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Le principe de recevabilité du pourvoi en cassation lorsque toutes les voies de recours sont épuisées

L’objet du pourvoi en cassation est de faire casser une décision illégale, afin que les tribunaux puissent la remplacer par un jugement conforme à la loi. Dans le cas où la possibilité de substituer une décision légale au jugement irrégulier existe sans qu’il soit nécessaire de recourir à la Cour de cassation, cette voie de recours doit rester fermée. Par conséquent, seules les décisions qui ne sont susceptibles ni d’appel (§ 1) ni d’opposition (§ 2) peuvent être frappées d’un pourvoi en cassation.

§ 1 : Les décisions non susceptibles d’appel

En droit français et en droit koweïtien, le pourvoi en cassation ne peut être introduit que contre une décision ne pouvant faire l’objet d’un appel. Autrement dit, seules les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort sont susceptibles du pourvoi. Le recours en cassation est donc fermé contre le jugement rendu en premier ressort. Cependant, les deux ordres juridiques français et koweïtien, ne retiennent pas la même conception du dernier ressort.

En France, il s’agit des jugements rendus par une juridiction du premier degré en premier et dernier ressort, ou des décisions émanant des juridictions du second degré. Pour les premiers, on peut relever certains jugements des tribunaux correctionnels ou des tribunaux pour enfants339. Pour les autres, on peut citer les décisions des cours d’assises, des cours d’appel (chambre des appels correctionnels, chambre de l’application des peines, chambre spéciale des mineurs).

En droit koweïtien, le dernier ressort ne concerne que les décisions émanant des juridictions du second degré, celles rendues en premier et dernier ressort ne sont donc pas susceptibles de pourvoi en cassation. L’article 8 de la loi n° 40/1972 relative au pourvoi en cassation a affirmé ce principe en précisant que seuls les arrêts rendus par la haute cour d’appel peuvent faire l’objet d’un pourvoi. Cet article n’utilise pas expressément l’expression « dernier ressort ». L’article 200 bis du Code de procédure pénale, qui concerne le pourvoi en cassation en matière délictuelle, prévoit aussi que « l’arrêt doit être rendu par la cour d’appel

délictuelle ». Cet article n’utilise pas non plus l’expression « dernier ressort ». Les arrêts de la

Cour de cassation koweïtienne confirment également ce principe. La Haute juridiction considère qu’un pourvoi n’est pas recevable lorsque les moyens concernent une décision d’une juridiction du premier degré qui n’était pas susceptible d’appel340.

339 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 30, Pourvoi en cassation - Décisions susceptibles d'être attaquées et conditions du pourvoi.- Pourvois contre les décisions sur le fond, par A. Maron, Octobre 2009, n°52 et s.

Dans le cas où la décision rendue par la cour d’appel rejette l’appel pour vice de procédure, la décision émise par la juridiction du premier degré est définitive. Cette décision ne peut alors pas faire l’objet d’un pourvoi cassation sachant qu’elle a acquis l'autorité de la chose jugée 341. En l’espèce, on peut considérer que cette décision est rendue en premier et dernier ressort. Mais contrairement à ce qui se passe en droit français, ici, le pourvoi n’est pas possible.

Malgré les différences entre les deux systèmes, il existe des points de convergence. En effet, l’exigence du dernier ressort exclut toutes les décisions pour lesquelles l’appel est ouvert. Il est donc impossible de former un pourvoi contre une décision qui n’a pas encore été rendue342, ou qui pouvait faire l’objet d’un appel, même si cet appel n’a pas été effectivement formé, comme, par exemple, lorsque le délai d’appel avait expiré sans que l’appel ait été interjeté343. La décision garde toujours sa qualification, rendue en premier ressort, même si le juge a précisé à tort que sa décision était en dernier ressort344. Il faut se référer à la loi en vigueur à la date du jugement pour savoir si ce dernier est susceptible ou non d’appel345..

