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Au cours du processus de corrosion galvanique, des ions hydroxydes sont générés au niveau des sites passifs par réduction du dioxygène et des ions ferreux sont produits au niveau du site de corrosion active par oxydation du fer. Une discussion précédente a mis en évidence l’importance de la concentration en ions hydroxydes et en cations métalliques sur les comportements électrochimiques locaux de l’acier, actif ou passif. On s’intéresse donc ici au transport de ces espèces ioniques dans le béton.

I.2.3.1.Mécanismes de transport : diffusion et migration des ions en milieu poreux

Le transport des espèces ioniques dans la solution interstitielle du béton est décrit par l’équation de Nernst-Plank (Eq. I-114). Le déplacement des ions est régi par quatre mécanismes élémentaires :

- La diffusion : phénomène statistique induit par l’agitation thermique, se traduisant localement par un transport net apparent des espèces depuis les zones à forte concentration vers les zones à faibles concentration (gradient de concentration) ;

- La migration sous champ électrique : phénomène physique induit par la force électrique subie par chaque particule chargée sous l’influence d’un champ électrique ;

- L’activité chimique découlant de l’interaction entre les ions : ce terme est généralement négligé en condition saturée ou pour des solutions fortement diluées ;

- La convection sous champ de vitesse induit par un gradient de pression. Ce terme est négligeable en condition saturée ou en considérant un champ de saturation en eau uniforme et invariant.

Le flux ionique associée à l’espèce ionique 𝑖 s’écrit alors (Eq. I-115):

𝑱K = −𝐷K ∇[𝑖] − 𝐷K[𝑖]∇ln(𝛾K) −𝑧K𝑅𝑇 [𝑖]∇𝜑 + 𝒖 [𝑖] 𝐹𝐷K Eq. I-116

- 𝑱K est le vecteur flux de l’espèce 𝑖 [𝑚𝑜𝑙/(𝑚$.𝑠)]

- 𝐷K est le coefficient de diffusion effectif de l’espèce 𝑖 [𝑚$/𝑠] - [𝑖] est la concentration de l’espèce 𝑖 en solution [𝑚𝑜𝑙/𝑚ƒ] - 𝛾K est le coefficient d’activité de l’ion 𝑖 [−]

- 𝑧K est la valence de l’ion 𝑖 [−]

- 𝑅 est la constante des gaz parfaits [= 8.314 𝐽/(𝑚𝑜𝑙. 𝐾)] - 𝑇 est la température [𝐾]

- 𝐹 est la constante de Faraday [= 96485 𝐶/𝑚𝑜𝑙]

- 𝜑 est le potentiel électrique [𝑉]. Ce potentiel tient compte du potentiel de membrane résultant de la répartition spatiale des charges ioniques et du potentiel électrique externe induit par la corrosion galvanique.

- 𝒖 est le vecteur vitesse d’écoulement de la solution interstitielle [𝑚/𝑠]

Le bilan de masse pour chaque espèce ionique 𝑖 en solution est donné par l’équation (Eq. I-117) ci-dessous:

𝜕([𝑖]. 𝑤)

𝜕𝑡 = −∇. 𝑱𝒊+ 𝑅K Eq. I-118

- [𝑖] est la concentration de l’espèce 𝑖 en solution [𝑚𝑜𝑙/𝑚ƒ] - 𝑤 est la teneur en eau [−]

- 𝑱K est le vecteur flux de l’espèce 𝑖 [𝑚𝑜𝑙/(𝑚$.𝑠)]

- 𝑅K est la vitesse de réaction associée à la production ou à la consommation de l’espèce 𝑖 au sein du volume [𝑚𝑜𝑙/(𝑚ƒ.𝑠)]

Comme pour le transport du dioxygène (section I.2.2), l’approche numérique développée dans ce mémoire ne tient pas compte du transfert hydrique à travers la matrice cimentaire par diffusion de la vapeur d’eau et des mouvements de la phase liquide par gradient de pression. La teneur en eau 𝑤 du béton est donc invariante dans le temps et peut alors être factorisée dans le membre de gauche de l’équation (Eq. I-119).

En prenant en compte cette hypothèse simplificatrice, le flux ionique s’exprime alors comme la somme du flux porté par diffusion des ions sous l’effet du gradient de concentration (partie de gauche) et du flux porté par migration des espèces l’effet du champ électrique généré par le système de corrosion galvanique (partie de droite) (Eq. I-120) :

𝑱K = −𝐷K ∇[𝑖] −𝑧K𝑅𝑇 [𝑖]∇𝐸𝐹𝐷K Eq. I-121

Où 𝐸 est le champ de potentiel électrique dans le volume de béton [𝑉].

