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I.1.1. Thermodynamique des réactions électrochimiques

I.1.1.1. Spontanéité d’une réaction électrochimique

La spontanéité d’un processus physico-chimique peut être déterminée par l’étude de l’évolution de l’enthalpie libre (ou énergie libre de Gibbs, notée 𝐺 [ 𝐽 ]) entre deux états.

Si l’on considère la réaction chimique définie par l’équation (Eq. I-2), les réactifs A et B d’enthalpie libre 𝐺k = 𝐺l+ 𝐺m ne peuvent réagir spontanément pour former les produits C et D d’enthalpie 𝐺n= 𝐺H+ 𝐺o que si la variation d’enthalpie du système global ∆𝐺 = 𝐺n− 𝐺k est négative au cours de la réaction.

𝐴 + 𝐵→ 𝐶 + 𝐷 pq Eq. I-2

Cette variation d’enthalpie libre dépend notamment des concentrations des espèces dissoutes en solution. Ainsi une augmentation des concentrations des espèces C et D peut entraîner la réaction inverse (Eq. I-4) :

𝐶 + 𝐷→ 𝐴 + 𝐵 ps Eq. I-3

A l’état initial, la réaction de formation de C et D est initiée spontanément car 𝐺n= 0 et donc, de façon évidente, 𝐺k> 𝐺n. A mesure que les produits sont formés, l’énergie 𝐺n qui leur est associée augmente alors que 𝐺k diminue par consommation des réactifs. Si les deux valeurs d’énergie se rejoignent (𝐺k= 𝐺n), la différence d’enthalpie s'annule : la réaction a atteint son point d'équilibre décrit par l’équation (Eq. I-4) :

𝐴 + 𝐵

pq

ps

tu 𝐶 + 𝐷 Eq. I-4

A l’équilibre, les vitesses de réaction 𝜐` et 𝜐$ sont égales. On parle ici d’équilibre dynamique car le système n’est pas au repos. En résumé, l’occurrence spontanée d’une réaction dépend de la variation d’enthalpie libre associée :

- ∆𝐺 < 0 : réaction possible - ∆𝐺 = 0 : réaction à l’équilibre

- ∆𝐺 > 0 : réaction impossible (spontanément)

Le fait qu'une réaction chimique puisse être qualifiée de spontanée ne signifie pas nécessairement que sa cinétique est rapide. Une réaction favorisée (∆𝐺 < 0 ) peut en effet se dérouler à des cinétiques extrêmement lentes. Par exemple, le diamant est thermodynamiquement instable sous les conditions de température et de pression atmosphériques usuelles. Le diamant se transforme donc spontanément en graphite (autre forme allotropique du carbone), mais sur une échelle de temps qui se chiffre en milliards d’années. La cinétique de la réaction est contrôlée par la barrière d'énergie à franchir pour passer de l’état de réactif à l’état de produit, thermodynamiquement plus stable.

En pratique, la plupart des métaux sont extraits de minerais (sols riches en oxydes métalliques). La transformation des oxydes en métal est un processus consommateur d’énergie pouvant s’écrire schématiquement de la manière suivante :

Minerai + Energie → Métal avec 𝐺}é~•J> 𝐺}K€M(•K Eq. I-5

Cette transformation nécessite plus ou moins d’énergie selon la nature des oxydes constituants les minerais. Dans l’histoire de la métallurgie, les premiers métaux découverts, produits et exploités par l’Homme présentaient des chaleurs de formation modérées [1]. Les hommes commencèrent par travailler le cuivre vers 4000 ans av. JC puis le bronze, alliage de cuivre et d’étain, entre 2500 et 1000 ans av. JC. L’âge du fer ne débute qu’avec l’apparition des premiers bas fourneaux, vers 1000 ans av. JC, dans lesquels des couches de minerais étaient superposées à des couches de charbon de bois pour atteindre la température de fusion du fer, plus élevée que celle du cuivre (1536 °C contre 1085 °C). Par la suite, il a fallu attendre le développement de l’ère industrielle et l’accroissement des capacités de production énergétique pour exploiter de nouveaux métaux nécessitant des chaleurs de formation plus fortes : cobalt, nickel, chrome, manganèse, aluminium, titane …

A l’inverse, le passage de l’état métallique à l’état d’oxyde s’accompagne d’une diminution d’enthalpie libre. La corrosion constitue ainsi un phénomène spontané dans lequel le métal tend à minimiser son énergie en adoptant sa forme oxydée de plus faible enthalpie. Dans les conditions terrestres, les métaux présents naturellement à l’état d’oxydes auront toujours tendance à retrouver leur état d’origine et seront par conséquent susceptibles de s’oxyder. A l’inverse, l’or pur ne se corrode pas car il est est stable à l’état métallique dans les conditions naturelles terrestres.

