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Les moyens ne pouvant pas être soulevés devant la Cour de cassation par le demandeur

Le pourvoi doit contenir des moyens pouvant s’organiser autour d’un ou de plusieurs cas d’ouverture, d’après les faits de l’espèce. La personne qui souhaite former un pourvoi ne peut pas valablement se fonder sur des moyens de pur fait (§ 1), puisque la Cour de cassation n’est pas un troisième degré de juridiction, ni même sur des moyens comprenant à la fois des faits et du droit. Il est également interdit d’invoquer des moyens tirés de la violation ou de l’omission des règles établies pour la défense de la partie poursuivie (§ 2). Enfin, le demandeur ne peut pas non plus soumettre à la Cour de cassation des moyens nouveaux (§ 3), qui n’ont pas été discutés auparavant devant les juridictions inférieures.

§ 1 : L’interdiction des moyens de pur fait

L’incompétence de la Cour de cassation pour connaître du fond des litiges la conduit à déclarer irrecevables les moyens de pur fait218. En effet, l’examen au fond nécessite une recherche et une appréciation des faits de la cause, et ne présente aucune question de droit à analyser219. L’étude se limitera à l’exposé de quelques exemples de moyens de pur fait, tirés de la jurisprudence française et koweïtienne.

En France, la chambre criminelle a déclaré que le prévenu poursuivi pour excès de vitesse, « titulaire du certificat d’immatriculation, qui n'a pas contesté devant le juge du fond

avoir été le conducteur du véhicule, n'est pas recevable à élever une telle contestation pour la

218 Sur la délicate distinction du fait et du droit, cf. G. Marty, la distinction du fait et du droit, Thèse, Université de Toulouse, 1929, qui demeure l’ouvrage de base, et en arabe A. Moustafa, la distinction entre les faits et le

droit dans le pourvoi en cassation, Alexandrie, Maison d’édition de la nouvelle université, 2010.

première fois devant la Cour de cassation »220. Elle a aussi qualifié « moyen de pur fait » le moyen remettant en cause devant la Cour de cassation, « laquelle n'est pas un troisième degré

de juridiction », l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve

soumis au débat contradictoire221.

Dans le même sens, la jurisprudence koweïtienne a déclaré que « le moyen de défense

consistant à plaider l’absence de volonté en raison de consommation de stupéfiants par force,

ne peut être accepté pour la première fois devant la Cour de cassation étant donné que ce

moyen nécessite une investigation objective des faits, ce qui est contraire aux fonctions de la

Cour de cassation »222, La jurisprudence koweïtienne a également déclaré que « l’absence d’évocation par le demandeur devant les juridictions du fond du fait que ses aveux lors de

l’enquête était le résultat des contraintes exercées par les agents de police judiciaire, entraîne

l’irrecevabilité de ce moyen de défense invoqué pour la première fois devant la Cour de

cassation »223.

En France, il arrive plus fréquemment que le demandeur fonde son moyen par un mélange d’éléments de fait et de droit. Ce moyen sera déclaré irrecevable car une partie a fondement des allégations dont l’examen forcerait la Cour à procéder à des vérifications de fait224. Ainsi, par exemple, si la recevabilité de l'action civile n'a pas été critiquée devant les juges du fond, le moyen pris de l’absence de qualité de la partie civile, qui implique certaines vérifications de fait, sera déclaré irrecevable225.

De même, il a été jugé par la jurisprudence koweïtienne que « l’allégation de

l’incompétence de l’officier chargé de constater les faits au temps de la rédaction du

220 Cass. crim., 24 fév. 2010, 0984667, Bull. crim. 2010, n°38.

221 Cass. crim., 21 mars 1990, 8884011, Ibid., 1990, n° 125.

222 Cass. pénale, 18 Mai 1987, n° 63/1987.

223 Cass. pénale, 22 Juillet 2003, n° 361/2002.

224 F. Rigaux, La nature de contrôle de la Cour de cassation, Bruxelles, Etablissement Emile Bruylant, 1966, p. 171, n° 107.

verbal représente un moyen de cassation mixte en droit et en fait et ne peut donc pas être

invoqué devant la Cour de cassation pour la première fois »226.

L’interdiction d’invoquer des moyens de pur fait se double d’une interdiction d’invoquer des moyens tirés de la violation ou de l’omission des règles établies pour la défense de la partie poursuivie.

§ 2 : L’interdiction des moyens tirés de la violation ou de l’omission des règles établies pour la défense de la partie poursuivie.

La règle est formulée par l’article 600 du Code de procédure pénale français. Elle s’oppose à ce qu’on puisse se prévaloir contre la partie poursuivie « de la violation ou

omission des règles établies pour assurer sa défense ». En dépit de la généralité de ce texte, la

meilleure application concerne la partie civile, lorsqu’elle fonde ses moyens, à l’appui de son pourvoi, sur la violation de dispositions édictées qui ne peuvent bénéficier qu’au seul prévenu. Par exemple, il a été jugé, par application de ce texte, qu'est « irrecevable le moyen pris par la

partie civile de la violation des dispositions du dernier alinéa de l'article 513 du Code de

procédure pénale (« Le prévenu ou son « avocat » auront toujours la parole les derniers »),

lesquelles ne concernent que le prévenu »227.

Malgré l’absence d’un texte comparable au Koweït, la Cour de cassation koweïtienne connaît des applications similaires à cet article. Elle a ainsi statué que « seul celui qui est

touché par un acte de procédure peut invoquer l’exception de nullité de cet acte. Aucune autre

personne ne peut invoquer cette nullité même si elle peut en bénéficier »228. Ainsi, si l’article 600 du Code de procédure pénale français a posé l’interdiction uniquement pour la personne poursuivie, la Cour de cassation koweïtienne étend l’interdiction à toutes les parties.

