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Les caractères généraux du pourvoi en cassation

La possibilité de soumettre une décision de justice au contrôle d’une juridiction suprême constitue pour les parties au procès une importante garantie d’application correcte du droit et offre en outre l’avantage de favoriser une unité d’interprétation de la loi. A cet égard, et pour bien comprendre comment fonctionne le pourvoi devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, il faut bien connaître les caractères généraux du pourvoi qui comprennent à la fois la matière civile et la matière pénale.

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire (§1) qui permet de faire censurer pour erreur de fond ou vice de forme les jugements ou arrêts en dernier ressort (§2), mais la Cour de cassation ne peut pas corriger les erreurs de fait, car le fait est en général tenu pour définitivement établi (§3). Il faut remarquer ici que de nombreux caractères généraux se retrouvent aussi bien en droit français qu’en droit koweïtien, à l’exception de quelques particularités que nous examinerons en temps utile.

§ 1 : Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire

Parmi les différentes voies de recours admises en matière pénale, on distingue d’abord, comme en matière civile, les voies de recours ordinaires (appel et opposition) et les voies de recours extraordinaires (pourvoi en cassation, demandes en révision et de réexamen)108. La première catégorie contient des voies largement ouvertes où de nombreux motifs peuvent être invoqués. Elles ont pour objectif de faire rejuger, sous toutes ses formes, une affaire qui a été déjà jugée109. De plus, les voies de recours ordinaires sont exclusives des voies extraordinaires, ainsi tant qu’une voie de recours ordinaires est ouverte, les voies extraordinaires restent fermées110, et ne peuvent intentées que dans les cas limitativement

108 B. Bouloc, G. Stefani, G. Levasseur, Procédure pénale, Paris, Dalloz, 24ème édition, 2013, n° 908, p. 930 ; A. Abed el Fatah, Étude du Code de procédure civile koweïtien, Koweït, Association de la maison du livre, Tome 2, Koweït city, 3ème édition, 2014. p.724.

109 Ibid.

110 S. Guinchard, C. Chainais, F. Ferrand, Procédure civile droit interne et droit de l’union européenne, Dalloz, 32ème édition, 2014, n° 1153, p. 822 ; F. Alnaser Allah, A. Alsamak, Explication du droit koweïtienne de la

prévus par la loi, mais, avec des termes assez généraux afin de respecter la nécessaire souplesse du contrôle de la Cour régulatrice. En dehors de ces cas, les moyens sont irrecevables111.

Nous pouvons ajouter aux particularités mentionnées ci-dessus une particularité qui ne se retrouve que pour le pourvoi en cassation en matière civile en France mais qui se retrouve aussi bien en matière civile que pénale au Koweït. Les voies de recours ordinaires ont pour effet de suspendre l’exécution du jugement, au moins lorsque la demande d’exécution provisoire a été rejetée. Les voies de recours extraordinaires à l’inverse, n’ont d’effet suspensif que dans des cas exceptionnels112.

Il convient de préciser le sens du terme extraordinaire. Cela ne signifie pas qu’il s’agisse d’une voie de recours anormale, bien évidemment. Selon MM. Boré « un Etat fondé sur le principe de l’égalité des citoyens devant la loi se doit d’offrir à ses citoyens une voie de recours devant une juridiction à compétence nationale qui veille à ce que la loi soit interprétée et appliquée de la même façon partout et pour tous »113. Cette égalité devant la loi repose en droit français sur l’article 1er de la Constitution et en droit koweïtien sur l’article 29 de la Constitution114.

Si le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire, il n’en est pas moins un recours en annulation.

§ 2 : Le pourvoi en cassation est un recours en annulation

En France comme au Koweït, les systèmes juridiques s’accordent pour dire que la Cour de cassation ne représente pas un troisième degré de juridiction, mais constitue plutôt une

111 Voir infra le fondement du contrôle.

112 Voir infra L’effet suspensif.

113 J. Boré, L. Boré, La cassation en matière pénale, Dalloz, 3ème édition, 2011, n° 04.14, p. 8.

114 Selon l’article 1er de la Constitution française de 1958, « la République assure l'égalité devant la loi de tous

les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Selon l’article 29 de la Constitution koweïtienne,

« les hommes sont égaux en droit, ils les mêmes devoirs et ils sont égaux en dignité. Ils ne peuvent être

juridiction indépendante et distincte. Le pourvoi n’est ni une voie de réformation ni une voie de rétractation.

