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Section 2 : Transport dans la logique d’aménagement du territoire

1. Transport et territoire : quelques réflexions conceptuelles

Les transports et l’espace entretiennent des relations complexes et interactives. Le rapport entre les deux concepts ont fait l’objet d’une grande ambiguïté. Un système de transport est un instrument indispensable à l’utilisation et à la valorisation des lieux par les hommes. Il est impossible d’envisager une société ou une vie sans déplacements comme le signal R.BRUNET (1990)1 et P.PINCHEMEL (1988)2 dans leurs travaux respectifs. Le transport et la mobilité participent à l’organisation et à la différenciation des espaces et donc à l’identification des territoires dans leurs dynamiques et dans leurs interactions.

1.1. La dimension spatiale dans la théorie économique : de l’espace au territoire

      

1 BRUNET R et al. , (1990), « mondes nouveaux, géographie universelle », Hachette, Reclus, p.551

2PINCHEMEL P et al. , (1988), « La face de la terre : éléments de géographie », Armand colin, Paris, p. 519

L’espace a longtemps été écarté de la théorie économique, il était seulement considéré comme générateur de coûts de transport mis à part quelques travaux précurseurs de VON THUNEN (1827), WEBER (1909), CHRISTALLER (1933), et LOSCH (1940). La notion de territoire émerge à partir d’ALFRED MARSHALL (1920) quand les interactions entre les activités font que les décisions de localisation deviennent interdépendantes.

A l’origine, le territoire n’avait pas d’existence propre au cœur de la théorie économique. Il n’existait que par les obstacles naturels (montagnes, fleuves, etc.). Cette approche doit être dépassée car l’espace naturel n’est plus réduit à un pourvoyeur de ressources ou d’avantages comparatifs. Historiquement, l’analyse économique spatiale s’est d’abord intéressée à l’analyse de l’entreprise dans le cadre théorique de l’économie néoclassique. Les économistes de ce courant s’interrogeaient sur la détermination d’une localisation optimale pour un entrepreneur qui désire implanter une nouvelle entreprise. Le fondateur de cette réflexion est Alfred Weber qui introduit un modèle de localisation basé sur la prise en compte des coûts de transport pour l’acheminement des matières premières et des produits finis vers le marché.

Toutefois, dans l’autre courant fondateur de la théorie de localisation de VON THUNEN, près d’un siècle auparavant, les raisonnements étaient tout à fait différents. La question principale qui préoccupait cet auteur était celle de la « rente foncière ». Selon ce modèle, l’organisation de l’espace se détermine sur la base d’un arbitrage entre le coût du foncier qui s’accroit à force de s’approcher du centre et le coût de transport qui s’accroit à force de s’éloigner du noyau central tout en se rapprochant de la périphérie, engendrant ainsi le modèle d’organisation de l’espace dit « centre-périphérie ». La notion de territoire n’émerge dans la théorie économique qu’en 1920 par Alfred MARSHALL.

Le territoire est une notion transdisciplinaire, elle est aujourd’hui au cœur des préoccupations des scientifiques, les géographes n’ont pas été les seuls à s’approprier cette notion. Depuis une vingtaine d’année, elle fait l’objet de toutes les attentions car elle est au centre des représentations que nous nous faisons de la complexité qui nous entoure. C’est d’abord l’espace qui nous entoure (naturel et politique), mais ce terme apparait trop neutre. Le concept de territoire s’est alors substitué à celui d’espace en conférant plus d’épaisseur à ce que l’on pourrait aussi nommer milieu ou environnement qui sont très globaux et mêlent à la fois le milieu physique, naturel et aménagé. Mais subtilement, le territoire dépasse l’espace, l’environnement et le milieu.

La diversité des définitions du territoire fait que celles-ci se chevauchent, « le territoire n’est pas un objet neutre décidé dans l’abstraction et déconnecté du réel. Il est avant tout bricolé par

les acteurs en fonction d’un grand nombre de paramètres en permanente mutation »1. A travers de nombreuses lectures portant sur le territoire, plusieurs facettes, sur lesquelles cette notion repose, apparaissent.