L’impossibilité de former un pourvoi en cassation contre les décisions rendues en premier et dernier ressort dans le système juridique koweïtien est critiquable. En effet, certaines de ces décisions peuvent priver le prévenu de tout recours. Par exemple, la décision d’un tribunal pour mineurs, déclarant coupable l’auteur de l’infraction, est considérée comme étant rendue en premier et dernier ressort. Il en va ainsi pour un mineur ayant été déclaré coupable par le juge sans qu’une peine privative de liberté soit prononcée. Dans ce cas, le mineur ou ses responsables légaux sont privés de tout recours car seule une décision rendue par la cour d’appel est susceptible de pourvoi. Ils ne pourront ni contester la déclaration de culpabilité, ni contester une action en responsabilité de la victime. C’est pourquoi, dans un

341 Cass. pénale, 2 Mars 1987, n° 5/1978.

342 Cass. crim., 7 mai 2003, 0284589, Dr. Pén. 2003, comm. n°138.

343 M.-L. Rassat, Procédure pénale, Ellipses, 2ème édition, 2013, n°680, p. 717 ; A. Srour, Op. cit., p. 66.

344 L'erreur commise par le juge a seulement pour effet de retarder le point de départ du délai d'appel, Cass. crim., 9 nov. 1982, 8291373, Bull. crim., n°246 ; F. Alnaser Allah, A. Alsamak, Op. cit., p.716.

345 J.-Cl. procéd. pén., Art. 567 à 575, Fasc. 30, Pourvoi en cassation - Décisions susceptibles d'être attaquées et

conditions du pourvoi.- Pourvois contre les décisions sur le fond, par A. Maron, Octobre 2009, n°52 et s. ; Cass. pénale, 20 Septembre 2005, n°61/2005 ; Cass. pénale, 5 Février 2001, n° 162/2000.

souci d’équité, nous sommes d’avis de ceux qui plaident en faveur de la réforme de ce système, et qui proposent d’appliquer les règles françaises qui autorisent le pourvoi contre les décisions rendues en premier et dernier ressort.

De plus, pour pouvoir être frappée d’un pourvoi, la décision doit de plus ne pas être susceptible d’opposition.

§ 2 : Les décisions non susceptibles d’opposition

L’opposition est une voie de recours ordinaire346, ouverte de plein droit au justiciable défaillant347. Elle permet de soumettre au même juge une affaire qu’il a déjà examinée, et à propos de laquelle il a dû rendre une décision par défaut, une des parties privées étant défaillante348. Il est indispensable que l’absence soit involontaire, qu’on ne puisse pas opposer à l’intéressé son défaut de comparution ou de représentation à l’audience349. Le droit de faire opposition est le corollaire du droit à un jugement contradictoire350. Toute personne jugée en son absence a droit à comparaître devant les juges qui ont statué. L’opposition trouve également sa justification dans le principe selon lequel nul ne peut être condamné sans avoir été entendu351 .

En droit français, sont exclus du pourvoi en cassation, non seulement les décisions susceptibles d’appel mais également les décisions rendues par défaut qui sont susceptibles de purge ou d’opposition. En vertu de l’article 489 du Code de procédure pénale français, le jugement par défaut est non avenu dans toutes ses dispositions, si le prévenu forme opposition à son exécution. Il peut toutefois limiter cette opposition aux dispositions civiles du jugement. En ce qui concerne la purge du défaut criminel, il faut signaler que le législateur a abrogé les procédures de contumace et lui a substitué une procédure de défaut criminel après la

346 M.-L. Rassat, Op. cit., n° 661, p. 696 ; A. Srour, Op. cit., p. 59.

347 B. Bouloc, G. Stefani, G. Levasseur, Op. cit., n°912, p. 906.

348 R. Merle, A. Vitu, Op. cit., n°842, p. 988 ; F. Alnaser Allah, A. Alsamak, Op. cit., p. 656.

349 S. Guinchard, J. Buisson, Op. cit., n°2503, p. 1379 ; Cass. pénale, 13 Novembre 1986, n° 139/86.

350 J.-Cl. procéd. pén., Art. 489-494-1, Fasc. 20, Tribunal correctionnel – Opposition . – Itératif défaut, par A. Blanchot, Février 2007, n°6.

condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme352. Cette procédure, organisée par l’article 379-4 du Code de procédure pénale français, s’applique devant les cours d’assises. Elle vise à régler le sort de l’accusé qui ne s’est pas présenté devant la cour ou qui s’est absenté pendant les débats353.