Afin de caractériser au mieux la spontanéité du processus de corrosion, il paraît donc essentiel d’exprimer analytiquement la variation d’enthalpie du système réactionnel. L’enthalpie libre de Gibbs d’un système fermé 𝐺 [ 𝐽] est définie par la relation (Eq. I-6) :

𝐺 = 𝑈 + 𝑃𝑉 − 𝑇𝑆 Eq. I-6

Où 𝑈 correspond à l’énergie interne [ 𝐽], 𝑃 est la pression [𝑃𝑎], 𝑉 est le volume [𝑚ƒ], 𝑇 est la température [𝐾] et 𝑆 l’entropie [ 𝐽/𝐾].

Dans le cas d’une réaction chimique, le système est considéré au repos à l’échelle macroscopique. La variation d’énergie du système au cours de la réaction ne résulte alors que de la variation de son énergie interne. D’après le premier principe de la thermodynamique, l’énergie interne 𝑈 d’un système résulte de la somme des échanges d’énergie avec le milieu extérieur sous forme de travail 𝑊ou de chaleur 𝑄. Le travail des forces extérieurs est généralement décomposé en 2 contributions : le travail des forces de pression 𝑊n tel que 𝛿𝑊n= −𝑃𝑑𝑉 et le travail résultant d’autres forces (électrique, mécanique…) 𝑊

(Eq. I-7) :

𝑈 = 𝑊n+ 𝑊+ 𝑄 Eq. I-7

Par application du second principe de la thermodynamique, la variation d’entropie du système chimique lors d’une évolution réversible se réduit au terme d’échange (terme de création interne nul) et de ce fait 𝛿𝑄 = 𝑇𝑑𝑆. La différentielle de l’énergie interne se déduit alors par la relation (Eq. I-8) :

𝑑𝑈 = −𝑃 𝑑𝑉 + 𝛿𝑊+ 𝑇 𝑑𝑆 Eq. I-8

La différentiation de l’équation (Eq. I-6) conduit à la formulation suivante de 𝑑𝐺 (Eq. I-9) :

𝑑𝐺 = 𝑉 𝑑𝑃 + 𝑆 𝑑𝑇 + 𝛿𝑊 Eq. I-9

L’enthalpie libre 𝐺 étant une fonction d’état, sa variation ne dépend pas du chemin suivi mais uniquement de l’état initial et et de l’état final du système. L’expression (Eq. I-9) reste donc valable même dans le cas d’une transformation irréversible (terme de création interne d’entropie non nul).

Dans le cas d’une réaction chimique, l’enthalpie libre du système varie en fonction de la nature et des quantités des différents constituants du système réactionnel (espèces chimiques 𝑖, au nombre de 𝑁). Willard Gibbs introduit alors la notion de potentiel chimique noté 𝜇K [ 𝐽/𝑚𝑜𝑙], qui correspond à la variation d’énergie libre du système induite par la variation de la quantité de matière relative à l’espèce 𝑖 dans ce système. Pour une transformation isobare et isotherme, elle s’exprime selon la relation (Eq. I-10) :

𝜇K = Ž𝜕𝑛𝜕𝐺

K

n,‘

Eq. I-10

Où 𝑛K est la quantité de matière relative à l’espèce 𝑖 [𝑚𝑜𝑙].

