• Aucun résultat trouvé

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

7. L ES CADRES THÉORIQUES : L ’ AUTO GOUVERNANCE DANS LA NOUVELLE ÉCONOMIE INSTITUTIONNELLE

7.2. Le cadre théorique de la gestion des biens communs

7.2.3. Troisième voie pour gouverner les biens communs

Parallèlement à ces deux grands types de solution, une troisième alternative est mise en avant par les travaux d’Ostrom (1990). Il s’agit précisément de l’auto-organisation. Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009, a longuement travaillé sur la gestion de ressources communes. Sur la base d'une approche néo-institutionnaliste, elle va remettre en cause le modèle réducteur de Hardin (Harribey, 2011). En effet, elle met en avant le fait qu’il existe des communautés qui arrivent à gérer les biens communs sans pour autant avoir recours à des systèmes reposant sur le tout-marché ou sur le tout-État. Ces communautés mettent donc en place des « arrangements institutionnels » pour gouverner les communs.

Avec ses collègues, Ostrom va étudier des centaines d’études de cas d’auto- gouvernance de biens communs. Elle se penche principalement sur le cadre institutionnel et réglementaire de ces communs pour en dégager des principes de bon fonctionnement. Elle étudie notamment les forêts communales au Japon et en Suisse, les systèmes d’irrigation en Espagne, aux Philippines ou au Sri-Lanka, la gestion des nappes phréatiques en Californie ou de la pêche en Turquie et en Ecosse. A partir de ces monographies, elle met en avant huit principes qu’il est opportun de respecter afin de gérer des ressources en auto-organisation. Ces principes sont les suivants :

1. « les limites du bien commun sont nettement définies (y compris les limites des utilisateurs) ;

2. les règles d’utilisation du bien commun sont adaptées aux besoins et conditions locales (par exemple en fonction de la disponibilité du bien) ;

3. un système permettant aux individus de participer régulièrement à la définition et à la modification de ces règles existe ;

4. un système d’autocontrôle du comportement des membres de la communauté a été mis en place ;

5. un système gradué de sanctions pour ceux violant les règles de la communauté est prévu ;

83

6. un système peu coûteux de résolution des conflits est accessible aux membres de la communauté ;

7. le droit pour les membres de la communauté de définir ses propres règles de fonctionnement est reconnu par les autorités extérieures à la communauté ; 8. s'il y a lieu (un bien commun entre plusieurs frontières ou un bien commun

décliné à plusieurs échelles territoriales), une organisation de la prise de décision peut se faire à plusieurs niveaux en respectant les règles précédentes » (Vallat, 2015, p. 8).

Au vu de la définition des communs donnée par Ostrom (ressource, communauté et gouvernance), ces principes de bonne gouvernance peuvent s’appliquer à l’auto- gouvernance dans la régénération urbaine. En effet, la ville peut être appréhendée comme un bien commun. Dans ce cas, une des voies d’organisation, outre la privatisation et la gestion publique, est l’auto-gouvernance.

CONCLUSION

Cette revue de la littérature nous a permis, dans un premier temps, de clarifier le concept d’auto-organisation. Ce concept regroupant différentes significations peut renvoyer à un contenu très large. Il englobe un ensemble de systèmes très différents et il peut s’appliquer à de nombreux domaines.

Derrière le concept d’auto-organisation, deux sens peuvent être envisages : l’auto- organisation spontanée et l’auto-gouvernance. Dans le cadre de cette recherche, nous avons pris la décision de recentrer l’objet de recherche sur l’auto-gouvernance. L’auto- gouvernance est définie comme étant l’émergence et le développement d’initiatives naissant d’un réseau construit en dehors des institutions gouvernementales et qui peuvent se rattacher ultérieurement à ces institutions. Les systèmes auto-gouvernés présentent une ambition collective et une forme de coordination interne en leur sein. Contrairement à d’autres formes de gouvernance, ce sont les citoyens et les acteurs non- gouvernementaux qui prédominent. Ils sont même à l’initiative, ce qui les distingue de toute forme de participation institutionnalisée.

Il existe de nombreux exemples de comportements d’auto-gouvernance. En aménagement du territoire, on peut citer comme exemple le dispositif de remembrement-relotissement ou le Business Improvement District. En Belgique, on observe aussi des comportements d’auto-gouvernance. Cependant ils demeurent marginaux. Les exemples de coopératives citoyennes immobilières et le Community land trust sont très peu développés en Wallonie ou à Bruxelles. Enfin, nous avons apporté une attention plus particulière à l’habitat groupé, les exemples sur le territoire wallon et bruxellois étant nettement plus nombreux que pour les coopératives citoyennes

84

immobilières et le CLT. Derrière l’objet de l’habitat groupé22 se cache une grande

hétérogénéité des pratiques. La notion d’habitat groupé se réfère à deux caractéristiques à la fois étroitement entremêlées et distinctes : d’une part, l’action collective dans la production des logements et, d’autre part, le partage de certains espaces et équipements Enfin, la nouvelle économie institutionnelle et l’auto-gouvernance dans la gestion des biens communs sont deux cadres théoriques fondamentaux dans l’analyse de notre objet de recherche. L’approche de la nouvelle économie institutionnelle repose sur un élément unificateur important qui est celui des coûts de transaction. Les travaux d’Ostrom (1990) sur la gestion des biens communs et la formalisation des huit principes respecter afin de gérer des ressources en auto-organisation sont éclairants. Les institutions formelles et informelles sont donc des éléments clés à la compréhension des processus d’auto- gouvernance. Dans le cadre de cette recherche, nous décidons de développer l’impact de la culture d’aménagement.

22 Il existe une grande variabilité des vocables utilisés en Europe pour qualifier ce que nous

désignons ici comme « habitat groupé » : cohousing, collaborative ou self-help housing en anglais,

baugruppen ou genossenschaft en allemand, woongroepen ou samenhuizen en néerlandais, habitat participatif, autopromotion ou coopératives d’habitants en français.

85

Vers une opérationnalisation

du concept de culture de l’aménagement

du territoire

INTRODUCTION

La culture de l’aménagement est donc une thématique en nette croissance même si elle reste empreinte d’un certain nombre de grandes problématiques dont la question de la méthodologie. Par l’état de l’art, nous avons construit un modèle pour opérationnaliser la culture de l’aménagement du territoire. Les attitudes sont au cœur de ce modèle. Afin d’opérationnaliser la culture de l’aménagement, nous allons répondre à cette question :

Est-il possible de quantifier les attitudes en aménagement du territoire ?

Dans la première partie de ce chapitre, nous présentons la méthodologie, l’économie expérimentale. Nous exposons principalement les spécificités de cette méthodologie par rapport à d’autres méthodes. Pour clarifier notre propos, nous terminons par un exemple de mise en pratique de l’économie expérimentale.

L’économie expérimentale nous parait permettre de quantifier les attitudes en aménagement du territoire. Cependant, il nous semble primordial de vérifier cette hypothèse par la réalisation d’expérimentions auprès d’acteurs de ce domaine. Cette validation fera l’objet de la seconde partie de ce chapitre. Dans cette partie, nous présentons des expériences réalisées afin de tester l’opérationnalisation du concept de culture de l’aménagement. Nous avons réalisé une comparaison internationale pour identifier les différences d’attitudes entre des acteurs de différents pays et provenant de secteurs différents (public ou privé). Cette comparaison internationale sert à vérifier la méthodologie pour quantifier les attitudes.

86

1. L’ÉCONOMIE EXPÉRIMENTALE