Avant tout, l’espace est inclus dans le territoire. BRUNET (1992)2 et certains autres auteurs considèrent le territoire comme synonyme ou quasi-synonyme de l’espace dans leurs travaux.

MICOUD (2000)3, quant à lui considère le territoire comme la matérialisation de l’étendue d’un pouvoir. A la croisée de ces deux pensées, le territoire « témoigne d’une appropriation à la fois économique, idéologique et politique de l’espace par des groupes qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité »4, ce qui reflète donc l’existence d’un espace social et d’un espace vécu au sein d’un territoire. A cette définition VEYRET Y5 ajoute que le territoire repose sur le socle de l’espace géographique aménagé. On constate alors que le territoire présente une double nature, à la fois matérielle (espace géographique ou milieu naturel) et immatérielle, confrontée à l’impact des actions de la société sur le processus d’organisation territoriale. Dans cette action interviennent acteurs :

1- L’Etat qui influence, à travers les différentes politiques publiques, les collectivités territoriales, la société civile et les citoyens.

2- Les collectivités territoriales qui s’expriment sur une échelle locale ou régionale 3- La société civile et ses multiples groupes lorsqu’ils ont pour objectif de modifier leur

environnement

4- Les intercommunalités dont le rôle ne cesse de s’affirmer en assurant une intermédiation entre l’échelle locale (communale) et les échelles supérieures.

5- Les entreprises, dont leur développement est lié à l’exploitation des opportunités qui se présentent dans le territoire où elles évoluent.

De la multiplicité des acteurs œuvrant sur le territoire, celui-ci doit être abordé d’une manière globale. La recherche de consensus est alors nécessaire à toutes les étapes de son aménagement et de son utilisation. Or, les outils mis en œuvre à l’heure actuelle, doivent intégrer sa diversification et sa complexité en coordonnant notamment les dimensions sociales, économiques, politiques et environnementales.

      

1 LAJARGE R., (2000), « Patrimoine et légitimité des territoires. De la construction d’un autre espace et d’un autre temps commun », In Gerbeaux F. « Utopie pour le territoire : cohérence ou complexité ? », l’Aube, p 79-100.

2 BRUNET R., FERRAS R. et THERY H., (1992), « Les mots de la géographie », la documentation française, Reclus, p. 518.

3MICOUD, (2000), cité par MOINE A., (2006), « Le territoire comme un système complexe : un complexe opératoire pour l’aménagement et la géographie », L’espace géographique, tome. 35, Berlin, p. 115-132.

4 DI MEO G., (1998)., «De l’espace aux territoires », Revue de l’information géographique, n°03, p.99-110

5 MOINE A., (2006), op cité.

L’espace et tout ce qui peut s’y rattacher est ainsi petit à petit reconstruit et transformé sur la base de plusieurs faits pour produire ce que l’on appelle « un territoire ».

1.2. L’aménagement du territoire

La notion d’aménagement du territoire ne possède pas de définition unanime chez les chercheurs et praticiens. Néanmoins, il existe certains ouvrages qui livrent des pistes de réflexions intéressantes permettant de fonder un cadre théorique autour de cette notion d’aménagement du territoire. Un dicton hollandais disait que « Dieu a créé le monde, mais il a laissé aux Hollandais le soin de créer la Hollande ». Depuis l’antiquité, il y a eu des « actions humaines qui peuvent être considérées comme ressortissant à l’aménagement du territoire »1 avant même que ce terme n’existe. Les premières politiques officielles d’aménagement du territoire n’ont vu le jour qu’à partir des années 1930 en URSS, suivies de Italie et de la Grande-Bretagne.

La racine latine d’aménagement « manere », évoque la maison, le manse (terre), le manoir.

