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aménagement du territoire

4. D EUX ASPECTS DE L ’ AUTO GOUVERNANCE : LA COORDINATION ET LA PARTICIPATION

4.2. L’auto-gouvernance est-elle une forme de participation citoyenne ?

Dans la littérature sur l’auto-gouvernance, il est souvent question de participation citoyenne. D’ailleurs, certains auteurs se posent la question de savoir si l’auto- gouvernance est une forme de participation citoyenne (Boonstra & Boelens, 2011 ; Heylighen, 2001 ; Huygen et al., 2012 ; Taylor, 2013 ; Wagenaar, 2007). Il nous semble important d’aborder le sujet car, même si notre dissertation doctorale ne s’intéresse pas à proprement parler à la participation citoyenne, cette question est récurrente et nous ne voulons pas l’omettre dans la revue de la littérature. Deux points de vue différents existent sur ce qu’est la participation.

Premièrement, il y a les auteurs qui considèrent que l’auto-gouvernance n’est pas une forme de participation (Boonstra & Boelens, 2011 ; Huygen et al., 2012). Pour Boonstra et Boelens (2011), il existe une différence significative entre la participation et l’auto- gouvernance. D’un côté, il y a la participation dont les procédures sont mises en place par les instances gouvernementales. Les citoyens peuvent avoir une influence sur les choix posés par les procédures en question. De l’autre côté, il y a l’auto-gouvernance dont les motivations, les objectifs et les procédures sont indépendants des politiques gouvernementales. La participation est donc de l’initiative du gouvernement alors que l’auto-gouvernance est mise en place par des citoyens indifféremment des politiques menées. Le rôle des citoyens et des instances gouvernementales est donc distinct dans les deux situations.

En revanche, pour d’autres auteurs (Heylighen, 2008 ; Taylor, 2013 ; Wagenaar, 2007), l’auto-gouvernance est une forme de participation citoyenne. Elle serait la forme de participation citoyenne la plus ambitieuse et la plus innovante. Dans cette perspective, l'auto-organisation peut être placée au plus haut niveau de l’échelle de la participation d'Arnstein (1969) que nous allons maintenant décrire.

Très souvent utilisée, l’échelle établie par Arnstein distingue huit échelons dans la participation citoyenne. Chaque échelon est caractérisé par une répartition distincte du pouvoir dans le processus de conception, de planification et de décision. Les huit échelons sont classés en trois niveaux (non-participation, coopération symbolique et pouvoir effectif des citoyens) (voir Figure 14). L’auto-gouvernance, le niveau qui nous s’intéresse, est le plus haut. Cela signifie que la part des citoyens dans la conception, la planification

63 et la prise de décision est la plus importante. Ce niveau implique que le pouvoir des citoyens soit effectif. Le troisième et dernier degré de ce niveau, le contrôle citoyen, est expliqué comme étant le fait que « les tâches de conception, de planification et de direction du programme relèvent directement des citoyens, sans intermédiaire entre eux et les bailleurs de fonds du programme » (Donzelot & Epstein, 2006, p. 4).

Figure 14 : L’échelle de la participation d'Arnstein

Source : Arnstein, 1969

Une autre typologie des types de participation nous parait encore plus en adéquation avec les principales caractéristiques de l’auto-gouvernance. Cette typologie est présentée dans une recherche de la Conférence Permanente en Développement Territorial (Harou et al., 2003). Cette typologie distingue la participation spontanée de la participation institutionnalisée (voir Figure 15). Elles sont définies de la manière suivante :

 « la participation spontanée est initiée par les citoyens ou par des leaders ou des animateurs au service de la base. Celle-ci peut prendre la forme de la promotion d’un projet porté par les citoyens et/ou de la lutte contre un projet des pouvoirs publics.

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 la participation institutionnelle est offerte par les pouvoirs publics comme cadre d’échange prédéterminé avec les citoyens et dont l’objet et les règles de fonctionnement sont instaurés principalement par les autorités. » (Harou et al., 2003, p. 20).

Figure 15 : Typologie de la participation

Source : Partoune, 2010

Dans cette recherche, la forme qui nous intéresse est la réalisation d’un projet de manière spontanée. Selon cette typologie, l’auto-gouvernance peut être considérée comme une forme de participation.

Sur la base de cette brève revue de la littérature, il nous semble que l’on peut effectivement considérer l’auto-gouvernance comme une forme de participation citoyenne si celle-ci est définie comme « l’action de prendre part, collaborer, contribuer à la construction de réponses aux besoins de la collectivité et/ou des divers groupes qui la composent » (Harou et al., 2003, p. 20). Cependant, ce qui nous semble important à retenir sur le sujet est que l’auto-gouvernance est bien une forme de participation

65 indépendante d’un système institutionnalisé et que les personnes à l’initiative restent les acteurs principaux pour la conception et la planification du projet. L’ensemble des pouvoirs publics a très peu d’influence dans la prise de décision.

Précisons encore que l’auto-gouvernance ne concerne pas uniquement des citoyens. Elle peut impliquer tous types d’acteurs indépendants d’un gouvernement. L’important est que l’ensemble des acteurs ait le même poids et qu’un acteur n’ait pas un statut d’autorité par rapport aux autres.

5. PRÉCISION DE LA QUESTION DE RECHERCHE

La revue de la littérature a mis en avant la grande variation de l’interprétation de l’auto- organisation en fonction du degré de coordination (Figure 13 : Le continuum de collaboration) et de l’implication des acteurs gouvernementaux. En effet, l’auto- organisation peut prendre des formes fort variables en fonction de l’implication des acteurs gouvernementaux dans la structure de gouvernance et de la dépendance des acteurs dans l’émergence de la nouvelle structure.

Sur cette base, nous avons construit une matrice entre acteurs et niveaux de coordination (Figure 16). Dans cette recherche, nous avons fait le choix de nous consacrer à l’auto- gouvernance, figurée par le carré orange sur la Figure 16. Étudier l’ensemble des processus auto-organisés nous apparait beaucoup trop large au vu des diverses interactions (fort différentes) dans la collaboration.

Dans cette dissertation, nous étudierons les processus d’auto-gouvernance en aménagement de territoire. En nous inspirant de la définition de Huygen et al. (2012), nous définissons ce concept comme étant l’émergence et le développement d’initiatives naissant d’un réseau construit en dehors des institutions gouvernementales et qui peut se rattacher ultérieurement à ces institutions. Ce réseau implique l’échange d’information entre les acteurs, la modification de ses actions en fonction des actions menées par les autres acteurs du réseau et le partage des ressources au sein de ce réseau en vue d’atteindre un objectif commun.

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Figure 16 : Matrice acteurs et degré d’implication

Dorénavant, nous utiliserons aussi le terme d’auto-gouvernance pour éviter la confusion avec l’auto-organisation spontanée. Cependant, dans la grande majorité de la littérature la distinction entre les deux sens n’est pas réalisée et de nombreux articles font référence au terme de « self-organizing » sans distinction entre les deux sens.

6. DES COMPORTEMENTS D’AUTO-GOUVERNANCE EN