L’exigence du dernier ressort implique que les voies de recours ordinaires ne soient plus ouvertes. S’agissant de l’opposition, il est question des décisions rendues en appel qui ne sont pas ou plus susceptibles d’opposition354. Il appartient à la Cour de cassation de s’assurer de la nature de la décision attaquée, au vu des pièces de procédure. Ainsi, « lorsqu’une cour d’appel

statue, à tort, par décision contradictoire à signifier à l’égard d’un prévenu qui n’a pas

comparu, alors que les pièces de procédure établissent qu’il n’avait pas eu connaissance de la

citation à comparaître à l’audience et que l’arrêt aurait dû être rendu par défaut, le pourvoi

formé par le prévenu contre cette décision avant l’expiration du délai d’opposition est

irrecevable. Toutefois, en ce cas, la notification de l’arrêt d’irrecevabilité rendu par la Cour

de cassation fait de nouveau courir le délai d’opposition contre l’arrêt attaqué »355.

Seuls sont considérés comme pouvant faire l’objet d’un pourvoi en cassation les jugements par défaut rendus en dernier ressort356. Selon l’article 568 du Code de procédure pénale français, le pourvoi en cassation est exclu tant que reste ouvert un délai d’opposition contre la décision d’appel rendue par défaut, mais le pourvoi est possible à l’issue du délai car la décision devient définitive, même si l’opposition n’est pas formée. Lorsque l’arrêt est qualifié à tort de « contradictoire à signifier » alors qu’il a été rendu par défaut, le pourvoi en cassation est en revanche irrecevable357. Il appartient à la Cour de cassation de s’assurer d’office de la nature de la décision attaquée, au vu des pièces de la procédure, et sans être liée

352 Cour E.D.H., Krombach c. France, 13 Fév. 2001, req. n°29731/96, D. 2001. IR 746 ; Cependant, la

conformité de cette solution au droit européen prête a discussion, V. J. Boré, L. Boré, Op. cit., n°14.10, p. 43 ; G. Ganivet, « contumace (défaut criminel) en Europe », in colloque organisé par l’Université de Paris II, 2005. L’identité sexuelle. Contumace et défaut criminel, Volume 7, Jacques-Henri Robert (dri.), Stamatios Tzitzis, Dalloz, 2008.

353 J. Boré, L. Boré, Op. cit., n°14.10, p.43.

354 S. Guinchard, J. Buisson, Op. cit., n° 2551, p. 1419.

355 Cass. crim., 20 mars 2001, 0083479, Bull. crim., n°70.

356 D.-J. Baudrit Carrillo, Le pourvoi en cassation en droit costaricain et en droit français, étude de droit

judiciaire privé comparé, Thèse, Université de Strasbourg, 1980, p. 144.

par la qualification retenue par les juges du fond358. La procédure par défaut s’applique devant toutes les juridictions répressives autres que la cour d’assises, et non seulement au prévenu mais aussi à la partie civile359.

En droit koweïtien, l’article 187 du Code de procédure pénale dispose que l’opposition est recevable uniquement lorsque la décision est rendue par défaut et qu’elle émane des juridictions du premier degré en matière délictuelle et criminelle. L’article 210 du Code de procédure pénale confirme cette règle. Ainsi, l’opposition n’est pas admise à l’encontre de la décision rendue par la cour d’appel, même si l’une des parties était absente lors de la première audience d’appel. La cour d’appel se doit alors de prendre l’une des décisions suivantes (article 204 du Code de procédure pénale koweïtien.) : soit elle ajourne l’audience et notifie cet ajournement à la personne défaillante, soit, si le procès le permet, elle examine le fond en l’absence des parties. Le juge peut également ordonner la comparution de la partie absente. Enfin, il peut considérer l’appel comme nul si la partie absente est celle qui a interjeté l’appel. Ces décisions peuvent être prises à la condition de vérifier que les notifications à la personne défaillante ont été faites en conformité avec les dispositions législatives360.

Les règles prévues par le droit koweïtien sur l’opposition ne sont pas d’une grande utilité en ce qui concerne le pourvoi en cassation, parce que ce dernier n’est possible que pour les décisions rendues par la cour d’appel, lesquelles ne sont jamais susceptibles d’opposition. C’est la raison pour laquelle, le législateur koweïtien doit absolument édicter des règles pour pallier cette carence.

Ce principe de recevabilité du pourvoi en cassation, lorsque toutes les voies de recours sont épuisées connaît toutefois certaines limites.

358 Cass. crim., 15 mai 1997, 9683609, Bull. crim., n°186.

359 Cass. crim., 11 mars 1991, 9083855 , Ibid., n°117.

Sous-section 2 :