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Pourquoi le travail de l’enfant est-il toléré?

Dans le document L’ENFANT EXPLOITÉ (Page 182-200)

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le cas du Brésil---

Crianças de fibra (Enfants courageux) est le titre d’un docu- mentaire photographique publié en 1994, tableau sans retouche de l’exploitation du travail d’enfants de 10 h 13 ans-au Brésil.

Le texte accompagnant les photos présente des extraits d’inter- views oÙ les enfants font le récit de leur journée de travail, de l’effort physique demandé, des dangers encpurus, du manque de salubrité et de l’insuffisance des salaires. Edité avec l’appui de

. l’OIT, de syndicats et d’une fondation de défense des droits de l’enfant, ce livre marque un moment de la prise de conscience de la part de certains secteurs sociaux, hors du milieu universitaire et de celui des défenseurs habi

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Le présent travail veut souligner I’écart entre la législation et la réalité des faits, ainsi que l’indifférence et l’ambiguïté des médias.

Tout d’abord, il faut définir la notion de travail dans son sens le plus large et général : n’importe quelle activité dont le but direct ou indirect est celui de la prise en charge de la vie. Lorsque cette même responsabilité repose sur l’enfant, il est question de travail de l’enfant. Les tâches accomplies à l’intérieur du foyer dans le but de pourvoir aux besoins les plus ~ élémentaires

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se nourrir, s’habiller, s’abriter, se reposer - sont également considérées comme travail et sont, le plus souvent, effectuées par des adultes.

La participation de l’enfant à l’accomplissement de ces travaux peut avoir lieu à titre d’aide ou de collaboration et, lorsqu’ils sont accomplis sous l’orientation d’un adulte, ils font partie de l’apprentissage et du processus de socialisation de I’éducation informelle. I1 est toutefois difficile, dans l’éventail des activités entreprises par u n enfant, de faire la distinction entre la part de l’aide et de l’échange, et celle de la << pratique des tâches quotidiennes collectives chez les pauvres >>, à I’ïntérieur et à l’extérieur du foyer, Quoi qu’il en soit, le droit des enfants aux soins et à la protection, nsi que celui de fréquenter I’école et de jouir des activités de lois est une norme de la société actuelle.

Dans la plupart des familles populaires, l’occupation d’un enfant aux tâches ménagères entraîne la libération d’un adulte eñ vue d’un travail rémunéré servant à pourvoir aux besoins de la

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famille. Quand l’enfant doit lui-même partir en quête de sa propre subsistance ou de celle d’un adulte, on voit se configurer une situation d’exploitation extrême. Ainsi, le premier signe indiquant qu’une famille réussit à atteindre le minimum nécessaire pour assurer sa propre survie est la libération de I’enfant pour qu’il puisse fréquenter l’éCole.

Au Brésil, d’après les données du PNAD (Enquête nationale -par échantillons domiciliaires), la fréquentation de l’école concerne les familles percevant plus de deux SMIC par personne (soit, en 1990, quelque 12’8 % d’entre elles, d’après le recense- ment). On retrouve ce même rapport dans une enquête empirique du début des années 1980 (Fukui et alii, 1981).

Nous partirons du présupposé que tout enfant ne fréquentant pas l’école se voit, d’une manière ou d’une autre, contraint de développer des activités liées à la prise en charge de sa vie. I1 convient toutefois de rappeler que l’activité scolaire n’exclut pas l’enfant du monde du travail, alors que le monde du travail, lui, peut exclure l’enfant de l’école.

Les sociét6s, de façon générale, développent leurs propres critères de définition, en fonction de I’âge, de devoirs et de responsabilités. Au Brésil, comme dans la plupart des pays du monde occidental, la périodisation est la sui- vante : 6 ans, phase pré-scolaire ; 7 ans, alphabétisation ; 12 ans, apprentissage d’un métier ; 14 ans, scolarité obligatoire et, avec certaines restrictions et mesures de protection spécifiques, accès au march5 du travail ; 16 ans, droit de vote ; 18 ans, majorité civile.

Cette distribution par niveaux d’âge, si simple au premier abord, présente cependant plusieurs ambiguïtés. Par exemple, la période 12- 14 ans est définie en mCme temps comme étant celle de la sco- larité, et celle de l’apprentissage d’un métier. L’âge minimum pour l’apprentissage n’est pas strictement réglementé.

