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Valeurs et principes sous-jacents

3. L ES ÉTUDES DES ANNÉES

3.1. Culturised planning model (Knieling et Othengrafen, 2009)

L’objectif de ce modèle est de permettre aux scientifiques et aux praticiens d’analyser le rôle de la culture dans l’aménagement du territoire et dans les processus de développement. Il a aussi pour objectif de définir le concept de culture de l’aménagement afin de l’opérationnaliser. En effet, comme évoqué précédemment, le manque de méthodologie pour étudier le concept est criant.

Ce modèle distingue trois niveaux selon les difficultés de perception des phénomènes (Figure 6).

5 Texte original : « Assuming that the term planning culture means the collective ethos and

dominant attitudes of planners regarding the appropriate role of the state, market forces, and civil society in influencing social outcomes » (Sanyal, 2005, p. xxi).

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Figure 6 : Modèle de culture de l’aménagement selon Knieling et Othengrafen

Source : traduit de Knieling & Othengrafen, 2009, p. 57

Le niveau culminant correspond aux artefacts de l’aménagement du territoire. À ce niveau, est repris l’ensemble des structures, des produits et des processus de l’aménagement qui sont visibles. On peut par exemple citer : les structures urbaines, les différents plans d’aménagement, les institutions et le rôle des acteurs publics ou privés. L’ensemble de ces artefacts est influencé par les valeurs, les traditions, les attitudes et les habitudes. Ces composantes ont une influence significative sur l’aménagement du territoire mais elles sont moins directement visibles. Dans ce modèle, ces composantes moins visibles constituent les niveaux inférieurs. Elles sont différenciées en deux niveaux distincts : l’environnement de l’aménagement du territoire et l’environnement social. Le niveau de l’environnement de l’aménagement est constitué des valeurs et des suppositions des acteurs actifs dans les processus de l’aménagement du territoire. Ces acteurs sont, entre autres, les urbanistes, les aménageurs, les décideurs politiques.... On y retrouve, par exemple, les objectifs et les principes d’aménagement, les traditions et l’histoire de l’aménagement du territoire ainsi que les structures politiques, administratives et économiques.

Le niveau inférieur du modèle correspond à l’environnement social. Il concerne les postulats sous-jacents de la population qui sont extrêmement difficiles à percevoir mais qui affectent l’aménagement du territoire. C’est à ce niveau que l’on retrouve les croyances, les perceptions, les pensées et les sentiments. On peut citer comme exemple l’acceptation plus ou moins facile des projets d’aménagement mais aussi, plus fondamentalement, les différentes conceptions vis-à-vis de la justice, du modèle politico- social et de la considération de la nature.

Artefacts de l’aménagement Environnement de

l’aménagement

39 Knieling et Othengrafen se sont inspirés du modèle culturel de Gulletrusp. Pour être complet dans l’analogie avec le modèle de Gulletrusp, Knieling et Othengrafen précisent que la composante horizontale correspond aux différents artéfacts de l’aménagement du territoire. La dimension temporelle n’est pas non plus à oublier. Il peut y avoir des modifications des différents niveaux. Le plus visible sera la modification des artefacts. Toutefois, la modification d’un artefact est généralement induite par une modification de l’environnement de l’aménagement ou de l’environnement social. Cependant, un changement dans les artefacts n’est pas toujours causé par une modification de l’environnement de l’aménagement ou de l’environnement social.

Ce Culturised planning model (Knieling et Othengrafen, 2009) a l’avantage de créer un lien entre la culture globale et l’aménagement du territoire. Prévu pour être un outil d’analyse plutôt qu’une théorie, le modèle présente cependant quelques faiblesses. Premièrement, il couvre une très large compréhension de phénomène. Il comprend les attitudes, les croyances, les traditions, les émotions, les pratiques, les relations, les normes sociales, le statut socio-économique… La couverture est très large et il est donc difficile d’identifier les limites des champs couverts et de relever les points importants (de Olde, 2015). La seconde faiblesse est la difficulté d’établir la distinction entre les différents niveaux. Certaines variables sont difficilement classables et elles correspondent à plusieurs niveaux. Cette ambigüité montre l’importance de la culture dans l’aménagement du territoire mais elle rend difficile l’opérationnalisation du modèle. Le troisième problème concerne les liens de causalité entre les différents niveaux (de Olde, 2015). Les artefacts sont généralement l’expression des valeurs et des postulats qui constituent l’environnement. Ces liens sont cependant indéterminés. Tout comme pour la difficulté d’identifier le niveau, les difficultés d’identifier les liens entre les niveaux rendent difficile l‘opérationnalisation de la culture de l’aménagement sur la base de ce modèle. On peut donc effectivement reprocher à ce modèle qu’il n’offre pas de lignes conductrices claires pour la recherche sur la culture de l’aménagement.

4. LES ANNÉES 2010, UNE APPROCHE PLUS INSTITUTIONNELLE

Suite aux critiques formulées aux contributions des années 2000, de nouvelles recherches ont centré leurs analyses sur une approche plus institutionnelle. Parmi ces contributions, on retrouve notamment les articles parus dans un numéro thématique du journal « Planning Practice & Research » sur les méthodologies portant sur une analyse comparative internationale des processus de planification (Ernste, 2012 ; Getimis, 2012; Nadin, 2012 ; Reimer & Blotevogel, 2012 ; Rivolin, 2012 ; Servillo & Van Den Broeck, 2012).

