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Trois contextes scolaires plurilingues immersifs

PRATIQUES ORDINAIRES D ’ ELEVES PLURILINGUES

3.1 I NCLUSION ET PLURILINGUISME : DES ENJEUX SOCIOEDUCATIFS MAJEURS

3.1.1 Trois contextes scolaires plurilingues immersifs

L’effort de transformation du système éducatif se décline à l’école par des dispositifs supposés favoriser des logiques inclusives. Quels qu’ils soient, ils contribuent à un processus transversal, une manière collective de « tendre vers », en particulier par le biais des pratiques langagières. Les principes d’inclusion qui sont énoncés pour l’inclusion des EANA sont novateurs en France parce qu’ils adoptent explicitement une vision transversale des enseignements du français plutôt qu’une logique disciplinaire :

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cet apprentissage est présenté comme l’affaire de tous les enseignants et pas exclusivement de celle de l’enseignant de FLS, on n’enseigne pas la langue dans un seul espace mais dans toutes les situations didactiques, on s’appuie sur ce que les élèves savent déjà faire, en français mais aussi dans leurs langues familiales [30* : 2 à par.]. Les élèves dits Élèves Allophones Nouvellement Arrivés en France (EANA) apprennent

le français à l’école et s’acculturent à la forme scolaire dans le même temps. Scolarisés

au sein de dispositifs spécifiques désignés dans les textes officiels depuis 2012 comme des « Unités PÉdagogiques pour Élèves nouvellement Arrivés » en France (désormais UPE2A), ils ont des heures dédiées à l’apprentissage du français au moins pendant leur première année de scolarisation. Depuis 2012, le terme « allophone » remplace dans les textes officiels d’autres dénominations telles que « sans maîtrise suffisante de la langue française ou des apprentissages » (2002)52 mais, comme on le verra, la terminologie est floue, elle ne dit rien de la diversité des profils langagiers des élèves. La classe d’accueil est multilingue, multiculturelle, et le français y est une langue étrangère. Les langues familiales sont utilisées au quotidien par tous, leur usage n’est pas valorisé dans la société. Les domaines du français que les élèves découvrent ont trait à la socialisation et à la scolarisation. Ils vivent un bilinguisme de transition : le français prend de plus en plus d’importance dans leur répertoire, jusqu’à mettre peu à peu en sommeil la langue familiale pour certains. Pourtant, ils sont aussi très nombreux à parler déjà plusieurs

langues à leur arrivée en France. Cela est par exemple le cas des élèves de

ParLangues_1 : parmi les 14 collégiens en UPE2A, 8 d’entre eux parlaient au moins deux

langues en arrivant en France [21]. La situation est avérée ailleurs sur de plus grands groupes (Armagnague-Roucher et Rigoni, 2018 : 289). De nombreuses recherches les concernent.

52 NOR : MENE0201119C. L’analyse chronologique des textes officiels révèle montre trois positionnements concernant l’enseignement du français aux élèves étrangers : avant 1980, on vise « l’usage » du français en vue d’entrer dans les classes ordinaires, puis la « maitrise de la langue », et plus tard une « maitrise suffisante » (2002). Dans les textes officiels, « la difficulté sociolinguistique est celle de l’écart entre la langue normée de l’école et la langue de la « vraie vie » (Varro, 2012). Le terme « allophone », paru dans la circulaire de 2012 et préféré au terme « plurilingue », met en regard les instructions officielles, les représentations sociales de l’immigration et du statut du français ; « elle incarne finalement la difficulté à considérer le plurilinguisme des élèves comme une ressource et reconnaître à ces derniers un statut d'expert » (Auger, 2019 : 39).

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Les élèves plurilingues scolarisés en métropole et en classe ordinaire (EPO_France)

sont nés en France ou y vivent depuis plusieurs années. Ils sont le plus souvent invisibles de l’institution scolaire, en particulier quand ils parlent des langues minorées, des langues de la migration. Ils sont majoritairement scolarisés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire. Acculturés au système scolaire depuis un certain temps, ils pratiquent le français à l’école et souvent hors de l’école, au sein de répertoires plurilingues très labiles. Les langues familiales sont parfois maintenues (stratégies familiales et individuelles volontaristes), elles peuvent aussi s’amenuiser, voire disparaitre du répertoire des individus. Plusieurs modalités bilingues se développent, asymétriques ou non selon les stratégies familiales, mais dans tous les cas la part du français augmente dans les répertoires individuels :

En 2008-2009, l’enquête « Trajectoires et Origines » de l’INED et de l’INSEE (dite ToE), qui visait à caractériser « la diversité des populations en France », a porté sur les pratiques déclarées d’un échantillon de 21 000 personnes. […] Le plurilinguisme familial est très majoritairement l’apanage de familles migrantes de la première ou seconde génération ; l’importance accordée à la (aux) langue(s) d’origine varie d’un groupe à un autre, d’une famille à une autre. Par ailleurs, l’utilisation du français devient plus courante avec le temps, conséquence notable de la scolarisation des enfants. Plus de la moitié des enquêtés déclare qu’un de leurs parents leur a parlé dans une langue étrangère lorsqu’ils étaient enfants mais l’utilisation exclusive de langues étrangères n’est déclarée que par 9 % d’entre eux. [17* : 66]

De plus en plus nombreux, ils font l’objet en France de recherches didactiques émergentes, et marginales, principalement par le prisme social des « élèves issus de l’immigration »53.

Les élèves plurilingues scolarisés dans un établissement de l’AEFE (EPO_AEFE)

apprennent en français dans une classe dite ordinaire, tout en mobilisant très souvent d’autres langues pour apprendre. Tous les établissements de l’AEFE sont homologués par l’éducation nationale : ils mettent en œuvre les programmes français, les enseignements sont immersifs dans les filières concernées. La classe est multilingue et multiculturelle, le français est appris depuis la maternelle. Non français pour la plupart, les élèves s’immergent donc dans un milieu scolaire qui utilise une langue étrangère aux

53 Cependant, la thèse très récente de Karima Gouaich (2018), s’intéresse à ce contexte. La démarche ethnographique adoptée documente les pratiques didactiques avec les élèves plurilingues en classe ordinaire.

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yeux du pays. Les langues familiales sont utilisées au quotidien par tous, leur usage a des fonctions de socialisation. Le domaine du français le mieux connu par les élèves est le domaine scolaire, et c’est parfois le seul. Ils vivent un bilinguisme asymétrique qui tend à se stabiliser. Les pratiques plurilingues sont légitimes à leurs yeux, et souvent tolérées

par les enseignants, voire didactisées. Les travaux scientifiques qui concernent ces établissements sont très peu nombreux.

3.1.2 Une visibilité problématique : entre catégorisation scientifique et

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