Dans cet article, nous aborderons la question du travail des enfants de moins de 14 ans à la lueur de trois paramètres : les connaissances acquises, la législation sur l’enfant et l’adolescent, et les informations véhiculées par les médias, surtout les journaux grand tirage. L’hypothèse retenue est que ces instances ont des discours parallèles, voire fragmentés. Pourquoi le travail de l’enfant est toléré au Brésil ?

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la tolérance en question pouvant être comprise comme une attitude indulgente d’une l’opinion qui excuse ou pardonne les fautes, regardant plutôt le bon que le mauvais côté des situations. Nous essaierons d’ébaucher les termes d’une proposition politique qui ferait avancer la protection effec- tive de l’enfant dans le domaine du travail, selon les principes de droit et de justice préconisés par le récent Statut de l’enfant et de l’adolescent.

Qu’est-ce qu’un enfant ?

RÉALITÉS ET REPRÉSENTATIONS BRÉSILIENNES i 83

Les connaissances acquises : la dénonciation

Le recensement de 1970 et le PNAD de 1977 considèrent que la population économiquement active (PEA) s’entend dès I’âge de I O ans. Ainsi, une première approche pour mesurer l’étendue du travail de l’enfant au sein de la société brésilienne est possible.

Face aux donnés quantitatives indiquées phr les recensements, les quelques travaux empiriques réalisés jusqu’alors en milieu rural (Antuniassi, 1981 ; Ribeiro, 1982) ont acquis une plus grande Iégi- timité. Il a également été possible d’évaluer la quantité de travail des enfants dans les grandes villes et de commencer à construire une problématique autour du thème. Alvim et Valladares (1988) font un relevé de la littérature dont le thème est l’enfance et trou- vent 41 publications (19 %) sur le travail de l’enfant. Rimini (1989) indique 45 ouvrages sur ce même thème dès le début des années 1970. Bien que la majeure partie de ces enquêtess’occupe des plus de 14 ans, le nombre important de publications indique que le thème prend de l’ampleur dans la production académique.

Les enquêtes sur le travail de l’enfant et de l’adolescent ne font pas toujours la séparation par catégorie d’âge, ce qui entraîne une première difficulté : l’enfant travailleur âgé de moins de 10 ans est exclu des données, et l’on peut difficilement établir les différences et particularités du travail des apprentis selon leur âge (5 moins de postuler que le travail des moins de 12 ans est quantitativement négligeable, ce qui est largement réfuté par un certain nombre de travaux empiriques, comme nous le verrons par la suite).

Le travail des enfants de 10

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14 ans tel que caractérisé par ces publications

Pendant les années 1970 et 1980, on pense que .le travail de l’enfant, associé aux stratégies de survie, reproduit la pauvreté.

Calsing et alii (1986) définissent la pauvreté comme << l’accès insuffisant aux biens et services et la non-satisfaction des exi- gences indispensables de nourriture, habitation, santé etc. P. En accord avec Zylberstajn et alii (1983, ils déclarent qu’elle présentë une forte- tendance à la transmissibilité, le recours au travail de l’enfant constituant le lien entre << la vieille et la nouvelle pauvreté, perpétuant ainsi la précarité des moyens capables d’assurer la vie D. Dans la même optique, l’enquête de Zylberstajn et alii (1 985), prenãnt comme référence les PNAD, étudie les familles qui disposent de moins du quart d’un salaire minimum (SMIC) par personne et constate alors qu’entre 1970 et 1980, la participation des travailleurs-enfants à la force de travail employée dans cette tranche de revenu a augmenté de 36 %. Ils montrent que :

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de nombreux enfants sont obligés de commencer à ti-availler-dès

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l’emploi est d’autant plus instable que l’enfant êst jeune ;

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la paye est d’autant plus faible que l’enfant est jeune ;

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les enfants travaillent autant que les adultes : 62 % travaillent en

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l’argent perçu par ces enfants contribue totalement ou partiel- Calsing et alii- ( I 986) ajoutent que, dans -cette population, on trouve deux fois plus d’enfants e t d’adolescents de sexe masculin, et que la moitié de ces travailleurs (moins de 17 ans) appartient au milieu rural.

