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Diagnostic de corrosion assisté par ordinateur des ouvrages métalliques

III.2. Diagnostic de corrosion assisté par ordinateur de 2 ouvrages métalliques enterrés constitués de rideaux de palplanches :

III.2.3. Corrosivité intrinsèque des sols en présence

Le comportement électrochimique de l’acier des palplanches au contact des trois strates de sol a été déterminé expérimentalement par un essai potentiostatique, explicité dans la partie III.2.2.1. Le potentiel de corrosion 𝐸&'(( de l’acier dans le sol est préalablement mesuré en l’absence de polarisation pendant 120 secondes. Les courbes de polarisation sont obtenues en appliquant une plage de polarisation allant de -300mV à +300mV par rapport au potentiel d’équilibre 𝐸&'((.

La sollicitation potentiostatique imposée à l’électrode de travail est explicitée en Figure III-26. L’acier des palplanches est polarisé par la contre-électrode avec des niveaux de polarisation croissants puis décroissants dans les sens anodique et cathodique. La durée de chaque échelon a été fixée à 180 secondes. Les polarisations maximale et minimale n’ont pas été utilisées dans la construction de la courbe de polarisation de l’acier car il n’y a pas de d’échelon de polarisation inverse associée, permettant de calculer la moyenne asymptotique. Un exemple des courants mesurés au cours de l’essai de polarisation pour les 3 sols en présence est illustré en Figure III-26 ; on notera bien que les données brutes collectées n’ont pas été corrigées de la chute ohmique qui diffère d’un sol à l’autre et peuvent donc être difficilement comparables en l’état.

Figure III-26 Exemple de résultats bruts collectés correspondant aux courants mesurés au cours de l’essai de polarisation potentiostatique pour les 3 sols en présence

La Figure III-27 représente les courbes de polarisation de l’acier au contact des trois strates de sol : sable de surface (marron), limon (vert) et sable profond (bleu). La densité de courant produite au niveau de l’acier est tracée en fonction du potentiel du métal par rapport à l’électrode de référence 𝐴𝑔 − 𝐴𝑔𝐶𝑙. Chaque point représente une valeur de densité de courant asymptotique (i.e. en régime permanent) mesurée pour une surtension appliquée et corrigée de la résistance ohmique du sol. Le modèle de Butler-Volmer (trait plein) est ensuite ajusté aux résultats expérimentaux et les paramètres électrochimiques associés à ce modèle sont consignés dans le Tableau III-4.

Figure III-27 Courbes de polarisation de l'acier des palplanches au contact des 3 strates de sol identifiées et ajustement du modèle théorique de Butler-Volmer (trait plein)

Type de sol 𝜷𝒂 𝜷𝒄 𝒊𝒄𝒐𝒓𝒓 𝑬𝒄𝒐𝒓𝒓

[𝑚𝑉/𝑑𝑒𝑐] [𝑚𝑉/𝑑𝑒𝑐] [𝑚𝐴/𝑚$] [𝑚𝑉]

Sable de surface 74 185 11,5 −583

Limon 32 157 13,6 −720

Sable profond 40 198 7,7 −690

Tableau III-4 Paramètres cinétiques du modèle de Butler-Volmer associés aux comportements électrochimiques de l’acier dans les trois couches de sols

La densité de courant de corrosion permet de statuer sur l’agressivité propre à chaque couche géologique prise indépendamment des autres. La vitesse de corrosion 𝑣&'(( (exprimée en perte d’épaisseur par unité de temps) peut être calculée à partir de la densité de courant de corrosion en appliquant la loi de Faraday selon l’équation suivante (Eq.III-21) :

𝑣&'(( =𝑖&'((2 𝐹 𝜌 𝑀ÚM

ÚM Eq.III-21

- 𝑖&'(( est la densité de courant de corrosion mesuré expérimentalement [𝐴/𝑐𝑚$] - 𝑀ÚM est la masse molaire du fer [= 55.845 𝑔/𝑚𝑜𝑙]

- 𝜌ÚM est la masse volumique du fer [= 7.874 𝑔/𝑐𝑚ƒ] - 𝐹 est la constante de Faraday [= 96485 𝐶/𝑚𝑜𝑙]

