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La recrudescence de l’emploi des enfants en Algérie

Dans le document L’ENFANT EXPLOITÉ (Page 100-110)

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Djilali Sari

, a

Le phénomène de l’emploi et de l’exploitation des enfants ne peut surprendre. C’est bien le propre de tout pays en dgveloppe- ment, confronté de surcroît à une conjoncture économique des plus difficiles. Cependant, dans un pays qui a tant investi en faveur des jeunes, il importe avant tout d’en cerner la significatiön pro- fonde.

Au préalable, une double approche, descriptive et quantitative, s’impose. La première est indispensable pour rendre compte de l’hypertrophie d’activités multiformes, ne se limitant pas toujours au micro-commerce traditionnel mois recouvrant aussi une foule de services et de micro-production marchande. Quant à la seconde, elle doit apprécier à sa juste valeur l’importance des effectifs mis en œuvre par le secteur informel concerné. Bien souvent, et de plus en plus, les effectifs recherchés ne se recrutent pas exclusivement parmi les non scolarisés ou les peu scolarisés. Déperditions sco- laires en proportion croissante, diplômés -et Cléments issus des promotions des centres de formations professionnelles constituent ainsi des réserves inépuisables.

-En conséquence, une attention particulière doit être accordée à ces données, principalement au rôle socio-économique de I’économie informelle. Sa percée et son développement n e correspondent-ils pas à I’échec du modèle de développement et, par là-même, à une remise ën cause générale de bien des acquis exprimant la modernité ? Dans de telles conditions, l’informel ne se solde-t-il pas non seulement par une paupérisation croissante, mais aussi par une montée de contestations et de déstabilisation ? L’hypertrophie d’une activité multiforme -

Une première approche doit cerner les principaux aspects de I’évolution en cours du phénomène. Si certaines formes d’activités se prêtent à l’analyse, il n’en est pas de même de celles qui se

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retranchent jusque dans l’intimité des familles. Aussi nous distin- guerons trois formes d’activités principales : les plus manifestes d’abord, celles qui sont moins visibles ensuite, puis celles qui se confondent avec la vie familiale elle-même.

Les formes les plus manifestes de 1 ’économie informelle

Ce sont les plus récentes, et celles dont-les manifestations sont les plus spectaculaires. Elles fleurissent dans les espaces publics drainant en permanence des foules compactes. II en est ainsi des souks, places et squares, des grandes artères et jusqu’à certains quartiers retirés et ruelles privilégiées. D’autres espaces sont éga- lement propices, notamment ceux fixant et brassant les passants : alentours des gares, des grandes surfaces, des établissements sco- laires

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Partout s’affairent des foules de marchands et de reven- deurs, composées de plus en plus majoritairement -d’enfants. Ils proposent une gamme variée de produits, de l’alimentation jus- qu’à I’électronique en passant par le petit outillage, avec u n e prééminence pour les objets et produits manquants dans les lieux de vente officiels.

Cependant, de tout ce paysage, c’est incontestablement la vision de ces enfants et ces adolescents exposant à longueur de journée des paquets de cigarettes et d’allumettes qui attire le plus l’attention. En effet, naguère insolite, il s’est très vite banalisé et, surtout, généralisé à travers l’ensemble du réseau urbain et jus- qu’aux localités les plus anonymes. Mais plus significatif encore, pour l’observateur avisé, est le spectacle de ces alignements d’en- fants des deux sexes, souvent entrecoupés de femmes, proposant tous des galettes, gâteau-x traditionnels et autres éléments entrant dans la préparation de certains mets prisés de la cuisine urbaine.

~ Par ailleurs, comme par le passé mais av-ec plus d’intensité, ateliers, magasins, locaux de restauration - de type traditionnel ou

<< fast food >> -, ainsi que les cafés, populaires et modernes,

regorgent tous d’un personnel en grande partie constitué d’enfants et d’adolescents. Partout, dans ces services et ces commerces, l’activité des adultes tend à se réduire à sa plus simple expression. La même observation s’applique aussi aux aires de stationnement des véhicules, où gardiens et laveurs se recrutent parmi les tranches d’âge les plus jeunes1.