Juarez (1991) énumère frois formes différentes de participa- tion de l’enfant aux charges de sa famille-la première des trois étant prédominante : la production d’un revenu, la prise en charge de la famille, et la contribution en travail non-rémunéré.

Récemment, Ribeiro et Sabók ( 1993)’ étudiant le recensement, montrent que, parmi les 10-14 ans, 73 % étudient, 9’8 % étudient et travaillent, et 8’3 % travaillent seulement. Parmi ceux qui travail- lent, 46,5 % font plus de 40 heures par semaine, et 9’2 % reçoivent plus qu’un salaire minimum par mois.

I’âge de 8

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9 ans ;

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. moyenne 48 heures par semaine ; lement au revenu d’un tiers des familles.

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Caractéristiques du travail des enfants clans le milieu rural et dans la métropole

I1 convient de rappeler la dimension de la société brésilienne : 140 millions d’habitants, sur 8 millions de k m 2 ; le degré d’hété-

généité des formations économiques et sociales est énorme.

ependant, pauvreté généralisée, développement économique et concentration du revenu avancent d’un même pas, laissant une grande partie de la population 5 I’écart du progrès économique, de telle sorte qu’on peut, en prenant comme paramètre la fréquenta- tion- de l’école, affirmer san oindre doute que le travail de aire de I’économie (production- agricole et ent deux situations d’embauche de l’en-

- fant : dans la famille, et dans le travail salarié. Dans l’unité familiale, on trouve les situations les plus variées, depuis celle des posseiros (non-propriétaires voués à l’agriculture de subsistance qui vendent le surplus de production pour se procurer des produits manufacturés) jusqu’aux formes les plus sophistiquées de l’agriculture capitaliste. Mais quel que soit le type d’embauche qui a mis l’enfant au travail, il ne sera libéré que dans la mesure où le , travail de l’adulte permettra d’assurer un revenu familia1 suffisant, qui le dispensera du sien.

RÉALITÉS ET REPRÉSENTATIONS BRÉSILIENNES I 85 Parmi les posseiros, installés poÜr la plupart dans des zones de grande valorisation des terres et de développement

constate depuis longtemps déjà le besbin de travai

part des membres du groupe familial. Les hommes partent en quête de travail dans les mines ou les

sorte que la production de subsistan femmes, des enfants et des personnes.

travail se fait de manière B libérer I’adul

lourds, et les enfants, peu à peu, se chargent de compléter puis.de remplacer ce même travail. Dès I’âge de 3 ou 4 ans, ils commen- - cent par de petites tâches : puiser de l’eau, ramasser des brindilles et du bois pour le feu, s’occuper des cadets

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jusqu’au jour où ils remplacent l’adulte dans les travaux ménagers. et, plus tard, dans ceux de champs (Fukui, 1979). Ces posseiros (litt.:

sont exposés à l’expulsion par les. propriétaires violence sont les .fruits du développement du capital

pionnières (Martins, 1992). Dans-ces régions d’unités de produc- tion déjà capitalistes (petits propriétaires voués à l’agriculture commerciale de riz, tabac et thé), la famille reprend sa-place comme unité de production, et l’on compte sur la totalité de bras disponibles pour la production (Martins, 1992).

Parmi les salariés embauchés à titre saisonnier (volantes, boias- frias, dans les régions de haute technologie), le travail de l’enfant se fait de manière .clandestine, mais parfaitement organisée. Profi- tant de l’absence d’inspecteurs publics du travail dans les cam- pagnes, les travailleurs-enfants sont recrutés par des turmeiros : -

agents autonomes -de main-d’œuvre qui louent leurs services aux -patrons de grandes exploitations rÜrales, sans qu’il y ait pour autant la moindre obligation employeur