La dernière interdiction concerne la soumission de nouveaux moyens.

226 Cass. pénale, 25 Décembre 1989, n° 263/1989.

227 Cass. crim., 2 juin 1980, 7893482, Bull. crim., n° 168 ; A. Maron, « Attention aux limites du pourvoi ! », Dr.

Pén. n° 10, octobre 2014, comm. n° 131.

§ 3 : L’interdiction de soumettre des moyens nouveaux

Ce principe rendant irrecevable la présentation de moyens nouveaux est une règle propre au débat en cassation dont l’origine est très ancienne229. Il découle directement de la distinction entre le fait et le droit et aussi de l'interdiction pour la Cour de cassation d’examiner le fond des litiges230. En droit français comme en droit koweïtien, un moyen est considéré comme nouveau lorsqu’il n'a pas été soumis à la juridiction ayant rendu la décision attaquée231 ; s’il se « fonde sur des éléments que les juges du fond n’ont pas examinés et qui ne

ressortent pas de leur décision »232.

L’interdiction des moyens nouveaux vise toutes les parties au procès pénal, c'est-à-dire que ni le demandeur ni le défendeur au pourvoi ne peuvent y échapper233. Le demandeur n’est donc pas autorisé à fonder son pourvoi sur des faits nouveaux, le défendeur, non plus, ne pourra de même faire valoir des défenses nouvelles. Il va de soi que la nouveauté doit concerner la partie qui invoque le moyen. Le fait que ce dernier ait déjà été invoqué par la partie adverse n’est pas pris en considération. Il sera quand même nouveau pour l’autre, si elle ne l’a pas invoqué en temps utile devant les juges du fond234.

Selon les cours de cassation française et koweïtienne, le domaine des moyens irrecevables en raison de leur nouveauté ou du mélange entre moyens de droit et de fait est vaste. Il couvre aussi bien les moyens de procédure que les moyens de fond. Au titre des moyens de procédure, il est possible d’abord que la personne qui forme le pourvoi, nonobstant les limites du débat, soumette de nouvelles pièces qui n’ont pas été produites devant les juges du fond, pour prouver des faits étrangers à l’arrêt attaqué, ou essayer de remettre en cause les

229 Cass. crim., 2 fév. 1845, Bull. crim., n° 71 ; Cass. crim., 4 juil. 1862, Ibid., n°162 ; Étant donné que la loi française représente l’origine de la législation koweïtienne, ces dispositions restent la base de ce principe au Koweït aussi.

230 J. Boré, L. Boré, v° « Cassation (pourvoi en) », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2013, n°241.

231 V. infra décision recevable.

232 R. Merle, A. Vitu, Op. cit., n°862, p.1015 ; v. M Alnowaibit, Op. cit., p.786.

233 Elle vise aussi le pourvoi des parties comme le pourvoi du procureur général exercé en France dans l’intérêt de la loi, Cass. crim., 25 janv. 1966, 6592681, Bull. crim., n°19

constatations de fait souveraines. La chambre criminelle refuse alors d’étudier le moyen et les pièces qui lui servent de base, en le déclarant irrecevable puisque nouveau235.

Ainsi, par exemple, la Haute juridiction française a considéré « irrecevable le moyen

invoquant, pour la première fois devant la Cour de cassation, la nullité d'une garde à vue,

prise de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en

raison du défaut d'assistance de la personne placée en garde à vue par un avocat »236. De manière similaire, la Cour de cassation koweïtienne a estimé que, « si le demandeur n’a pas

soulevé dans son moyen de cassation une question devant la juridiction du fond en ce qui

concerne l’autorisation d’une fouille qui n’apparaît pas dans la décision ainsi que sa relation

avec les choses qui ont été confisquées chez lui, le moyen de cassation ne pourra pas être

accepté en tant que moyen de défense pour la première fois devant la Cour de cassation »237.

S’agissant des moyens de fond, il est plus courant que, sans produire de pièces nouvelles, le demandeur appuie son moyen sur des faits figurant dans le dossier initial qu’il a omis d’invoquer dans ses conclusions d’appel et dont les constatations erronées de l’arrêt attaqué lui rappelle l’utilité. Contenant des éléments de fait et de droit, ce moyen sera déclaré irrecevable238. À titre d’exemple, la Cour française a décidé que « ne saurait dès lors être

invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation le moyen tiré de l’absence de

question sur le point de savoir si la victime était bien décédée, en l'absence de jugement

déclaratif de décès »239. De même, la Cour de cassation koweïtienne a considéré que « la

disparition des objets volés par le demandeur au pourvoi en cassation n’annule pas l’élément

de la soustraction frauduleuse constitutive de l’infraction de vol et n’affaiblit en aucun cas les

preuves acceptables invoquées devant le tribunal pour ce crime. Cet élément nouvellement

235 J. Boré, L. Boré, v° « Cassation (pourvoi en) », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2013, n°247 ; Cass. crim., 8 nov. 1993, 9380794, Bull. crim. n°327.

236 Cass. crim., 30 mai 2012, 1184992, Ibid., 2012, n° 137.

237 Cass. pénale, 20 Octobre 1997, n° 298/1996.

238 J. Boré, L. Boré, v° « Cassation (pourvoi en) », Rép. pén. procéd. pén, Dalloz, 2013, n°248.

produit par le demandeur ne saurait dès lors être invoqué pour la première fois devant la

Cour de cassation. Le moyen doit donc être déclaré irrecevable »240.

Nombreux sont les moyens ne pouvant être produits devant la Cour de cassation, et il en est ainsi de l’utilisation de moyens nouveaux. Toutefois, cette règle connaît une exception. Il est en effet possible d’invoquer des moyens nouveaux qui sont d’ordre public.

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