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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

7. L ES CADRES THÉORIQUES : L ’ AUTO GOUVERNANCE DANS LA NOUVELLE ÉCONOMIE INSTITUTIONNELLE

2.2. Choix des attitudes

Afin de sélectionner des jeux à expérimenter, nous avons eu à opter pour des attitudes. En économie expérimentale, il existe des centaines de jeux pour mesurer autant d’attitudes différentes (la confiance, l’altruisme, le sens de l’équité, la coordination, la réciprocité, l’opportunisme….). Pour une première application, nous nous sommes limitée à la sélection de trois attitudes : le risque, la confiance et la coopération. Le choix de ces attitudes s’est fait sur un double critère : la pertinence de ces attitudes dans la prise de décision en aménagement du territoire et l’existence, en économie expérimentale, de jeux suffisamment testés pour être détournés afin de remplir nos objectifs.

Dans ce chapitre, nous allons présenter les trois attitudes sélectionnées et expliquer l’importance de celles-ci dans la prise de décision.

2.2.1. L’attitude face au risque

Les notions de risque et d’incertitude sont des éléments présents quotidiennement dans nos vies. À petite ou à grande échelle, nous devons faire face au risque dans nos prises de décisions quotidiennes. C’est pourquoi les économistes et les psychologues ont

97 développé une grande variété d’expériences pour évaluer nos attitudes face aux risques (Charness, Gneezy, & Imas, 2013)

Le risque est défini dans le langage courant comme étant « la possibilité ou la probabilité d'un fait, d'un événement considéré comme un mal ou un dommage » (Larousse). Cependant, en économie, la définition porte plus sur la notion d’incertitude et moins sur les effets négatifs (Concina, 2014). Le risque concerne la probabilité qu’un événement (positif ou négatif) se réalise. La définition de l’ISO 31000 va aussi dans ce sens puisque le risque est défini comme « l’effet de l’incertitude sur les objectifs ». Le risque est donc une notion qui dépend de l’incertitude d’un évènement qui peut ou pas se réaliser. Le risque concerne l’avenir et il sera pris en compte dans la prise de décision.

Le risque étant primordial dans la prise de décision, il a un rôle majeur dans les distinctions culturelles. C’est d’ailleurs une des dimensions proposées par Hofstede (1980). Certaines sociétés acceptent plus facilement un avenir incertain tandis que d’autres se sentent plus en sécurité avec une forte prédiction du futur par l’usage de lois, d’idéologies, de la science, de la technologie ou de la religion (Rodriguez & Brown, 2014). L’attitude face au risque serait sensible aux aspects démographiques (Andersen et al., 2006 ; Halek & Eisenhauer, 2001). Certains auteurs ont montré que l’aversion au risque augmente avec l’âge, avec le niveau de santé et d’éducation et qu’elle est plus importante chez les femmes. Pour ce qui est du genre, dans certaines recherches, il est montré que l’aversion des femmes pour le risque est liée à l’incertitude de perdre un acquis plutôt qu’à l’incertitude face à un gain possible (Croson, 2005). Cependant, dans d’autres études (Gächter et al., 2007), les auteurs n’ont pas pu démontrer cette différence.

2.2.2. La propension à faire confiance

La confiance peut-être définie comme « un état psychologique qui comprend l’intention d’accepter la vulnérabilité en fonction d’attentes positives au sujet des intentions ou des comportements d’une autre personne » [traduction personnelle]25 (Rousseau et al.,

1998, p. 395).

La propension à faire confiance est reconnue comme un facteur important dans le comportement humain (Twyman et al., 2008) et dans les processus de gouvernance (de Vries, 2014). La propension à faire confiance impacte fortement la prise de décision. Les coûts de transaction sont fortement influencés par la confiance. C’est un « lubrifiant du système social » (Arrow, 1974). De plus, Knack et Kneefer (1996) ont montré que la

25Texte original : « Trust is a psychological state comprising the intention to accept vulnerability based upon positive expectations of the intentions or behavior of another » (Rousseau, Sitkin, Burt & Camerer, 1998, p. 395).

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confiance était corrélée positivement avec le taux de croissance du pays (Sapienza et al., 2007).

Il existe de très nombreux articles analysant la propension à faire confiance sur l’économie : environ 7 000, selon Sapienza, Toldra et Zingales (2007). La confiance est capitale pour réduire l’incertitude et les coûts de transaction (Talvitie, 2011). Deux manières sont souvent utilisées pour l’évaluer. Premièrement, de nombreuses recherches utilisent la question du World Values Survey (WVS) : « De manière générale, diriez-vous qu'on peut faire confiance à la plupart des gens ou qu’on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ? ». La deuxième solution est l’expérimentation. En aménagement du territoire, la confiance joue aussi un rôle crucial au vu de l’importance des mécanismes de coordination (de Vries, 2014). De nombreux auteurs estiment que la confiance est une condition sine qua non pour la réussite de projets en aménagement du territoire (Talvitie, 2011). De plus, l’auto-gouvernance est au centre de notre recherche et la confiance y est primordiale pour faciliter la coordination nécessaire et diminuer les coûts de transaction.

En termes de résultats, les caractéristiques sociodémographiques apportent des différences, notamment en termes de genre (Croson & Buchan, 1999). Il est aussi possible de trouver des différences en fonction de l’âge (Sutter & Kocher, 2007).

Enfin, des chercheurs, de disciplines différentes, ont montré que la propension à faire confiance et l’attitude face au risque sont corrélés (Houser et al., 2006). Dans une relation de confiance, il existe un risque de vulnérabilité pour les acteurs de cette relation et un risque d’incertitude quant à l’aboutissement de la transaction économique (Doney et al., 1998).

2.2.3. La propension à coopérer

Dans beaucoup de projets d’aménagement du territoire et, en particulier, dans les actions auto-gouvernées, les actions prises par certaines personnes affectent le bien-être d’autres. La coopération peut être définie comme étant un « un accord volontaire dans le cadre duquel deux parties au moins s’engagent dans un échange bénéfique aux différentes parties plutôt que dans une logique de concurrence » [traduction personnelle]26 (Buisness dictonary).

Dans la gouvernance par réseau, la coopération est le mécanisme majeur des agents pour arriver à un accord, d’où l’importance de l’étudier dans l’auto-gouvernance.

26 Texte original : « Voluntarily arrangement in which two or more entities engage in a mutually

99 La coopération résulte de diverses raisons. Elles ne sont pas toujours liées à la confiance. En effet, l’on peut aussi coopérer par coercition ou par la peur de perdre (Rousseau et al., 1998). La confiance n’est donc pas une condition nécessaire à la coopération, mais elle permet de la favoriser (Mayer et al., 1995). Cependant, très souvent, il existe un lien direct entre la confiance et la coopération (Höppner, 2009).