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Les cas d’ouverture en droit français

Il se déduit des termes de l’article 567 du Code de procédure pénale français que le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’en cas « de violation de la loi », quel que soit l’auteur du pourvoi156. Le texte se réfère toutefois aux « distinctions qui vont être établies » pour le détail de ces cas d’ouverture. L’article 591 du même Code reprend une formulation similaire, et c’est dans les articles 592 et suivants que l’énumération de certains cas d’ouverture à cassation est présentée. En dehors des cas d’ouverture expressément prévus par le législateur, d’autres cas d’ouverture sont implicitement compris dans l’expression générique de « violation de la loi» prévus par les articles 567 et 591 du Code de procédure pénale, tels que l’excès de pouvoir et l’incompétence. Certes, le pourvoi est une voie de recours dite extraordinaire, mais on ne peut se limiter à ce cadre étroit alors que l’honneur et la liberté du demandeur sont en cause157. Nous allons donc examiner successivement les cas d’ouverture spécifiques (§ 1) et les cas d’ouverture génériques (§ 2).

§ 1 : Les cas d’ouverture spécifiques

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire, uniquement ouverte dans les cas déterminés par la loi. Les articles 591 à 593 du Code de procédure pénale français en prévoient une liste. En vertu de ces textes, l’annulation est encourue pour les décisions qui contiennent une violation de la loi se présentant sous des aspects différents.

155 Pour une étude plus approfondie, V. J. Boré, L. Boré, La cassation en matière pénale ; et J.-Cl. procéd. pén., Art. 591 à 600, Fasc.10, Fasc.20, par O. de Bouillane de Lacoste.

156 Cass. crim., 29 nov. 1982, 8193489, Bull. crim., n° 269.

L’article 592 énonce un premier cas qui se divise lui-même en plusieurs hypothèses, toutes relatives soit à la composition irrégulière de la juridiction qui a statué, notamment lorsque la décision n’a pas été rendue par le nombre de magistrats prescrit par la loi (alinéa 1)158, soit lorsque la décision a été rendue par des juges qui n’ont pas assisté à toutes les audiences de la cause159 ou sans que le ministère public ait été entendu (alinéa 2), soit enfin, en raison du non-respect de la règle de la publicité des débats et de l’audience de prononcé du jugement (alinéa 3)160. La chambre criminelle a, pour se dispenser des cassations purement formelles, a admis de manière exponentielle des présomptions de régularité qui signifie l’observation régulière des formes, en l’absence de contestation161.

Ensuite, en vertu de l’article 593, alinéa 1 du Code de procédure pénale français, la chambre criminelle de la Cour de cassation qui apprécie la présence de la motivation des décisions des juridictions répressives et leur qualité162, censure celles dont la motivation est insuffisante ou contradictoire163. L’importance de ce cas d’annulation réside dans le fait que « la motivation permet non seulement une meilleure compréhension et acceptation de la

décision par le justiciable mais est surtout une garantie contre l’arbitraire. D’une part, elle

oblige le juge à confronter les moyens de défense des parties et à préciser les éléments qui

justifient sa décision et rendent celle-ci conforme à la loi et, d’autre part, elle permet une

compréhension du fonctionnement de la justice par la société 164».

Les vices concernant la motivation des décisions se présentent essentiellement sous trois formes. Les deux premières formes sont l’absence totale de motif165 et l’insuffisance de

158 Cass. crim., 15 nov. 1973, 7293425, Bull. crim., n°420 ; Pratiquement, le cas se produit quand l’arrêt omet de mentionner le nom de certains des magistrats qui ont concouru à son prononcé ; Cass. crim., 12 juin 1958, Bull. crim., n°457.

159 Cass. crim., 4 mai 1973, 7290262, Ibid , n°203.

160 Cass. crim., 13 avr. 1999, Ibid. 1999, n° 79 ; Dr. Pén. 1999, comm. n°108 ; Cass. crim., 25 juil. 2007, 0783550, Ibid., n°187 ( nécessité d’une atteinte aux droits de l’intéressé).

161 Cass. crim., 19 mars 1981, 8094525, Bull. crim., n°100 ; Cass. crim., 8 déc. 2009, 0984426, Inédit.

162 Nous rappelons que, pour la cour d’assises, l’ensemble des réponses reprises dans l’arrêt de condamnation, qu’en leur intime conviction magistrats et jurés ont donné aux questions qui leur étaient posées, tient lieu de motifs.