En revanche, il est vain de rechercher ces images rappelant trop une ère heureusement révolue : cireurs et porteurs, enfants et

I La population en question correspond h celle définie par la Convention intemationale des droits de l’enfance, soit 18 ans. Les raison ne sont pas seulement d’ordre juridique. Avant cet Bge, l’insertion dans I’économie organisée est très exceptionnelle. MEme la loi sur I’apprentis- sagë ( I 882) ne touche que des effectifs très modestes. Du reste, même les jeunes issus des centres de formations professionnelles ne trouvent en général pas i s’employer.

L‘EMPLOI DES ENFANTS EN ALGÉRIE ~ 101

adultes, accompagnant les ménagères au souk et jusqu’à leur domicile, Ce rejet exprime le seul << tabou D qui se maintienne encore. Va-t-il toujours persister, avec l’aggravation constante des conditions de subsistance des masses populaires ?

’Quoiqu’il en soit, l’observateur attentif doit rter son regard vers les espaces-plus discrets et, de surcroît, moins accessibles, pour mieux cerner d’autres aspects d

Les formes moins visibles

Toute une série d’activités liées à l’utilisation äbusive des enfants est à rechercher loin des espaces précités.. Dans de telles conditions d’exploitätion, en effet; il faut se diriger vers des lieux bien déterminés, des lieux échappant généralement - et dura- blement

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au contrôle des pouvoirs publics, et le plus souvent non encore inventoriés ni cartographiés, dès- lors qu’il s’agit de quartiers relevant de l’habitat spontané. Du reste, même les vieux quartiers de médinas délabrées, voire des locaux sommairement réaménagés, abritent et dissimulent efficace nt l’emploi dit << 2 domicile B.

Partout, dans ces lieux inattendus, il est loisible de relever u n e animation bien particulière, regroupant pêle-mêle aussi bien des activités naguère e n voie de disparition que d’autres formes expri- mant au contraire une remarquable réadaptation, voire certaines innovations. C’est ainsi que, pour le premier cas, l’observateur attentif redécouvre non sans émotion la résurgence de certains petits métiers rappelant -un artisanat traditionnel qui a totalement disparu des villes anciennes, comme Tlemcen en particulier.

L’exemple de la broderie sur cuir et velours est à souligner:

encore pratiqué par des hommes adultes jusqu’au milieu du siècle, dans des locaux ayant pignon sur rue, et après avoir été quasi exclusivement le fait des femmes, durant les deux décennies écou- lées, il existe toujours, mais il est de plus en plus le fait d’enfants, ~ de fillettes et d’adolescentes. D’autres formes d’artisanat connais- sent ce même rajeunissement de leur personnel. I1 en est ainsi de la tapisserie, de la passementerie, de la couture..

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Cependant, dès qu’il est question de couture, de tricotage et d’autres productions liées à l’utilisation d’un petit appareillage moderne, la réadaptation s’impose et se poursuit de plus en plus par le recours h une main- d’œuvre de jeunes, enfants et adolescents des deux sexes. La micro- industrie emprunte ainsi les voies et moyens détournés de I’éco- nomie informelle.

subsistance, voire de survie

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investit la vie intime des familles, ses formes sont encore plus opaques, et incontrôla

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Et lorsque celle-ci - s’offrant comme seul moy

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Le travail dissimulé au sein des familles

Certes, cette activité informelle ne peut surprendre, puisqu’il en a toujours été ainsi du travail domestique, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. Dans les deux cas, il était avant tout question d’insertion, imposée bien souvent par la complémentarité et l’autarcie (d’où aussi la participation des proches), et excluant alors toute forme marchande du travail.

Quoiqu’il en soit, le travail dans le cadre familial s’insère de plus en plus dans d’autres circuits, et répond à d’autres objectifs.

Sous ses deux formes précitCes, les formes dégénérescentes de l’artisanat traditionnel et celle de la micro-industrie, I’objectif est bien la recherche d’un appoint à un maigre salaire, quels que soient l’effort consenti et le temps consacré.

II convient également de prêter attention à cette autre forme de travail marchand familial qui caractérise les demeures pauvres, lors de certaines périodes festives de l’année : les saisons de mariages, les fêtes religieuses -mois de carême, retour des pèlerins de la Mecque, etc. Tous ces événements donnent lieu à une intense activité (confection de mets et gâteaux, préparation d’déments du trousseau des mariés).

À tous les stades ou presque de ces activités -de l’achat des produits à la vente, en passant par certaines phases de I’élaboration du produit fini-, les enfants et adolescents sont, depuis peu (jusqu’à une date récente, cela ne s’observait qu’incidemment), impliqués d’une façon ou d’une autre. Bien des signes extérieurs manifestent cette évolution, et la presse en fait de temps à autre mention, pour souligner ainsi la paupérisation croissante de la population.

