions205. Un des cas d’ouverture le plus important en la matière est la violation des droits de la défense206.

Les cas de nullité relatifs à la notion de violation de la loi au sens de l’article 8 de la loi n°40/1972 relative au pourvoi en cassation s’appliquent qu’il s’agisse d’une nullité d’ordre public ou d’une nullité visant un intérêt privé. Ce dernier type de nullité est soumis à l’exigence d’un grief207.

En France, les cas d’ouverture au pourvoi en cassation sont cités à titre d’exemple et non pas exclusivement pour la seule cause de violation de la loi, tandis qu’au Koweït, le législateur les a limitativement énumérés, mais c’est le juge qui s’est arrogé une grande liberté dans l’interprétation de ces cas d’ouverture.

Selon nous, le législateur koweïtien doit revoir son système sur au moins trois points.

Il s’est d’abord trompé en reprenant le système égyptien208, qui, en réalité, est difficilement applicable au Koweït, car la distinction égyptienne n’a pas de réelle importance au point de vue pratique au Koweït puisque la violation de la loi et la nullité de la procédure sont soumises aux mêmes règles.

Ensuite, il a utilisé le terme nullité à deux reprises alors qu’il aurait été plus judicieux d’employer l’expression « violation de la loi de forme » ou « la non-conformité aux règles

procédurales prévues par la loi ».

Enfin, le législateur koweïtien devrait pouvoir se contenter d’utiliser la notion de violation de la loi car elle englobe à elle seule tous les cas d’ouverture qu’il a prévus. Certes, les cas d’ouverture permettent au demandeur de former un pourvoi en cassation mais il lui reste tout de même à faire valoir sa demande sous forme de moyens de cassation. Ces moyens

204 Cass. pénale, 13 Juin 2000, n° 230/1999.

205 Cass. pénale, 8 Janvier 2002, n° 279/2001.

206 Ibid.

207 A. Srour, Op. cit., p.243.

208 Le législateur égyptien a donné à la Cour de cassation la liberté de contrôler les violations du droit de fond, spécialement dans les cas de pourvois sans renvoi ; voir article 30 sur les cas d’ouverture.

sont alors considérés comme l’application concrète et effective d’un cas d’ouverture possible de pourvoi en cassation à l’encontre de la décision attaquée.

S

ECTION

2:

L

ES MOYENS DE CASSATION

Les moyens de cassation constituent les éléments fondamentaux de tout pourvoi. Ce sont eux qui saisissent la haute juridiction et l’obligent à remplir sa mission et à dire le droit209.

Le terme « moyen » correspond aux« arguments développés par les parties pour

démontrer l’implication de leur affaire dans un des cas d’ouverture existant »210. À titre d’illustration, le demandeur, arguant de la mauvaise application des règles relatives à la composition des juridictions (ouverture à cassation), fera remarquer que la décision qu'il conteste est celle d’une cour d’appel au sein de laquelle siégeait un membre de la chambre d’accusation qui avait statué sur les charges de culpabilité (moyen de cassation)211.

Il résulte des dispositions des articles 584 et 590 du Code de la procédure pénale français et de l’article 10 de la loi koweïtienne n°40/1972 relative au pourvoi en cassation, que les deux droits exigent, que la présentation des moyens de cassation soit faite de manière claire dans un mémoire, et que celui-ci soit déposé dans les délais.

Cependant, ces deux droits n’ont pas précisé les éléments de forme des moyens devant être spécifiées afin de pouvoir déterminer s’ils sont bien fondés, contrairement à ce qui existe effectivement en matière de procédure civile française (article 978 du Code de procédure civile)212 et koweïtienne (article 153 du Code de procédure civile et commerciale)213.

209 M. Mayer, « le moyen de cassation en matière pénale comparé au moyen de cassation en matière civile », in

mélanges en l’honneur de jacques Boré, Dalloz, 2007, p. 323.