163 Cour de cassation, « L’obligation de motivation », Rapport annuel 2010 « Le droit de savoir ». Cass. crim., 13 mai 2014, 1384088, Inédit .

164 Le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) dans son Avis n° 11 (2008) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur la qualité des décisions de justice.

motifs constitutive du défaut de base légale166. La chambre criminelle assimile à cette deuxième forme la contradiction dans les motifs167, ou entre les motifs et le dispositif168. Ces cas d’ouverture se différencient par leur nature. En effet, le défaut de motifs est un vice de forme, alors que l’insuffisance et la contradiction sont des vices de fond169. Il convient également de préciser que la Cour de cassation peut substituer un motif de pur droit à un motif erroné ou inopérant, et justifier ainsi la décision attaquée « Attendu, cependant, que cette

erreur de droit est sans incidence sur la solution du litige dès lors qu'il résulte des

énonciations de l'arrêt attaqué, non critiquées par le demandeur, que (…..) n'a commis aucune

faute ayant contribué à la réalisation du dommage, d'où il suit que l'auteur de l'infraction est

tenu à réparation intégrale envers lui ; que, par ce motif substitué à ceux des juges du fond, la

décision se trouve justifiée »170.

L’article 593 alinéa 2 du Code de procédure pénale français, prévoit un troisième cas d’ouverture du pourvoi en cassation. Il s’agit du pourvoi pour défaut de réponse aux conclusions des parties171 ou aux réquisitions du parquet172, les juges ayant refusé ou omis de répondre173. Il faut préciser que les juges n’ont pas l’obligation de répondre à tous les arguments des parties mais la Cour de cassation estime que la cour d’appel est tenue de répondre de manière explicite « à des conclusions portant sur un fait qui constitue un moyen

péremptoire de défense »174.

L’article 596 du Code de procédure pénale français, ajoute un cas particulier d’ouverture en matière criminelle, lorsqu’un arrêt qui condamne l’accusé a prononcé une peine autre que celle prévue par la loi en fonction de la nature du crime. Dans ce cas, seuls le ministère public et la partie condamnée peuvent poursuivre l’annulation de l’arrêt. Ainsi, il a

166 Cass. crim., 14 oct. 1985, 8496009, Ibid. 1985, n° 310.

167 R. Merle, A. Vitu, Traité de droit criminel, tome II, Édition Cujas, 5ème édition, 2001, n°861, p.1013 ; Cass. crim., 29 nov. 1946, Bull. crim., n° 217.

168 Cass. crim., 9 juil. 1980, 7994650, Bull. crim., n°222 ; Cass. crim., 3 fév. 2010, 0985222, Inédit.

169 J.-F. Weber, Op. cit., p. 70.

170 Cass. crim., 29 janv. 1991, 9081162, Bull. crim. 1991, n° 46.

171 Pas aux notes d’audience, Cass. crim., 10 juin 1992, 9182872, Bull. crim., n°225.

172 S. Guinchard, J. Buisson, Op. cit., n°2558, p. 1424.

173 J. Pradel, Op. cit., n°984, p. 885.

174 C’est-à-dire aux moyens qui sont de nature à influer sur la solution du litige, notamment sur la responsabilité pénale du prévenu ; Cass. crim., 12 juin 1976, 7592973, Bull. crim., n°205.

été jugé que le procureur général « est sans qualité pour se pourvoir contre l’arrêt d’une cour

d’assises dès lors que les peines prononcées ne sont pas autres que celles appliquées par la loi

à la nature des crimes et délits dont les accusés ont été déclarés coupables »175.

Le dernier cas d’ouverture spécifique est prévu par l’article 597 du Code de procédure pénale français, par lequel le législateur ouvre le pourvoi uniquement au profit du ministère public « contre les arrêts d’acquittement mentionnés à l’article 363, si la décision a été

prononcée sur la base de la non existence d’une loi pénale qui pourtant aurait existé ». Ainsi,

il faut partir du principe que la cour d’assises a considéré que « le fait retenu contre l’accusé

ne tombait pas ou ne tombait plus sous l’application de la loi pénale »176 alors que la loi pénale existait bien177. L’erreur de droit est sanctionnée ici par la nullité.

À ces cas d’ouverture spécifiques au pourvoi s’ajoutent des cas d’ouverture génériques.

§ 2 : Les cas d’ouverture génériques.