À température et pression constante, l’enthalpie libre d’un système à 𝑁 espèces peut donc être formulée selon l’équation suivante (Eq. I-11) :

𝐺 = ’“ 𝑛K 𝜇K K•`n,‘ Eq. I-11

En considérant la solution comme étant idéale d’un point de vue thermodynamique (loi de Lewis et Randall), il est possible d’obtenir la formulation suivante du potentiel chimique d’une espèce en solution (Eq. I-12) :

𝜇K= 𝜇K+ 𝑅𝑇 ln(𝑎K) Eq. I-12

- 𝜇K est le potentiel chimique standard de l’espèce 𝑖 [ 𝐽/𝑚𝑜𝑙] - 𝑅 est la constante des gaz parfait [= 8,3145 𝐽/(𝑚𝑜𝑙. 𝐾)] - 𝑇 est la température [𝐾]

- 𝑎K est l’activité de l’espèce 𝑖

L’activité d’un constituant est un nombre sans dimension dont l'expression dépend de son état physico-chimique. Elle est égale à l’unité pour un corps pur et peut être formulée en fonction de sa concentration molaire pour une espèce en solution selon la relation (Eq. I-13) :

𝑎K = 𝛾K [𝐶K]

[𝐶] Eq. I-13

- [𝐶K] est la concentration molaire de l’espèce ionique en solution 𝑖 [𝑚𝑜𝑙/𝐿] - [𝐶] est la concentration de référence [= 1 𝑚𝑜𝑙/𝐿]

- 𝛾K est le coefficient d’activité ; ce coefficient tient compte des interactions électrostatiques entre les différente espèces du mélange et quantifie donc l’écart entre une solution idéale (coefficient égal à l’unité) et la solution réelle (coefficient compris entre 0 et 1).

Pour des solutions fortement diluées, l’activité d’une espèce en solution peut être assimilée à sa concentration molaire (le coefficient d’activité est alors pris égal à l’unité). Le concept d’activité peut également être transposé aux espèces gazeuses. L’activité d’un gaz est alors égale au rapport de sa pression partielle sur la pression atmosphérique.

Si l’on considère une réaction chimique à 𝑁 constituants, la loi de conservation de la masse (Eq. I-14) peut être formulée comme suit :

“ 𝑛K

K•`

𝜐K = 0 Eq. I-14

Où 𝑛K est la quantité de matière de l’espèce 𝑖 [𝑚𝑜𝑙] et 𝜐K est le nombre stœchiométrique de l’espèce 𝑖 pris conventionnellement en valeur algébrique négative si l’espèce est un réactif et positive si c’est un produit.

Les quantités de matière des différentes espèces du système sont reliées entre elles par l’avancement de la réaction (ou variable de De Donder, du nom du chimiste belge qui l’a initialement introduite), noté communément 𝜉 [𝑚𝑜𝑙] :

𝑑𝜉 =𝑑𝑛𝜐 K

K

Eq. I-15

Finalement, la différentielle de l’enthalpie libre 𝑑𝐺 définie par la relation (Eq. I-9) peut être complétée par un terme supplémentaire obtenu par différentiation de l’équation (Eq. I-11) et être mise sous la forme suivante (Eq. I-16) :

𝑑𝐺 = 𝑉 𝑑𝑃 + 𝑆 𝑑𝑇 + 𝛿𝑊+ “ 𝜇K 𝜐K 𝑑𝜉

K•`

Eq. I-16

En thermodynamique, la grandeur caractéristique de la condition d'évolution d'une réaction chimique est la variation d'enthalpie libre de réaction notée ∆(𝐺 [ 𝐽/𝑚𝑜𝑙]. Elle correspond à la dérivée partielle de l’enthalpie libre 𝐺 par rapport à l’état d’avancement de la réaction pour une transformation isobare et isotherme (Eq. I-17) :

(𝐺 = Ž𝜕𝐺𝜕𝜉•

n,‘

Eq. I-17

Dans une réaction d’oxydo-réduction, les constituants du système réactionnel sont des espèces chargées, en équilibre entre plusieurs phases possédant des potentiels différents. Le mouvement ou le réarrangement spatial d’espèces chargées électriquement implique nécessairement l’existence d’un

travail d'origine électrique. Dans le cas d’une charge infinitésimale 𝑑𝑞 soumise au potentiel électrique 𝛷 [𝑉], le terme de travail électrique 𝛿𝑊 se met sous la forme (Eq. I-18) :

𝛿𝑊= 𝛷 𝑑𝑞 Eq. I-18

Au cours du processus réactionnel, la production et la consommation de charges électriques résultent des variations de quantités de matière relatives aux ions impliqués. Pour chaque porteur de charge 𝑖, on obtient donc la relation suivante (Eq. I-19) :