Le tableau 4 présente les vitesses de corrosion par face et les pertes d’épaisseurs ∆𝑒 des palplanches dans chaque strate géologique, en l’absence d’interactions galvaniques. La vitesse est donc définie ici pour une surface métallique au contact d’une seule couche géologique. Les conclusions présentées ci-après correspondent à un premier scénario de diagnostic (le plus simple) pouvant être qualifié de corrosion uniforme (effet seul d’un milieu géologique sur l’acier). Dans le cadre des palplanches, le phénomène de dissolution associé à ce type de corrosion affecte les deux faces au contact du sol. Ainsi, la perte d’épaisseur annuelle ∆𝑒 (exprimée en 𝑚𝑚/𝑎𝑛), colonne de droite du tableau, considère la consommation du métal sur ses deux faces (Eq.III-22).

∆𝑒 = 2. 𝑣&'(( Eq.III-22 Type de sol 𝒗𝒄𝒐𝒓𝒓 ∆𝑒 [𝑚𝑚/𝑎𝑛] [𝑚𝑚/𝑎𝑛] Sable de surface 0,013 0,026 Limon 0,016 0,032 Sable profond 0,009 0,018

Tableau III-5 Vitesses de corrosion et pertes d’épaisseur des palplanches dans les trois milieux géologiques en présence, considérés séparément, en conditions de corrosion uniforme.

Ces valeurs mesurées de vitesse de corrosion sont cohérentes avec les données sur la corrosivité des sols extraites de la norme NF EN 1993-5 (Eurocode 3 – Calcul des structures en acier – Partie 5 : pieux et palplanches) [151]. Considérée individuellement, chaque couche géologique présente une faible agressivité puisque dans le cas le plus défavorable (Limon), la corrosion consomme 1 mm d’acier en 30 ans, soit environ 7 % de l’épaisseur.

25 𝑎𝑛𝑠 50 𝑎𝑛𝑠 75 𝑎𝑛𝑠 100 𝑎𝑛𝑠 Sols ou remblais peu corrosifs 0,25 0,6 0,7 0,8 Sols ou remblais moyennement corrosifs 1,00 1,60 2,00 2,50

Sols ou remblais fortement corrosifs 2,50 4,00 5,00 6,00

Tableau III-6 Diminution totale d’épaisseur suivant la durée d’exposition (en mm) [151]

Cette faible agressivité du sol a été confirmée par l’analyse en laboratoire de l’eau de la nappe prélevée dans le forage. Sur le plan pratique, le prélèvement d’eau de la nappe en forage n’est pas trivial dans la mesure où l’opération de forage nécessite d’injecter de grandes quantités d’eau prélevée dans un bassin de rétention avoisinant les deux ouvrages. Il est alors difficile de distinguer l’eau de la nappe de l’eau de forage.

Pour une profondeur de forage donnée, stabilisée par tubage métallique, on introduit un dispositif de pompage en fond de forage. Dans un premier temps, l’eau pompée, collectée dans un réservoir de surface et donc observable, correspond exclusivement à de l’eau de forage clairement identifiable à sa forte turbidité. Lorsque l’eau de forage est totalement vidangée, deux cas de figure peuvent se présenter :

- Un arrêt de l’écoulement en sortie de pompe : ce cas signifie que le forage reste vide et ainsi que la nappe phréatique n’est pas atteinte ;

- Une transition progressive d’un écoulement d’eau trouble vers un écoulement d’eau claire en sortie de pompe : ici, l’eau de forage purgée est remplacée progressivement par l’eau de la nappe (claire) et l’écoulement se poursuit.

Cette transition entre écoulements d’eau trouble et d’eau claire a été observée à partir de 12 m de profondeur pour les deux ouvrages et l’eau collectée est alors identifiée sans ambiguïté comme provenant de la nappe phréatique. Deux prélèvements ont été effectués à 12 m et 14 m de profondeur (fond de forage). Une mesure du 𝑝𝐻 et un dosage des ions chlorures ont été conduits sur ces prélèvements d’eau de la nappe et les résultats sont consignés dans le tableau ci-dessous (Tableau III-7).

