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Discussions phénoménologiques sur la corrosion de l'acier dans le béton armé -

II.3. Étude du phénomène de corrosion dans une pile en béton armé partiellement immergée

II.3.1. Présentation du modèle numérique

La géométrie du modèle numérique 2D de pile en béton armé partiellement immergée est illustrée en Figure II-25. On considère une pile de 6m de hauteur, immergée en mer sur 3m de profondeur et ancrée dans le substrat marin. On distingue alors les deux zones précédemment évoquées : la zone immergée (de 0 à 3m) et la zone d’éclaboussure (de 3 à 6m). L’eau de mer est considérée dans le modèle sur une bande de 1m de largeur.

Dans ce modèle numérique 2D, le volume de béton de la pile est uniquement constitué par le béton d’enrobage qui sépare les armatures verticales de l’environnement extérieur. Même si en réalité, l’enrobage des aciers peut varier entre la zone d’éclaboussure (XS3) et la zone immergée (XS2), un enrobage constant de 6cm est fixé dans ce cas d’étude. Un béton ordinaire d’ouvrage d’art est considéré, présentant une porosité accessible à l’eau de 12% et un coefficient de diffusion effectif des chlorures de 10g`$ 𝑚$/𝑠.

Dans cette représentation 2D, l’acier est uniquement représenté par une ligne continue tout le long de la pile et séparé du milieu extérieur par le béton d’enrobage. Cette frontière linéique est alors le siège des réactions électrochimiques.

Le transport des différentes espèces impliquées dans le processus de corrosion et de précipitation des oxydes se fait dans le volume de béton d’enrobage et dans le volume d’eau. Les propriétés de transfert (électrique et diffusif) sont bien évidemment différentes entre les deux milieux.

Comme pour l’étude précédente, le transport de l’eau à travers le béton n’est pas modélisé ici ; le terme convectif a donc été négligé dans les équations différentielles de transport. L’apport en dioxygène est alors uniquement diffusif et le transport des espèces ioniques se fait par diffusion et migration sous l’effet du champ électrique induit par la corrosion galvanique.

Figure II-25 Modèle géométrique 2D d’une pile en béton armé partiellement immergée

Comme évoqué, le transport de l’eau sous l’effet des cycles d’humidification-séchage n’étant pas modélisé, on considère, en première approximation, un champ de saturation stationnaire et variant uniquement avec la hauteur selon la relation (Eq. II-1) :

𝑆((𝑥) = 0,7 + (1 − 0,7) × 1

1 + exp¤4 × (𝑥 − 𝑥n2Eq. II-1

Où 𝑥 est la hauteur [𝑚], sachant que la coordonnée 𝑥 = 0 𝑚 est associée au fond marin et 𝑥 = 3 𝑚 au

niveau de la mer. Cette relation est construite à l’aide d’une fonction sigmoïde, qui peut être considérée comme l’équivalent continu de la fonction de Heaviside. Le choix de cette fonction sigmoïdale permet

de faire varier, de façon continue et réaliste, le degré de saturation entre 1 dans la partie immergé et 0,7

d’inflexion (PI) de la sigmoïde, il est pris égal à 4 𝑚 dans ce cas d’étude. Le paramètre « 4 » de la

sigmoïde contrôle quant à lui l’étendue de la zone de transition entre 𝑆( = 1 et 𝑆( = 0,7. La Figure II-26

à gauche présente le profil de saturation ainsi généré. Selon les paramètres choisis ici, la zone de

transition entre 𝑆( = 1 et 𝑆( = 0,7 s’étend sensiblement de 𝑥 = 3 𝑚 à 𝑥 = 5 𝑚 et la saturation est à

peu près uniforme entre 5 𝑚 et 6 𝑚 de hauteur (dans la partie aérienne).

Ce profil de saturation simulé implique des champs variables de propriétés de transfert (électrique et diffusif) dans le béton. La résistivité électrique 𝜌 et les coefficients de diffusion effectifs associés aux différentes espèces prises en compte varient donc également le long de la pile selon les relations développées dans le chapitre 1. Les différents champs de propriétés de transfert ainsi générés le long de la pile et dépendant du champ de saturation sont illustrés dans la Figure II-26.

La résistivité du béton (en gris) varie de 90 𝛺. 𝑚 en zone immergée à près de 240 𝛺. 𝑚 au-dessus de

5m. Le coefficient de diffusion du dioxygène (en vert) est environ 4000 fois plus faible dans un béton saturé (zone immergée) que dans un béton plus sec (70% de saturation au-dessus de 5m), respectivement

4,7.10g`$ 𝑚$/𝑠 contre 2,1.10 𝑚$/𝑠. La variation est moins importante concernant le coefficient de

diffusion effectif des ions hydroxydes (en bleu) et ferreux (en rouge), en moyenne 2,3 fois plus grand dans la partie immergée que dans la partie partiellement saturée. La cinétique de renouvellement du dioxygène est donc fortement ralentie en zone immergée car la diffusion du gaz se fait uniquement dans les pores saturés du béton. A l’inverse, la cinétique de transport des produits de corrosion primaires est plus lente en zone émergée de par la discontinuité de la phase liquide.