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employé. Travaillant dans la clandestinité, ces enfants perçoivent u n salaire inférieur, et n’ont aucune protection. Gnacarini (1992) affirme que le travail de l’enfant est

en

croissance réguligre et constante dans l’agriculture de 1’Etat de São Paulo et concerne 15 à 20 % de la main-d’œuvre selon le secteur et la tâche. Parmi les .cueilleurs d’arachides, de haricots, de maïs, les ramasseurs d’œufs, ce pourcentage est plus élevé encore : il monte, à certaines époques de l’année, à plus de 50 %. L’exploitation la plus brutale règne, qui abuse de la totale impuissance de ces enfants. L’impunité des employeurs est confortée par l’absence absolue de réglementation publique. Les patrons se refusent à établir des contrats, et les syndicats se voient empêchés de s’immiscer dañs le c

travail x

Dans les métropoles; le tableau est plus hétérogène et corres- pond aux p-articularités des.-marchés régionaux. Au delà des diffé- rences régionales, on -trouve cependant quelques constantes. Spin-

- del (1985, 1989), dont l’enquête- porte sur huit métropoles des régions brésiliennes, a étudié les conditions dans lesquelles se fixa

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186 L‘ENFANT EXPLOITÉ

la légalisation du travail salarié des mineurs de IO à 18 ans. L e petit nombre de travailleurs en situation d’apprentis (12-14 ans) abordés dans son enquête ne lui interdit pas de souligner que ces jeunes travailleurs sont plus assidus et ponctuels que-les adultes ;

leur journée de travail est de plus de neuf heures, et quelque 70 % d’entre eux exercent des fonctions qui sont de la responsabilité des adultes

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surtout pour la main-d’œuvre féminine, dans le secteur de la confection. Sur l’ensemble des jeunes travailleurs salariés étudiés, deux tiers environ sont exposés au bruit, aux gaz, aux produits chimiques ou à d’autres conditions insalubres. Respon- sable parfois d’une importante - fraction du budget familial, l’enfant perçoit un salaire inférieur à celui d’un adulte. Considéré légalement comme.mineur, c’est sa famille qui répond de lui pour la signature et la révocation de contrats, pour le retrait du Fonds de garantie par temps de service, et qui bénéficie ainsi du fruit de son travail. Les syndicats acceptent son adhésion, mais ne lui accordent ni le droit de vote, ni celui d’être élu ; n’étant pas institutionnelle- ment protégé, il ne peut ni s’organiser ni revendiquer’.

Les enfants travailleurs se trouvent placés, par ordre décrois- sant : contre rémunération comme employés de ménage chez des particuliers, ou dans un travail familial d’aide domestique ; concentrés dans le secteur des services ou des petites échoppes sans rigidité de charge horaire de travail, ou en tant que salariés auto- nomes (pour la majorité) ; attachés à des entreprises exerçant des fonctions de vendeurs, emballeurs, etc. dans le commerce établi. Le travailleur de la rue ne représente donc qu’une fraction d’entre eux. II est vrai qu’en général, ce dernier se cantonne dans des lieux où il se sent à l’abri, et reste donc plus difficile à repérer.

Un comptage d’enfants et adolescents recensés dans les rues de la ville de São Paulo (12 millions d’habitants), selon une divil sion en secteurs, a été réalisé par un organisme gouvernemental. Le 16 septembre 1993, 4 520 enfants et adolescents ont été comptés, dont 36 % erraient dans les rues, 36 % y travaillaient, 12 % étaient occupés à des jeux divers, 9 % mendiaient ; les autres distribuaient des prospectus, dormaient, etc. A l’aube du vendredi ler octobre 1993, 895 enfants ou adolescents ont été recensés : 42 % déam- bulaient au hasard, 35 % dormaient, 15 % travaillaient et les autres mendiaient ou jouaient. On voit combien il difficile de mesurer l’extension- du travail chez les enfants.

Pires (1988) interviewe des travailleurs âgés de I O à 14 ans exerçant différentes activités dans les rues de São Paulo :-enfants

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Ces niemes conclusions sont présentées par Chaia (1987-1988). appuyées sur des études,du DIESE (Département intersyndical d’études socio-économiques), du SEADE (Systtme d’ Etat d’analyse de données.1993) et de Pires (1988) au sujet de la main-d‘œuvre des 10 - 14 ans sur le marché formel du travail (coursiers, emballeurs-livreurs des supermarchés, distributeurs de prospectus publicitaires, vendeurs de journaux) dans I’Etat de SHo Paulo. Elles sont encore confortées par Alves (1991). lors d’une enquête sur le marché formel de Rio.