Une voie de réformation est une voie qui « tend à faire juger une seconde fois, en fait

et en droit, une affaire pour donner une seconde chance aux plaideurs contre le risque

d’erreur et/ou de mauvaise appréciation des premières juges »115. L’affaire est donc toujours transmise à une différente juridiction, hiérarchiquement supérieure à celle qui avait rendu la première décision116, à savoir la cour d’appel117.

Le pourvoi en cassation n’est pas non plus une voie de rétractation, parce qu’il ne tend pas « à faire revenir une juridiction sur sa décision parce que l’une des partie n’était pas

présente devant la juridiction » Il s’agit de l’opposition118. Il y a donc une différence essentielle entre le pourvoi en cassation et ces autres voies. Le pourvoi en cassation consiste à vérifier si la loi a été correctement appliquée aux faits souverainement constatés par la décision attaquée. Dans le cas contraire, la Haute juridiction peut rendre un arrêt de cassation et d’annulation totale ou partielle.

Pour bien remplir sa mission, la Cour de cassation française a pour obligation de juger le droit en vertu de l’article L. 411-2 du Code de l’organisation judicaire119. Au Koweït, bien qu'il n’y ait pas de disposition explicite empêchant la Cour de cassation d’examiner le fond de l’affaire, il est aujourd’hui d’usage et incontesté que le pourvoi en cassation ne donne que le droit à la Cour de cassation d’examiner l’arrêt attaqué en droit, et non dans les faits.

Par conséquent, que ce soit en France ou au Koweït, le pourvoi en cassation n’a pas originellement pour but de confirmer ou d’infirmer la décision, mais vise plutôt à son annulation 120partielle ou totale. Il est donc impossible à la Cour de cassation de se prononcer sur le fond de l’affaire étant donné qu’elle n’est pas une juridiction ouverte à tous, mais

115 S. Guinchard, J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 10ème édition, 2014, n° 2497, p.1376.

116 J. Pradel, Procédure pénale, Édition Cujas, 17ème édition, 2013, n° 938, p.857 ; A. Abed el Fatah, Op. cit., p.726.

117 Le législateur koweïtien n’a pas retenu la voie de recours en révision en ce qui concerne la matière pénale.

118 Lorsque les conditions du jugement par défaut soient réunies.

119 « Sauf disposition législative contraire».

constitue une juridiction qui a pour but de suivre les juridictions et de les contrôler. Ce qui précède confirme que cette Cour n’est pas considérée comme étant un troisième degré de juridiction.

De l’inexistence d’un troisième degré de juridiction découlent deux conséquences. D’une part, l’effet dévolutif du pourvoi en cassation est moins large que celui de l’appel, il est diminué par l’essence même de la mission que le législateur a donnée à la Cour de cassation et par la compétence qu’il lui a accordée. D’autre part, en principe, la Cour régulatrice a pour obligation de soumettre à nouveau l’affaire à des juges du fond qui auront pour mission de la rejuger, puisque la première décision aura été censurée121. Il faut noter cependant que la mise en œuvre de cette dernière conséquence relative au pourvoi en cassation au Koweït doit être critiquée, car le législateur koweïtien a autorisé, dans certains cas, la Cour de cassation à se transformer en juridiction de fond pour statuer sur les faits de l’affaire. Elle peut, de ce fait, être considérée comme une juridiction de renvoi122.

Il faut donc considérer que le pourvoi en cassation a pour vocation de censurer les erreurs de droit.