Les propriétés de transfert de l’eau de mer sont considérées constantes dans tout le volume et consignés dans le Tableau II-1 ci-dessous :

Paramètre Valeur Unité

𝜌 0,2 𝛺. 𝑚

𝐷´s 2,5. 10 𝑚$/𝑠

𝐷ÚM 0,71. 10 𝑚$/𝑠

𝐷´º 5,3. 10 𝑚$/𝑠

Tableau II-1 Propriétés de transfert dans l’eau de mer

On note que la résistivité électrique de l’eau de mer est de 2 à 3 ordres de grandeur plus faible que la résistivité du béton ; le transfert électrique par les porteurs de charges ioniques est donc facilité dans l’eau. Le coefficient de diffusion du dioxygène dans l’eau de mer est naturellement plus faible que son coefficient de diffusion effectif dans le béton émergé, où le transport diffusif se fait essentiellement à travers la phase gazeuse de la porosité ; à l’inverse, il est plus grand que son coefficient de diffusion effectif dans le béton immergé de par l’effet du réseau poreux sur le transport.

Les équations constituant le modèle et le couplage entre les différentes variables d'état (potentiel, concentration…) sont identiques aux simulations de la section précédente. Les seules différences entre ces 2 cas d’études résident dans les paramètres physiques utilisés, la prise en compte d’un champ de saturation hétérogène et les conditions aux limites appliquées.

La Figure II-27 représente schématiquement les différentes variables du modèle multi-physique

développé ici. Les densités de courant anodique 𝑖 et cathodique 𝑖&, respectivement imposées comme

conditions aux limites relatives aux zones d’acier actif et d’acier passif, sont formulées à partir de l’expression de Butler-Volmer en électrodes réversibles. Le comportement électrochimique de l’acier (actif ou passif) est ainsi relié aux concentrations locales des espèces impliquées dans le processus de

corrosion, à savoir le dioxygène dissous dans la solution interstitielle du béton [𝑂$], les concentrations

en hydroxydes [𝑂𝐻g] et en cations métalliques [𝐹𝑒$e]. Les comportements électrochimiques des zones

d’acier actives et passives varient ainsi en temps et en espace.

Le flux d’ions ferreux 𝐽ÚM produit au niveau du site de corrosion est relié à la densité de courant

anodique par la relation (Eq. I-138). Par ailleurs, le flux d’ions hydroxydes 𝐽´ºý produit aux niveaux

des sites passifs est relié à la densité de courant cathodique par l’équation (Eq. I-137). Le flux de dioxygène 𝐽´s consommé au niveau du ferraillage passif est également couplé à 𝑖& par la relation (Eq. I-113).

L’apport en dioxygène est assuré aux frontières du domaine de calcul en contact avec l’atmosphère. La surface extérieure de la zone de béton émergée est directement en contact avec l’atmosphère, laquelle

présente une concentration en dioxygène de 8,73 𝑚𝑜𝑙/𝑚ƒ d’air. La surface de béton de la zone

immergée est en contact avec l’eau de mer, elle-même en contact avec l’atmosphère. La concentration en dioxygène dissous dans l’eau de mer est évaluée à 3% de la concentration atmosphérique soit 0,26 𝑚𝑜𝑙/𝑚ƒ d’eau. Les autres frontières du modèle sont associées à des conditions d’isolation (𝐽=

0). Enfin, avant initiation de la corrosion, le 𝑝𝐻 du béton est fixé à 12,5 dans tout le volume. Le 𝑝𝐻 de l’eau de mer est maintenu constant à 8.

Figure II-27 Représentation schématique des différentes variables et conditions aux limites du problème

Trois scénarios de corrosion sont étudiés ci-après :

- Scénario 1 : corrosion localisée de l’acier dans la zone d’éclaboussure, correspondant à la classe

d’exposition XS3 relative à la norme NF EN 206-1 (Figure II-28 à gauche). Ce scénario est le plus probable au vu des cinétiques plus rapides de transfert des chlorures et plus généralement

de l’observation empirique du phénomène. Un site de corrosion de 20𝑐𝑚 est localisé à

1𝑚 au-dessus du niveau de la mer.

- Scénario 2 : corrosion localisée de l’acier dans la zone immergée, correspondant à la classe d’exposition XS2 relative à la norme NF EN 206-1 (Figure II-28 à droite). Ce scénario est moins probable que le scénario 1 mais a déjà été largement observé par la communauté scientifique.

Un site de corrosion de 20𝑐𝑚 est localisé à 1,5𝑚 au-dessous du niveau de la mer.

- Scénario 3 : corrosion uniforme de l’acier à l’état passif (Figure II-25 Modèle géométrique 2D

d’une pile en béton armé partiellement immergée). Les chlorures n’ont pas encore atteint l’armature. Ce scénario correspond à un cas de figure antérieur, au sens chronologique, aux scénarios précédents.

Toutes les simulations numériques ont été réalisées en régime instationnaire mais ces différents scénarios ont été comparés pour une seule échéance de temps (5 ans), les conclusions qualitatives étant identiques au cours du temps.

Figure II-28 Modèles géométriques associés aux 2 scénarios de corrosion localisée

II.3.2.Cinétique de dissolution de l’acier et de propagation de la corrosion

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