210 M.-L. Rassat, Op. cit., p.724, n°686.

211 J.-Cl. procéd. pén., Art. 591 à 600, Fasc. 30, Pourvoi en cassation. Ouvertures à cassation. Causes d'irrecevabilité ou d'inefficacité des moyens de cassation, par O. de Bouillane de Lacoste, Janvier 1999, n°1 ; M Alnowaibit, Explication du Code de procédure pénal koweïtien, Koweït city, 2ème édition, 2008, p. 785.

212 L’article 978 du Code de procédure civile français fournit la base légale du contenu du moyen pour la procédure avec représentation obligatoire par un avocat aux conseils et dispose : « A peine d'être déclaré d'office

Toutefois, la forme traditionnelle du moyen, en France et au Koweït, est de nature à garantir sa clarté et sa précision et donc à favoriser le succès du pourvoi. Le moyen en matière pénale expose successivement les textes ou principes concernés214, puis le dispositif visé. Ensuite, il cite les motifs critiqués et, enfin, il explique l’objet de la critique (en quoi le dispositif ou les motifs violent le texte ou le principe invoqué)215.

Nous pouvons observer que l’absence de détermination des éléments de forme des moyens du pourvoi en matière criminelle, en France, est justifiée par le fait qu’il n’est pas obligatoire d’être représenté par un avocat à la Cour de cassation. Par conséquent, il est nécessaire d’accepter un minimum de données fournies par les individus pour considérer recevable le moyen de cassation. La Cour ne peut pas se montrer trop exigeante dans son appréciation.

Ce même principe n’est pas justifié au Koweït, étant donné qu’un avocat spécialisé est tenu de signer le pourvoi en cassation en matière pénale, pour que celui-ci soit recevable216. Par conséquent, il conviendrait d’harmoniser les procédures applicables devant la Cour de cassation en matière civile et pénale au Koweït.

Pour qu’un moyen puisse entraîner l’annulation de la décision attaquée, il ne suffit pas qu’il soit bien structuré. Il faut qu’il encore soit recevable et efficace. Or, aussi bien en France qu’au Koweït, les causes d’irrecevabilité des moyens sont nombreuses. Et même, en cas de recevabilité du moyen, il s’avère souvent inefficace de sorte que le pourvoi est rejeté217.

irrecevable un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu'un seul cas d'ouverture. Chaque moyen ou chaque élément de moyen doit préciser, sous la même sanction : le cas d'ouverture invoqué ; la partie critiquée de la décision ; ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué ».

213 L’article 153 du Code de procédure civile et commerciale koweïtien dispose que « Le mémoire doit être

présenté au greffe de la haute cour d’appel et doit être signé par un avocat. Il doit inclure en plus des données concernant les noms des différentes parties et de leurs attributs ainsi que les domiciliations de chacun et son lieu de travail, le jugement attaqué, son historique, l'exposé des moyens de cassation et les requêtes du demandeur du pourvoi. Si le pourvoi en cassation n’est pas présenté dans cette forme, il est considéré comme étant nul et la chambre du conseil se doit de prononcer son irrecevabilité de sa propre initiative ».

214 Article 590 du Code de procédure pénale français « Les mémoires contiennent les moyens de cassation et

visent les textes de loi dont la violation est invoquée ».

215 J. Boré, L. Boré, Op. cit., n° 111.12, p. 340.

216 V. infra le dépôt d’un mémoire.

217 J.-Cl. procéd. pén., Art .591 à 600, Fasc. 30 , Pourvoi en cassation - Ouvertures à cassation. - Causes d'irrecevabilité ou d'inefficacité des moyens de cassation, par. O. de Bouillane de Lacoste, Janvier 1999, n°2.

Pour décrire les situations respectives des deux pays, nous allons opérer une distinction entre les moyens ne pouvant pas être soulevés devant la Cour de cassation par le demandeur (Sous-section 1) et celles qui peuvent l’être (Sous-section 2).

Sous-section 1 :

Les moyens ne pouvant pas être soulevés devant la Cour de cassation par le