RÉALITÉS ET REPRÉSENTATIONS BRÉSILENNES 187

gardiens de voitures, porteurs au marché, cireÜrs de chaussures, vendeurs ambulants , etc., salariés ou à leur compte.

qu’il n’y a pas de différences significatives entre 1

secteurs du point de vue des qualifications >> et de la durée de la journée de travail (le marché informel n’est pas forcément pire que le formel). Dans le secteur informel, le travail est plus discontinu : il est courant de voir un enfant s’occuper de plusieurs activités à la fois, telles que porteur au marché et marchand d’amuse-gueules, marchand de glaces et gardien de voitures, ramasseur de vieux papiers, etc: La différence la plus importante constatée se situe par rapport au revenu : on a trouvé une variation allant de 1 à 1,5 SMIC dans le secteur formel, de 0,75 à 2 SMIC dans le secteur informel. Le salaire est en rapport direct avec la journée de travail : les meilleurs revenus correspondent à 40 heures par semaine, et les moins élevés, à 25. Sur les gains les plus importants, les enfants sont en concurrence avec la main-d’œuvre adulte. Alves (1991) fait à peu près les mêmes constatations en comparant, à Rio de Janeiro, le travailleur enfant des quartiers résidentiels à celui travaillant au centre-ville. et exerçant des activités telles que gardien de voitures, ramasseur de vieux papiers, cireur de chaussures

...

L’ensemble de ces enquêtes autorise les conclusions suivantes :

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Le travail de l’enfant fait partie intégrante du quotidien des familles, sous forme de contribution importante au revenu du foyer, de travail ménager, ainsi que sous d’autres formes de travail au foyer, ce qui va à l’encontre de l’idée selon laquelle sa contribution ne serait pas indispensable.

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2

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C’est le besoin d’assurer la survie qui entraîne la quête de travail au dehors de la maison. Celui-ci commence en moyenne à 1’3ge de 9 ans, dans un lieu proche du domicile et, en général à proxiinité de familiers ou de connaissances. D’habitude, l’enfant travailleur commence l’exercice de son activité dans de petites échoppes ou dans le secteur des services -; peu à peu, il augmente sa charge horaire, et acquiert des capacités lui permettant de disputer la place d’un adulte.

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Dans le secteur formel de I’économie, la situation de I’en- fant travailleur salarié est rarement légalisée (7 % de la totalité, d’après Spindel) alors que sa fonction, de même que sa charge horaire, sont identiques à celles du travailleur adulte.

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I1 faudrait distinguer les conditions de travail des 10-14 ans, et celles des 14-18 ans : pour les premiers, en effet, l’accès au marché du travail se fait non seulement sans privilèges, mais sans aucune protection légale, dans des activités considérées comme marginales : le travail clandestin (en zone rurale) et le marché informel de marchandises récupérées dans les dépotoirs d’ordures, les déchets des marchés, etc.

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port existe bien entendu entre l’exercice d’un travail rémunéré et la scolarité de l’enfant. Le--preinier signifie

- facilement retard scolaire, souvent suivi de l’abandon de I’école, en raison .de l’impossibilité de concilier longue journée de- travail et scolarité. Mais de récentes données montrent que, dans la région sud-est tout au moins, l’école est fréquentée par tous. Barros (1991) -fait remarquer que le niveau de scolarité des filles est -

nettement supgrieur à celui des garçons. Madeira (1993) observe qu’il n’existe pas de rapport mécanique entre pauvreté, travail de l’enfant et abandon de I’école. I1 serait donc plus précis de dire que llon observe une concomitance, au moins dans les Centres urbains, entre fréquentation de I’école et travail ; on constate un retard considérable dans le rapport âge

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niveau scolaire, Üne fréquentation de I’école qui dure de 5 à 8 ans, I’échec scolaire et l~exclusion du système, faute d’adaptation de I’école à la réalité.