Les disponibilités en main-d’œuvre en fantine occupable

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S’agissant d’une activité se situant à la limite de la légalité et recherchant par conséquent la discrétion jusqu’à se dissimuler dans l’intimité des familles, I’économie informelle échappe en grande partie à toute quantification objective, d’autant qu’il s’agit là d’une réalité mouvante et bien souvent insaisissable par l’outil statistique proprement dit.

Au total, on peut estimer entre un million et un million et demi le nombre d’employeurs intéressés par l’emploi lucratif des enfants. Que l’emploi proposé soit permanent, saisonnier, tempo-

. raire ou seulement occasionnel, le nombre d’enfants ainsi sollicités doit nécessairement dépasser le nombre des embaucheurs, donc s’inscrire dans une fourchette probable de 2 d 3 millions. De tels effectifs sont-ils disponibles ?

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La population enfantine occupable est celle qui n’est pas scolarisée, et celle des exclu(e)s dont le nombre s’accroît d’année en année, même si le taux de scolarisation atteint et dépasse légère- ment 90 % depuis le début de la présente décennie. C’est ainsi qu’en 1990, les non-scolarisés approchaient le million et demi d’enfants. Les déperditions scolaires de l’école primaire, estimées à 200 O00 en 1980, s’élèvent à 276 872 en 1986-1987, et à 3 669 892 en 1987-88. En y ajoutant celles du secondaire, on trouve au total, pour cette dernière année, 500 O00 jeunes (Statistiques, 1992, 33: 2). Depuis cette date, le phénomène s’est renforcé, parallèlement à la baisse générale du niveau d’instruction et liée à une très faible proportion de réussite à la fin de chaque cycle d’enseignement. C’est ainsi que-l’on a déjà noté que, sur chaque population de 4 O00 ékves entrant au CPI, 58 arrivent en terminale et 18 seulement obtiennent le baccalauréat (Taleb, -

1980). En 1994, ce sont plus de 300 O00 recalés au baccalauréat que l’on a dénombrés, alors même que les diplômés et les universitaires sont en nombre croissant frappés de chômage.

En fait, comme le montre bien I’évolution de l’emploi durant la décennie écoulée, c’est au début des années 1980, soit peu avant le choc pétrolier de 1986, que I’écart entre offre et demande d’emploi a commencé à-se creuser. Depuis, le phénomène s’ag- grave sans cesse ; le quinquennat 1985-1989, qui prévoyait la création d’un million de postes de travail, a été très vite interrompu (deuxième plan quinquennal 1985-1989, 1985: 15). Or, même si on relève un accroissement de 605 O00 emplois, durant cette même période, le marché de l’emploi ne s’en est pas moins détérioré, puisque la seule arrivée des nouveaux demandeurs d’emplois atteint et dépasse 250 O00 chaque année. Du reste, c’est bien dans la tranche d’âge de ces nouveaux demandeurs d’emploi (16 à 19 ans) qu’on enregistre le taux de chômage le plus élevé, atteignant 65,s % à la fin de 1992 (Données statistiques 1993, 186).

En conséquence, toutes ces données convergent pour rendre compte des conditions gCnérales et particulières de I’e5pansion de l’emploi informel, a cet ensemble de- pratiques que I’Etat ne voit pas ou ne veu,t pas voir, c’est-à:dire l’ensemble des actes que ne mesure pas 1’Etat ou-dont il ne force pas la mesure pour en livrer un tableau statistique >> (Henni, 1991: 10). Ce secteur d’emploi s’attache avant tout, en matière de main-d’œuvre, à recourir adx catégories les moins exigeantes et de surcroît les moins identi- fiables par l’appareil statistique : à savoir la population ici décrite des enfants et des adolescents.

Aucune évaluation ne pouvant, en I’état actuel des choses, cerner une réalité aussi mouvante, l’important est alors de s’inté- resser aux aspects que revêt de plus en plus la paupérisation;

comme à leurs implications probables sur la présente phase de transition démographique.

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éstabilisation et une paupérisation croissante.

Ici, l’approche quantitative et descriptive parvient à rendre compte de la spécificité du cas algérien. Dès le début de la décen-- nie 1980; c’est-à-dire à une date bien déterminée et bien révéla- trice (Bernard, 1980: 45-0)’ la percée du phénomène a été obser- vée, avec l’identification des principaux facteurs : << s’il,existe des pratiques informelles en Algérie, c’est par rapport à I’Etat et non par sauvegarde de pratiqü ières B (Henni, 199 1 : 1 14).

