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L’histoire de la cour de cassation française

En droit français, il existe une voie de recours singulière : le pourvoi en cassation. Cette voie de recours peut être exercée en matière civile et en matière pénale. Son objectif est de contrôler la conformité à la loi de la décision attaquée70. En France, le pourvoi en cassation est le résultat de la mise en œuvre de nombreux procédés de contrôle et de la gestion des conflits pratiquée sous l’Ancien régime. Ce système a survécu à la Révolution française et s’est maintenu à travers les différents régimes politiques successifs71. Il convient de retracer les différentes étapes de la construction de la Cour de cassation en abordant successivement, l’Ancien régime (§ 1), le Tribunal de cassation (§ 2) et la Cour de cassation (§ 3).

§ 1 : L’Ancien régime

La « demande en cassation » est un procédé très ancien. Elle trouve sa source dans l’exercice du pourvoi monarchique sous l’Ancien Régime72. À cette époque, la justice était rendue selon le système dit « de justice retenue » c’est-à-dire que les décisions étaient prises « au nom du Roi » qui était la source de tout pouvoir73.

Durant cette période, seule la justice du monarque comptait. Autrement dit, « toute

justice émane(ait) du Roi »74. Il en était ainsi du droit de grâce qu’il exerçait seul. Toutes les

70 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 10, Pourvoi en cassation, Origines et caractères de l'institution. - Cour de cassation et droit pénal, par A. Maron, Juin 2004, n° 1.

71 J.-F. Weber, La Cour de cassation, 2ème édition, la documentation française, 2010, p. 15.

72 Y. Chartier, La Cour de cassation, Dalloz, 2ème édition, 2001, p.3.

73 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 10, Pourvoi en cassation, Origines et caractères de l'institution. - Cour de cassation et droit pénal, par A. Maron, Juin 2004, n° 2.

juridictions lui étaient assujetties. Il appartenait au Roi de vérifier l’utilisation faite par les différentes juridictions des prérogatives qui leur étaient conférées. Cependant, le Roi avait tendance à prendre conseil auprès de juristes professionnels pour les affaires contentieuses qui étaient portées devant lui75.

À cette époque, il pouvait arriver que le Conseil du Roi décide de soustraire aux juges ordinaires des affaires pour les juger lui-même. Le Conseil du Roi avait même la possibilité de censurer une décision qui avait été rendue en dernier ressort par le Parlement et de la renvoyer vers une autre juridiction pour qu’elle se prononce quant au fond. Ce genre de renvoi s’explique par le caractère coutumier des sources du droit, les juridictions locales étaient effectivement plus compétente techniquement pour appliquer le droit76. La cassation des arrêts des Parlements constituaient une voie extraordinaire qui avait pour but de leur faire respecter les ordonnances royales. Le justiciable se limitait alors uniquement à soumettre au Roi la violation de ses ordonnances pour lui permettre d’intervenir77.

Le concept de cassation n’est en réalité découvert qu’au XVIe siècle. Il est la conséquence du développement de la législation royale, d’une connaissance plus précise des erreurs de fait et des erreurs de droit, mais aussi de l’accroissement des conflits de compétence entre cours souveraines78. La cassation a aussi évolué au gré du mouvement de spécialisation qui, au sein du Conseil du Roi, a confié le contentieux des affaires privées contre les arrêts des Parlements au Conseil des parties ou bien au Conseil privé.

Cette section du conseil à laquelle le roi n’était pratiquement jamais présent au XVIIIe siècle79, regroupait en effet sous la présidence du Chancelier une élite de professionnels du droit composée en 1789 de quarante-deux conseillers d’Etat et de quatre-vingts maitres des requêtes chargés de rapporter les affaires80. Sous l’Ancien régime, la cassation ne constituait

75 J.-F. Weber, Op. cit., p.16.

76 G. Marty, Op. cit., p. 38.

77 J. Boré, L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 4ème édition, 2008, n°01.51, p.8.

78 J.-L. Halperin, Le Tribunal de cassation sous la Révolution (1790-1799), Thèse, Université de paris II, 1985, p.24.

79 J.-F. Weber, Op. cit., p. 16.

pas une voie juridique capable de s’insérer dans le cadre de la procédure ordinaire. Le recours au conseil des parties demeurait une procédure longue, complexe et exceptionnelle ; les recours étaient rares et coûteux.

Le système de cassation de l’Ancien Régime a été abandonné pour créer le Tribunal de cassation.

§ 2 : Le Tribunal de cassation

Les principes révolutionnaires, préparés par la philosophie des Lumières, ne viennent pas bouleverser la mise en œuvre du mécanisme de cassation puisqu’il rend possible une application uniforme, sur tout le territoire, de la loi par les juges81. Par décret du 12 août 1790, l’Assemblée Constituante décida de substituer au conseil des parties un Tribunal de cassation « unique et sédentaire auprès du Corps législatif ». Mais ce décret n’apportait pas de changement, la nouvelle institution ne faisait qu’hériter des dossiers du conseil des parties. En effet, la réforme avait simplement conduit à une modification très symbolique du nom de la juridiction, cette dernière devenant une annexe du Corps législatif auquel elle devait en référer si l’interprétation de la loi était nécessaire82.

