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Valeurs et principes sous-jacents

3. L ES ÉTUDES DES ANNÉES

7.1. Définition des concepts

7.1.1. La culture

En économie, la définition du concept de culture est un exercice aussi difficile que dans les autres domaines. Les économistes aiment à rappeler que les anthropologues Kroeber et Kluckhohn avaient, en 1952, identifié 160 définitions différentes du terme culture (de Jong, 2013). Cependant, d’un point vue empirique, la définition donnée par Guiso, Sapienza et Zingales (2006) semble être largement répandue parmi les économistes. Ils définissent la culture comme étant « les croyances et les valeurs habituelles que les groupes ethniques religieux et sociaux transmettent, sensiblement inchangées d’une génération à l’autre » [traduction personnelle]7(Guiso et al., 2006, p. 23).

Si l’on compare cette définition avec celle donnée par Gullestrup (2006) ainsi que d’autres définitions comme celles de Hofstede ou Inglehart, quatre traits communs sont identifiés (de Jong, 2013) :

1. Les valeurs sont essentielles ;

2. La culture se réfère à un groupe (une nation, une entreprise, un groupe ethnique, religieux…) ;

3. La culture se réfère à une tendance ou à un modèle (les membres du groupe peuvent avoir différentes opinions mais la culture se réfère à la tendance générale et pas aux individualités) ;

4. Les éléments sont transmis de génération en génération.

7 Texte original : « Those customary beliefs and values that ethnic, religious, and social groups

43 7.1.2. Les valeurs et les attitudes

Dans le langage courant, les concepts de valeurs et d’attitudes sont souvent confondus. Il nous apparait important de mieux distinguer ces concepts car, d’une part, ils sont déterminants dans la notion de culture et, d’autre part, ils sont au cœur du système d’analyse des comportements économiques.

La définition du concept de valeur la plus communément utilisée est celle donnée par Rokeach (1973). Il la définit comme « une croyance durable qui se traduit par le choix d’un mode spécifique de comportement ou d’un but de l’existence personnellement ou socialement préférable à un autre mode de comportement ou but de l’existence » [traduction personnelle]8 (Rokeach, 1973, p. 5).

Selon Rokeach (1973), les valeurs sont des croyances qui ont :

1. « une composante cognitive dans la mesure où "grâce à cette valeur, la personne connaît la façon juste de se comporter ou de choisir son but" ;

2. une composante affective indiquant que "la personne éprouve de l’émotion pour ou contre cette valeur, l’approuve ou la désapprouve" ;

3. une composante comportementale, c’est-à-dire en rapport avec la manifestation de la valeur par "une attitude ou une action" » (Rioux, 2010, p. 332)

Contrairement aux attitudes qui peuvent être extrêmement nombreuses, il existe un nombre limité de valeurs. Rokeach en identifie une trentaine et Schwartz (1992) une quarantaine. Un exemple : la bienveillance est une valeur qui peut entrainer différentes attitudes comme une attitude aimante envers son conjoint, une attitude attentive envers ses enfants ou du respect envers un collègue.

Les attitudes sont définies comme « une prédisposition à agir de manière cohérente, favorablement ou défavorablement à un objet ou une situation donnée » (Pellemans, 1998).

Les valeurs diffèrent des attitudes pour au moins quatre raisons (Vaske & Donnelly, 1999). Premièrement, les valeurs représentent des croyances stables que les individus utilisent comme standard pour évaluer les attitudes et comportements (Rokeach, 1973). Ensuite, les valeurs transcendent les objets, les situations et les questions (Rokeach, 1973). Si une personne a pour valeur l’égalité, il est attendu que cette personne porte cette valeur à son travail, durant ses loisirs ou avec ses amis. Troisièmement, les valeurs sont la composante centrale du système cognitif d’un individu. Elles déterminent les attitudes et croyances. Enfin, les valeurs sont d’un nombre limité alors qu’il existe des

8 Texte original : « an enduring belief that a specific mode of conduct is personally or socially

preferable to an opposite or converse mode of conduct or end state of existence » (Rokeach, 1973, p. 5).

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centaines d’attitudes. Au final, « une valeur est d’un niveau d’abstraction plus grand qu’une attitude car elle se focalise sur un idéal abstrait tel que la liberté ou l’égalité, qui sert de principe guidant dans la vie. Plus spécifiquement, les personnes possèdent des attitudes face à des objets concrets (par exemple une pizza) ou des objets abstraits (tels que l’euthanasie ou l’interruption de grossesse) » (Meier, 2016, p. 21). Les attitudes sont réservées à des jugements spécifiques (Rohan, 2000).

Sur la base de la différence du niveau d’abstraction des cognitions sociales, Homer et Kahle (1988) ont établi un modèle qui différencie les valeurs, les attitudes et le comportement. Selon ce modèle (Figure 7), les valeurs influencent les attitudes qui, elles- mêmes, définissent le comportement. Ce modèle fait donc le lien entre le niveau de cognition le plus abstrait et le niveau le plus spécifique, le comportement. Il met en avant le lien de causalité entre valeur, attitudes, comportement.

Figure 7 : Le continuum de la hiérarchie cognitive

Source : traduit de Vaske & Donnelly, 1999, p. 525

C’est sur la base de la relation entre les valeurs et les comportements que les études économiques étudient l’impact de la culture sur les performances économiques (Chuah, 2010 ; Guiso et al., 2006). En effet, elles basent leurs analyses sur l’étude des valeurs et des attitudes pour déterminer les comportements économiques et les performances des systèmes. La littérature dans le domaine est en plein développement.

Préalablement à la présentation des méthodes visant à étudier l’impact de la culture sur l’économie, nous allons présenter deux théories emblématiques sur l’étude des valeurs : celles de Hofstede (1980) et de Inglehart (Inglehart & Baker, 2000). Celles-ci sont très régulièrement utilisées dans la littérature économique pour appréhender l’impact de la culture sur les valeurs. Elles font référence dans le domaine. Il nous parait important de

45 les présenter car nous nous en servirons tant pour améliorer notre propre méthodologie que pour approfondir l’analyse de nos résultats.