- - Ea montée e n force du travail des enfants n’est que l’échec patent du modèle de développement poursuivi dès le début.de la planification, à la fin des années 1960. On a assisté rapidement et

- tour h tour à des phénomènes concordants : le renforcement d’un appareil de production moderne offrant peu d’emplois et contribuant à déyaloriser la force de travail, alors que le parti unique, -le parti-Etat, mettait tout en œuvre pour domestiquer les

- cadres êt les marginaliser

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pour finalement remettre en c-ause, brusquement, le processus d’indystrialisation, au tout début de la décennie écoulée. Or, c’est précisément à cette date que débar- quent massivement sur le marché du travail les premières générations issues du baby-boom du début de l’Indépendance. Si les premières promotions sont alors insérées, il n’en va rapidement plus de même. Aussi, le contre-choc pétrolier s’accompagne-t-il de l’explosion populaire d’octobre 1988, laquelle a été essentielle- ment celle- des jeunes, des lycéens et des chercheurs de premier emploi

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Depuis, la situation n’a cessé de s’aggraver.

Dans de telles conditions, I’économie infor d&eloppée à l’ombre d’un secteur moderne peu performa départ et de plus en plus déstructuré sous le poids du surendettement, ne peut se cantonner comme par le passé au seul secteur de la petite production marchande. Elle est partout présente, comme le montre, en particulier, le dynamisme des circuits parallèles de distribution et de commercialisation, en sus de la prdduction de biens et de services échappant à toute fiscalité, à toute maîtrise et h tout contrôle.

La remise en-cause des ac

dévalorisation de la force de travail, jointe à la dépréciation le des diplômes consécutives au non-emploi croissant des cadres et des universitaires traduit bien, à son tour, le niveau de la déstructuration de I’économie moderne et, par voie de consé-

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-L‘EMPLOI DES ENFANTS EN ALGÉRIE

quence, de tout ce que représente la modernité,-en termes de valeurs. Ainsi, ce sont toutes les exprëssions de la modernité, à travers l’adoption de nouveaux modèles, qui tôt ou tard, sont inévitablement remises en cause. La douloureuse et tragique actualité montre bien, justement, l’acharnement des forces rétro- grades qui s’en prennent directement aux acquis et aux symboles de la modernité.. .

Cette remise en .cause atteint bien entendu le modèle familial, lui-même fruit de tant de mutations, e t . expression d’une indéniable promotion des jeunes ménages. E ñ 1987, le modèle de la famille réduite, comp‘osée d’une seule famille au sein des ménages, s’était bel et bien imposé, représentant les deux tiers des ménages (Données synthétiques par wilayas, 1993: 102), la famille traditionnelle étant alors en voie de résorption. Or, depuis cette date, et compte tenu du renforcement de I’économie informelle

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avec toutes ses implications - et l’aggravation- du contexte dans lequel elle évolue, n’assistons-nous pas à une évolution -

régressive ?

des cellules de base, des cellules les plus fragilisées; que l’informel s’est investi en force, exploitant tour à tour les << travailleurs à domicile >>, femmes et hommes en rÜpture

. de cöntrat d e travail ou sans emploi, adultes sans qualification ou -peu qualifiés et, de plus en plus, ayant recours aux déclassés ou - non intégrés. Parmi eux, se trouve principalement la population enfantine et juvénile. Dans de telles conditions, il est clair que toute dualité de I’économie compromet durablement les acquis, sur tous

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C’est bien au- se

tion compromise ?

Une analyse plus fine, confrontant les mutations socio- économiques et culturelles aux prise-s avec les forces de destruction et de régression sur la scène nationale, permettrait de mieux saisir les dangers de l’heure : c’est, en définitive, tout le processus de transition, politique et démographique essentiellement, qui est en jeu et enjeu.

Concernant la transition démographique,‘ la présente phase (Sari, 1990,1993) paraît plus que jamais incertaine. Le maintien du statut de la famille de 1984, << minorisant )> la femme, entrave l’authentique insertion de la femme, et donne lieu, à l’issue de divorces notamment, à de graves injustices’. D’autres phénomènes, en rapport avec. la détérioration générale du contexte socioy économique, vont dans le même sens, compromettant toujours le devenir de la femme et de l’enfant.