Finalement, l’équation (Eq. I-122) et le principe de conservation de la masse (Eq. I-123) sont appliqués aux deux ions impliqués dans le processus de corrosion pour constituer les équations générales régissant le transfert des ions ferreux (Eq. I-124) et hydroxydes (Eq. I-125) :

𝜕[𝐹𝑒$e]. 𝑤 𝜕𝑡 = 𝐷ÚMŽ∇$[𝐹𝑒$e] +𝑅𝑇 ∇[𝐹𝑒𝐹 $e]∇𝐸• + 𝑅ÚM Eq. I-126 Et 𝜕[𝑂𝐻g]. 𝑤 𝜕𝑡 = 𝐷´ºŽ∇$[𝑂𝐻g] +𝑅𝑇 ∇[𝑂𝐻𝐹 g]∇𝐸• + 𝑅´º Eq. I-127

- 𝐷ÚM 𝑒𝑡 𝐷´º sont respectivement les coefficients de diffusion effectifs des ions ferreux et

hydroxydes [𝑚$/𝑠]

- 𝑅ÚM et 𝑅´º correspondent aux vitesses de consommation des ions ferreux et hydroxydes au

cours du processus de corrosion qui conduit à la précipitation des hydroxydes de fer II et III [𝑚𝑜𝑙/(𝑚ƒ.𝑠)]

Les équations ci-dessus (Eq. I-128 et Eq. I-129) font apparaître les vitesses de réaction 𝑅ÚM et 𝑅´º dont les expressions analytiques sont explicitées plus en détail en section I.2.4.3. De plus, il reste à définir les coefficients de diffusion effectif 𝐷ÚM 𝑒𝑡 𝐷´º ; ces paramètres pilotent les cinétiques de diffusion relatives aux ions 𝐹𝑒$e et 𝑂𝐻g à travers le béton.

Le coefficient de diffusion effectif d’un ion à travers la matrice cimentaire peut être décrit par l’équation suivante (Eq. I-130) :

Où :

- 𝑝 est la porosité du béton [−]. - 𝜏 est la tortuosité du béton [−].

- 𝐷K est le coefficient de diffusion libre de l’espèce 𝑖 dans l’eau [𝑚$/𝑠].

Cette formulation est récurrente dans la modélisation des transferts ioniques en milieux poreux. Le coefficient de diffusion d’un ion à travers un matériau poreux est obtenu à partir de son coefficient de diffusion libre dans l’eau multiplié par un terme réducteur prenant en compte l’effet de la microstructure sur le transport de cet ion. Ce terme est le plus souvent défini dans la littérature comme le produit de la porosité du matériau par la tortuosité de son réseau poreux. On considère en première approximation que ce produit (𝜏 𝑝) ne dépend pas de l’ion considéré et est donc un paramètre constant du modèle (Eq. I-132) :

𝜏 𝑝 =𝐷𝐷K

K = 𝑐𝑡𝑒 Eq. I-132

Cette formulation présente l’avantage de pouvoir exprimer le coefficient de diffusion effectif d’une espèce 𝑖 à partir du coefficient de diffusion effectif des chlorures 𝐷HJ [𝑚$/𝑠] (Eq. I-133) :

𝐷K = 𝐷K 𝐷𝐷HJ

HJ Eq. I-133

Ainsi, 𝐷HJ constitue le seul coefficient de diffusion effectif à déterminer. Ce coefficient de diffusion peut être déterminé expérimentalement de deux manières :

- par diffusion naturelle sous le seul effet d’un gradient de concentration (en régime permanent ou transitoire) ;

- par migration des ions sous l’effet d’un champ électrique imposé (NT Build 492).

Ce coefficient est systématiquement évalué dans une approche performancielle de la formulation des bétons et constitue donc une donnée d’entrée usuelle de la modélisation.

En outre, la discontinuité de la phase liquide perturbe la diffusion des espèces ioniques ; un degré de saturation élevé du matériau a une influence favorable sur la cinétique de diffusion des ions à travers les pores. Le coefficient de diffusion effectif de l’ion à travers un matériau insaturé 𝐷K(𝑆() s’exprime à partir de son coefficient de diffusion effectif dans en milieu saturé 𝐷K(𝑆( = 1) selon la relation suivante (Eq. I-134) :

𝐷K(𝑆() = 𝐷K(𝑆( = 1) 𝑆(û Eq. I-134

Où 𝑆( est le degré de saturation en eau du béton et 𝜆 un exposant empirique adimensionnel qui dépend de la microstructure du matériau. Dans la littérature, on trouve une valeur usuelle de 𝜆 = 7/3 pour les matériaux cimentaires [90].