Profondeur de prélèvement [𝐶𝑙g] 𝑝𝐻

[𝑔/𝐿] [−]

12 𝑚 0,0476 8,05

14 𝑚 0,0707 8,14

Tableau III-7 Teneur en chlorures et pH des prélèvements d’eau de la nappe phréatique

Le 𝑝𝐻 de la solution porale du sol en contact avec l’acier des palplanches donne une indication sur la nature de la réaction cathodique impliquée dans le processus de corrosion. La légère basicité de la nappe phréatique permet d'énoncer que la réaction cathodique est vraisemblablement due à la réduction du dioxygène, sous réserve que ce dernier soit disponible en quantité suffisante dans la solution porale du sol.

D'autre part, les ions chlorure agissent comme une pompe à cations en générant des lacunes cationiques dans le film d’oxydes formé à la surface de l’acier. La faible concentration en ions chlorure de la nappe phréatique (près de 1000 fois moins que l’eau de mer) est donc bien le signe d’une faible corrosivité des sols en présence.

Les valeurs de vitesse de corrosion mesurées et discutées ci-dessus s’entendent ici dans des cas simples où la structure métallique n’est en contact qu’avec un seul milieu géologique (corrosion uniforme). Dans le cas des ouvrages étudiés, les structures sont en contact avec trois milieux, définissant ainsi autant de zones différentes à l’interface sol-structure.

La Figure III-28 permet de comparer sur le même graphique les courbes de polarisation de l’acier selon les différents milieux géologiques illustrant de ce fait la forte disparité du comportement électrochimique de l’acier sur la hauteur des palplanches.

On remarque que le potentiel de corrosion de l’acier est sensiblement différent en fonction de la couche de sol considéré ; le potentiel est en effet plus électronégatif dans la strate de limon (−720 𝑚𝑉/𝐴𝑔 − 𝐴𝑔𝐶𝑙) que dans les couches de sables adjacentes (−583 𝑚𝑉/𝐴𝑔 − 𝐴𝑔𝐶𝑙) pour la couche de sable supérieure et −690 𝑚𝑉/𝐴𝑔 − 𝐴𝑔𝐶𝑙) pour la couche inférieure). Les conditions de couplage galvanique interzones sont alors réunies et peuvent produire localement des augmentations très significatives de la densité de courant de corrosion (et corrélativement de perte d’épaisseur) par rapport à un scénario de corrosion uniforme dans un milieu géologique homogène. De manière qualitative, l’acier dans la couche

limoneuse joue le rôle d’anode et génère des électrons qui sont consommées par réduction du dioxygène à l’interface acier-sable dans les couches adjacentes. Cependant, l’estimation quantitative de ces courants de corrosion galvanique est plus difficile à appréhender car elle nécessite de simuler numériquement la structure dans son environnement géologique hétérogène. De fait, ce problème est souvent négligé dans les approches classiques de diagnostic corrosion alors qu'il constitue assurément l’un des principaux facteurs de risque. La suite de ce mémoire présente ainsi la démarche de simulation numérique de la corrosion galvanique des rideaux de palplanches dans leur environnement géologique hétérogène.

Figure III-28 Comparaison du comportement électrochimique de l’acier dans les différentes strates de sol et mise en évidence de la disparité du comportement de l'acier le long des palplanches.

L’analyse des autres paramètres cinétiques révèle une plus grande susceptibilité de l’acier à se polariser anodiquement dans la couche limoneuse. En effet, sa courbe de polarisation présente un coefficient de Tafel anodique 𝛽 plus faible et une densité de courant de corrosion plus élevée. La résistance de transfert de charge associée à l’oxydation du fer est alors plus faible, ce qui conduit à une augmentation de la capacité de l’acier à fournir un courant galvanique protégeant l’acier des couches sableuses limitrophes.

De plus, les coefficients de Tafel 𝛽& et 𝛽 sont essentiellement liés à la nature des réactions cathodique

et anodique impliquées dans le processus de corrosion. On notera que ces paramètres dépendent également de la température que l’on peut considérer à peu près constante sur 15 m de profondeur. Le coefficient de Tafel cathodique 𝛽& est sensiblement identique dans les deux couches sableuses (écart relatif de 6,5%) ce qui confirme que les espèces impliquées dans la réaction cathodique sont les mêmes (certainement le dioxygène dissous).

Le coefficient de Tafel anodique 𝛽 de l’acier dans la couche de limon est plus faible que les coefficients associés aux courbes de l’acier dans les couches de sable supérieure et inférieure (écart relatif respectivement de 130% et 25%). La réaction d’oxydation du fer est donc catalysée dans la couche limoneuse.

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