Le décret du 27 novembre 1790, promulgué le 1er décembre suivant, avait défini la compétence du Tribunal de cassation. Ce texte précisait d’une part, que le Tribunal pouvait «annuler toutes procédures dans lesquelles les formes auront été violées et tout jugement qui

contiendra une contravention expresse au texte de la loi » ; d’autre part, il prévoyait que «

sous aucun prétexte et dans aucun cas, le Tribunal de cassation ne pouvait connaître du fond

des affaires »83. S’agissant de la procédure applicable devant le tribunal, le décret renvoyait toujours au Règlement de juin 1738 évoquant la forme et la procédure applicables devant le Conseil des parties84.

81 J.-F. Weber, Op. cit., p.18.

82 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 10, Pourvoi en cassation, Origines et caractères de l'institution. - Cour de cassation et droit pénal, par A. Maron, Juin 2004, n° 4.

83 Y. Chartier, Op. cit, p. 3-4.

84 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 10, Pourvoi en cassation, Origines et caractères de l'institution. - Cour de cassation et droit pénal, par A. Maron, Juin 2004, n° 4.

Très vite, le Tribunal de cassation a été dans l’obligation de dépasser le strict cadre de sa mission et de procéder à l’interprétation de la loi dans les cas, effectivement nombreux, où un doute planait sur son sens ou sur sa portée. C’est pourquoi, la Convention a pu annuler les décisions abusives du tribunal. À l’évidence, cette situation paradoxale devait évoluer85.

Après la Révolution et pendant l’Empire, différents textes ont complété ou modifié certaines dispositions dont les plus importants sont la loi du 24 octobre 1795 et la loi du 18 mai 1804. La première a, entre autres, consacré la division du tribunal en trois sections (futures chambres civiles, criminelle et des requêtes) et précisé le transfert direct en matière pénale des pourvois devant la section criminelle, sans examen préalable par la section des requêtes86 . La seconde a eu pour objet notamment de conférer au tribunal le nom de Cour de cassation.

§ 3 : La Cour de cassation

Juste après le changement de nom, fut promulgué, en 1808, le Code de l’instruction criminelle qui régla la procédure à suivre devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. L’institution du référé législatif, qui était applicable au sein du tribunal de cassation et était très peu utilisée, devait être définitivement abandonnée par la loi du 1er avril 1837. La Cour de cassation bénéficiait dès lors des moyens pour rendre ses propres décisions et par conséquence faire primer son interprétation de la loi et assurer l’unité de la jurisprudence des cours et tribunaux. Par là-même, elle s’est libérée du joug du pouvoir législatif et elle a été autorisée à interpréter seule toutes les dispositions issues notamment de la codification napoléonienne87.

Le XXe siècle a été marqué par la poursuite de l’œuvre jurisprudentielle de la Cour88. La législation a effectivement évolué en matière pénale. Effectivement, c’est le Code d’instruction criminelle qui a édicté la procédure applicable devant la chambre criminelle, le

85 Ibid., n°5.

86 R. de la Grasserie, De la fonction et des juridictions de cassation en législation comparée, Librairie générale de droit et de jurisprudence, paris, 1911, p. 41.

87 J. Boré, L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 4ème édition, 2008, n° 01.81, p. 12.

règlement de 1738 n’étant plus en vigueur. Pendant le XIXe siècle, et jusqu’à l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale, en 1959, cette législation n’a fait l’objet que de peu de changements. Ainsi, la loi du 30 juillet 1828 a prévu que le second pourvoi formé dans une même affaire releverait de la compétence des chambres réunies, sans que toutefois le dernier mot n’échappe à la nouvelle juridiction de renvoi. La loi du 1er avril 1837 a, au contraire, donné autorité du second arrêt de cassation, en estimant que la nouvelle juridiction de renvoi devait se soumettre au point de droit tranché par les chambres réunies.

Le Code de procédure pénale entré en vigueur en 1959 a réservé au pourvoi en cassation le titre Ier de son livre III, comportant 55 articles (article 567 à 621), répartis en six chapitres respectivement intitulés : « Des décisions susceptibles d’être attaquées et des

conditions du pourvoi ; Des formes du pourvoi ; Des ouvertures à cassation ; De l’instruction

des recours et des audiences ; Des arrêts rendus par la Cour de cassation ; Du pourvoi dans

l’intérêt de la loi ». Dans l’ensemble, ces dispositions ont dupliqué les solutions du Code

d’instruction criminelle. Il a fallu néanmoins les adapter au contexte et les compléter sur certains points.

En définitive, nous pouvons observer que les modifications apportées au rôle de la Cour de cassation89 et à la procédure du pourvoi en cassation au cours des années ont été réclamées par la juridiction elle-même. Elles ont toutes eu pour but de renforcer le caractère extraordinaire du recours en cassation90.

L’institution de la Cour de cassation, qui est le fruit de nombreuses réformes, a également été une source d’inspiration pour les systèmes juridiques étrangers.

89 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 10, Pourvoi en cassation, Origines et caractères de l'institution. - Cour de cassation et droit pénal, par A. Maron, Juin 2004, n° 10.