𝑑𝑞K = 𝑧K 𝐹 𝑑𝑛K Eq. I-19

Où 𝑧K est la charge de l’ion 𝑖 et 𝐹 est la constante de Faraday qui correspond à la charge molaire élémentaire (𝐹 ≃ 96 485 𝐶/𝑚𝑜𝑙)

Finalement, le terme de travail électrique résultant de la création (ou disparition) des porteurs de charges ioniques (au nombre de 𝑁) s’exprime selon l’équation (Eq. I-20) :

𝛿𝑊 = “ 𝛷K K•`

𝑧K𝐹 𝜐K 𝑑𝜉 Eq. I-20

En s’appuyant sur l’expression générale de la différentielle de 𝐺 (Eq. I-16) et sur la définition précédente (Eq. I-20), l’enthalpie libre de réaction peut être formulée à partir des potentiels chimiques 𝜇K et électrique 𝛷K des différents ions impliqués dans la réaction électrochimique selon la relation (Eq. I-21) :

(𝐺 = “ 𝜇K 𝜐K+ 𝛷K𝑧K𝐹 𝜐K

K•`

Eq. I-21

On peut définir le potentiel électrochimique d’un ion 𝑖 noté 𝜇̅K tel que l’enthalpie libre de réaction s’exprime comme (Eq. I-22):

(𝐺 = “ 𝜇̅K 𝜐K K•` Eq. I-22 Avec 𝜇̅K = 𝜇K+ 𝛷K𝑧K𝐹 Eq. I-23

Il est également possible d’écrire cette grandeur thermodynamique en fonction des activités des constituants du système en utilisant la définition (Eq. I-12) du potentiel chimique (Eq. I-24) :

(𝐺 = ∆(𝐺+ 𝑅𝑇 “ ln¤𝑎K¥¦§ K•` + 𝐹 “ 𝛷K 𝑧K 𝜐K K•` Eq. I-24

(𝐺 = “ 𝜐K 𝜇K

K•` Eq. I-25

Pour une évolution donnée de réaction (sens direct ou indirect), il est possible de faire la distinction entre les réactifs et les produits du système réactionnel ; l’enthalpie libre de réaction d’un système mettant en jeu 𝑁k réactifs et 𝑁n produits, de sorte que 𝑁k+ 𝑁n= 𝑁, s’énonce alors selon la relation suivante :

(𝐺 = ∆(𝐺+ 𝑅𝑇 ln(𝑄k) + 𝐹 “ 𝛷K 𝑧K 𝜐K

K•`

Eq. I-26

Où 𝑄k correspond au quotient de la réaction tel que (Eq. I-27) : 𝑄k = ∏ 𝑎© K¥¦

K•`

¬ 𝑎ª¥«

ª•`

Eq. I-27

Avec 𝑎K, l’activité du produit 𝑖 associé au coefficient stœchiométrique 𝜐K (en valeur absolue) et 𝑎ª celle du réactif 𝑗 associé au coefficient stœchiométrique 𝜐ª (en valeur absolue).

De façon analogue, l’enthalpie libre de réaction ∆(𝐺 peut s’exprimer en fonction de la constante

d’équilibre de la réaction, généralement notée 𝐾 (Eq. I-28) :

(𝐺 = −𝑅𝑇 ln (𝐾) Eq. I-28

La constante d’équilibre 𝐾 correspond en effet au quotient de la réaction à l’équilibre (∆(𝐺 = 0). Sa valeur est indépendante de la composition initiale du système, elle n’est fonction que de la température.

Le quotient de réaction permet de caractériser l'état d'avancement d'une réaction, et ainsi de prévoir son évolution. Lorsque le quotient de réaction est inférieur à la constante d’équilibre, le système évolue dans le sens direct de la réaction qui a été défini au départ ; la concentration (ou l’activité) des réactifs diminue et celle des produits augmente. A l’inverse, un quotient de réaction supérieur à la constante d’équilibre traduit une évolution dans le sens indirect de la réaction ; les réactifs voient donc leur concentration (ou activité) augmenter au détriment des produits qui sont consommés.

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