Aménager comme emménager ou déménager fait aussi allusion à l’espace domestique et à des actions de la vie quotidienne2. Les sociétés humaines aménagent l’espace dans lequel elles vivent, produisent, échangent,… Elles doivent s’organiser, par exemple, pour gérer leurs systèmes d’échange et de transport, leurs ressources en eau, leurs déchets, etc. Ainsi, l’aménagement du territoire désigne aujourd’hui « l’action publique qui s’efforce d’orienter la répartition des populations, leurs activités, leurs équipements dans l’espace donné et en tenant compte de choix politiques globaux »3. Bien que l’action d’aménagement soit très ancienne, elle est liée à la présence de l’homme sur le territoire qui cherche toujours à s’adapter à son milieu et de le transformer. Elle implique inévitablement la présence d’un territoire et l’existence d’un pouvoir ou d’une autorité qui dirige l’action de transformation et assure les arbitrages nécessaires. L’aménagement du territoire renvoie à la fois à « l’action d’une collectivité sur son territoire, et le résultat de cette action. C’est l’action volontaire et réfléchie d’une collectivité sur son territoire, soit au niveau local (aménagement rural, urbain, local), soit au niveau régional (grands aménagements régionaux), soit au niveau national (aménagement du territoire national) »4. Par cette définition, nous comprenons que l’aménagement du territoire est une action raisonnée et programmée de la collectivité sur son territoire. Elle inclut la restructuration de l’espace donné à travers une exploitation rationnelle

      

1 MERLIN Pierre, (2002), « l’aménagement du territoire », Presse universitaire de France, p.13.

2 Geoconfluences.ens-lyon.fr consulté le 25/04/2017.

3BELHIDI Amor, (2010), «Aménagement du territoire : principes et approches », Université de Tunis.

4 BRUNET R et al. , (1992), « Le mots de la géographie : dictionnaire critique», Reclus, France, p.29.

de l’espace même et de ses ressources, et la limitation des contraintes afin d’assurer le bien être du groupe social et l’équité territoriale. A travers cette conception, plusieurs dimensions de l’aménagement du territoire peuvent être dégagées :

La dimension économique

L’utilisation et l’exploitation des atouts existants permettent d’en faire des points forts, utiles pour envisager une croissance et un développement du territoire. C‘est en termes de croissance, de développement et d’efficacité que l’aménagement du territoire doit être pensé, conçu et mené. Il en ressort, ainsi, la nécessité d’une utilisation rationnelle de l’espace et des ressources en visant une répartition optimale de la population, des villes, des activités et des infrastructures sur l’ensemble du territoire à aménager.

La dimension sociale

L’aménagement du territoire peut être défini comme étant « l’action politique ayant pour but d’harmoniser le développement des régions, de lutter contre les déséquilibres industriels ou culturels et les inégalités »1. Il s’agit alors d’instaurer en premier lieu un rapport ou un lien de convivialité et de coexistence des hommes entre eux et avec l’espace et d’assurer l’équité territoriale, le bien être et l’épanouissement de la population.

La dimension environnementale

Cette action vise à protéger l’environnement et de permettre un développement durable en limitant les effets négatifs des actions d’aménagement sur l’environnement. En plus des ressources territoriales à préserver, l’espace lui-même constitue une ressource rare qu’il convient de préserver et de consommer d’une manière très rationnelle.

La dimension spatiale

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’espace est lui-même une ressource rare. Il convient de l’utiliser au mieux pour accompagner les différentes dimensions que l’aménagement du territoire suscite. Et ce ne serait qu’une répartition optimale spatiale des hommes, des activités, des équipements, etc.

La dimension stratégique

L’aménagement du territoire est une conception, une vision future des territoires et de la société de demain. Il vise à assurer le bien être de la société sur son territoire approprié tout en ayant comme soucis le bien être des sociétés à venir.

Au final, l’aménagement du territoire regroupe les différentes actions menées par les pouvoirs publics afin de favoriser le développement des territoires locaux qui forment       

1GRAWITZ Madeleine, (2000), « Lexique des sciences Sociales », Dalloz, 7ème édition.

l’ensemble du territoire national. Cette action doit toujours porter sur la répartition optimale des hommes et des activités, elle est ainsi en lien étroit avec le développement économique, l’habitat, les transports, et tous ceux qui façonnent le territoire directement ou indirectement.

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