En dehors de ces cas énumérés par le Code, la jurisprudence admet, à juste titre, des cas d’ouverture découlant des articles 567 et 591 du Code de procédure pénale et implicitement contenus dans la notion de violation de la loi.

C’est tout d’abord l’excès de pouvoir qui se produit lorsque le juge même compétent pour statuer, a procédé à des actes qu’il n’avait pas le pouvoir de faire178. Le juge peut excéder son pouvoir positivement ou négativement. Lorsque par exemple le juge statue sur des faits non visés par la décision de renvoi ou par la citation179, il dépasse le champ de ses attributions. Dans ce cas, l’excès de pouvoir est positif. Ce dernier est négatif lorsque le juge refuse de se reconnaître un pouvoir que la loi lui confère180.

175 Cass. crim., 20 nov. 1985, 8591622, Ibid.1985, n°366 ; Cass. crim., 21 fév. 2007, 0681713, Ibid., n°53 ; Dr.

Pén. 2007, comm. n° 78, obs. Maron.

176 L’article 363 alinéa 1er du Code de procédure pénale français.

177 C. Girault, v° « Acquittement », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2013, n°7.

178 R. Merle, A. Vitu, Op. cit., n°861, p.1013.

179 Cass. crim., 21 mai 1996, 9485029, Bull. crim., n° 208.

Après l’excès de pouvoir, il faut citer le cas de l’incompétence. En l’espèce, la juridiction n’avait pas compétence pour juger181, cette incompétence pouvant être ratione

materiae182, ratione loci183 et ratione personae184. La règle d’incompétence des juridictions

judiciaires est d’ordre public, la chambre criminelle a déclaré que « Le juge de répression qui

relève dans le débat des circonstances aggravantes de nature à attribuer aux faits dont il est

saisi par l'ordonnance de renvoi, une qualification criminelle, doit se déclarer incompétent, et,

en ce cas, il appartient à la Cour de cassation, si elle rejette le pourvoi, de régler de juges

d’office»185.

La dernière cause de pourvoi expressément visée par l’article 591 du Code de procédure pénale français, est la violation de la loi pénale de fond186. La Cour de cassation distingue traditionnellement entre trois sortes de violation. En premier lieu, constitue une violation la mauvaise interprétation de la règle de droit qui suppose qu’une loi sujette à controverse a fait l’objet d’une interprétation erronée par les juges du fond, qui en ont étendu ou restreint arbitrairement les termes ou la portée187. En deuxième lieu, la violation peut consister dans le refus d’appliquer une loi claire et formelle à une situation de fait qu'elle devait régir. Enfin, il peut s’agir de la fausse application de la loi qui consiste à appliquer un texte de loi clair à une situation de fait qu’il ne devait pas régir188.

Somme toute, la chambre criminelle de la Cour de cassation française vérifie que les juges du fond ont bien appliqué et interprété les lois pénales de fond, c’est-à-dire celles qui sont relatives aux infractions et à la peine qui leur est applicable ou les lois pénales de forme concernant l’organisation de la procédure.

181 Cass. crim., 28 fév. 2006, 0585840, Ibid., 2006, n°57.

182 En matière répressive, la compétence matérielle est déterminée en fonction de la nature de l’infraction et de sa qualification légale. Par exemple, un crime est jugé par une juridiction correctionnelle, notamment par suite d’une correctionnalisation, Cass. crim., 16 déc. 1956, Bull. crim., n°457.

183 Qui est établie uniquement d’après des considérations de lieu (lieu de la résidence ou de l’arrestation, lieu de l’infraction, ou de détention du délinquant) ; Cass. crim., 28 fév. 2006, 0585840, Bull. crim., 2006, n°57.

184 En générale, en tenant compte de la qualité personnelle du délinquant mineur, militaire..), ex. mineur de moins de 16 ans renvoyé devant la cour d’assises des mineurs ; Cass., crim. 21 mars 1957, Bull. crim., n° 281.

185 Cass. crim., 6 août 1977, 7790882, Bull. crim., n° 276.

186 B. Bouloc, G. Stefani, G. Levasseur, Op. cit., n° p. 943.

187 J. Bore, L. Boré, v° « Cassation (pourvoi en) », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2013, n°215.

Après avoir étudié les cas spécifiques ou génériques d’ouverture du pourvoi en cassation en droit français, nous allons étudier les cas d’ouverture du pourvoi en cassation en droit koweïtien.

Sous-section 2 :