L’éCole représente une valeur aux yeux des classes populaires, mais le système scolaire ne répond pas à leur attente, car il exclut méthodiquement -ceux qui ne répondent pas au modèle d’élève qu’il a lui-même établi (Demartini, 1981, Fukui, 1981, Malta Campos, 1981, Madeira, 1993). De sorte que le travail de l’enfant

- est plus lié à la pauvreté et à l’absence de-politiques publiques qu’au discrédit de la classe populaire envers l’éCole, à l’inverse de

. l’opinion des conservateurs (en fait, pour les familles dans le besoin, l’école représente des frais en uniforme et fournitures sco- laires qu’elles peuvent difficilement supporter).

Cornment les jeunes envisagent-ils le travail ?

Les travailleurs les plus soumis à la pression du groupe familial sont les 10-14 ans. Presque tous versent la totalité de leurs revenus le budget familial ; bien peu en disposent à leur guise. Chez plus âgés, il n’en-va plus de même, que l’on soit dans la- pagne -ou en ville. Fukui (l.979), Madeira (1993)’ Spindel (1988) montrent que le travail est -pour eux une condition d’autonomie : si une partie de leurs revenus est destinée au budget familial, le reste est pour leur

des deux sexes de 9 à 17 ans qui exerçaient différentes activités à São Paulo, a constaté : une grande mobilité dans les travaux exercés ; pas d’opportunité d’acquisition de compétences ; u n abandon des études par nécessité du travail ; une responsabilité personnelle sur l’usage des gains ; et, le plus important : ces enfants << ont exprimé un sentiment d’auto-réalisation, voire de fierté, dû au fait qu’ils travaillaient et pouvaient ainsi participer à la subsistance de la famille,,. Ce qui permet h l’auteur d’affirmer que le besoin de travail se voit <<transfiguré en vertu D. Telle est également la conclusion de Rizzini (1991) : aux yeux des travailleurs enfants, le

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Gouveia (Ï983)’ intervi

RÉALITÉS ET REPRÉSENTATIONS travail apparaît en même temps com

et comme un moyen légitime d’inclusion dans la société.

Dans l’ensemble des enquêtes, on constate une certaine una-- nimité (ou complémentarité), qui rend possible l’établissement d’un cörps de connaissances relativement cohérent sur le travail de l’enfant. Les thèses les’plus -Souvent véhiculées sur les causes du travail de l’enfant sont : la pauvreté, la désagrégation de la famille et la spécificité

- Tróis thèses sur le travail desenfants 1

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La pauvreté est la cause du

Cette thèse est soutenue à l’unanimité par les auteurs ayant étudié le problème. Cependant, quelques différences de formula- tion permettent d’expliciter davantage cette position. La thèse qui affirme que la pauvreté est transmise le long des générations, le travail précoce de l’enfant étant le lien entre la vieille et la nouvelle pauvreté D, a été énoncée par Zylberstajn et alii ( 1 985).

Elle est réfutée ‘en partie - par Barros (1 99 1) : << aucune preuve directe ne démontre que le travail précoce entraîne à l’avenir des revenus inférieurs et constitue un véhicule de transmission de la pauvreté .au travers des générations D. Les données des divers -

recensements et les enquêtes ont contribué h dresser un tableau différencié de la pauvreté. Une récente étude de la Fondation SEADE (1 993) considère simultanément l’habitation, .I’-instruc- tion, l’emploi et le revenu, pour caractériser les besoins ainsi que les formes d’insertion de la main-d’œuvre jeune dans le travail.

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La thèse complémentaire qui considère le processus d’urba- nisation et la migration vers la ville comme cause de la pauvreté est fortement réfutée par les données: des recensements, qui démontrent qu’il n’y a pas de -différences importantes entre.

travailleurs migrants et non-migrants, que ce soit par rapport au secteur d’activité, aux revenus ou aux conditions de vie. Une donnée encore plus importante a-trait au fait que, dans la plupart des régions métropolitaines du Brésil, le taux d’activité de la population migrante est plus élevé que celui de la population non migrante (Pires, se rapportant au travail de Campino et alii,

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1979 : 73-75).

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2

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La désagrégation familiale e s t a raison

que par les travaux empiriques qualitatifs. cours des parents au travail de l’enfant est la conséquenc la- pauvreté. Les familles avec enfants e n bas âge dont le chef est une femme sont

vai1 de l’enfant. . Cette thèse ‘est réfÚtée tant par les données des recensements .

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