§ 3: Le pourvoi en cassation est un recours destiné à censurer les erreurs de droit

Il ne faut pas confondre la demande de révision et le pourvoi en cassation. Même si les deux recours précités sont des voies de recours extraordinaires reposant sur une erreur de droit, la différence entre elles est évidente et réside dans plusieurs points. Le recours en révision a pour but de faire rétracter une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée afin qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit123, alors que le pourvoi en cassation, a pour unique objectif d’examiner l’affaire en droit, aussi bien sur le plan du fond que de la forme, tout moyen mélangeant le fait et le droit sera irrecevable124.

121 J.-F. Weber, Op. cit., p. 33.

122 Voir infra l’instance devant la juridiction de renvoi.

123 J.-F. Weber, Op. cit., p. 32.

En France, en vertu de l’article 591 du Code de procédure pénale « les arrêts et

jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de jugement, lorsqu'ils sont revêtus

des formes prescrites par la loi, ne peuvent être cassés que pour violation de la loi ». La

même règle existe en matière civile dans l’article 604 du Code de procédure civile125, mais le terme « règle de droit » figurant dans cet article est plus restrictif que celui de la violation des lois de fond.

Cette volonté de faire respecter la loi, qui constitue le fondement de l’institution de la Cour de cassation, est encore plus marquée en matière pénale qu’en matière civile, du fait de l’existence du principe de la légalité des délits et des peines contenu dans le préambule de la Constitution de 1958 et posé par l’article 111-3 du Code pénal (« nul ne peut être puni pour un

crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une

contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni

d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le

règlement, si l'infraction est une contravention »)126.

Le législateur koweïtien, comme son homologue français, s’accordent à limiter le champ du pourvoi en cassation aux erreurs de droit conformément aux dispositions des articles 8 de la loi n°40/1972 relative au pourvoi en cassation ainsi que l’article 152 du Code de procédure civile et commerciale, qui déterminent les conditions requises pour former un pourvoi en cassation. Le pourvoi n’est donc possible que si l’arrêt attaqué est fondé sur une violation de la loi ou sur une erreur dans l’application ou l’interprétation de celle-ci, ou bien s’il y a nullité de la décision. Enfin, il est encore possible si la nullité de la procédure affecte la décision127.

Cependant, le législateur a, par l’intermédiaire de l’article 14 de la loi relative au pourvoi en cassation, exigé du ministère public, dans le cas où la décision attaquée prononce une peine de mort, de former un pourvoi en cassation accompagné d’un mémoire faisant part

125 L’article 604 Code du procedure civile dispose que « Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la

Cour de cassation la non-conformité du jugement qu'il attaque aux règles de droit ».

126 J. Boré, L. Boré, Op. cit., n° 04.12, p. 7.

de son avis concernant la décision en question, que ce dernier demande la confirmation de la peine ou qu’il en demande la modification.

Ainsi, en formant ce genre de pourvoi en cassation, le but n’est pas de corriger une erreur dans l’interprétation de la loi. Il s’agit plutôt d’un acte de procédure d'une autre nature que doit exécuter le ministère public, sans égard à la question de savoir si le prononcé de la peine de mort est ou non conforme à la loi. Par conséquent, nous pouvons considérer que le rôle de la Cour de cassation du Koweït, concernant la peine de mort, possède une nature particulière exigeant un contrôle accru de tous les éléments de la décision, qu’il s’agisse des éléments de fond ou de forme, qu’il concerne la validité de la décision, l’application correcte de la loi ou la détermination de la peine prévue par rapport aux circonstances de l’affaire.

Le législateur a voulu ainsi éviter certaines critiques à l’encontre de la peine de mort et fournir des garanties essentielles concernant la vérification du bien-fondé de l’application de cette sanction grave, surtout avec l’absence de pourvoi dans l’intérêt de la loi au Koweït, du pourvoi en révision et enfin, en l’absence d’une juridiction supranationale comme la Cour européenne des droits de l’homme pouvant exercer un contrôle étroit sur les décisions de la Cour de cassation.

Indépendamment de ces caractères généraux du pourvoi, le pourvoi en matière pénale revêt des caractères qui lui sont propres.

Sous-section 2 :