L’objectif de ce numéro était de « réaliser une revue critique des méthodologies antérieures servant à la comparaison européenne de l’aménagement du territoire, et de

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proposer des approches alternatives » » [traduction personnelle]6 (Nadin, 2012, p. 3). Le

numéro ne se consacre donc pas directement à la culture de l’aménagement du territoire mais à des approches visant à améliorer le pouvoir analytique des études comparatives (de Olde, 2015). Servillo et Van Den Broeck (2012) explorent le concept de culture de l’aménagement avec une analyse des interactions entre les acteurs et l’institution sociale. Reimer et Blotevogel (2012) introduisent le concept des milieux institutionnels. Getimis (2012) propose une approche multi-scalaire (nationale, régionale, locale) centrée sur les acteurs, les connaissances et les politiques. Rivolin (2012) propose un modèle sur les technologies institutionnelles. Toujours dans le même numéro, Ernst (2012) propose une analyse centrée sur l’acteur. Plus récemment, Taylor (2013) propose une approche intégrant un aspect plus historique.

Selon nous, l’intérêt de ce numéro thématique n’est pas la description détaillée de chacune de ces approches mais plutôt d’offrir un aperçu sur l’apport de ces dernières. Celles-ci sont plus centrées sur une thématique et le cadre analytique en est plus précis. Ces approches mettent également l’accent sur trois critiques que les études sur la culture de l’aménagement devraient prendre en compte (de Olde, 2015) :

1) L’importance des interactions entre les structures et les acteurs ;

2) L’importance des différentes échelles et de leur imbrication les unes dans les autres ;

3) L’importance de l’aspect évolutif des systèmes d’aménagement. Bien souvent les études analysent le système à un moment donné et restent dans une analyse très statique.

Cependant, avec les approches prises en compte dans le numéro thématique considéré, le risque est d’abandonner certaines dimensions et de laisser des coins d’ombre. De Olde (2015) pointe notamment le risque de la mise de côté du niveau le plus micro, à savoir les habitudes à l’intérieur d’un domaine particulier de l’aménagement du territoire et les éléments au niveau le plus macro comme les valeurs sociétales.

6Texte original : « critically review previous methodologies adopted in European comparative

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5. LES PUBLICATIONS RÉCENTES

Les articles les plus récents (de Vries, 2015; Knieling & Othengrafen, 2015) s’appuient sur le modèle de culture de l’aménagement développé par Knieling et Othengrafen. L’article de de Vries (2015) a pour avantage de réaliser la synthèse entre, d’une part le modèle de culture de l’aménagement et, d’autre part, les approches institutionnelles. Il propose quatre manières de percevoir la culture de l’aménagement :

 L’aménagement comme un phénomène culturel : la signification de l’aménagement du territoire dans chaque culture

 L’aménagement comme une sous-culture : l’analyse des valeurs et des attitudes des acteurs de l’aménagement du territoire

 L’aménagement comme une fonction de la gouvernance : les règles et les routines du gouvernement et de la bureaucratie, et la correspondance entre ces règles et l’aménagement

 La culture sociétale et l’aménagement : la compréhension des valeurs et des attitudes de la société au sens le plus large qui façonne le développement spatial. À travers un exemple (la comparaison entre la Flandre et les Pays-Bas), il montre l’importance de s’attacher aux quatre différentes perspectives.

6. APPROCHES FRANCOPHONES

Dans cette partie, nous voulons aborder l’usage du concept de la culture de l’aménagement dans la littérature francophone. Très peu de recherches ont été trouvées sur le sujet, à l’exception de la thèse de Trkulja (2009) mais dont la revue de littérature dans le domaine est assez limitée. Le concept est donc rarement utilisé dans la littérature francophone. Cette littérature n’apporte donc pas de nouveaux éléments à la compréhension du concept.

7. LA DIMENSION CULTURELLE EN ÉCONOMIE

Durant la seconde moitié de XXe siècle, la prise en compte de la culture dans les analyses

économiques était totalement absente (de Jong, 2013). Même s’il y a toujours eu des recherches mettant en avant l’importance du contexte, la vue économique dominante était basée sur le comportement rationnel des agents. Les économistes étaient réticents à utiliser le cadre culturel comme un facteur déterminant dans les analyses économiques. Pour eux, le concept de culture était trop vague et ambigu pour amener à des résultats tangibles (Guiso et al., 2006). Dès lors, il paraissait difficile de tester des hypothèses dans ce domaine.

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Cependant, la prise en compte des effets du contexte est apparue nécessaire au vu de certaines théories peu en phase avec le développement économique (de Jong, 2013). Au début des années nonante (« Cultural turn »), il y a eu un développement des recherches académiques sur l’importance des facteurs culturels dans les performances économiques. L’explosion de l’économie institutionnelle (voir la section 7.1 au chapitre II) a entrainé l’étude des institutions formelles ainsi que l’étude des institutions informelles. De plus, les méthodes pour collecter des données afin d’identifier les différences entre préférences et valeurs ont été améliorées.

Dans les paragraphes ci-dessous, nous allons, revenir sur la définition de la culture et notamment sur celle utilisée en économie. Nous définirons les concepts de valeur et d’attitude, des éléments clés de la culture. Ensuite, nous présenterons les travaux de référence qui ont été réalisés dans le domaine. Enfin, nous exposerons les trois méthodologies utilisées pour étudier l’effet de la culture sur les performances économiques.