La température peut également avoir un impact sur le transfert ionique et se manifeste par une pondération du coefficient de diffusion effectif selon une loi d’Arrhenius (Eq. I-135) :

𝐷K(𝑇) = 𝐷K(𝑇) exp ’𝐸𝑅 Ž 𝑇1

𝑇•–1 Eq. I-135

Où 𝐸 correspond à l’énergie d’activation [ 𝐽/𝑚𝑜𝑙 ] et 𝑇 la température de référence pour laquelle le coefficient de diffusion a été évalué [𝐾]. L’énergie d’activation est une propriété intrinsèque du matériau (effet négligeable de la température) déterminée expérimentalement. Dans le cas des bétons, elle est comprise entre 25 et 40 𝑘𝐽/𝑚𝑜𝑙 pour une gamme de température comprise entre 5°C et 35°C [91]. Finalement, le coefficient de diffusion effectif d’un ion à travers un matériau poreux s’exprime selon la relation générale suivante (Eq. I-136) :

𝐷K(𝐷&J,𝑆(, 𝑇) = 𝐷K 𝐷𝐷HJ

HJ exp ’𝐸𝑅 Ž 𝑇 −1 𝑇1

•–𝑆(û Eq. I-136

Le Tableau I-8 ci-dessous rassemble des valeurs de coefficients de diffusion libre des ions chlorures, hydroxydes et ferreux dans l’eau, selon [92]. Ces paramètres de transport sont tracés en fonction du degré de saturation dans la Figure I-26 pour une porosité du béton de 12% et un coefficient de diffusion effectif des chlorures 𝐷HJ de 10g`$ 𝑚$/𝑠.

𝐼𝑜𝑛𝑠 𝐶𝑙g 𝑂𝐻g 𝐹𝑒$e

𝐷K (10 𝑚$.𝑠g`) 2,03 5,30 0,71

Tableau I-8 Coefficient de diffusion ionique libre des ions dans l'eau à 𝑇 = 20 °𝐶 [92]

Figure I-26 Influence du degré de saturation en eau du béton sur le coefficient de diffusion du dioxygène (en vert), des hydroxydes (en bleu) et des ions ferreux (en rouge) avec 𝑝 = 12% et 𝐷HJ= 10g`$

I.2.3.2.Production des ions à l’interface acier-béton

Physiquement, le courant cathodique exprime la quantité d’ions hydroxydes générée par unité de temps au niveau des sites passifs alors que le courant anodique traduit la quantité d’ions ferreux produite par unité de temps par le spot de corrosion.

La vitesse de production des ions hydroxydes à la surface de l’acier passif 𝑆O est donc directement liée à la densité de courant cathodique 𝑖& et la vitesse de production des cations métalliques à la surface de

l’acier actif 𝑆 est associée à la densité de courant anodique 𝑖.

Les flux locaux normaux d’hydroxydes 𝐽´ºý et d’ions ferreux 𝐽ÚM produits respectivement aux niveaux des surfaces cathodique 𝑆O et anodique 𝑆 s’expriment comme suit (Eq. I-137 et Eq. I-138) :

𝐽´ºý = 𝐷´ºý 𝜕[𝑂𝐻𝜕𝑛 ög]

÷ø

=𝑖𝐹 & Eq. I-137

Notation : þñ

þ€= ∇𝑞 ⋅ 𝒏, où 𝒏 est le vecteur normal extérieur à la surface Et :

𝐽ÚM = 𝐷ÚM 𝜕[𝐹𝑒𝜕𝑛 ö$e]

÷"=−𝑖2 𝐹 Eq. I-138

Les concentrations en ions hydroxydes [𝑂𝐻g] et en ions ferreux [𝐹𝑒$e] interviennent également dans l’expression des potentiels d’équilibre réversible associés aux électrodes de dioxygène 𝐸´s et de fer 𝐸ÚM ; elles sont donc également impliquées dans la formulation des densités de courant cathodique 𝑖& et anodique 𝑖.

I.2.4.Thermochimie : cinétique de précipitation et stabilité des produits de

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