On en trouve de multiple témoignages da& la presse, relatant la détresse des divorcées qui se retrouvent 3 la rue avec leurs enfants. Cf., par exemple, El Wurun du 29 m

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C’est ainsi que les facteurs déterminants qui sont à l’origine de la baisse sensible de la mortalité néonatale et infantile, voire de la mortalité en général, se maintiennent de plus en plus difficilement, dans l’actuel contexte de crise, par suite du dysfonctionnement des établissements hospitaliers, de la pénurie de médicaments et de vaccins, sans parler de la hausse vertigineuse des prix’. Quant aux contraceptifs, naguère facilement accessibles partout

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et gratui- tement, à travers les structures sanitaires -, leur usage devient problématique, surtout pour les milieux qui en ont justement le plus besoin, les milieux populaires.

Même s’il lui arrive d’y suppléer tant bien que mal, l’informel

<< ne fait pas du social D...

On comprendrait que, dans un tel contexte, les comportements novateurs qui sont à l’origine de la présente phase de transition démographique finissent par s’émousser. En est-il réellement ainsi ? Certes, rien ne peut le confirmer - ni l’infirmer -, notamment pour les mouvements démographiques naturels : depuis 1986, c’est encore la même évolution qui se poursuit, même si on relève un certain accroissement du nombre des mariages (mais ne s’agit-il pas seulement d’une << régularisation >>

tardive, comme cela arrive fréquemment ?). Quoiqu’il en soit, il . convient de demeurer prudent et d’éviter toute estimation préci-- pitée, d’autant que les inévitables bouleversements qu’entraînera la politique d’ajustement structurel désormais en vigueur ne vont pas manquer d’aggraver la situation économique, entraînant de pos- sibles nouvelles modifications des comportements, pour s’adapter h cette nouvelle donne. Autrement dit, des ajustements démo- graphiques ne sont pas à exclure, qui tenteront de répondre à la gravité de la situation.

À ce niveau, l’école se situe au cœur du débat ; elle est d’ail- leurs au centre des réflexions. D’elle dépend en grande partie I’éducation des générations montantes. Plus que jamais, elle mérite plus d’efforts et d'abnégation. En définitive, dans la conjoncture présente, I’échec patqnt du modèle de développement, initié et poursuivi par le parti-Etat, est aussi celui de l’école, dont la mission s’écarte de plus en plus des objectifs qui devraient être les siens, en cette fin du deuxième millénaire : assurer la transmission du savoir et des valeurs universelles. En témoigne l’un des slogans les plus clamés par les manifestants, qui condamnait la politique éducative du gouvernement : << Donnez-moi un enfant, j’en ferai un génie ou j’en ferai un monstre D, selon, sous-entendu, le type d’école qui sera offert.

C’est ainsi que, suite B la demière dévaluation du dinar du 9 avril 1994, conclue B la suite d’accords avec le FMI, la hausse attendue des médicaments - insupportable pour la majeure partie de la population - est de l’ordre de 40 i SO o/o !

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Conclusions

Le cas alg6rien est spécifique à bien des égards. Qu’il s’agisse de sa percée ou de sa montée en force au cours de ces dernières années, le travail des enfants est l’expression manifeste de I’échec d’un modèle de développement très vite détourné de ses objectifs et de plus en plus privé de ses sources de financements. En fait, le phénomène n’est que l’un des aspects multiples de toute une réalité qui a fini par s’imposer dans la vie socio-économique et culturelle du pays : désormais, l’informel est partout présent, car partout, la défaillance est indéniable. << Très souvent, les pratiques qualifiées d’informelles sont les vraies pratiques sociales

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L’informel n’est alors que I’échec d’une raison se voulant totalisante sans pouvoir I’être D, a-t-on justement affirmé (Henni,

1991: 156).

Ainsi l’informel n’est-il pas seulement l’expression d’une paupérisation croissante et qui risque de demeurer irréversible pour des couches entières de la société : c’est aussi et surtout l’ex- pression d’une déstabilisation et d’une remise en cause générale.

La contestation et les signes avant-coureur de la tourmente présente n’ont-ils pas été relevés dès les débuts de la décennie 1980, c’est-à-dire alors que simultanément perçait l’informel ? L’informel n’est-il pas aussi, dans le-cas spécifique de l’Algérie, la confluence même des forces du mal, de la négation ?

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